Lexbase Afrique-OHADA n°77 du 26 septembre 2024 Voir tous les numéros

 
La revue juridique OHADA
lexbase Afrique-OHADA n°77
26 septembre 2024

[Textes] Congo : Une nouvelle loi relative à la concurrence
par La rédaction
Réf:Congo, Loi n°16-2024 du 9 juillet 2024 relative à la concurrence N° Lexbase : A89995W9

Congo, Loi n°16-2024 du 9 juillet 2024 relative à la concurrence N° Lexbase : A89995W9

La République du Congo a récemment adopté une nouvelle loi sur la concurrence, visant à instaurer un environnement économique dynamique et équitable. Cette législation s'inscrit dans le cadre d'un engagement renforcé en faveur de la transparence et de la protection des consommateurs. La loi n°16-2024 du 9 juillet 2024 relative à la concurrence N° Lexbase : A89995W9 s’applique à toute personne physique ou morale, qu'elle soit publique ou privée, qui exerce de manière permanente ou occasionnelle des activités de production ou de distribution de biens et de services. Elle concerne également toutes les pratiques anticoncurrentielles ayant leur origine sur le territoire national ou à l’étranger, dont les effets peuvent influencer le marché intérieur.

La loi prévoit une réglementation des pratiques anticoncurrentielles, notamment les ententes (articles 4 et 5) et les abus de position dominante (articles 6 à 8). Les opérations de concentration ainsi que le régime des pratiques restrictives de concurrence sont également encadrés.

De plus, la loi établit une autorité de la concurrence, qui, en collaboration avec l’autorité communautaire (Commission de la CEMAC), sera chargée de mettre en œuvre les règles nationales et communautaires en matière de concurrence.

[Textes] Mali : Le nouveau dispositif relatif au "contenu local" dans le secteur minier
par La rédaction
Réf:Loi n°2023-041 du 29 août 2023 relative au contenu local dans le secteur minier N° Lexbase : A41611G9

Suite à la promulgation de la loi n°2023-041 du 29 août 2023 relative au contenu local dans le secteur minier au Mali N° Lexbase : A41611G9, trois décrets d'application ont été adoptés le 29 juillet 2024 par le régime de transition. Ces décrets visent à encadrer la mise en œuvre de la loi. Le premier décret fixe les conditions et modalités d’application de cette nouvelle législation, tandis que les deux autres approuvent les conventions d’établissement-type pour les phases de recherche et d’exploitation dans le secteur minier. Voici les références des textes :

  • Décret n°2024-0397/PT-RM du 09 juillet 2024 fixant les conditions et modalités d’application de la loi n°2023-041 du 29 août 2023 relative au contenu local dans le secteur minier N° Lexbase : A90915WM.
  • Décret n°2024-0398/PT-RM du 09 juillet 2024 portant approbation de la convention d’établissement-type pour la phase de recherche N° Lexbase : A91015WY.
  • Décret n°2024-0399/PT-RM du 09 juillet 2024 portant approbation de la convention d’établissement-type pour la phase d’exploitation N° Lexbase : A91045W4.

I. La loi

La loi malienne n°2023-041 du 29 août 2023 relative au contenu local dans le secteur minier définit ce contenu local comme « l’ensemble des dispositions et mesures exigeant des entreprises minières qu’elles privilégient les nationaux, les communautés locales, les entreprises nationales et les matériaux produits localement dans l’exercice de leurs activités ». Cette définition reflète une volonté claire de renforcer la préférence nationale. Une telle orientation pourrait être rattaché au contexte politique marqué par des tensions internes et la dégradation des relations entre le Mali et la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Le Mali s’oriente ainsi vers un certain protectionnisme et un repli national assumé par les autorités de transition.

Il n’en demeure pas moins que l’un des objectifs principaux de cette loi est de promouvoir l’emploi de la main-d’œuvre nationale et de favoriser la formation d’une main-d’œuvre qualifiée et compétitive. La loi vise également à améliorer la compétitivité des entreprises locales, définies comme « une entité dont le capital est détenu à au moins 51 % par des personnes physiques ou morales de nationalité malienne, avec un siège social au Mali et un effectif malien représentant au moins 50 % des coûts salariaux totaux ».

Le champ d’application matériel de la loi est vaste. Elle couvre toutes les activités liées directement ou indirectement à l'exploration, à la recherche, au développement, à l'exploitation et à la transformation des ressources minières, ainsi qu’à la gestion, au transport, au stockage et à la commercialisation des produits miniers.

S’agissant des acteurs, la loi s'applique à « toute personne physique ou morale exerçant des activités dans le domaine minier ». Elle impose aux opérateurs miniers, c'est-à-dire aux entreprises d'exploitation ainsi qu'aux sous-traitants, de mettre en place un plan de contenu local décrivant les activités de l'entreprise et les ressources nécessaires à leur réalisation, ce plan devant être actualisé chaque année.

Enfin, la loi établit un cadre institutionnel de pilotage du contenu local, composé d’un Cadre de Concertation sur le Contenu Local (CCCL), rattaché à la Présidence de la République malienne, et d’un Secrétariat Permanent chargé de l’exécution des dispositions relatives au contenu local.

II. Les décrets d’application

Les décrets d’application adoptés en juillet 2024 détaillent les modalités d'exécution de la loi sur le contenu local dans le secteur minier. Le Décret n°2024-0397/PT-RM du 09 juillet 2024, qui fixe les conditions et modalités d'application de la loi n°2023-041, précise notamment la composition et le fonctionnement du cadre institutionnel (CCCL et Secrétariat Permanent). Il détaille aussi les obligations des opérateurs miniers en matière de contenu local, les mécanismes de contrôle ainsi que les sanctions et voies de recours en cas de non-respect.

Le décret compte 69 articles, couvrant un large éventail d’aspects liés à la mise en œuvre de la loi. Quant aux deux autres décrets, ils approuvent les conventions d’établissement-type pour la phase de recherche (Décret n°2024-0398/PT-RM N° Lexbase : A91015WY) et la phase d’exploitation (Décret n°2024-0399/PT-RM N° Lexbase : A91045W4), fournissant ainsi un cadre contractuel entre l’État malien et les opérateurs miniers.

[Textes] Burkina Faso : Adoption d’une loi relative au contenu local dans le secteur minier
par La rédaction
Réf:Loi n°017-2024/ALT du 18 juillet 2024 relative au contenu local dans le secteur minier au Burkina Faso N° Lexbase : A45845YG

Loi n°017-2024/ALT du 18 juillet 2024 relative au contenu local dans le secteur minier au Burkina Faso N° Lexbase : A45845YG

Un peu moins d’un an après l’adoption de la loi malienne n°2023-041 du 29 août 2023 relative au contenu local dans le secteur minier N° Lexbase : A41611G9, le Régime de transition du Burkina Faso a, à son tour, promulgué une loi similaire, en date du 18 juillet 2024 (Loi n°017-2024/ALT du 18 juillet 2024 relative au contenu local dans le secteur minier au Burkina Faso N° Lexbase : A45845YG).

Cette législation définit le contenu local comme « l’ensemble des mécanismes portant sur le développement des capacités nationales dans la fourniture de biens et services, l’utilisation des ressources humaines locales, le transfert de technologies, la sous-traitance des entreprises et la promotion des investisseurs nationaux à travers toute la chaîne de valeur de l’industrie extractive ». Elle s’applique à l’ensemble des activités menées sur le territoire burkinabè, liées, directement ou indirectement, à la prospection, à la recherche, au développement, à l’exploitation, et à la fermeture des mines et carrières. Elle concerne également les activités de transport des substances minières, ainsi que la transformation, la valorisation et la commercialisation des produits issus du secteur minier.

Le champ d’application de cette loi est aussi étendu que celui de la loi malienne. En effet, la loi burkinabè n°017-2024/ALT s’impose aux entreprises minières, à leurs sous-traitants, co-traitants, ainsi qu’aux fournisseurs de biens et services opérant pour une entreprise minière ou de carrières sur le territoire national.

L’objectif principal de cette loi est de promouvoir le développement du capital humain burkinabè. Toutefois, elle demeure moins stricte que la loi malienne, laquelle impose des quotas rigides de contenu local aux entreprises du secteur. En revanche, la loi burkinabè introduit des quotas progressifs d’emplois locaux, selon les différents niveaux de responsabilité au sein des entreprises.

Une particularité notable de cette législation réside dans la création d’un fonds d’appui au développement du contenu local. Ce fonds a pour but de financer les activités relatives à la mise en œuvre du contenu local. Il sera alimenté, entre autres, par les amendes et pénalités, les dons et legs, ainsi que par une contribution des comptoirs et fournisseurs locaux de biens et services aux mines. Cette contribution sera prélevée sur les contrats de prestations et de ventes, tant au niveau local qu’à l’exportation, selon un barème progressif par tranches. 

[Textes] Cameroun : Nouvelle loi portant régime des forêts et de la faune
par La rédaction
Réf:Loi n°2024/008 du 24 juillet 2024 portant régime des forêts et de la faune N° Lexbase : A90965WS

Le Cameroun a récemment adopté une nouvelle loi visant à établir un régime de protection des forêts et de la faune. Ce texte, composé de 191 articles, a pour objectif de traduire les orientations politiques en matière de gestion forestière et faunique. Il met en place un cadre juridique englobant l'ensemble des règles relatives à la conservation, à la protection, à l’exploitation et à la surveillance du couvert forestier, ainsi qu'à la restauration des paysages dégradés. De plus, il promeut la valorisation et le renouvellement des ressources forestières et fauniques.

La loi aborde également des enjeux cruciaux tels que la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, la sécurisation des domaines forestiers, ainsi que la légalité et la traçabilité des produits issus de ces écosystèmes. En intégrant les droits coutumiers et les droits d’usage des communautés locales vivant à proximité des forêts, cette législation s’inscrit dans une démarche participative. Elle s'articule par ailleurs avec le régime foncier et domanial, définissant les règles de propriété des terres forestières.

[Jurisprudence] Côte d'Ivoire: Compétence du juge des référés et notion de contestation sérieuse
par La rédaction
Réf:Trib. Com. Abidjan, 30 août 2024, RG N° 3232/2024 N° Lexbase : A34145Y4

Trib. Com. Abidjan, 30 août 2024, RG N° 3232/2024 N° Lexbase : A34145Y4

Conformément aux articles 221 et suivants du Code de procédure civile, commerciale et administrative, la juridiction des référés est habilitée à prendre toutes mesures qui ne rencontrent pas une contestation sérieuse. De plus, l’article 226, alinéa 1, du même Code stipule que le juge des référés statue par ordonnance, et sa décision ne doit en aucun cas nuire au fond de l’affaire.

D’après l’analyse de ces textes par le tribunal, il ressort que la décision du juge des référés, en tant que juge de l’évidence, ne doit pas porter atteinte aux droits principaux. Le tribunal précise à cet égard que la juridiction des référés empiète sur le fond chaque fois qu’elle doit se prononcer sur des questions relevant de la compétence du juge du fond pour ordonner la mesure demandée.

Le tribunal clarifie également la notion de « contestation sérieuse » telle que définie à l’article 221 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative. Il est ainsi affirmé que « la contestation sérieuse est celle qui dépasse la simple dénégation et soulève une problématique dont la résolution ne relève pas de la compétence du juge des référés. »

En l’espèce, il découle de ces précisions qu’une demande de cessation de troubles, qui implique de se prononcer préalablement sur la propriété des fonds bâtis, constitue une contestation sérieuse échappant à la compétence du juge des référés.

[Jurisprudence] Côte d’ivoire : Compétence du juge des référés en matière résiliation d’un bail à usage commercial

Réf:Trib. Com. Abidjan, 14 août 2024, RG N° 3180/2024 N° Lexbase : A85095W3

Trib. Com. Abidjan, 14 août 2024, RG N° 3180/2024 N° Lexbase : A85095W3

Selon l'article 226, alinéa 1 du Code de procédure civile, commerciale et administrative : « Le juge des référés statue par ordonnance, sa décision ne peut en aucun cas porter préjudice au principal. » Cela signifie que le juge des référés, compétent pour les situations d'urgence et les mesures conservatoires, ne peut pas statuer sur le fond du litige dont il est saisi.

Les questions relatives à la résiliation d'un contrat de bail et à l'expulsion des locataires nécessitent un examen approfondi du contrat et des modalités d'exécution des obligations respectives des parties. De ce fait, elles dépassent le cadre de l'évidence et touchent directement au fond du litige. Dans ces conditions, le juge des référés ne peut intervenir que si le bail écrit comporte une clause résolutoire de plein droit. Dans un tel cas, son rôle se limite à vérifier si cette clause a été mise en œuvre, lui permettant ainsi de constater la résiliation automatique du contrat de bail.

Conclusion : En l'absence d'un contrat écrit incluant une clause résolutoire de plein droit, les questions de résiliation et d'expulsion relèvent du fond du litige et échappent donc à la compétence du juge des référés.

[Jurisprudence] Côte d’Ivoire : Nullité d’une assignation pour défaut de mention du nombre de rôles et de copies de pièces
par La rédaction
Réf:Trib. Com. Abidjan, 26 août 2024, N° 3200/2024 N° Lexbase : A04845X9

Trib. Com. Abidjan, 26 août 2024, N° 3200/2024 N° Lexbase : A04845X9

L'article 37 du décret n° 2019-567 du 26 juin 2019 N° Lexbase : A78674GH, tel que modifié par le décret n° 2023-560 du 7 juin 2023, impose des obligations formelles aux commissaires de justice concernant la rédaction de leurs actes. Cet article précise qu'un commissaire de justice doit, sous peine de nullité de ses actes, mentionner au bas des originaux et de leurs copies plusieurs éléments essentiels, notamment :

  • Le coût total de chaque acte,
  • Le nombre de rôles,
  • Le nombre de copies de pièces,
  • Le détail de tous les articles qui composent la tarification de l'acte, conformément à la réglementation applicable à la profession.

En cas de manquement à ces exigences, notamment si un exploit d'assignation ne comporte pas l'indication du nombre de rôles ou de copies de pièces, l'acte est frappé de nullité. Autrement dit, l'exploit d'assignation qui ne respecte pas ces formalités est considéré comme nul et de nul effet.

Solution : Cela implique que l'acte en question ne peut pas être utilisé comme base pour engager une procédure, et une nouvelle assignation conforme aux dispositions légales devra être rédigée pour régulariser la situation. Il est donc essentiel pour les commissaires de justice de se conformer rigoureusement à ces prescriptions afin d'éviter toute contestation ou nullité de leurs actes.

V. aussi:

Trib. com Abidjan, 8 août 2024, RG n° 3020/2024 N° Lexbase : A85345WY

Trib. com Abidjan, 28 mai 2024, RG n° 1191/2024 N° Lexbase : A26645PD

Trib. com Abidjan, 21 mai 2024, RG n° 1090/2024 N° Lexbase : A39815P7

 

 

[Le point sur...] L’Arrêt des poursuites pénales par le pouvoir exécutif au Cameroun
par Arouna TAFON, Enseignant-Chercheur à l’Université de Garoua Cameroun

D’après le principe d’indisponibilité de l’action publique, celle-ci est d’ordre public, il n’est donné à personne d’y renoncer[1], même le ministère public à qui est confié son exercice n’en a pas la disposition[2] et ne peut transiger à son sujet. Elle appartient à la société qui ne peut y renoncer que par la voie du pouvoir législatif[3]. Un particulier peut bien ne pas exiger la réparation du tort qu’on lui a fait, mais le pardon qu’il accorde ne peut détruire la nécessité de l’exemple[4]. Ce principe interdit au ministère public d’abandonner les poursuites après leur déclenchement[5]. Car, une fois l’action publique mise en mouvement[6], celle-ci devient « irrévocable et irréversible »[7]. De ce fait, la question d’opportunité ne devrait entrer en ligne de compte qu’en ce qui concerne le déclenchement de la poursuite, elle ne devrait plus intervenir au cours du déroulement du procès pénal, une fois que l’action publique est en mouvement. Le procureur ne devrait pas prendre des réquisitions tendant à faire arrêter les poursuites pour des raisons d’opportunité[8], et les juridictions d’instructions ou de jugements une fois saisies ne devraient décharger pour de telles raisons la personne poursuivie[9]. La suite à donner à l’action publique une fois engagée ne devrait résulter que de considérations strictement juridiques[10]. Ce sont elles qui devraient conduire le juge à statuer sur la culpabilité du prévenu[11]. Malheureusement, avec la consécration d’un pouvoir d’arrêt des poursuites à l’exécutif, le  désistement sur l’action publique est à présent possible. Les procédures pénales peuvent être arrêtées à tout moment avant le prononcé du verdict du juge.

En effet, l’exécutif a le pouvoir d’ordonner directement au ministère public de renoncer à une action publique pendante, soit devant le juge d’instruction, soit devant la juridiction de jugement. À ce sujet, le législateur est clair, car, il précise que « sur prescription du Président de la République, le ministre chargé de la justice militaire peut arrêter à tout moment, avant le prononcé du jugement, toute poursuite pénale devant le tribunal militaire »[12]. De même, le Code de procédure pénale camerounais N° Lexbase : A9760XNS a réaffirmé cette politique pénale. Car, il dispose également que « le procureur général près d’une cour d’appel peut, sur autorisation écrite du ministre chargé de la justice, requérir par écrit puis oralement, l’arrêt des poursuites pénales à tout stade de la procédure avant l’intervention d’une décision au fond, lorsque ces poursuites sont de nature à compromettre l’intérêt social ou la paix publique »[13]. D’après ces dispositions, il est clair que le législateur camerounais a fait le choix du nolle prosequi, c’est-à-dire le choix de l’arrêt des procédures pénales lorsque les poursuites sont de nature à compromettre l’intérêt général et la paix publique.  

En ce qui concerne l’arrêt des poursuites, c’est une notion qui doit être définie de façon séparée. Premièrement, la notion d’arrêt sera appréhendée ici comme une « interruption des poursuites »[14], une pause ordonnée par les autorités publiques sur les poursuites engagées. Deuxièmement, la notion de poursuite pour sa part sera considérée comme l’ensemble des actes accomplis par le ministère public, la victime de l’infraction ou certaines administrations, pour inviter la juridiction répressive compétente à sanctionner l’auteur d’une infraction[15]. Elle consiste également à saisir d’un fait la juridiction répressive compétente ou à requérir un juge d’instruction afin qu’il instruise[16]. D’après ce qui précède, la notion d’arrêt des poursuites pourra être comprise dans le cadre de ce travail comme une interruption des poursuites pendantes devant une juridiction répressive contre un prévenu ou un accusé[17].

Cependant, si les fondements de ce pouvoir ne sont pas à contester, les contraintes actuelles de l’État de droit qui affectent de façon corrosive le champ pénal justifient ou semblent éprouver cette prérogative de l’exécutif. Ainsi, vu la prise en compte des contraintes extérieures exercées sur le droit pénal national et la légitimité contemporaine de cette prérogative, il est opportun pour nous, de nous réinterroger sur ce pouvoir d’arrêt des poursuites pénales. De ce fait, quelle peut-être l’influence de la consécration d’un pouvoir d’arrêt des poursuites pénales à l’exécutif sur les principes régissant le procès pénal au Cameroun ? Dans le cadre de ce travail, nous procéderons à une analyse juridique des textes en vigueur. À travers cette démarche, nous démontrerons que la consécration d’un pouvoir d’arrêt des poursuites à l’exécutif conduit inéluctablement au bâillonnement de l’indépendance de l’autorité judiciaire (I) et porte d’ailleurs atteinte aux droits des parties à un procès pénal équitable (II). 

 

I- L’Arrêt des poursuites : Un pouvoir conduisant au Bâillonnement de l’indépendance de l’autorité judiciaire par l’exécutif

Le bâillonnement est l’action d’empêcher une personne de s’exprimer librement sans aucune inquiétude ou pression. Concernant l’indépendance, c’est la situation d’un organe public auquel son statut assure la possibilité de prendre ses décisions en toute liberté et à l’abri de toute instruction, de toute influence, de toute soumission[18] ou pressions[19]. « L’indépendance du tribunal se mesure au fait qu’il ne peut être soumis à des ordres ou à des instructions provenant de l’extérieur de la juridiction. Cette dernière doit prendre sa décision uniquement sur la base des règles de droit et conformément à son intime conviction »[20]. Cette indépendance qui jadis faisait la fierté du pouvoir judiciaire est atteinte dans son essence par la consécration textuelle d’un pouvoir d’arrêt des poursuites pénales à l’exécutif[21]. L’article 64 du Code de procédure pénale N° Lexbase : A9760XNS et l’article 13 du Code de justice militaire N° Lexbase : A9418XN7, consacrent de façon très claire une atténuation, non, une affirmation de la toute-puissance de l’exécutif, mais davantage une intrusion grave de l’exécutif dans le fonctionnement de la justice pénale au Cameroun[22]. Une telle mainmise de l’exécutif sur l’appareil judiciaire ne peut conduire qu’à l’obstruction de l’office du juge pénal (A) et à l’inféodation de l’autorité judiciaire à l’exécutif (B).

A. L’obstruction de l’office du juge pénal par la décision gouvernementale ordonnant l’arrêt des poursuites

            L’ordre d’arrêter les poursuites, lorsqu’il est donné, a pour conséquence immédiate, la paralysie de l’office du juge pénal. Car, dès la notification de cette décision gouvernementale, le juge se trouve immédiatement évincer sur l’action publique (1). Et, son pouvoir d’appréciation se trouve également paralysé par cet acte (2).

1- L’éviction du juge de l’action publique 

Lorsque la décision d’arrêter les poursuites est prise par l’autorité gouvernementale compétente[23], le juge doit impérativement constater son dessaisissement de l’action publique (a) et donner mainlevée des mandats éventuellement décernés contre les bénéficiaires de ladite mesure (b).  

a. Le dessaisissement du juge de l’action publique

            Le dessaisissement du juge est considéré comme « une perte du pouvoir de juger une affaire dont il était saisi (…) »[24]. Le dessaisissement du juge doit être compris ici comme celui qui intervient ante sentencia, c’est-à-dire avant toute décision au fond. De ce fait, lorsque la décision d’arrêter les poursuites pénales est prise, et, en fonction du moment de l’intervention de ladite décision, elle peut dessaisir soit le juge d’instruction, soit le juge de jugement de l’affaire pénale pendante devant lui. Ainsi, lorsque l’autorité exécutive compétente prescrit l’arrêt des poursuites pendantes soit devant le juge d’instruction, soit devant le juge de jugement[25], chacun en ce qui le concerne doit impérativement constater son dessaisissement sur l’action publique[26]. Ce dessaisissement concerne uniquement le volet pénal de l’affaire en rapport avec la personne bénéficiant de la magnanimité gouvernementale[27]. Ce pouvoir de dessaisir le juge pénal que détiennent certaines autorités exécutives conduit inévitablement à l’anéantissement de l’indépendance des juridictions d’instruction et de jugement[28]. En plus de se dessaisir de l’action publique, le juge doit aussi donner mainlevée des éventuels mandats décernés contre le bénéficiaire de la clémence gouvernementale[29].

b. La mainlevée des mandats éventuellement décernés par le juge pénal

            La décision instruisant l’arrêt des poursuites pénales, oblige le juge pénal à donner mainlevée des éventuels mandats décernés contre le bénéficiaire de la magnanimité gouvernementale. Les mandats éventuellement décernés par un juge d’instruction ou par une juridiction de jugement contre tout bénéficiaire de la décision d’arrêt des poursuites pénales doivent être levés par son auteur. De ce fait, les mesures de privation de liberté prises dans le but de faciliter l’instruction de l’affaire ne devraient plus produire des effets juridiques à l’égard des personnes bénéficiant de l’indulgence gouvernementale, sauf si ces bénéficiaires sont maintenant détenus pour d’autres faits n’entrant pas dans l’acte décisionnel pris par qui de droit[30]. Ainsi, lorsque l’arrêt des procédures pénales est ordonné alors que l’accusé est détenu ou fait l’objet d’un mandat d’arrestation en rapport avec lesdites procédures, le procureur s’assure que le greffe en soit informé afin que ce dernier puisse faire le suivi approprié[31]. En d’autres termes, si le juge a déjà décerné contre le bénéficiaire de la clémence gouvernementale, un mandat de détention provisoire[32] ou même les mesures de garde à vue, il doit impérativement donner mainlevée desdits mandats[33]. Aucun mandat de privation de liberté décerné par un juge pénal ne peut survivre à la décision d’arrêt des poursuites pénales prise discrétionnairement par l’autorité compétente[34]. En outre, en dehors d’évincer le juge de l’action pénale dont il est déjà saisi, la décision ordonnant l’arrêt des poursuites pénales paralyse aussi son pouvoir d’appréciation.

2- La paralysie du pouvoir d’appréciation du juge pénal

L’appréciation est techniquement considérée comme l’ensemble des opérations intellectuelles consistant pour le juge du fond à appréhender les faits litigieux afin d’en constater l’existence et d’en peser la portée, la gravité, la valeur, les caractères : en ce sens les appréciations englobent les constatations qui en sont parfois distinguées[35]. En fait, en matière pénale, les faits de l’espèce sont abandonnés à l’appréciation souveraine du juge. Le juge lorsqu’il est saisi d’une affaire, devrait librement apprécier les faits litigieux. Il doit apprécier souverainement toutes demandes introduites par les parties et en rapport avec l’affaire dont il est saisi. Ce pouvoir qui caractérise l’office du juge pénal est paralysé par l’autorité exécutive, chaque fois que celle-ci ordonne d’arrêter les poursuites pénales pendantes devant le juge. Les motifs soulevés par l’autorité gouvernementale compétente pour justifier sa volonté d’arrêter les poursuites pénales ne peuvent aucunement être appréciés par le juge. « Les motifs d’arrêt des poursuites sont d’ordre plus politique »[36], basé sur l’inopportunité des poursuites pénales. La décision prise par l’exécutif est une décision de souveraineté. 

Le juge ne peut non plus apprécier « le bien-fondé » [37]apparent de cette décision gouvernementale. Il ne peut apprécier si les poursuites jugées par l’autorité exécutive comme compromettantes pour l’intérêt social ou la paix publique le sont effectivement[38]. Si l’autorité gouvernementale compétente estime qu’une action pénale mettrait en danger la paix publique ou les intérêts socio-économiques de la nation, le juge ne s’en tient qu’à cela. C’est pourquoi, par le passé, à chaque fois que l’autorité exécutive compétente a eu à prendre des décisions d’arrêt des poursuites pénales, le juge pénal s’est toujours abstenu d’apprécier les motifs soulevés par ladite autorité pour justifier son acte. Le juge ne peut approuver ou désapprouver les arguments avancés par l’autorité exécutive pour justifier sa décision d’arrêter les poursuites. Il ne peut non plus contredire ladite autorité en refusant de se dessaisir de l’affaire pénale dont il est saisi, sous prétexte que les poursuites pénales invoquées comme potentiellement dangereuses pour l’intérêt général ou la paix publique ne les seraient pas à son avis[39]. Avec cette impossibilité d’apprécier l’opportunité ou le bien-fondé apparent d’une injonction gouvernementale, c’est l’autonomie du juge dans sa prise de décision qui est menacée, et généralement, son office, c’est-à-dire l’essence même de sa mission qui est déstabilisée[40]. Aucune possibilité n’étant offerte au juge d’apprécier l’opportunité de l’injonction qui lui est transmise ni son bien-fondé. Et on s’en prend à s’interroger sur la portée d’un tel dispositif[41]. Cette obstruction de l’office du juge pénal par une décision extrajudiciaire est une illustration parfaite de l’inféodation de la justice pénale camerounaise à l’exécutif.

B. L’inféodation de l’autorité judiciaire à l’exécutif

Au regard de ce pouvoir, il est indéniable que la justice pénale se retrouve soumise au diktat du pouvoir exécutif. L’exécutif est devenu indirectement le juge de l’opportunité des poursuites pénales engagées (1), ce qui est pour nous un déclassement des compétences juridictionnelles du juge (2).

1- L’exécutif, juge indirect de l’opportunité des poursuites pénales déjà engagées

L’appréciation de l’opportunité d’une action pénale ne relève plus uniquement du ressort de l’autorité judiciaire, actuellement l’exécutif y participe indirectement et parfois directement à cette appréciation. À présent, le procureur peut mettre en mouvement l’action publique et une fois les poursuites engagées, l’autorité exécutive compétente peut ordonner l’abandon de « l’accusation et arrêter le cours du procès, malgré la saisine d’une juridiction d’instruction ou de jugement »[42]. Car, dans certains cas, les poursuites causeraient plus de tort à l’ordre public qu’elles ne répareraient un soi-disant préjudice[43]. La consécration voilée d’un tel pouvoir à l’exécutif fragilise l’exercice de l’action pénale par le ministère public. En réalité, ce pouvoir fait indirectement de l’exécutif, juge de la nécessité de la poursuite à terme ou pas d’un procès pénal déjà engagé. Par exemple, si le Président de la République peut juger inopportune[44], les poursuites pénales engagées par le ministère public en décidant de son arrêt, a contrario, il peut juger de la nécessité de la poursuite de l’action pénale engagée jusqu’au prononcé de la décision du juge pénal, en tenant compte de sa dangerosité sociale. Ainsi, en tant que juge de l’opportunité de l’action pénale engagée, il a cependant un pouvoir d’apprécier discrétionnairement le seuil de dangerosité sociale d’une action pénale mise en mouvement[45].

En fait, les concepts « d’intérêt social » et de « paix publique » sur lesquels le législateur fonde le pouvoir d’arrêt des poursuites de l’exécutif sont des concepts « mous »[46] et surtout d’appréciation éminemment subjective. Il est difficile, voire pratiquement impossible, de dire à quel moment un acte est conforme à l’intérêt social. Le concept de paix publique paraît relativement plus objectif à partir de la situation à laquelle il s’oppose, à savoir la guerre, le trouble, l’agitation sociale, reste de difficulté d’établir un seuil à partir duquel il faut agir[47]. Le « caractère flou et indéterminé »[48] de ces notions renforce le pouvoir « d’appréciation »[49] de l’exécutif. Le législateur n’exige pas pour l’arrêt des poursuites pénales que l’intérêt social ou la paix publique soient réellement affectés. Il suffit que les poursuites soient de nature à compromettre ces objectifs. Dès lors, sur quoi se fondera-t-on pour dire et faire partager l’idée que les poursuites font courir un tel risque ? De ce fait, lorsque la juridiction d’instruction ou de jugement est déjà saisie d’une action pénale, l’autorité exécutive (le Président de la République ou le ministre en charge de la justice), devient seule compétente pour juger de la dangerosité sociale de la poursuite à terme d’un procès pénal. Cette situation déplorable est à notre  avis, une manifestation du déclassement voilé des compétences juridictionnelles du juge à l’exécutif.

2- Le déclassement voilé des compétences juridictionnelles du juge pénal à l’exécutif        

Le déclassement des compétences juridictionnelles du juge se traduit par « le fait de retirer au juge ses pouvoirs juridictionnels, avec une attribution des fonctions plutôt subalternes au lieu des fonctions qui lui sont constitutionnellement reconnues »[50]. En effet, ce pouvoir que détient l’exécutif contribue plutôt à l’effritement des fonctions du juge (a) et à la relégation du tribunal en une instance d’enregistrement des décisions gouvernementales (b).

a. L’effritement des fonctions juridictionnelles du juge pénal

Cette politique pénale n’est ni plus ni moins qu’une remise en cause de la compétence et même de la mission du juge. Elle effrite la fonction juridictionnelle du juge[51]. Lorsque le juge est notifié de la décision ordonnant l’arrêt des poursuites avant toute décision au fond, il n’est plus légalement compétent à se prononcer sur la culpabilité du bénéficiaire de ladite décision. Cet acte gouvernemental a pour principale implication de retirer au juge toute fonction de jugement relativement à la culpabilité ou à la sanction pénale de la personne poursuivie. L’on assiste -là à une sorte de « déjudiciarisation de la réponse sociale au phénomène criminel ; déjudiciarisation parce que cette réponse quitte le terrain judiciaire pour se retrouver sur le terrain de l’exécutif »[52]. Car, comme le disait un auteur, la réception de la nolle prosequi par le législateur camerounais est un moyen de renforcer « la prédominance de l’exécutif sur le judiciaire »[53]. Cet effritement des fonctions juridictionnelles du juge démontre clairement qu’au Cameroun, les normes juridiques ne sont pas effectivement mises en œuvre, à telle enseigne qu’« au-delà des principes proclamés, la justice est dans la réalité de ses relations avec le pouvoir politique un service subordonné et étroitement dépendant » [54]des caprices des autorités exécutives. 

Au regard de ce pouvoir consacré à l’exécutif, l’on peut dire que « l’autorité judiciaire est une simple branche de l’administration publique et non un troisième pouvoir (…). L’autorité judiciaire dans ce contexte, n’a pas pour fonction, comme dans le constitutionnalisme classique, de garantir la séparation et l’équilibre des pouvoirs et, partant la limitation des pouvoirs des gouvernants, mais un instrument du maintien de l’hégémonie administrative sur l’appareil d’État »[55]. Ce pouvoir permet tout simplement à l’exécutif « d’exercer un certain contrôle sur le pouvoir judiciaire »[56]. Il « apparaît désormais comme le véritable centre d’impulsion et de décision »[57] juridictionnelle. La puissance exécutive est devenue la « clé de voûte » des décisions juridictionnelles. L’autorité exécutive à travers ce pouvoir se comporte exactement comme un juge. Plus qu’une décision de politique criminelle, la décision ordonnant l’arrêt des poursuites pénales peut être une véritable décision au fond d’abandon de charges. Car, l’infraction étant bien constituée, donc assimilable à une véritable décision juridictionnelle parce que traitant des questions de libertés. Avec ce pouvoir, le tribunal se retrouve malheureusement relégué en une instance d’enregistrement des décisions gouvernementales.

b. La relégation du tribunal en une instance d’enregistrement des décisions gouvernementales

Avec cette prérogative reconnue à l’exécutif, le tribunal se retrouve reléguer en une instance d’enregistrement des décisions éventuellement prises par l’exécutif. Cette emprise de l’exécutif sur « les juges contraint ceux-ci à fonder leurs décisions »[58] uniquement sur celles fixées par l’exécutif. Car, en audience de constatation de l’arrêt des poursuites, la juridiction saisie pour faire exécuter la décision gouvernementale[59] ne peut transformer cette audience en une instance ouverte au débat ou à la discussion sur le fond de l’affaire pendante devant elle[60]. Il s’agit d’une audience spéciale[61]. L’ordre d’arrêter les poursuites ne laisse aucun choix au juge d’instruction ou à la juridiction de jugement[62]. Cette décision ampute le procès pénal d’un débat nécessaire. Toute poursuite des débats contradictoires sur la culpabilité du bénéficiaire de ladite décision est dès lors « écartée »[63]. Cette décision  ne nécessite pas le consentement du tribunal[64]. La seule chose que peut faire le juge pénal lorsqu’il se trouve notifier de l’acte décisionnel de l’autorité exécutive compétente est tout simplement d’enregistrer les vœux de l’autorité en question. S’il faut même interpréter cette décision gouvernementale, il ne peut le faire que pour déterminer soit ses bénéficiaires, soit son étendue temporelle et spatiale. Cette soumission du juge pénal aux diktats de l’exécutif est liée directement à l’absence de définition claire de la notion « d’intérêt social ou de paix publique » [65]par le législateur camerounais. Selon les doctrinaires ayant essayé d’apporter une définition, ils sont d’accord pour dire en commun qu’elles n’ont pas de contenu précis. On voit alors clairement comment « sous le jour très obscur »[66], l’exécutif entend ramener à la lumière et légitimer son intrusion dans le domaine judiciaire. Cet impérialisme est d’autant plus marqué que nous l’avons dit ci-haut, aucune possibilité n’est offerte au juge que ce soit à la phase d’instruction ou à la phase de jugement d’apprécier, les motifs ou le bien-fondé de la décision prescrivant l’arrêt des poursuites pénales. 

C’est pourquoi, par exemple, les injonctions présidentielles « d’arrêter les poursuites pénales »[67] ont toujours été exécutées dans l’immédiateté par les autorités judiciairement compétentes. Cette rapidité dans l’exécution par les tribunaux des ordres venant du pouvoir exécutif et de surcroît d’une autorité politique, est inéluctablement une manifestation de la « Présidentialisation du pouvoir judiciaire »[68]. Cette prérogative consacrée à l’exécutif est une démonstration du  recul du juge dans le processus de règlement du procès pénal. Cependant, la consécration de ce pouvoir à l’exécutif, n’affecte pas que l’autorité judiciaire, elle porte également atteinte aux droits des parties à un procès équitable. 

 

II- L’Arrêt des poursuites : Une politique pénale attentatoire aux droits des parties au procès

  La décision prescrivant l’arrêt des poursuites pénales en dehors de restreindre les droits de la victime infractionnelle (A), impacte aussi de façon négative les droits procéduraux de ses bénéficiaires (B).

A. La restriction des droits de la victime infractionnelle 

Malgré la survivance de l’action civile[69] dont les chances de succès sont pratiquement nulles (2), la décision ordonnant l’arrêt des poursuites conduit à la restriction de l’objet de la saisine du tribunal par la victime infractionnelle (1).

1-  La restriction de l’objet de la saisine du tribunal par la victime infractionnelle

Lorsqu’une infraction est commise, la victime a en principe la faculté d’exercer son action soit devant les juridictions civiles, soit devant les juridictions répressives. La victime a le droit de choisir la juridiction devant laquelle elle portera son action. Le choix de la juridiction n’est pas un choix anodin. Le choix par elle de la juridiction civile a pour unique objectif la réparation du préjudice subi. Le choix par contre de la juridiction répressive, vise deux objectifs non négligeables. Ce dernier choix vise concomitamment la réparation du préjudice infractionnel et la sanction pénale des comportements abjects du délinquant. En rappel, l’objet de la procédure pénale est l’application d’une peine[70]. La victime qui choisit la voie pénale a besoin d’être reconnue, non pas parce qu’elle a subi un préjudice – car dans ce cas, le procès civil serait tout aussi adapté – mais parce qu’elle est victime d’une infraction qui affecte aussi la collectivité[71]. La souffrance appelle donc un supplément de considération qui conduit à donner suite à son accusation et sa quête de vérité[72]. B. Mazabraud ne disait-il pas que « les impossibilités de punir les crimes de masses justifiaient des dispositifs de pardon, tandis que les impossibilités de pardonner justifiaient le devoir de punir »[73]. La peine est donc pour la victime, l’équivalence du mal qu’elle a subi[74]. La recherche de la condamnation pénale du délinquant par la victime s’entend de la « négation d’une négation »[75].

En plus, ce que la victime infractionnelle demande dans une procédure pénale est la réparation. Et, cette réparation passe par la punition de l’auteur du crime, même si cela ne peut revêtir qu’un sens limité, au vu des réelles attentes des victimes[76]. La psychologie enseigne que des victimes privilégient la recherche de la vérité et la condamnation du coupable à l’obtention d’une indemnité financière[77]. La saisine de la justice pénale par la victime n’a pas pour objet principal la réparation pécuniaire du ou des préjudices causés par l’infraction[78]. Son objet est purement répressif : en principe il s’agit d’assouvir un désir de vengeance de la part de la personne lésée par l’infraction[79]. De ce fait, la réparation pécuniaire à la victime n’est qu’accessoire et vient se greffer à l’action pour l’application des peines[80]. Il est dès lors surprenant qu’aujourd’hui, le « litige pénal soit en mesure d’être évité »[81]. L’arrêt des poursuites empêche plutôt la victime d’être satisfaite totalement de sa demande portée devant la juridiction pénale. Car, en dehors de demander la réparation des dommages subis du fait de l’infraction commise par le délinquant, la victime peut également demander à la juridiction saisie, de sanctionner pénalement le coupable. Elle peut même déclencher les poursuites pénales sans pour autant demander réparation[82], ce qui souligne le caractère vindicatif de cette action[83]. Elle n’est donc pas obligée lorsqu’elle saisit une telle juridiction de demander la réparation pécuniaire du préjudice infractionnel[84]. Le Professeur Xavier PIN décrit cette action comme une « revendication de dignité ou plus modestement de considération ou d’honneur », il explique qu’il s’agit d’un « besoin d’accusation » [85].

            L’arrêt des poursuites prive donc la société de son pouvoir le plus important, celui de sanctionner les comportements déviants[86]. Il apparaît instinctivement dangereux pour le droit pénal dont on comprend mal que celui-ci puisse se suffire de compromis, d’arrangements, de marchés si bien que dans son principe même, l’arrêt des poursuites apparaît vite contradictoire avec la finalité du droit pénal[87]. La problématique des droits des victimes est d’autant plus importante que celles-ci sont souvent sacrifiées sur l’autel de l’intérêt général de la société. La demande de la victime est donc ignorée par la justice au motif que l’intérêt général serait compromis en cas de satisfaction de l’intérêt de la victime infractionnelle. Ce choix idéologique ne permet pas la sauvegarde des intérêts de la victime infractionnelle. La victime ici subit donc deux déceptions : la victime non contente d’avoir été maltraitée par l’auteur des faits est aussi malmenée par la justice qui refuse de dire le droit[88]. Car, malgré la survivance de l’action civile, les chances de succès de celle-ci sont moindres.

2- L’amoindrissement des chances de succès de l’action civile de la victime infractionnelle

Selon le législateur camerounais lorsque l’action publique est arrêtée, le juge d’instruction ou la juridiction de jugement poursuit l’instruction ou l’examen de l’affaire sur l’action civile[89]. De ce fait, si l’on s’en tient à cette disposition, juridiquement, l’action civile ne pourrait être impactée par l’arrêt des poursuites pénales. Toutefois, face à cette cacophonie juridique, plusieurs questions qui restent jusqu’à présent sans réponse concrète nous taraudent l’esprit. Premièrement, lorsque l’action civile est pendante devant la juridiction d’instruction, le juge d’instruction a quels pouvoirs en l’état actuel du Code de procédure pénale N° Lexbase : A9760XNS pour instruire sur l’action civile indépendamment de l’action pénale ? Quelle serait la portée d’une telle instruction quand on sait que le juge d’instruction ne rend à titre juridictionnel que deux types de décisions : une ordonnance de renvoi ou une ordonnance de non-lieu ? En instruisant sur l’action civile, devant quelle juridiction renverrait-il l’affaire par la suite et comment s’appellerait alors sa décision ? De même, par quelle décision pourrait-il affirmer qu’il n’y a pas lieu à parler d’action civile ? Deuxièmement, la juridiction de jugement à qui ce texte demande de poursuivre l’examen sur l’action civile procédera par quelle alchimie ? Devra-t-elle renvoyer l’affaire devant une juridiction civile ou encore devra-t-elle en restant juridiction pénale ne statuer que sur l’action civile et de quelle manière ? 

Dans la première hypothèse, la juridiction en statuant civilement, se devra préalablement d’établir la faute de la personne mise en cause et par la suite, faire le lien de causalité entre la faute et le préjudice subi par la victime avant de condamner l’infraction à telle réparation. La solution prononcée, loin de satisfaire la victime, viendrait alors la conforter sur l’impunité pénale injustifiée de certaines personnes[90]. Plus dure encore sera la dernière hypothèse. Car, statuant es qualité de juridiction pénale, le préalable est de prononcer la culpabilité de la personne poursuivie avant de procéder à la réparation civile.

En effet, ces obstacles qui jonchent le parcours du juge pénal démontrent que les chances de succès de l’action civile qui survit après l’intervention de la décision d’arrêt des poursuites pénales sont pratiquement nulles. « Le maintien de cette action civile par le législateur camerounais n’est qu’un enfumage, une pure flatterie politique des victimes. Cette allusion viserait tout simplement à atténuer les remous des populations victimes des infractions objet d’arrêt des poursuites pénales »[91]. En réalité, il serait pratiquement impossible pour les victimes en l’état actuel du droit positif camerounais, d’obtenir devant le juge pénal, réparations des dommages qu’elles auraient subis après l’intervention d’une décision gouvernementale arrêtant les poursuites pénales. 

            En plus, la survie de l’action civile pose des problèmes en termes de règles d’instruction et de portée des actes[92]. Il faudrait se demander si le juge qui poursuit l’examen de l’affaire sur l’action civile doit se comporter dans la recherche des preuves, comme un juge civil ou comme un juge pénal. Ensuite, se poser la question également de la portée des constatations et de la solution de ce juge dans les poursuites pénales qui pourraient éventuellement être reprises. Il va dès lors paraître paradoxal, au stade de l’instruction, que le juge d’instruction continue d’instruire alors qu’il sait que l’action publique est arrêtée[93]. En plus, l’on sait pertinemment que l’action civile a pour objet la réparation de tout le dommage causé par une infraction à la victime[94]. De ce fait, le juge répressif ne peut, dès lors, indemniser le dommage souffert sur une autre base juridique que celle qui justifie la culpabilité des auteurs de l’infraction[95]. De même, il existe des juridictions qui ne peuvent connaître de l’action civile. C’est le cas par exemple des juridictions d’exception telles que la haute cour de justice qui ne peut recevoir les constitutions de partie civile[96]. De ce fait, la décision arrêtant les poursuites aura donc pour conséquence de banaliser les droits à la justice des victimes infractionnelles.

Au regard de ces obstacles pratiques, il est incontestable que la politique pénale d’arrêt des poursuites instaurées par le législateur camerounais ne peut que porter atteinte aux droits des victimes à un procès équitable. Le sort de l’action civile reste toujours incertain après la décision arrêtant les poursuites pénales. Car, « faute de reconnaître l’existence de l’infraction, le juge pénal ne devrait pas pouvoir statuer sur l’action civile »[97]. Cependant, malgré que la personne accusée ou soupçonnée soit la première bénéficiaire de cette politique pénale d’arrêt des poursuites, ses droits procéduraux sont aussi atteints.

B. L’impact de la décision d’arrêt des poursuites à l’égard de ses bénéficiaires

La politique pénale d’arrêt des poursuites n’épargne pas son plus grand bénéficiaire de ses conséquences négatives. En fait, cette décision de magnanimité gouvernementale laisse persister l’éventualité d’une reprise des poursuites pénales (1) et la suspicion de culpabilité des bénéficiaires dans l’imagerie populaire (2).

1- La persistance de l’éventualité d’une reprise des poursuites : Une situation angoissante pour le bénéficiaire de l’arrêt des poursuites

D’après le législateur camerounais, « l’arrêt des poursuites n’empêche pas leur reprise lorsqu’il s’avère nécessaire ou lorsque surviennent des éléments nouveaux tels que définis par le Code de procédure pénale N° Lexbase : A9760XNS»[98]. En fait, la décision ordonnant l’arrêt des poursuites, malgré qu’elle soit louable, est plutôt une semi-liberté accordée à l’accusé ou au prévenu. Les bénéficiaires d’une telle indulgence restent dans une situation d’angoisse permanente, liée à l’éventualité d’une reprise des poursuites qui pourrait intervenir à tout moment. L’arrêt des poursuites est donc une politique pénale à double tranchant. En même temps qu’elle temporise sur la procédure visant la condamnation pénale de l’accusé, elle le tient d’un autre côté avec ce risque probable de reprise des poursuites pénales. Cette probabilité de reprise des poursuites est « une épée de Damoclès » planant sans cesse sur la tête des bénéficiaires de la clémence gouvernementale. La personne ayant bénéficié d’une telle magnanimité gouvernementale, reste malgré tout plongée dans une inquiétude indescriptible. Car, ne sachant pas si les poursuites pourront bel et bien reprendre un jour. S’il est probable que ces poursuites reprennent, elle ne sait vraiment avec certitude quand cela pourrait avoir lieu. 

Cette situation d’incertitude permanente ne permet pas au bénéficiaire de la clémence gouvernementale d’être définitivement fixé sur le procès pénal qui a été engagé contre lui. Cette angoisse que vit ledit bénéficiaire est une situation d’emprisonnement à ciel ouvert. Ce qui est une manifestation directe de l’effacement de ses droits individuels[99]. Car, il n’est pas totalement libéré du fait de la décision arrêtant les poursuites, des accusations qui pesaient sur lui. Si l’on se situe dans l’hypothèse de l’arrêt de l’action publique parce que celle-ci était de nature à compromettre la paix publique[100], on peut penser que la reprise pourrait avoir lieu lorsque le risque de trouble ou d’agitation aura disparu[101]. De ce fait, il faudrait alors cependant souligner que l’arrêt des poursuites dont parle le législateur camerounais est un arrêt temporaire[102], c’est-à-dire qu’il s’agit en vérité d’une suspension des poursuites[103]. Alors que l’arrêt des poursuites devrait être considéré comme un pardon, une conciliation et la reprise des poursuites devraient se heurter à une sorte de fin de non-recevoir. L’arrêt des poursuites devrait empêcher toute autre poursuite contre l’accusé relativement aux mêmes accusations[104]. Compte tenu de l’illogisme de la reprise des poursuites, il faut dire qu’elle constitue un point noir dans toute la procédure pénale[105]. La justice pénale pourrait être en péril face à ce nouveau pouvoir discrétionnaire accordé par le législateur à certaines autorités publiques. « Le risque d’arbitraire et d’abus est bien réel »[106]. En fait, autoriser les autorités publiques à arrêter les poursuites, et par la même occasion admettre encore une reprise selon leur convenance, c’est bafouer toute logique judiciaire, c’est méconnaître le principe des avantages acquis et c’est laisser à la fantaisie de ces autorités, sans aucune justification, la chose la plus chère aux citoyens : la liberté. Car, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi »[107]. En outre, la décision ordonnant l’arrêt des poursuites pénales contribue également de façon indirecte à ternir l’image de ses bénéficiaires.

  2- La persistance d’une suspicion de culpabilité dans l’imagerie populaire

En toute logique, les personnes impliquées dans des poursuites pénales sont suspectées être coupables d’une infraction. Autrement dit, sans soupçon de culpabilité, il n’y a pas de poursuites : la culpabilité présumée, réputée, suspectée est un préalable indispensable à la répression. En fait, lorsque les poursuites pénales sont engagées contre une personne, il naît immédiatement dans l’imagerie populaire des suspicions de culpabilité à l’égard de la personne poursuivie. Cette suspicion de culpabilité ne disparaît que lorsqu’une décision juridictionnelle déclare ledit accusé non coupable ou prononce un non-lieu[108]. Si juridiquement, la personne poursuivie ayant bénéficié d’un arrêt des poursuites est toujours présumée innocente, telle n’est pas toujours la perception du citoyen « lambda ». La perception citoyenne de son innocence change négativement. Le bénéficiaire est dès lors vu par la population « lambda » comme un danger auquel chacun devrait se prémunir. Redoutant que le bénéficiaire de l’indulgence gouvernementale ait réellement commis des faits allégués, chacun évitera ledit accusé, de peur qu’il ne repasse à l’acte pour une nouvelle fois. Car, ne dit-on pas que « rumeur commune est rarement fausse »[109]. Cette inquiétude populaire[110] qui a toute « sa raison d’être »[111] prolonge incontestablement au sein de la population « la présomption de culpabilité » [112] du bénéficiaire de la clémence gouvernementale. 

D’ailleurs, l’on ne saurait empêcher la population de prendre garde contre une personne qui a pourtant échappé de justesse à une possible condamnation pénale du simple fait de la magnanimité d’une autorité extrajudiciaire, sous prétexte qu’elle est toujours présumée innocente. Si la justice qui est le dernier rempart pour la population de se débarrasser des personnes nuisibles à la paix sociale, n’arrive pas à fixer ladite population sur le comportement qu’elle doit objectivement adopter face à une personne accusée d’avoir commis des actes odieux, elle se réserve donc le droit de présumer ladite personne coupable, afin de prendre toutes les précautions possibles vis-à-vis du bénéficiaire de la décision d’arrêt des poursuites. La présomption d’innocence que prétend jouir l’accusé n’est pourtant pas absolue. Elle connaît cependant quelques exceptions, liées à la caractéristique de certaines infractions. Par exemple, une personne qui ne peut justifier de ressources correspondant à son train de vie et qui vit avec une personne se livrant habituellement à la « prostitution »[113] est considérée comme « proxénète »[114]. Dans ce cas d’espèce, il revient plutôt à la personne accusée d’une telle infraction d’apporter la preuve de sa non-culpabilité. Et, si une telle personne bénéficiait d’un arrêt des poursuites, cette suspicion de culpabilité qui naît de cette accusation gravissime va au contraire persister dans l’imagerie populaire, rendant difficile la reconsolidation de sa réputation bafouée.

De même, une personne injustement accusée de viols ou sodomie sur mineurs de moins de dix (10) ans par exemple, en principe, ne peut se réjouir de la décision gouvernementale arrêtant les poursuites engagées contre elle. Pour une personne soucieuse de son honorabilité et de sa réputation, cette décision l’empêchera plutôt de se défaire des suspicions de culpabilité qui pèsent sur elle au sein de la société. L’accusation faite contre une personne est comme l’opprobre ou un anathème jeté contre elle[115]. La personne dont la réputation est ternie, bafouée du fait des accusations fallacieuses, ignobles et graves portées contre elle, a intérêt à ce que le procès pénal aille jusqu’à son terme. Seule la tenue d’un procès public lui permettrait de laver son honneur bafoué[116]. Une telle personne n’a pas besoin qu’une décision extrajudiciaire et de surcroît politique vienne ordonner au juge d’arrêter les poursuites pénales contre elle. Une telle décision ne peut jouer en faveur de la reconsolidation de sa réputation bafouée. Elle conduira plutôt à l’effritement de sa présomption d’innocence en faveur de sa présomption de culpabilité[117]. Seul l’accusé qui reconnaît intérieurement sa culpabilité face aux accusations portées contre lui pourrait louer ou vénérer une telle décision extrajudiciaire. C’est dans cette logique de consolidation de la réputation et de l’honorabilité des personnes injustement accusées que « les dénonciations calomnieuses »[118] sont réprimé pénalement.

 

A titre conclusif, au Cameroun, avec ce pouvoir d’arrêt des poursuites, l’exécutif est devenu indirectement le véritable centre d’impulsion des décisions juridictionnelles. En effet, la consécration d’un tel pouvoir à l’exécutif contribue sans doute à la soumission du pouvoir judiciaire à l’exécutif et à la fragilisation de l’État de droit. Car, l’exercice de ce pouvoir, en dehors de fragiliser l’indépendance de l’autorité judiciaire, il porte également atteinte aux droits procéduraux des parties au procès pénal. Autrement dit, l’exercice par l’exécutif de ce pouvoir fragilise les principes régissant le procès pénal. Parmi ces principes nous pouvons citer entre autres : le principe d’indépendance du juge, le principe d’indisponibilité de l’action publique, etc. Cependant, avec la consécration d’un tel pouvoir à l’exécutif ne court-on pas le risque de voir ses dépositaires l’utiliser arbitrairement ou abusivement ?

 

[2]  Ibidem.

[3] B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 18ème éd., Sirey, Paris, 2011, p.190.

[4]  C. Beccaria, Des délits et des peines, Édition du Boucher, 2002, p.69.

[6] G. Kambale Mathe, « Réflexions sur le classement pour inopportunité des poursuites face à la politique criminelle en droit positif congolais », Univ. De Goma-Unigom, en ligne, p.5.

[7] S. Gaston, G. Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, 19ème éd., Dalloz, Paris, 2004, p.550

[8] F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3ème éd., Economica, Paris, 2013, p.781.

[9]  C. S. Arrêt n° 139 du 14 mars 1972, RCD, n° 3, p.70.

[10] C. Boisclair, « L’entente sur les mesures volontaires dans la loi sur la protection de la jeunesse », RDUS, n°143, 1982, p.208.

[11] S. Gaston, G. Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, préc., p.550.

[12]  Article 13 de la loi n°2017/ du 12 juillet 2017 portant Code de justice militaire N° Lexbase : A9418XN7.

[13]  Article 64 de la loi n°2005/001 du 21 juillet 2005 Portant Code de Procédure Pénale du Cameroun N° Lexbase : A9760XNS.

[14] Poursuites pénales : les pouvoirs du procureur général et des procureurs de la couronne, Rapports et documents de travail de la Commissaire de réforme du droit du Canada 130, rue Albert, 7e étage Ottawa, Canada 1990, p.103.

[15] Ph. Keubou, Précis de procédure pénale camerounais, PUA, Yaoundé, 2010, p.121.

[16] O. Michiels et G. Falque, Procédure pénale, 6ème éd., Master en droit Univ. De Liège, Année Académique 2017-2018, p.11.

[17] A. Tafon, Le Pouvoir pénal du Président de la République au Cameroun, Thèse de Doctorat en Droit privé et Sciences  Criminelles, soutenue à l’université de Ngaoundéré, le 9 Juillet 2021, p.230.

[18] A. Maïtë, L’indépendance de la justice à l’épreuve des affaires, Mémoire de Master en droit, Institut d’étude politique de Lyon, Le 19 Juin 2006, p.3.

[19] G. Cornu, Vocabulaire Juridique Henri Capitant, 11ème éd. PUF, coll. « Quadrige », Paris, 2016, p.536.

[20] Th. Care et Ca. Ginestet, Droit Pénal et Procédure Pénale, 2ème éd., Dalloz, Paris, 2002, p.188.

[21]  A savoir le Président de la République et le Ministre en charge de la Justice.

[22] G.-O. Moteng Djoum, « Réflexions sur l’article 64 du Code de procédure pénale camerounais », Publié le 8 oct. 2010, en ligne

[23]  Le Président de la république ou le ministre en charge de la justice.

[24] G. Cornu, Vocabulaire Juridique Henri Capitant, préc., p.338.

[25] C’est fût le cas de la décision présidentielle du 4 octobre 2019 ordonnant l’arrêt des poursuites contre certains militants du mouvement pour la renaissance du Cameroun ; de la décision présidentielle du 3 octobre 2019 prescrivant l’abandon des poursuites contre 333 personnes qui étaient en instance de jugement devant certains tribunaux militaires du Cameroun, etc.

[26] J.-M. Tcakoua, Les tendances de la nouvelle procédure pénale camerounaise, PUA., Vol.1, Yaoundé, 2007, p.98.

[27] En effet, certaines décisions d’arrêt des poursuites prises dans le passé par le Président de la République avaient eu pour effet, de dessaisir directement le juge d’instruction des affaires pénales pour lesquelles il était saisi. C’est fût d’ailleurs le cas de sa décision d’arrêt des poursuites prise le 30 août 2017 et dessaisissant le juge d’instruction du tribunal militaire de Yaoundé des affaires pénales pendantes devant lui.

[28] Jugement n°216/CRIM du 4 oct.2019 du TMY, affaire Ministère public c/Ajumbi Kingslay Ngwa et autres.

[29]  A. Tafon, Le Pouvoir pénal du Président de la République au Cameroun, préc., p.235.

[30] C’est fût le cas du 1èr vice-présidence du MRC (Mamadou Yacouba Mota), ce dernier avait été arrêté et poursuivi devant le tribunal militaire de Yaoundé pour hostilité contre la patrie, réunion et manifestation non autorisée, (…). Au lendemain de l’arrêt des poursuites ordonnées par le Président de la République contre les personnes qui avaient été arrêtées dans le cadre des manifestations tenues les 26 janvier 2019, le 1èr et le 8 juin 2019, les mesures de détentions qui avaient été prises par les autorités judiciaires furent levées et ces personnes furent libérées à l’exception de Monsieur Mamadou Yacouba Mota. Car, il était détenu pour d’autres faits qui n’avaient rien à voir avec ceux définis minutieusement par le Président de la République dans sa décision d’arrêt des poursuites.

[31]  Directives du directeur des poursuites criminelles et pénales, Canada, Province de Québec, p.2.

[32] Par exemple, au lendemain de l’arrêt des poursuites ordonnées le 30 Août 2017 par le Président de la République, les mandats de dépôt qui avaient été décernés par le tribunal militaire de Yaoundé suite aux violences survenues dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest contre les nommés Nkongo Félix Agbor, Fontem Aforteka’a Neba, Paul Ayah Abine, avaient tous été levés par ledit tribunal militaire. 

[33] Jugement n°217/CRIM du 5 oct.2019 du TMY, Affaire ministère public c/Maurice Kamto et autres.

[34] F. Essambe Ngoudjede, L’arrêt des poursuites pénales au Cameroun, Mémoire de Master en droit privé, soutenu à l’univ. Ng., 2010, p.48.

[35]  G. Cornu, Vocabulaire Juridique Henri Capitant, préc., p.76.

[37] S. Gaston, G. Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, préc., p.542.

[38] Article 64 de la loi n°2005/001 du 21 juillet 2005 portant Code de Procédure pénale du Cameroun N° Lexbase : A9760XNS et l’article 14 (1) de la loi n°2017/012 du 12 Juillet 2017 portant Code de Justice Militaire N° Lexbase : A9418XN7.

[39] A. Tafon, Le Pouvoir pénal du Président de la République au Cameroun, préc., p.246.

[40] F. Hourquebie, « L’indépendance de la justice dans les pays francophones », Les Cahiers de la justice, n°2, 18/4/2012, p.55.

[41] O. Guy et Dj. Moteng, « Réflexions sur l’article 64 du Code de procédure pénale camerounais », en ligne, Publié le 8 oct. 2010.

[42] A. Tafon, Le Pouvoir pénal du Président de la République au Cameroun, préc., P229.

[43] Selon l’article 14 (1) de la loi n°2017/012 du 12 Juillet portant Code de Justice militaire de 2017 l’arrêt des poursuites pénales peut être ordonné « (…) lorsque ces poursuites sont de nature à compromettre l’intérêt social ou la paix publique ».

[44] O. Michiels et G. Falque, Procédure pénale, préc., p.14.

[45]Poursuites pénales : les pouvoirs du procureur général et des procureurs de la couronne, Rapports et documents  de travail de la Commissaire de réforme du droit du Canada, 1990, p.106.

[46] M.-A. Hermiette, « Le rôle des concepts mous dans les techniques de déjudiciarisation, l’exemple des droits intellectuels », Arch. Phil. Droit, 1985, p.331 et s.

[47] J.-M. Tcakoua, Les tendances de la nouvelle procédure pénale camerounaise, préc., p.100.

[49]  Ibidem.

[50] A. Tafon, Le pouvoir pénal du Président de la République au Cameroun, préc., p.250.

[51] J. Leblois-Happe, « De quelques manières de ‘’tuer’’ le juge judiciaire », In légalité, légitimité, licéité : regards contemporains, Mélanges en l’honneur du professeur Jean François Seuvic, 2018, p.630.

[52] A. Tafon, Le Pouvoir pénal du Président de la République au Cameroun, préc., p.255.

[53] F. Essambe Ngoudjede, L’arrêt des poursuites pénales au Cameroun, Mémoire de Master en droit privé, soutenu à l’Univ. N’Gaoundéré., 2010, p.57.

[54] J. Du Bois De Gausson, « Le statut de la justice dans les Etats d’Afrique Francophone », La Justice en Afrique, Documentaire française, Paris, 1990, p.7.

[55] Bl.-Ng. Herman, « Le droit international pénal à l’épreuve des régimes politiques africaines », Revue québécoise de droit international,Vol.29, n°1, 2016, p.107-129. 

[57] L. Favoreu, Droit constitutionnel, 19ème éd., Dalloz, Paris, 2016, p.671.

[58] Bl.-Ng. Herman, « Le droit international pénal à l’épreuve des régimes politiques africaines », préc., p.107-129.

[59] C. Cadoux, « Le statut et les pouvoirs des Chefs d’Etat et des Gouvernements », In Les institutions constitutionnelles des Etats d’Afrique Francophone et de la République Malgache, Economica, Paris, 1979, p. 82.

[60] Jugement n°184/CRIM/17 du 31/08/2017 du TMY, Affaire ministère public c/Fontem Aforteka’a NEBA et autres.

[61] Audience criminelle spéciale du Tribunal Militaire de Yaoundé en date du 4 octobre 2019 ayant abouti au Jugement n°2016/CRIM/19 du 4 octobre 2019 dans l’affaire Ministère public contre Ayong Raymond et autres.

[62] J.-M. Tcakoua, Les tendances de la nouvelle procédure pénale camerounaise, préc., p.98.

[63] L. Romain, Alternatives aux poursuites et droit au juge, Master 2 en droit pénal et Science pénales, Univ. Panthéon-Assas Paris 2, Année Académique, 2010-2011, p.34.

[64] Poursuites pénales : les pouvoirs du procureur général et des procureurs de la couronne, Rapports et documents de travail de la Commissaire de réforme du droit du Canada 130, rue Albert, 7e étage Ottawa, Canada 1990, p.104.

[65]  Article 13 de la loi n°2017/012 du 12 juillet 2017 Portant Code de Justice Militaire N° Lexbase : A9418XN7.

[66] O. GUY et Dj. Moteng, « Réflexions sur l’article 64 du Code de procédure pénale camerounais », préc...

[67] Poursuites pénales : les pouvoirs du procureur général et des procureurs de la couronne, Rapports et documents de travail de la Commissaire de réforme du droit du Canada 130, rue Albert, 7e étage Ottawa, Canada 1990, p.104.

[68] A. Tafon, Le Pouvoir pénal du Président de la République au Cameroun, préc., p.252.

[69] « Lorsque l’action publique a été arrêtée en application (…), le juge d’instruction ou la juridiction de jugement poursuit l’instruction ou l’examen de l’affaire sur l’action civile », Voir article 64 de la loi n°2005/001du 21 juillet 2005 portant Code de procédure pénale du Cameroun N° Lexbase : A9760XNS.

[70] L. Romain, Alternatives aux poursuites et droit au juge, préc., p.44.

[71] G. Vidal et A. Magnol, Cours de droit criminel et de Sciences pénitentiaires, Edition Dalloz, t.2, p.883.

[72] F. Dreyer, La médiation pénale, objet juridique mal identifié, JCPG., n°14, I, 2 avril 2008, p.131.

[73] B. Mazabraud, cité par J.-F. Petit et L. Ki-Zerbo, Justice transitionnelle, justice alternative, Edition franciscaines, Paris, 2017, p.33.

[74] p. Ricoeur, Le conflit des interprétations, « interprétation du mythe de la peine », Ed., Seuil, 1969, p.348 et s.   

[75] Ph. Soual, Le sens de l’Etat. Commentaire des principes de la philosophie du droit de Hegel, éd., Louvain, Pecters, 2006, p.169.

[76] M. Rauschenbach et D. Scalla, « Victims and internal criminal justice : a vexed question? », RICR., n°870, p.441.

[77] J ; Pradel, Procédure pénale, 15ème éd., Paris, Cujas, 2010, p.215.

[78]  Y. Josephe-Ratineau, La privatisation de la répression pénale, Thèse de Doctorat, droit privé, Univ. Paul Cézanne-Aix-Marseille, soutenue le -déc.2013, p.236.

[80] Cass. Crim., 16 décembre 1980, Bull. n°348, Dalloz, 1981, p.217 ; Cass. Crim., 15 oct. 1992, Bull. Crim., n°222, Dalloz, 1993, p.381, Obs. Derrida (F.).

[81] Bl. Mallet-Bricout et C. Nourissat, La transaction dans toutes ses dimensions, éd., Paris, Dalloz, 2006, p.148.

[82]  S. Tadrous, La place de la victime dans le procès pénal, Thèse de Doctorat en Droit. Université Montpellier, 2014. p.47.

[84]  S. Tadrous, La place de la victime dans le procès pénal, préc.. p.55.

[85]  X. Pin, « La privatisation du procès pénal », RSC, 2002, p.251.

[86]  L. Romain, Alternatives aux poursuites et Droit au juge, préc., p.18.

[87]  Ibidem.

[88] L. Aubert, « Systématisme pénal et alternatives aux poursuites en France : Une politique pénale en trompe-l’œil », Droit et société, n°74, 2010, p.17 et s.

[89] Article 64 (3) de la loi n°2005/001 du 21 juillet 2005 Portant Code de procédure pénale du Cameroun N° Lexbase : A9760XNS et l’article 14 (2) de la loi n°2017/012 du 12 juillet 2017 portant Code de Justice militaire du Cameroun. 

[90] O. Guy et Dj. Moteng, « Réflexions sur l’article 64 du Code de procédure pénale camerounais, préc..

[91] A. Tafon, Le Pouvoir pénal du Président de la République au Cameroun, Op.cit, p.279.

[92] J.-M. Tchakoua, Les tendances de la nouvelle procédure pénale camerounaise, préc., p.98 et s.

[93] S.Yawaga, L’information judiciaire dans le Code de procédure pénale, PUA, Yndé, 2007, p.50.

[94] O. Michiels et G. Falque, Procédure pénale, préc., p.49.

[95] J. De Codi, « Le règlement des intérêts civils par la juridiction pénale après la loi du 13 avril 2005 », J.T., 2006, p.349. ; voir aussi O. Michiels, « La rencontre inévitable entre l’autorité de la chose jugée du pénal sur le civil et la réserve des intérêts civils », Obs. sous Liège, 12 juin 2012, J.L.M.B., 2012, p.1351.

[96]  Th. Caré et C. Ginestet, Droit Pénal et Procédure pénale, préc., p.268.

[97]  Th. Caré et C. Ginestet, Droit Pénal et Procédure pénale, préc., p.273.

[98]  Article 14 (3) de la loi n°2014/028 du 23 Juillet 2017 portant Code de justice militaire N° Lexbase : A9418XN7.

[99]  A. Tafon, Le Pouvoir pénal du Président de la République au Cameroun, préc., p.286.

[100]  Article 64 de la loi n°2005/001 du 21 juillet 2005 portant Code de Procédure pénale du Cameroun.

[101] p. Lascoumes, Les affaires ou l’art de l’ombre, Le Centurion, 1986, p.233.                

[102] J.-M. Tchakoua, Les tendances de la nouvelle procédure pénale camerounaise, préc.,  p.94.

[103] Poursuites pénales : les pouvoirs du procureur général et des procureurs de la couronne, Rapports et documents de travail de la Commissaire de réforme du droit du Canada 130, Canada 1990, p.106.

[104] Poursuites pénales : les pouvoirs du procureur général et des procureurs de la couronne, préc., p.107.

[105] J. Tchuisseu, L’action civile devant la juridiction militaire au Cameroun, Mémoire de Maîtrise en droit privé, Univ., Yndé, 1987-1988, p.26.

[106] O. Michiels et G. Falque, Procédure pénale, préc., p.14.

[107] X. Anonin, La spécialité contraventionnelle en matière pénale, Thèse de doctorat en droit, Univ. Aix Marseille, p. 31.

[108] H.-M. Moneboulou Minkada, « La crise de la présomption d’innocence : regard croisé sur la procédure pénale camerounaise et la CPI », Juridical Tribune, Vol.4, Issue 2, Déc.2014, p. 85.

[109] B.-A. Langui, « Les adages du droit pénal », RSC, 1986, p.26.

[110] Y. Pozo et P. Rebughini, « Présomption d’innocence et stéréotype sociaux : Quand deux mères sont accusées d’infanticides », in ‘’La présomption d’innocence’’Revue de l’institution de criminologie, Vol.4, 2003-2004, p. 90.

[111] Y. Pozo et p. Rebughini, « Présomption d’innocence et stéréotype sociaux : Quand deux mères sont accusées d’infanticides », préc., p. 90.

[112] H.-M. Moneboulou Minkada, « La crise de la présomption d’innocence : regard croisé sur la procédure pénale camerounaise et la CPI », préc., p. 69.

[114] Article 294 de la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code Pénal Camerounais N° Lexbase : A9467XNX.

[115] H.-M. Moneboulou Minkada, « La crise de la présomption d’innocence : regard croisé sur la procédure pénale camerounaise et la CPI », préc., p.84.

[116] A ; Tafon, Le Pouvoir pénal du Président de la République au Cameroun, préc., p.293.

[117] H.-M. Moneboulou Minkada, « La crise de la présomption d’innocence : regard croisé sur la procédure pénale camerounaise et la CPI », préc., p.93.

[118]  Article 304 de la loi n°2016/007 du 12 Juillet 2016 Portant Code Pénal camerounais.

[Le point sur...] Régime de nullité des sociétés et protection des intérêts menacés en droit OHADA
par Ibrahim NDAM, Docteur en droit privé, Maître-Assistant CAMES/ Chargé de Cours, FSJP - Université de Yaoundé II (Cameroun)

Dans l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)[1], si l’on fait abstraction des débats doctrinaux sur sa nature juridique, la société[2] est à la fois un acte juridique conventionnel lorsqu’elle naît de l’accord de volonté de plusieurs personnes qui décident de mettre en commun des apports pour en tirer des bénéfices et/ou profiter de l’économie[3] et un acte juridique unilatéral[4], formé par la volonté d’une seule personne appelée « associé unique »[5]. En tant qu’acte juridique, c’est-à-dire une manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit[6], la société doit, en droit OHADA comme ailleurs, être valablement formée sous peine de nullité[7].

La nullité d’un acte juridique est, succinctement, sa mise à néant ou, en clair, la sanction qui consiste en sa disparition rétroactive[8]. Elle est une mesure d’effacement des effets de l’acte juridique. Elle renvoie, plus largement, à la sanction encourue par un tel acte entaché d’un vice de forme (inobservation d’une formalité requise) ou d’une irrégularité de fond (défaut de capacité par exemple) qui consiste en son anéantissement rétractif[9].

Cette définition permet de se rendre compte qu’un contrat, comme le contrat de société, qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. Mais les choses ne sont pas aussi simples, car, pour reprendre les termes de l’article 1178 du nouveau Code civil français N° Lexbase : L0900KZD« la nullité n’est pas la seule sanction de la formation incorrecte du contrat » et de surcroît, elle se rapproche des autres causes d’inefficacité des conventions qui n’ont rien à voir avec leur formation. En conséquence, pour mieux cerner la nullité, il importe de la distinguer des autres causes d’inefficacité des contrats[10].

Tout d’abord, la nullité peut être distinguée de la rescision, de l’inopposabilité et de la résolution voire de la résiliation. Par rapport à la rescision qui sanctionne la lésion affectant certains contrats au moment de leur formation ayant entraîné un déséquilibre financier légalement sanctionné entre les parties[11], la nullité sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation. En ce qui concerne l’inopposabilité qui, comme la nullité, est une sanction de la formation irrégulière du contrat, force est de constater qu’elle n’entraîne pas l’anéantissement de la convention qui reste valable entre les parties mais ne peut seulement pas produire des effets à l’égard des tiers[12]. S’agissant de la résolution et de la résiliation, une double distinction en lien avec la nullité peut être faite. D’un côté, la nullité met en cause la régularité de la formation d’un acte juridique et suppose un vice originaire tenant à la formation du contrat alors que la résolution ou la résiliation s’attachent à l’inexécution et constituent la conséquence d’un fait postérieur à la conclusion du contrat : l’inexécution de ses obligations par une partie ou la non-réalisation d’une condition. De l’autre côté, à l’opposé de la nullité et de la résolution qui entraînent l’anéantissement rétroactif du contrat, la résiliation n’anéantit le contrat que pour l’avenir[13].

Ensuite, la nullité peut se distinguer de la caducité. À la différence de la nullité, la caducité atteint un acte régulièrement formé, mais qui perd ensuite un élément de sa validité par suite d’un événement postérieur à la formation du contrat[14]. Contrairement à la nullité où la tare de l’acte est originelle, la caducité provient donc d’un événement postérieur à la conclusion du contrat, comme la résolution pour cause d’inexécution. Bien plus, la caducité entraîne, en principe, la disparition de l’acte pour l’avenir sans rétroactivité, contrairement à la nullité qui est, en règle, rétroactive.  

Enfin, l’inexistence est plus radicale que la nullité même celle absolue. Elle permet de considérer que l’acte n’a jamais existé en son entier ou pour certaines de ses stipulations. Elle ne doit donc trouver application que là où le lien contractuel n’a pu se former faute d’un élément essentiel à son existence[15]. En fait, les cas d’inexistence seraient ceux où il manque un élément essentiel à la formation de l’acte (l’absence totale de consentement[16], l’absence soit de l’objet, soit de la cause ou de la forme pour les contrats solennels ou soumis à un formalisme ad validitatem)[17] « mais de telle sorte que l’acte n’ait aucune apparence formelle, car, sans cela, il faudrait annuler cette apparence »[18]. Les cas de nullité seraient alors ceux où l’acte contient apparemment tous les éléments constitutifs essentiels, mais où l’un ou quelques-uns d’entre eux sont atteints d’un vice, plus ou moins grave, nécessitant la protection de personnes victimes. Cette situation entraîne une nullité absolue s’il s’agit de protéger l’intérêt général ou l’ordre public ou une nullité relative s’il s’agit de protéger un intérêt particulier des contractants victimes[19].  

De ces définitions, il ressort que la nullité des sociétés est une sanction civile de leur constitution irrégulière qui se matérialise par leur anéantissement rétroactif. Seulement, si elle frappe l’acte constitutif des sociétés irrégulièrement formées, elle est aussi une sanction des actes qui le modifient. 

Les sociétés dont la nullité est étudiée ici sont constituées des sociétés commerciales et des sociétés coopératives. Le droit OHADA des sociétés couvre ces deux grands types de sociétés. Seulement, à l’opposé des sociétés coopératives qui sont régies par l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopératives (AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G), les sociétés commerciales sont réglementées aussi bien par ce texte juridique que par l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3)[20].

Le nouvel Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique adopté le 30 janvier 2014, reprenant les dispositions de l’article 1832 du Code civil de 1804 applicable dans la plupart des États africains d’expression française, définit la société commerciale dans deux de ses articles qui se suivent. L’article 4, alinéa 1er, de cet Acte uniforme prévoit que « la société commerciale est créée par deux (2) ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d’affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature, ou de l’industrie, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui peut en résulter ». Le caractère contractuel de la société commerciale est ainsi, en principe, affirmé puisqu’elle naît de l’accord de volonté de plusieurs personnes qui décident de mettre en commun des apports pour en tirer des bénéfices. L’article 5 de ce texte ajoute exceptionnellement que « la société commerciale peut être également créée, dans les cas prévus par le présent Acte uniforme, par une seule personne, dénommée “associé unique, par un acte écrit ». Le caractère institutionnel de la société commerciale est aussi ainsi affirmé de manière exceptionnelle, parce que l’acte de volonté d’une seule personne peut créer une société[21]. Le caractère commercial de la société est, pour sa part, déterminé par sa forme ou par son objet[22].

La société coopérative est, quant à elle, définie par l’article 4 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G comme « un groupement autonome de personnes volontairement réu­nies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels com­muns, au moyen d’une entreprise dont la propriété et la gestion sont collectives et où le pouvoir est exercé démocratiquement et selon les principes coopératifs ». L’objet de telles sociétés est largement défini, car conformément à l’article 5 de l’Acte uniforme, celles-ci exercent leurs actions dans toutes les branches de l’activité humaine. La société coopérative peut donc être civile ou commerciale. Ne peuvent relever des sociétés coopératives et par conséquent de cette étude, les sociétés qui ont pour objet l’exercice d’activités bancaires ou financières même si celles-ci ont emprunté la forme de sociétés coopératives[23].

À l’opposé des sociétés commerciales régies par l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 dont certaines peuvent être unipersonnelles[24], les sociétés coopératives qu’elles aient un objet commercial ou civil, sont exclusivement pluripersonnelles, car elles naissent de l’accord de volonté entre plusieurs personnes réunies au sein d’une coopérative. 

Que la société soit coopérative ou commerciale, son annulation entraîne des conséquences drastiques dont la gravité impose le développement des mécanismes visant à restreindre les possibilités de sa survenance ou, lorsqu’elle doit être prononcée malgré tout, à adoucir ses effets voire à les éviter. 

De manière générale, la nullité des sociétés, du fait de son caractère rétroactif, entraîne des inconvénients économiques, fiscaux, financiers, sociaux ou politiques importants. En payant l’impôt sur le revenu des personnes morales, les sociétés contribuent à l’effectivité des budgets étatiques et, par conséquent, à la stabilité financière et politique des États. Parce que les annulations des sociétés entraînent des pertes d’emplois à des milliers de travailleurs, elles sont de nature à provoquer des soulèvements politiques et des déficits budgétaires. Aussi, entraînent-elles des conséquences économiques graves. En fait, les sociétés constituent le fer de lance de l’économie mondiale en général, africaine ou des États parties à l’OHADA, en particulier où elles servent de techniques juridiques d’organisation de l’entreprise[25]. Les sociétés commerciales dotées de la personnalité morale par exemple, pour reprendre le Doyen Ripert, « sont mieux armées pour le commerce et les affaires que de simples particuliers », car comme toute société, elles échappent aux vicissitudes de la vie des personnes physiques et ne sont pas, par conséquent, soumises aux considérations affectives, sentimentales ou familières ni à l’impuissance de la maladie pouvant affecter la vie des êtres humains[26].  

Plus spécifiquement, la nullité des sociétés porte atteinte à leurs propres intérêts, aux intérêts des tiers comme les créanciers sociaux ou encore à ceux d’un ensemble de personnes présentant des traits communs au sein de cette entreprise, parce qu’elles partagent des considérations communes d’ordre économique et sont, par conséquent, soumises à un régime juridique identique, qualifiés par la doctrine d’« intérêts catégoriels »[27]. Il s’agit des associés ou coopérateurs et des employés. En effet, l’annulation rétroactive de la société est de nature à entraîner des conséquences catastrophiques pour la société dont les actes doivent être remis en cause, les tiers qui ont contracté de bonne foi avec la personne morale, les associés appelés à supporter le passif social et le personnel employé qui doit perdre le travail du fait de la disparition de leur employeur.

Les annulations des sociétés sont donc de nature à troubler aussi bien des intérêts généraux qui sont économiques, politiques, sociaux ou financiers que ceux particuliers de la société, des associés, des employés et des tiers. Le souci de préserver l’ensemble de ces intérêts justifie le développement, en droit des sociétés, des règles dérogeant aux principes du droit commun des nullités. Afin de préserver ces intérêts, les législateurs nationaux, internationaux, communautaires ou régionaux adoptent un régime restrictif de la nullité des sociétés qui se caractérise par une véritable « chasse aux nullités » des sociétés[28]. Une telle nullité est régie par des règles plus restrictives que celles de droit commun qui ne sont pas sans rappeler celles applicables aux nullités des actes juridiques collectifs, à l’exemple des mariages.

Le droit OHADA des sociétés s’inscrit dans cette dynamique de protection de ces intérêts. Le régime juridique de la nullité des sociétés tend, dans cette Organisation, à préserver non seulement les intérêts de ces personnes morales et des tiers, mais aussi ceux catégoriels des associés, des coopérateurs ou des employés et, par conséquent, ceux plus généraux d’ordre économique, politique ou social. Dès lors, la question peut se poser de savoir comment, en droit OHADA, le régime juridique de la nullité des sociétés protège-t-il les intérêts menacés, notamment ceux spécifiques de ces entités morales, des associés, des coopérateurs, des employés ou des tiers et, par voie de conséquence, ceux économiques, politiques, financiers ou fiscaux d’ordre général ?

La question est intéressante dans la mesure où elle implique des réflexions qui se situent au cœur de la sécurité et de la justice contractuelles. En réglementant la nullité des sociétés, le législateur africain s’inspirant du droit français cherche à résoudre une antinomie fondamentale : assurer la justice contractuelle aux contractants par exemple qui ont intérêt à ce que le contrat de société soit annulé et préserver la sécurité des transactions, afin que n’importe quelle irrégularité n’entraîne pas la nullité de la société, et par conséquent, ne porte pas atteinte à la stabilité des rapports contractuels. De même, la question est importante dans la mesure où sa réponse permet non seulement d’analyser les mesures prises par le législateur régional dans la réglementation de la nullité des sociétés pour préserver les intérêts en jeu, mais aussi d’en apprécier la portée. Une telle interrogation intéresse davantage si l’on prend en considération le rôle économique, financier, fiscal voire politique des sociétés. 

Pour éviter les inconvénients de la nullité sur la société, les associés, les coopérateurs, le personnel employé ou les tiers, et compte tenu du rôle économique, financier, fiscal ou politique important des sociétés qui implique qu’elles soient spécifiquement protégées, le législateur OHADA a mis sur pied un régime conséquent de nullité des sociétés qui se démarque des règles de droit commun et des règles régissant la nullité des actes, décisions ou délibérations modifiant ou ne modifiant pas les statuts[29]. Tout en s’inspirant du droit français, il manifeste une hostilité à l’égard de la nullité des sociétés[30]. L’esprit qui anime les textes régissant une telle nullité est de l’éviter autant que possible. Le législateur régional cherche à empêcher la mise en œuvre des nullités au point où cette sanction apparaît essentiellement comme un épouvantail. Il a techniquement raréfié la nullité des sociétés au point de la rendre exceptionnelle[31]. Pour en arriver là, il a restreint le domaine de la nullité des sociétés, durcit ses conditions d’exercice et limite drastiquement ses effets tout en cherchant même à éviter ses conséquences en la remplaçant par d’autres sanctions civiles, voire pénales.

Pour rendre compte de cette situation, deux principales méthodes de recherche sont mobilisées : la méthode exégétique et la méthode comparative. La première est commandée par la nature du sujet qui impose une lecture de l’ensemble des règles de droit OHADA régissant la nullité des sociétés dont les principales sont constituées des articles 242 et suivants de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 en ce qui concerne les sociétés commerciales régies par ce texte et des articles 198 à 203 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G pour ce qui est des sociétés coopératives. La seconde implique la comparaison du régime spécifique de nullité des sociétés mis sur pied par le législateur OHADA dans ces Actes uniformes avec les règles de droit commun de la nullité des contrats logées dans le Code civil de 1804 applicable dans la plupart des États africains membres de l’OHADA, à savoir les articles 1108 et suivants.

La combinaison de ces méthodes de recherche permet de rendre compte d’un double constat. D’une part, le législateur OHADA pour protéger les intérêts menacés a procédé à la restriction du domaine des nullités des sociétés (I). D’autre part, et pour atteindre les mêmes objectifs, il cherche à éviter non seulement la nullité, mais aussi ses effets(II).

I- La protection des intérêts menacés par la restriction du domaine de la nullité des sociétés

Le domaine des nullités des conventions est classiquement ouvert au point où il en existe non seulement plusieurs types, mais aussi une diversité de causes. Une telle diversité est de nature à porter gravement atteinte aux intérêts de la société, de ses employés ou des tiers de bonne foi qui ont contracté avec elle, parce qu’elle multiplie les probabilités d’annulation de la société. En effet, la sanction classique des irrégularités de constitution des sociétés étant leur annulation rétroactive, les sociétés irrégulièrement constituées sont censées n’avoir produit aucun effet et seraient réputées n’avoir jamais eu la personnalité morale. Une annulation complète et rétroactive serait catastrophique pour les tiers qui ont contracté de bonne foi avec la société, car elle ne leur laisserait que des recours contre les associés et les fondateurs. Elle entraîne même de lourdes conséquences pour les employés de la société qui doivent perdre leur travail. 

Pour protéger toutes ces personnes, le législateur OHADA a considérablement restreint le domaine de nullité des sociétés. La lecture combinée des dispositions de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 et de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G régissant respectivement la nullité des sociétés commerciales et des sociétés coopératives permet de réaliser que le législateur OHADA y fait coexister les mécanismes principaux de restriction du domaine de la nullité des sociétés (A) avec des mécanismes complémentaires (B). 

A. Les mécanismes principaux de restriction du domaine de la nullité des sociétés

Traditionnellement, le principe est que la nullité est virtuelle. En d’autres termes, il y a nullité du seul fait qu’un acte juridique contrevienne à une règle légale, même si aucune disposition légale ne l’a prévue, à condition que l’intérêt que la loi vise à sauvegarder soit assez important pour la justifier. Conformément à cette règle classique, le contrat de société serait nul dès lors qu’il est irrégulièrement formé. Une telle nullité est exponentielle et entraîne des conséquences catastrophiques pour la société, les associés ou les tiers de bonne foi, surtout lorsqu’elle produit un effet rétroactif.

 En raison de nombreux inconvénients économiques, fiscaux, financiers, politiques ou sociaux pouvant résulter de l’anéantissement rétroactif d’une société à la suite de son annulation alors que celle-ci est le plus souvent viable sur le plan économique, et dans l’optique de préserver les intérêts des sociétés, du personnel employé et des tiers, le législateur OHADA a adopté deux principales mesures de restriction du domaine de la nullité des sociétés. C’est ainsi qu’il pose la règle « pas de nullité sans texte » (1) et en tire la conséquence qui s’impose : la réglemente appropriée des causes d’annulation des sociétés. 

1- La consécration de la règle « pas de nullité sans texte »

L’on dénombre classiquement plusieurs types de nullités : les nullités facultatives[32], obligatoires, absolues[33], relatives[34], textuelles, conventionnelles ou virtuelles. L’adoption de l’un ou de l’autre type de nullité est nécessitée par la nature des intérêts que le législateur cherche à préserver ou la nature des irrégularités de formation des contrats. Lorsqu’il s’agit de protéger un intérêt général et/ou des intérêts particuliers, le législateur consacre respectivement la nullité absolue ou la nullité relative. Par contre, lorsqu’il s’agit de lutter contre des irrégularités en fonction de leur nature plus ou moins grave, le législateur opte pour la distinction entre nullité obligatoire qui ne laisse pas de pouvoir de manœuvre au juge saisi et la nullité facultative qui donne un large champ de manœuvre à la juridiction compétente. 

Bien plus, dans des cas exceptionnels notamment en matière commerciale où il est nécessaire de restreindre le domaine des nullités pour sauvegarder certains intérêts, le législateur opte pour la distinction nullité textuelle d’une part et nullité conventionnelle ou virtuelle d’autre part ; en privilégiant celle-là au détriment de celles-ci. Le législateur OHADA s’inscrit dans cette dernière démarche en matière de règlementation des nullités des sociétés. Il consacre explicitement la règle « pas de nullité sans texte » excluant ainsi les nullités conventionnelles et celles virtuelles. La nullité est virtuelle lorsqu’elle peut être prononcée même si aucun texte ne l’a préalablement prévue. La nullité conventionnelle, encore appelée nullité amiable résulte de la seule volonté des parties à un contrat qui se mettent d’accord afin de constater elles-mêmes la nullité de leur contrat. La nullité textuelle, encore appelée nullité expresse est celle prévue par un texte. Par opposition aux nullités conventionnelles ou virtuelles, celles textuelles sont par nature limitatives, car elles procèdent de l’énumération législative qui est par essence limitative. La nullité a lieu en général de plein droit ; le juge saisi d’une demande à cette fin devant la prononcer s’il constate que ses conditions sont réunies. Dans certains cas exceptionnels, la nullité est classiquement facultative ; le juge saisi d’une demande en nullité, s’il constate que ses conditions sont réunies, a un pouvoir discrétionnaire pour la prononcer ou s’y refuser. En dépit du caractère textuel de la nullité des sociétés, cette sanction implique un recours au juge. La nullité des sociétés est donc judiciaire. 

S’inspirant de l’article L. 360 de la loi française du 24 juillet 1966, l’article 242 de l’ancien AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 avait déjà posé le principe « pas de nullité sans texte » en des termes équivoques dont certains donnaient « lieu à des problèmes importants d’interprétation qu’il était devenu nécessaire de résoudre »[35]. Cet article disposait que « la nullité d’une société ou de tous actes, décisions ou délibérations modifiant les statuts ne peut résulter que d’une disposition expresse du présent Acte uniforme ou des textes régissant la nullité des contrats en général et du contrat de société en particulier ». Sur le plan de la forme, cet article traitait aussi bien de la nullité des sociétés que de celle des actes, décisions ou délibérations modifiant les statuts alors que les problématiques n’étaient pas identiques.Sur le plan du fond, la référence qui figurait dans l’ancien Acte uniforme, « la nullité du contrat de société en particulier », laissait à croire qu’il existerait des textes spécifiques distincts de l’Acte uniforme et qui régissaient spécialement le contrat de société. Or, ceci n’avait pas lieu d’être puisque l’Acte uniforme avait intégré en son sein les règles spéciales au contrat de société, notamment les articles 7, 8, 9, 19 et 20. Il n’existait donc pas en droit OHADA, en dehors de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, de textes spécifiques régissant le contrat de société, sauf à penser à l’Acte uniforme sur le droit des contrats qui est resté jusqu’aujourd’hui en l’étape de projet. L’on peut aussi penser aux textes spécifiques des États membres qui sont toutefois censés être abrogés par l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

Le nouvel article 242 de l’Acte uniforme du 30 janvier 2014 vient corriger les imperfections rédactionnelles de l’ancien en reposant de manière univoque le principe « pas de nullité sans texte »[36] ; raréfiant ainsi les annulations du contrat de société. Il ressort de la nouvelle rédaction de cet article que « la nullité d’une société ne peut résulter que d’une disposition du présent Acte uniforme la prévoyant expressément ; ou (…) des textes régissant la nullité des contrats ». La référence à la « nullité du contrat de société en particulier » ayant disparu, le nouvel article 242 maintient la règle « pas de nullité sans texte » dans ses deux premières branches : la nullité pour violation des règles spécifiques au contrat de sociétés contenues dans l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 et celle pour atteinte aux règles générales de validité des contrats[37].

Le caractère limitatif des nullités textuelles résultant de la violation des dispositions spécifiques de l’Acte uniforme est évident : elles sont constituées des cas de nullités prévues explicitement par l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 qui peuvent être facultatives[38] ou obligatoires[39]. Pour assurer l’effectivité du caractère textuel des nullités des sociétés commerciales, le nouvel AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 contrairement à celui abrogé prévoit des dispositions spécifiques dont la violation entraîne l’annulation de ces entités, lesquelles sont identifiées comme étant suffisamment importantes pour faire l’objet de ce niveau de protection. Les sociétés constituées en violation des articles 7, 8, 9, 20, 37 alinéas 1 et 40 de ce texte sont nulles[40]. L’on peut aussi relever entre autres les articles 242 alinéa 3 pour les SNC et les SCS, 315 pour les SARL et 685 alinéa 3 s’agissant des sociétés anonymes nouvelles issues d’une scission[41]. Pour ce qui est des règles qui régissent les contrats en général dont la violation entraîne la nullité des sociétés commerciales, l’exploitation du Code civil de 1804 applicable dans la plupart des États membres de l’OHADA montre qu’il s’agit des articles 1108 et suivants.

Le législateur OHADA tire implicitement du principe « pas de nullité sans texte », la règle « pas de nullité sans cause légale ». En effet, la règle « pas de nullité sans cause légale » résulte du principe « pas de nullité sans texte »explicitement posé à l’article 242 alinéa 1er de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3. Cette règle signifie que sauf s’il s’agit d’un cas limitativement énuméré par ce texte ou les textes régissant la nullité des contrats en général l’absence d’un élément, même essentiel, constitutif de la société n’entraîne pas la nullité de celle-ci. Les praticiens doivent donc être prudents ainsi que les associés ou toute personne désirant entrer en relation avec la société. Cela concerne principalement trois hypothèses. Premièrement, la présence d’une clause léonine dans les statuts – qui attribue à un associé la totalité du profit procuré par la société, l’exonère de la totalité des pertes, l’exclut totalement du profit ou met à sa charge la totalité des pertes– ne rend pas la société nulle. D’ailleurs, conformément aux dispositions des articles 2 alinéa 2 et 54 alinéa 2 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 une telle clause est simplement réputée non écrite, ce qui permet à la société de subsister avec une répartition des bénéfices et des pertes s’effectuant non proportionnellement aux apports. Deuxièmement, l’absence de but de lucre ou plus simplement l’inscription dans les statuts de l’impossibilité de partage de bénéfice ne peut pas non plus entraîner l’annulation de la société. L’intervention du greffier à la constitution de la société rend ce cas de figure assez rare. En pratique, les statuts prévoient toujours la possibilité que la société réalise des bénéfices et qu’elle les distribue à ses associés au plus tard dans le cadre de sa liquidation. Mais, même si les statuts étaient rédigés de telle sorte qu’aucun profit ne soit et ne puisse être distribué aux associés, cela n’aurait pas comme conséquence l’annulation de la société. Troisièmement, le défaut ou le retard dans la libération des actions ne constitue pas une cause d’annulation du contrat de société. La CCJA confirme cette exclusion dans un arrêt rendu en assemblée plénière le 25 avril 2014 en des termes dénués d’ambiguïté[42].

À l’opposé de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 qui consacre explicitement le caractère textuel de la nullité des sociétés commerciales pour renforcer leur protection, l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G aurait procédé à un changement de paradigme en restant silencieux sur cette question. Le titre VIII de ce dernier texte pourtant exclusivement consacré à la « nullité de la société coopérative et des actes sociaux » constitué des articles 198 à 203 ne se prononce pas sur la nature textuelle ou pas de la nullité de ces entités économiques. Est-ce une omission involontaire ou une volonté d’établir un régime particulier de nullité des sociétés coopératives distincte de celle des sociétés commerciales régies par l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 ? 

Le silence du législateur africain peut être considéré comme une omission, car l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G contient des dispositions spécifiques prévoyant des cas de nullité des sociétés coopératives[43].

En revanche, de telles convictions méritent d’être écartées pour deux principales raisons. D’une part, conformément à l’article 2 alinéa 1er de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G, ses dispositions sont d’ordre public, sauf dans des cas exceptionnels qu’il prévoit expressément. À l’exception des cas légalement autorisés, l’ensemble des dispositions de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G sont d’ordre public et la violation de celles régissant la constitution des sociétés coopératives entraînerait, par conséquent, la nullité de principe des telles entités. D’autre part, l’exploitation du titre VIII de l’AUSCOOP dédié aux nullités des sociétés et des actes sociaux permet de se rendre compte que ce texte, contrairement à l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, ne fait pas la distinction entre la nullité de la société coopérative, des actes, décisions ou délibérations modifiant les statuts qui devraient être textuelles et celle ne modifiant pas les statuts qui ne devraient pas l’être. 

Quoiqu’il en soit, il serait nécessaire pour asseoir la protection des sociétés coopératives et des tiers, que le législateur revoie sa copie en consacrant explicitement le caractère textuel des nullités de ces personnes morales. Pratiquement, cela consiste à insérer dans l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G une disposition analogue à celle de l’article 242 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, en ces termes « la nullité d’une société coopérative ne peut résulter que d’une disposition du présent Acte uniforme la prévoyant expressément ou des textes régissant la nullité des contrats ». Pour atteindre cet objectif, il serait également nécessaire que le législateur africain s’inspire du nouvel AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 pour procéder à une double distinction concernant d’une part, la nullité des sociétés coopératives ou de tous actes, décisions ou délibérations modifiant les statuts et d’autre part, celle des actes, décisions ou délibérations ne modifiant pas les statuts. Pour reprendre les termes de l’article 243 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, la nullité de tous actes, décisions ou délibérations modifiant les statuts des sociétés coopératives ne devrait résulter que d’une disposition de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G la prévoyant expressément, des textes régissant la nullité des contrats en général ou de la violation d’une clause des statuts jugée essentielle par la juridiction compétente. En revanche, et pour paraphraser l’article 244 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, la nullité de tous actes, décisions ou délibérations ne modifiant pas les statuts de la société coopérative ne devrait résulter que de la violation d’une disposition de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G la prévoyant explicitement, d’une disposition impérative de ce texte, d’une disposition impérative des textes régissant les contrats ou d’une clause des statuts jugée essentielle par la juridiction compétente. 

En attendant que ces changements puissent être introduits en droit OHADA des sociétés coopératives, force est de relever que le législateur a largement tiré la conséquence de la consécration de la règle « pas de nullité sans texte »en réglementant de manière appropriée les causes de nullité des sociétés.  

2- La règlementation appropriée des causes de nullité des sociétés

Traditionnellement, l’on dénombre plusieurs causes de nullité des actes juridiques. Dans l’acte juridique conventionnel par exemple, trois vices du consentement affectent classiquement les contrats : l’erreur, le dol et la violence. À ces causes de nullité s’ajoutent notamment l’incapacité et la lésion. 

À l’opposé du droit commun des contrats, le régime de nullité des sociétés est approprié en droit OHADA : il tend à restreindre le domaine des annulations de ces entités économiques. Le législateur OHADA a raréfié les nullités des sociétés en limitant ses causes à des irrégularités restrictivement prévues, en réglementant strictement certaines d’entre elles et en excluant même quelques causes classiques de nullité des contrats parmi les causes d’annulation des sociétés. 

S’agissant de la limitation des causes de nullité des sociétés à des irrégularités restrictivement légalement définies, le législateur régional ne retient, dans l’article 242 alinéa 1er de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, que deux grandes causes de nullité des sociétés : la violation d’une disposition spéciale de ce texte prévoyant explicitement la nullité des sociétés ou la violation des textes régissant la nullité des contrats en général. 

Les règles générales de constitution des sociétés n’étant pas uniformisées dans l’espace OHADA, il convient de se référer aux dispositions nationales des États parties à l’Organisation pour identifier les causes d’annulation de telles entités économiques. Néanmoins, l’exploitation du Code civil de 1804 applicable dans la plupart des États membres de l’OHADA permet d’avoir une idée sur ces causes d’annulation des sociétés : le défaut ou l’absence de consentement, l’incapacité des associés, l’illicéité ou l’immoralité aussi bien de l’objet social que de la cause. En effet, l’article 1108 de ce Code prévoit quatre conditions essentielles pour la validité d’une convention, à savoir le consentement de la partie qui s’oblige, sa capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l’engagement et une cause licite.L’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 exclut certaines de ces causes de la liste des causes d’annulation des sociétés commerciales, reprend d’autres tout en les aménageant spécifiquement et en ajoute quelques-unes. Une telle récupération peut être source de conflits entre les règles générales et les règles spéciales. Seulement, en cas de survenance de ces conflits, les règles spéciales primeront sur celles générales en vertu du principe specialia généralibus derogant (les règles spéciales dérogent aux règles générales). 

Les causes d’annulation des sociétés commerciales limitativement prévues par l’Acte uniforme peuvent être regroupées en deux principales catégories. Certaines sont générales à tout type de société commerciale alors que d’autres sont spécifiques à tel ou tel type de société. 

De manière générale, la lecture combinée des articles 7, 20, 74-1 et 242 alinéa 3 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 révèle que les sociétés commerciales régies par ce texte peuvent être annulées pour violation des règles régissant les interdictions, les incapacités ou les incompatibilités à exercer une activité commerciale ou pour illicéité de l’objet social. De même, il ressort de l’analyse de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 que ces entités peuvent être frappées de nullité pour violation des dispositions des articles 37 alinéa 1er mettant à la charge de chaque associé l’obligation de faire un apport à la société ou 40 définissant limitativement les types d’apports qu’un associé peut faire à la société.   

Plus spécifiquement, certaines sociétés en plus des causes générales d’annulation peuvent spécialement être annulées. C’est ainsi que les SCS et les SNC encourent l’annulation pour défaut de qualité d’associés[44], vice de consentement, l’erreur, le dol et la violence[45]-ou pour fraude dans l’accomplissement des formalités de publicité[46]. L’annulation des SARL peut être obtenue pour défaut d’intervention en personne ou par mandataire justifiant d’un pouvoir légal de l’associé unique ou des associés à l’acte instituant cette société[47]. Et la nullité des nouvelles sociétés anonymes issues de la scission peut être prononcée pour défaut d’approbation de leurs projets des statuts par l’assemblée générale extraordinaire de la société scindée[48].

La règlementation limitative des causes de nullité des sociétés commerciales ne semble pas s’étendre aux sociétés coopératives. Le législateur régional n’a pas posé le principe « pas de nullité des sociétés coopératives sans cause légale » dans l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopératives. Dans cet Acte uniforme, le principe semble être la nullité de ces personnes morales dès lors qu’une formalité de constitution n’est pas respectée. Une telle règle se justifie d’autant plus que conformément à l’article 2 alinéa 1er de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G ses dispositions sont en principe d’ordre public. L’on comprend dès lors pourquoi beaucoup plus moins que dans l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, le législateur OHADA a exceptionnellement introduit dans l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G des causes de nullité des sociétés coopératives. En effet, la société coopérative peut être annulée, soit comme les sociétés commerciales pour illicéité aussi bien de l’objet social que de la cause[49], soit exceptionnellement pour vice de consentement[50]. Et la société coopérative simplifiée peut être annulée pour défaut de participation de tous les coopérateurs fondateurs à l’assemblée générale constitutive[51].

Il y a donc un dualisme juridique critiquable en ce qui concerne le régime des causes de nullité des sociétés en droit OHADA. Le souci de protéger aussi bien les intérêts généraux d’ordre économique, politique, social ou financier que ceux particuliers de la société, des associés, des employés et des tiers comme les créanciers sociaux qui a déterminé le législateur régional à prescrire la nullité pour cause légale des sociétés commerciales régies par l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 demeure valables en ce qui concerne les sociétés coopératives. La remarque est pertinente d’autant plus que non seulement certaines sociétés coopératives peuvent avoir pour objet l’exercice d’une activité commerciale, mais aussi d’autres subissent dans l’espace OHADA comme ailleurs des mutations importantes les rapprochant des sociétés commerciales notamment en termes d’importance du capital mobilisé. À ces raisons générales, s’ajoutent des raisons spécifiques visant la préservation des intérêts des personnes morales, du personnel exerçant dans l’entreprise sociétaire et des tiers qui demeurent identiques dans les sociétés commerciales tout comme dans celles coopératives.

En ce qui concerne la règlementation stricte de certaines causes de nullité des sociétés, l’exemple de la nullité pour incapacité est suffisamment illustratif. Le législateur africain apporte une exception au principe de droit commun posé par l’article 1123 du Code civil de 1804 interdisant aux personnes légalement déclarées incapables de contracter, lequel est repris par l’article 6 de l’AUDCG en ces termes : « nul ne peut accomplir des actes de commerce à titre de profession, s’il n’est juridiquement capable d’exercer le commerce ». En effet, il ressort des articles 242 alinéa 3 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 et 198 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G que l’incapacité ne peut constituer une cause de nullité des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés par actions (sociétés anonymes et sociétés anonymes simplifiées) et des sociétés coopératives que si elle atteint respectivement tous les associés ou coopérateurs fondateurs de ces entités économiques[52]. L’incapacité n’est donc une cause de nullité des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés par actions ou des sociétés coopératives que si elle frappe non pas l’un quelconque des associés ou coopérateurs, tous les associés ou coopérateurs non fondateurs, mais plus strictement tous les associés ou coopérateurs fondateurs. L’annulation de la société pour incapacité d’un associé ou d’un coopérateur semble difficilement réalisable dans les sociétés commerciales pluripersonnelles. L’on songe seulement à l’incapacité de l’associé unique d’une société à responsabilité limitée, d’une société anonyme ou d’une société par actions simplifiée[53]. Une telle annulation semble pratiquement impossible en ce qui concerne les sociétés coopératives qui sont exclusivement pluripersonnelles. En tout état de cause, la capacité exigée des associés ou coopérateurs dépend de la nature de la société. Dans les sociétés où l’associé ou le coopérateur à la qualité de commerçant, il doit avoir la capacité commerciale ; la simple capacité civile ne suffisant plus[54].

S’agissant de l’exclusion de certaines causes classiques de nullité des contrats parmi les causes de nullité des sociétés, une double observation peut être faite. 

D’une part, l’article 245 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 exclut des causes de nullité des sociétés anonymes et des sociétés à responsabilité limitée, le non-accomplissement des formalités de publicité. Cette cause d’annulation des sociétés n’est envisagée qu’à l’égard des sociétés en commandite simple ou en nom collectif par l’alinéa 1er de cet article qui requiert, à peine de nullité notamment de la société, l’accomplissement dans ces seules entités des formalités de publicité. Pratiquement, cette nullité sera exceptionnelle, étant donné d’une part le contrôle exercé par le greffier de la juridiction nationale compétente lors de l’immatriculation et d’autre part la possibilité de régularisation[55]. Un auteur s’étonne du fait que les rédacteurs de l’Acte uniforme aient choisi de reproduire « l’erreur du législateur français de 1966 qui a maintenu l’article 361 devenu L.325-2 du Code de commerce qui reste un texte inappliqué »[56]. La consécration du non-accomplissement des formalités de publicité comme cause de nullité des sociétés se justifiait en droit français où à l’époque de l’adoption de l’article 361 du Code de commerce aujourd’hui abrogé, le parlement français avait opté pour un contrôle judiciaire préalable de la régularité de la constitution des sociétés de capitaux. La limitation d’une telle cause de nullité aux sociétés de capitaux ne trouve pas de justification solide en droit OHADA où le contrôle préalable de la régularité de constitution des sociétés commerciales est confié au greffier des juridictions compétentes dans les États parties à l’OHADA aussi bien pour les sociétés de capitaux que pour les sociétés de personnes.

D’autre part, les articles 242 alinéa 2 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 et 198 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G excluent les vices de consentement, l’erreur, la violence ou le dol, des causes de nullité de certaines sociétés commerciales et des sociétés coopératives. Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 242 ci-dessus que « dans les sociétés à responsabilité limitée et dans les sociétés par actions, la nullité de la société ne peut résulter ni d’un vice de consentement ni de l’incapacité d’un associé à moins que celle-ci n’atteigne tous les associés fondateurs ». Dans le même sens, l’article 198 susmentionné prévoit que « la nullité de la société coopérative ne peut résulter ni d’un vice de consentement ni de l’incapacité d’un coopérateur, à moins que celle-ci n’atteigne tous les coopérateurs ayant constitué la société ». La lecture a contrario de l’article 242 alinéa 2 ci-dessus permet de réaliser que seules les sociétés en commandite simple et en nom collectif peuvent être frappées de nullité pour vice de consentement. 

Dans ces deux articles, le législateur OHADA se limite à reprendre les dispositions de l’article L. 235-1 alinéa 1 du Code de commerce français[57] sans prévoir le cas d’absence ou d’inexistence de consentement. Selon une partie de la doctrine, ces articles signifieraient plutôt que les vices de consentement comme l’incapacité n’entraînent l’annulation, soit des SA, SAS et SARL, soit des sociétés coopératives que s’ils atteignent le consentement de tous les associés ou coopérateurs fondateurs[58]. Pour ces auteurs, les articles 242 alinéa 2 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 et 198 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G signifieraient qu’à moins que les vices de consentement ou l’incapacité n’atteignent tous les associés ou coopérateurs fondateurs la nullité des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés par actions ou des sociétés coopératives ne peut résulter ni d’un vice de consentement ni de l’incapacité d’un associé. Or, une telle interprétation ne résulte aucunement de la lettre de ces articles d’autant plus que la nullité des contrats des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés par actions ou des sociétés coopératives ainsi interdite pour vices de consentement est autorisée et réglementée par l’article 201 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G en ce qui concerne les actes, décisions et délibérations des sociétés coopératives. Si le législateur OHADA avait voulu légiférer dans le sens de ces auteurs, il serait important qu’il revoie sa copie[59].

La solution adoptée par le législateur OHADA qui, visiblement constitue une crise des vices du consentement, vise à assurer la sécurité du contrat des sociétés au détriment de la justice contractuelle. En effet, la théorie des vices du consentement est délicate, parce qu’elle doit résoudre une antinomie fondamentale. Elle tend, d’une part à assurer la justice contractuelle, car elle se propose de protéger le contractant dont le consentement est vicié. Elle vise, d’autre part, à assurer la sécurité des transactions, afin que n’importe quelle déception d’un contractant ne ruine pas la stabilité des rapports contractuels. 

La limitation de la protection assurée au contrat des sociétés malgré l’existence d’un vice de consentement frappant les associés des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés par actions se justifie par le fait qu’elles sont des sociétés de capitaux dont la considération de la personne des contractants n’est pas primordiale. Une telle protection se présente comme une conséquence de la responsabilité limitée aux apports qui caractérise ces sociétés[60]. L’extension d’une telle couverture aux sociétés de personnes, dans lesquelles la considération de la personne des associés est importante, aurait été fortement préjudiciable pour le contractant qui demande l’annulation du contrat de société et surtout pour les tiers comme les créanciers sociaux.  

En tout état de cause, le législateur régional cherche volontairement, à travers la consécration des seules nullités textuelles et la restriction des causes d’annulation du contrat de société, à restreindre le domaine des nullités des sociétés. Une telle volonté est davantage manifeste dans la mesure où il complète ces principaux moyens de restriction du champ des nullités des sociétés par des mécanismes complémentaires.  

B- Les mécanismes complémentaires de restriction du domaine de la nullité des sociétés

Le législateur OHADA ne s’est pas limité à adopter les principaux mécanismes visant à restreindre le domaine des nullités des sociétés, à savoir la consécration des seules nullités textuelles et la définition restrictive de leurs causes. Il a renforcé ces mécanismes par des mesures complémentaires qui peuvent être préventives ou curatives.

Dans le premier cas, le législateur a institué le contrôle préventif de régularité de la constitution des sociétés (1) qui vise à mettre un terme, au moment du dépôt du dossier de constitution de la société, à toute irrégularité de nature à entraîner son annulation future. Dans le second cas, il a ouvert l’action en régularisation de la constitution des sociétés (2) qui a pour but de permettre à toute personne intéressée de saisir la juridiction compétente à cette fin lorsque la société est déjà irrégulièrement constituée.

1. Le contrôle préventif de régularité de la constitution des sociétés

En droit OHADA, la société est en formation lorsqu’elle n’est pas encore constituée. Elle est constituée dès la signature de ses statuts et-ce bien avant leur dépôt au rang des minutes d’un notaire ou avant l’authentification de l’acte de constitution par le notaire ou encore avant l’immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) pour ce qui est des sociétés commerciales ou au registre des sociétés coopératives (RSC), s’agissant de ces dernières entités[61]. Il est même spécifié que toute société coopérative doit être immatriculée au RSC dans le mois de sa constitution, mais sans aucune précision sur la sanction applicable en cas de non-respect de ce délai légal[62]. Les statuts qui constituent le contrat de société peuvent être établis par acte sous seing privé ou par acte notarié. Il est donc possible que les fondateurs de la société, parfois pressés de la créer, puissent s’empresser de signer ses statuts tout en omettant certaines exigences légales dont certaines peuvent conduire à son annulation.

 Dans la perspective d’assurer la purge de tous les vices pouvant entacher la constitution des sociétés mais aussi la modification de leurs statuts, et par voie de conséquence de réduire sensiblement le domaine des nullités des sociétés, le législateur OHADA a mis en place un contrôle préventif de la régularité de la constitution de ces entités morales. 

Pour ce qui est des sociétés coopératives, un tel contrôle est exercé par l’autorité adminis­trative locale, plus précisément l’organe déconcentré ou décentralisé de l’autorité nationale chargée de l’administration territoriale ou l’autorité compétente auquel est immédiate­ment rattaché le siège de la personne morale. À peine d’irrecevabilité, la demande d’immatriculation d’une société coopérative doit être accompagnée des pièces justificatives : deux copies des statuts, deux exemplaires de la liste des membres du comité de gestion ou du conseil d’administration et, le cas échéant, des autorisations pour les activités réglementées[63]. L’autorité administrative effectue un contrôle de l’ensemble des pièces présentées et décide d’immatriculer ou non la société. En cas de décision positive, un numéro d’immatriculation est attribué et mentionné sur le formulaire remis au déclarant. Un exemplaire du dossier est ensuite transmis au fichier national[64].

En ce qui concerne les sociétés commerciales, à l’exception des sociétés en participation[65], des sociétés de fait ou des sociétés créées de fait[66], le contrôle de régularité de la constitution est effectué par le greffier de la juridiction compétente dans l’État partie à l’OHADA au moment de l’immatriculation de la société au RCCM. Pour que cela soit possible, le législateur régional a consacré l’obligation pour les fondateurs et les premiers membres des organes de gestion, d’administration et de direction d’une société commerciale de déposer au RCCM une déclaration dans laquelle ils indiquent toutes les opérations effectuées en vue de la constitution régulière de la société et par laquelle ils attestent que cette constitution a été réalisée en conformité avec l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3. La « déclaration de régularité et de conformité » est exigée à peine de rejet de la demande d’immatriculation de la société au RCCM. Elle est, en principe, signée par l’ensemble de ses auteurs et exceptionnellement par l’un ou quelques-uns d’entre eux ayant reçu mandat à cet effet[67]. La déclaration de régularité et de conformité facilite la constatation, la régularisation des vices de constitution et joue, en conséquence, un rôle important dans la réduction du domaine des nullités des sociétés. 

Dans les sociétés commerciales comme dans celles coopératives, le contrôle de régularité a une portée limitée : elle consiste, pour le greffier de la juridiction compétente ou pour l’autorité administrative, à vérifier la régularité formelle de la constitution de la société, spécifiquement celle des opérations de constitution, par rapport aux exigences prévues par les textes applicables. Son efficacité est relative dans la mesure où le législateur ne reconnaît pas au greffier et à l’autorité administrative la possibilité d’exercer un contrôle approfondi qui dépasse le simple examen externe des formalités de constitution. Le législateur OHADA n’a pas adopté un véritable contrôle administratif. Par conséquent, tout porte à croire que le greffier et l’autorité administrative font un simple contrôle formel qui ne leur permet pas par exemple de vérifier effectivement la capacité et le consentement des parties, ni la fictivité des apports. Un véritable contrôle préventif aurait permis d’éviter les vices de constitution et de réduire en conséquence, significativement le domaine des nullités des sociétés. Même si cette idée n’est pas communément partagée[68], il aurait fallu que le législateur OHADA donne la réelle possibilité au greffier et à l’autorité administrative compétente d’exercer un véritable contrôle approfondi de la régularité des clauses statutaires, au besoin sous l’autorité du juge chargé de la surveillance du RCCM et du RSC. Dans ce cas, le greffier et l’autorité administrative devraient s’assurer, sous leur responsabilité, de la régularité de la demande d’immatriculation[69]. Un tel contrôle devrait s’étendre au respect des principes coopératifs et des valeurs qu’incarnent les sociétés coopératives. La société coopérative étant une société à régime particulier[70], ce contrôle approfondi du respect des principes coopératifs est conséquent « car les coopératives bénéficient de particularismes en droit fiscal, en droit de la concurrence (…) liés à leurs spécificités d’organisation sans but lucratif »[71]. L’objectif de ce contrôle est d’éviter que les sociétés coopératives appliquent les règles régissant les sociétés commerciales, tout en bénéficiant des « faveurs » que le droit leur accorde spécifiquement[72].

En dépit de l’importance de la déclaration de régularité et de conformité, le législateur OHADA ne l’a pas instituée en ce qui concerne l’immatriculation des sociétés coopératives. Cette omission est regrettable dans la mesure où les statuts des sociétés coopératives contiennent des mentions obligatoires et ces entreprises se particularisent par des principes coopératifs dont la régularité devrait être contrôlée par l’autorité administrative lors de l’immatriculation de la société[73].

En dépit du contrôle de régularité de la constitution effectué par le greffier et l’autorité administrative, des irrégularités de constitution peuvent subsister. Pour remédier à cette situation sans arriver à la demande de nullité, le législateur africain a institué l’action en régularisation de la constitution irrégulière des sociétés commerciales. 

2- L’action en régularisation de la constitution des sociétés

L’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 tout comme l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G réglemente l’action en régularisation de la constitution des sociétés commerciales et coopératives qu’ils régissent respectivement. L’article 75 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 prévoit que si les statuts de la société commerciale ne contiennent pas toutes les énonciations légalement requises ou une formalité de constitution a été omise ou irrégulièrement accomplie, tout intéressé est recevable à demander à la juridiction compétente la régularisation de la constitution sous astreinte[74]. Dans le même sens, l’article 63 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G donne la possibilité à tout intéressé de saisir la juridiction compétente ou l’autorité administrative compétente dans le ressort de laquelle est situé le siège social, de demander la régularisation de la constitution  de la société coopérative si les statuts ne contiennent pas toutes les énonciations légalement exigées ou si une formalité prescrite pour la constitution de la société coopérative a été omise ou irrégulièrement accomplie.

L’action en régularisation de la constitution des sociétés commerciales et coopératives ainsi instituée constitue un moyen supplémentaire participant à la réduction du domaine des nullités. Elle vient compléter les principaux mécanismes de réduction du domaine des nullités des sociétés et se présente également comme un supplément aux carences pouvant résulter de l’exercice du contrôle de régularité de constitution par le greffier des juridictions compétentes ou l’autorité administrative. Bien plus, une telle action est importante dans la mesure où elle « vient en quelque sorte compenser l’absence de contrôle judiciaire préalable aux constitutions des sociétés »[75].

Pour assurer l’effectivité de l’action en régularisation de la constitution des sociétés, et par voie de conséquence, celle de la réduction du domaine des nullités de ces entités économiques, le législateur régional définit largement son domaine et fixe en conséquence son régime. 

D’une part, le domaine de cette action est largement défini. L’action est ouverte lorsque les statuts ne contiennent pas toutes les mentions ou énonciations légalement exigées. Ce cas ne pose pas trop de difficultés : il s’agit des énonciations prévues par les articles 13 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 et 18 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G. Normalement, la société n’aurait pas dû être immatriculée, si le greffier de la juridiction compétente ou l’autorité administrative compétente avaient effectué correctement les vérifications aux fins d’immatriculation. Mais l’action est également recevable lorsqu’une formalité prescrite pour la constitution de la société commerciale ou coopérative a été omise ou irrégulièrement accomplie. Le verbe « omettre » vise-t-il les omissions volontaires et involontaires ? Même si les Actes uniformes sont silencieux sur la question, ce verbe semble viser les omissions involontaires, car si les futurs associés ou coopérateurs décident d’arrêter le processus de constitution de leur société, il n’est pas question de leur forcer la main par une action qui ne serait plus une action en régularisation, mais deviendrait une action en exécution. Le mot « formalité » paraît viser uniquement les exigences de formes et non les conditions de fond. Certes, une extension à ces dernières exigences semble souhaitable pour assurer largement le domaine de l’action en régularisation, par exemple lorsque le capital social est inférieur au minimum légal. Reste à se demander si l’action en régularisation est susceptible de s’appliquer à toutes les irrégularités, ou seulement à celles qui ne sont pas sanctionnées par la nullité de la société.   La question est intéressante dans la mesure où le législateur a prévu une autre procédure de régularisation qui s’ouvre lorsqu’une action en nullité est intentée[76]. Le législateur n’ayant pas exclu les irrégularités pouvant provoquer l’annulation de la société du domaine de l’action en régularisation, il entend le définir largement. Parce qu’il ne faut pas discriminer là où la loi ne l’a pas fait, l’action en régularisation est susceptible de s’appliquer à toutes les irrégularités, y compris celles devant entraîner l’annulation de la société.    

D’autre part, le régime de l’action en régularisation est approprié, c’est-à-dire conforme à l’objectif de restriction du domaine des nullités. 

Tout d’abord, le législateur ouvre largement la possibilité d’exercer pareille action à tout intéressé. Il faut entendre par là non seulement les associés, les coopérateurs et les dirigeants sociaux, mais aussi les commissaires aux comptes, les employés de la société et les créanciers sociaux. Le ministère public est aussi autorisé à agir. Cette intervention montre que, contrairement aux apparences, le fonctionnement régulier de la société intéresse l’État, la collectivité tout entière ou l’ordre public dont le ministère public est gardien. La société peut donc être sauvée contre la volonté des associés[77]. Même si le législateur n’est pas allé au bout de cette logique d’ouverture parce qu’il a omis de prévoir la possibilité pour la juridiction saisie d’ordonner d’office la régularisation de la constitution de la société, la CCJA a remédié à cette carence législative dans un avis où elle précise que la juridiction compétente peut l’ordonner d’office[78].   

Ensuite, l’exercice de l’action en régularisation ne nécessite pas l’établissement de la preuve d’un quelconque préjudice subi par le demandeur ; la juridiction ou l’autorité compétente doit rechercher l’irrégularité de constitution qui a été commise et ordonner simplement la régularisation[79]. Cela se comprend aisément : l’action en régularisation n’étant pas une action en responsabilité, le demandeur n’a pas besoin de prouver que l’irrégularité lui a causé un préjudice. Pour ce qui est du cas spécifique des sociétés commerciales régies par l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, la juridiction saisie doit ordonner la régularisation sous astreinte. L’astreinte constitue, ici, la condamnation à verser une somme d’argent proportionnelle au retard mis à exécuter la décision de régularisation[80]. Elle tend à vaincre la résistance de la partie qui est à l’origine de l’irrégularité. Cependant, on peut être sceptique quant à l’efficacité de l’astreinte qui ne suffirait pas toujours à vaincre la mauvaise foi des associés à qui la régularisation est imposée. Aussi aurait-on pu songer à la désignation d’un mandataire chargé d’accomplir directement la formalité litigieuse[81]. Seulement, cela n’aurait pas résolu toutes les difficultés. En effet, à supposer que l’action en régularisation s’applique en cas de violation d’une condition de fond, aucun moyen de coercition ne permettrait, par exemple, de trouver dans une société anonyme les actionnaires nécessaires pour arriver au nombre minimum exigé qui n’a pas été atteint. La désignation d’un mandataire n’est donc possible qu’en cas d’inaccomplissement d’une formalité de publicité postérieure à la constitution. Quoi qu’il en soit, il serait nécessaire pour davantage assurer la restriction du domaine de la nullité des sociétés coopératives que le pouvoir d’ordonner une astreinte soit légalement reconnu à la juridiction compétente en ce qui concerne la régularisation de la constitution de ces personnes morales. 

Enfin, l’action aux fins de régularisation se prescrit par trois ans à compter de l’immatriculation de la société ou de la publication de l’acte modifiant les statuts[82]. Même s’il s’agit d’un délai de prescription qui est susceptible d’interruption et de suspension, l’existence de cette prescription ne se justifie pas, car il n’est jamais trop tard pour bien faire, donc pour régulariser une situation. Une telle prescription semble compromettre l’objectif recherché, la régularisation de la constitution de la société et, par voie de conséquence, la restriction du domaine des nullités des sociétés. 

Bien plus, pour contraindre aussi bien les fondateurs que les premiers membres des organes de gestion, de direction ou d’administration à veiller à la constitution régulière de la société et à réduire ainsi le domaine des nullité de ces entreprises, le législateur consacre leur responsabilité solidaire en cas de préjudice causé soit par le défaut d’une mention obligatoire dans les statuts, soit par la simple omission ou l’accomplissement irrégulier d’une formalité prescrite pour la constitution de la société[83]. Le délai d’action en responsabilité diffère selon qu’il s’agit des sociétés commerciales ou des sociétés coopératives. Dans le premier cas, ce délai est de trois ans alors que dans le second, il est de cinq ans. Il serait nécessaire que le législateur africain harmonise cette durée à trois ans d’autant plus que dans l’un et l’autre cas, le délai d’action en responsabilité se prescrit à compter du jour de l’immatriculation de la société ou de la publication de l’acte modifiant les statuts[84].

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, avec toute la force aujourd’hui reconnue à ses décisions, contribue à assurer l’effectivité de la régularisation de la constitution des sociétés et par voie de conséquence, de la limitation du champ des nullités de ces personnes morales. Dans un important avis en date du 23 juin 2015, elle précise que si à la suite de la décision de transformation d’une société, des formalités ont été omises ou mal accomplies, toute personne intéressée ou le ministère public peut demander la régularisation de ces formalités, comme la juridiction compétente peut l’ordonner d’office. Dans cet avis, la CCJA ajoute que si la décision prise par la juridiction compétente ordonnant la régularisation nécessite la convocation d’une assemblée générale pour décider des modifications des statuts nécessitées par le processus de régularisation, un mandataire judiciaire ou ad hoc peut être nommé à cet effet. Dans ce même avis, la Cour commune apporte des précisions importantes relatives aux conditions d’application des articles 63 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G et 75 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 réglementant l’action en régularisation. En effet, la haute juridiction de l’OHADA relève que ces articles ne peuvent servir de fondement à la régularisation nécessitée par le défaut de mise en harmonie des statuts sociaux, prévue par les articles 908 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 et 390 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G, que si l’action en régularisation intervient dans la période de deux (2) ans prescrite pour la mise en harmonie des statuts[85].

Pour sauvegarder l’intérêt de la société, des associés, des coopérateurs, du personnel employé et des tiers comme les créanciers sociaux, le législateur OHADA ne se limite pas à restreindre le domaine des nullités des sociétés, il cherche même à éviter cette sanction ou ses effets traditionnels.

II- La protection des intérêts menacés par l’évitement de la nullité ou de ses effets traditionnels  

La sanction des irrégularités de constitution des sociétés place le législateur OHADA dans une situation inconfortable qui l’appelle à concilier des intérêts parfois contradictoires, à savoir ceux des associés ou coopérateurs, de la société, des employés et des tiers à l’instar des créanciers sociaux. D’un côté, la prise en compte des exigences de constitution des sociétés qui tendent à préserver les intérêts des associés et des tiers conduirait à une annulation du contrat de société dès lors que ces exigences ne sont pas respectées. La sanction la plus efficace consisterait dans une nullité rétroactive : la société irrégulièrement constituée ne pourrait produire aucun effet juridique et serait réputée n’avoir jamais eu la personnalité morale[86]. D’un autre côté, il faut protéger les tiers qui ont contracté de bonne foi avec une société qu’ils croyaient valablement constituée. Une annulation complète et rétroactive serait pour eux catastrophique, car elle ne leur laisserait que des recours contre les associés et les fondateurs. Pour tenir compte de ces divers intérêts, le législateur OHADA cherche à doser avec soin la sévérité et la souplesse. Il facilite la couverture de la nullité compliquant ainsi sa mise en œuvre. Par conséquent, les annulations des sociétés sont théoriquement exceptionnelles. Compte tenu de ce caractère exceptionnel des annulations, le législateur a instauré des sanctions en remplacement de la nullité, à savoir la responsabilité civile, voire pénale, des fondateurs ou des associés. 

La combinaison de ces mécanismes permet de réaliser que la nullité des sociétés est, en droit OHADA, essentiellement un épouvantail. Son régime juridique vise essentiellement à dissuader et à décourager les personnes qui s’intéresseraient à sa mise en œuvre. Une telle nullité ne réussirait, principalement, jamais. Tout au moins, ne peut-elle essentiellement réussir que dans son rôle d’épouvantail sans faire pleinement justice à ceux qui l’invoquent. En s’inspirant du droit français, le législateur OHADA cherche à éviter l’annulation des sociétés, et, dans le cas où cette sanction est malgré tout prononcée, ses effets traditionnels. C’est ainsi qu’il a adopté plusieurs mesures visant à rendre difficile le prononcé de la nullité des sociétés (A), ou à empêcher le déploiement normal de ses effets (B).  

A. Les mesures visant à rendre difficile le prononcé de la nullité des sociétés 

L’exploitation des dispositions de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 et de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G régissant la nullité des sociétés permet de réaliser que le législateur est largement hostile au prononcé de cette sanction. Certes, le régime juridique de la nullité pour illicéité de l’objet social et dans une moindre mesure de celle pour fraude dans la constitution de certaines sociétés dénote une particulière sévérité du législateur. La nullité fondée sur l’illicéité de l’objet social par exemple obéit à un régime plus rigoureux que celui de droit commun. Elle est imprescriptible et ne peut être couverte puisque l’illicéité s’apprécie au jour de l’exploit introductif d’instance[87]. Une telle sévérité est justifiée, car l’ordre juridique en général ne saurait tolérer l’existence des sociétés exerçant des activités illicites ou immorales comme le blanchiment de l’argent de la drogue.

 En dehors de ces cas exceptionnels, le législateur OHADA est particulièrement souple et donc plus hostile au prononcé de la nullité. Il a adopté un ensemble de mesures rendant difficile l’exercice de l’action en nullité (1) et cherche même à supprimer l’intérêt à agir en nullité (2). 

1. Les mesures rendant difficile l’exercice de l’action en nullité

Le législateur OHADA a volontairement rendu difficile l’exercice de l’action en nullité des sociétés commerciales et des sociétés coopératives. Il a enserré l’action en nullité dans des conditions strictes, rendant ainsi son exercice complexe. Le régime de l’action en nullité est restrictif. Certes, une telle action peut être intentée par un associé entré dans la société après la commission de l’irrégularité, ce qui expose la personne morale à des risques de chantages. Mais, pour réduire ces risques, le législateur OHADA distingue la nullité de protection de la nullité absolue, celle pour illicéité de l’objet social par exemple. Dans le premier cas, seule la victime du vice peut intenter l’action. Dans le second, l’action peut être intentée par toute personne pouvant se prévaloir d’un intérêt légitime au succès de sa prétention, notamment les associés (sauf si la nullité leur est imputable), leurs créanciers personnels, les créanciers sociaux, les commissaires aux comptes ou les dirigeants sociaux. Seulement, deux principales mesures rendent particulièrement difficile l’exercice de l’action en nullité. 

D’une part, le demandeur ne doit pas, dans certains cas, être forclos. En effet, en cas de nullité de la société ou de ses actes, décisions ou délibérations fondées sur un vice du consentement ou l’incapacité d’un associé et lorsque la régularisation peut intervenir (par exemple accord de l’associé dont le consentement a été vicié), toute personne y ayant intérêt peut mettre en demeure l’associé incapable ou dont le comportement a été vicié de régulariser ou d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion[88]. La mise en demeure est faite par acte d’huissier ou notifiée par tout moyen permettant d’établir sa réception effective par le destinataire. L’acceptation de la preuve par tout moyen permet l’admission des preuves fournies par le biais des technologies de l’information et de la communication ainsi que l’écrit électronique. La mise en demeure est dénoncée à la société[89]. Cette mesure rappelle l’action interrogatoire prévue par l’article 1183 du Code civil français N° Lexbase : L2705K7C [90]

La lecture de l’ensemble des dispositions de l’AUDSCGIE permet de se rendre compte que le législateur semble ne pas aller au bout de sa logique. En effet, il n’a pas prévu la mise en demeure aux fins de régularisation de la constitution de la société pour des cas où l’annulation est fondée sur un défaut de publicité. Il s’est limité à prévoir que dans les SCS et dans les SNC, l’accomplissement des formalités de publicité est requis à peine de nullité de la société, de l’acte, de la décision ou de la délibération. Certes, dans ces cas, la juridiction compétente a la faculté de ne pas prononcer l’annulation encourue si aucune fraude n’est constatée[91]. Mais, pour davantage restreindre la nullité des sociétés, il serait nécessaire que le législateur consacre la possibilité pour toute personne ayant intérêt à la régularisation de la constitution de la société de mettre cette dernière en demeure de procéder à la formalité de publicité. Pour asseoir l’effectivité d’une telle mesure, il serait important que le législateur fixe un bref délai à la société pour procéder à la régularisation et donne la possibilité à toute personne intéressée de demander au juge des référés ou au tribunal statuant à bref délai, la désignation d’un mandataire chargé d’accomplir la formalité en cas de refus[92]. Même si l’absence de ces mesures se justifie par le fait que la régularisation préventive de la constitution des SNC et des SCS peut facilement être obtenue puisque toute personne intéressée dispose d’une action en régularisation[93], le législateur rendrait davantage exceptionnelles les nullités des sociétés en instituant ces mécanismes supplémentaires destinés à lutter contre le défaut de publicité de la constitution de ces entités économiques.  

D’autre part, en dehors de la nullité pour illicéité de l’objet social qui est imprescriptible, le législateur a, de manière générale, c’est-à-dire en ce qui concerne aussi bien les sociétés commerciales que les sociétés coopératives, fixé de brefs délais de prescription de l’action en nullité des sociétés pour toutes les autres causes de nullité légalement retenues. Les actions en nullité de toutes ces sociétés se prescrivent par (3) trois ans à compter de leur immatriculation ou de la publication de l’acte modifiant leurs statuts[94]. On le voit bien, le législateur cherche à rendre difficile l’action en nullité de telles entités économiques d’autant plus qu’elles ne sont valablement reçues que si les demandeurs ont préalablement respecté le délai de forclusion qui est de six mois donné aux fins d’introduction d’une action préalable en régularisation du vice entachant la constitution de la société[95].

Même si le délai de prescription de l’action en nullité est en principe le même en ce qui concerne la nullité des actes, décisions ou délibérations de la société, le législateur manifeste ici plus qu’en ce qui concerne la nullité des sociétés, la volonté de compliquer l’exercice de telles actions. En effet, le délai d’action en nullité est beaucoup plus bref en ce qui concerne spécifiquement les fusions ou les scissions des sociétés commerciales régies par l’AUDSCGIE. Un tel délai est de (6) six mois à compter de la date de la dernière inscription de la fusion ou de la scission au RCCM[96].

Les voies de recours sont celles de droit commun, sauf en ce qui concerne la tierce opposition contre les décisions prononçant la nullité d’une société commerciale qui, conformément à l’article 252 de l’AUDSCGIE, n’est recevable que dans un délai de six (6) mois à compter de la publication dans un journal habilité à recevoir les annonces légales du siège de la juridiction[97]. Cette mesure tend à éviter les inconvénients que présenterait la remise en cause tardive d’une annulation. Elle témoigne du souci d’assurer les apparences. Il serait contraire à la sécurité des transactions de décider qu’une société annulée était finalement valable que d’annuler une société que les associés et les tiers de bonne foi considéraient comme régulière. La personnalité d’une société ne doit pas connaître des interruptions.

À ces mécanismes rendant difficile l’exercice de l’action en nullité des sociétés, le législateur ajoute, pour davantage préserver les intérêts de la société qui ne doit pas facilement être annulée, les mesures visant à supprimer l’intérêt à agir en nullité. 

2- Les mesures visant à supprimer l’intérêt à agir en nullité

Le législateur OHADA cherche à décourager toute personne qui, pour une raison ou pour une autre, serait tentée de demander l’annulation de la société. C’est ainsi qu’il a volontairement mis sur pied plusieurs mesures visant à supprimer l’intérêt à agir en nullité. Certaines sont communes aux sociétés commerciales et aux sociétés coopératives alors que d’autres sont spécifiques au premier type de sociétés.

S’agissant des mesures communes aux sociétés commerciales et coopératives, l’on peut retenir la possibilité de couverture de la nullité et l’extinction de l’action en nullité. Pour mieux cerner ces mécanismes, il importe de les analyser distinctement. 

D’une part, à l’exception de l’illicéité de l’objet social[98], toutes les autres causes de nullité des sociétés coopératives et commerciales peuvent être couvertes volontairement ou de manière forcée[99]. S’inspirant du régime applicable aux nullités de procédure, le législateur OHADA multiplie les possibilités de régularisation « a posteriori » de la constitution de la société. À la différence de la sanction de la clause contraire réputée non écrite, le juge saisi d’une action en nullité a la faculté, même d’office, de fixer un délai pour permettre de couvrir la nullité. Cette liberté d’appréciation de la durée du délai permet de réaliser qu’un tel délai est illimité. Si, pour couvrir une nullité, une assemblée doit être convoquée et s’il est justifié d’une convocation régulière de cette assemblée, le juge accorde le délai nécessaire pour que les associés puissent prendre une décision. À l’expiration de ces délais, si aucune décision de couverture de la nullité n’est pas prise, le juge ne statue pas immédiatement et ne peut non plus statuer d’office puisqu’il « n’agit qu’à la demande de la partie la plus diligente »[100]. Tout dépend donc des parties à l’instance en nullité. Si elles n’agissent pas, l’instance demeure suspendue. La mesure est alors une forme de ralentissement voire de suspension d’instance en nullité. Elle vise à inciter les parties à la régularisation de leur acte. En tout cas, une procédure si longue peut décourager le demandeur et aboutir à la confirmation plus ou moins tacite de l’acte irrégulier[101]. La confirmation étant « l’acte par lequel une personne renonce expressément ou tacitement au droit d’attaquer un acte annulable ou rescindable, et du même coup purge cet acte du vice qui l’entachait »[102], elle constitue un mécanisme efficace de couverture de la nullité des sociétés envisagé implicitement par le législateur OHADA. 

En ouvrant la possibilité de couverture de la nullité, le législateur soutient le projet d’entreprise. Il cherche visiblement à éviter l’annulation de la société. La couverture de la nullité conduit pratiquement à la régularisation de la constitution de la société. Seulement, cette régularisation ne doit pas être confondue à celle préventive régie par les articles 63 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G et 75 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3. Elle est propre aux irrégularités génératrices de nullités, alors que ces articles traitent de la régularisation en cas d’inaccomplissement de toute formalité de constitution. Elle suppose le bon vouloir des dirigeants alors que ces articles permettent de forcer les forcer à agir, spécifiquement en ce qui concerne les sociétés commerciales. 

Afin de faciliter la régularisation judiciaire de la société et décourager, par voie de conséquence, toute personne qui voudrait éventuellement jouir immédiatement des « avantages » de l’annulation de la société, le législateur retarde le moment où la nullité peut être prononcée. La juridiction compétente ne peut, conformément aux articles 200 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G et 247 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, pas prononcer la nullité moins de (2) deux mois après la date de l’exploit introductif d’instance[103]. Cette mesure témoigne curieusement d’un certain optimisme sur la célérité de la justice dans les États parties à l’OHADA alors que sur le plan pratique les juridictions de ces États n’agissent pas toujours avec célérité[104]. Par conséquent, en les encourageant à agir avec lenteur, le législateur décourage véritablement toute personne avertie de ce dysfonctionnement des juridictions de tenter de les saisir pour solliciter l’annulation des sociétés. 

D’autre part, la loi oppose un obstacle général au prononcé de la nullité. L’action en nullité des sociétés commerciales et des sociétés coopératives s’éteint lorsque la cause de nullité a cessé d’exister, par exemple lorsque le mineur devient majeur ou l’incapable retrouve sa capacité, le jour où la juridiction compétente statue sur le fond en première instance[105]. Il y a là une volonté manifeste du législateur d’empêcher le prononcé de la nullité des sociétés. Le droit des sociétés tend ainsi à privilégier l’utilité économique au détriment de la validité des actes juridiques. Toutefois, cette extinction n’a pas une portée absolue[106]. Certaines nullités notamment celles fondées sur le caractère illicite de l’objet social ou celle pour fraude sont imprescriptibles. La prescription ne court pas tant qu’elles existent. De même, conformément au droit commun, l’exception de nullité, c’est-à-dire la nullité invoquée en défense contre un demandeur de mauvaise foi, est imprescriptible. En principe la juridiction compétente doit prononcer la nullité lorsque les conditions sont réunies et qu’aucun des obstacles prévus par la loi n’a mis fin à l’action du demandeur. Certes, les Actes uniformes ne prévoient pas explicitement cette règle. Mais elle semble indiscutable puisque, sauf disposition prescrivant exceptionnellement une nullité facultative[107], les nullités des sociétés sont en règle obligatoires[108].

S’agissant des mesures spécifiques aux sociétés commerciales régies par l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, l’analyse des dispositions de ce texte permet de déceler deux principales mesures visant à supprimer l’intérêt à agir en nullité. 

En premier lieu, la « société ou un associé peut soumettre à la juridiction compétente (…) toute mesure susceptible de supprimer l’intérêt à agir du demandeur notamment le rachat des titres sociaux de l’associé incapable ou dont le consentement a été vicié » [109] qui a choisi d’agir en nullité à la suite de la demande en régularisation prévue par l’article 248 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3. Un tel rachat conduit pratiquement à l’exclusion forcée de l’associé incapable ou dont le consentement est vicié de la société. Dans ce cas, le législateur précise que la juridiction compétente peut, soit prononcer la nullité, soit rendre obligatoires les mesures proposées si elles ont été préalablement adoptées par la société aux conditions prévues pour la modification des statuts[110]. Ici, le souci de protéger la société économiquement viable prime sur celle de l’associé incapable ou dont le consentement est vicié et justifie son exclusion de la société. Le prononcé de la nullité de la société semble être très exceptionnel dans cette situation. Même si l’assemblée des associés doit donc s’être préalablement prononcée sur la mesure visant à supprimer l’intérêt à agir qui sera sollicitée du juge, il sera pratiquement difficile d’arriver au prononcé de la nullité de la société, car l’associé dont le rachat des titres sociaux est demandé ne prend pas part au vote et ses parts ou actions ne sont pas prises en compte dans le calcul du quorum et de la majorité[111]. Les mesures susceptibles de supprimer l’intérêt à agir en nullité sont donc des actes unilatéraux collectifs des seuls associés qui cherchent à sauver la société malgré l’irrégularité. 

En second lieu, le législateur donne le pouvoir au juge de refuser de prononcer la nullité des SNC et des SCS en l’absence de fraude dans les formalités de leur constitution. En effet, même si dans ces sociétés l’accomplissement des formalités de publicité est requis à peine de nullité de la société, de l’acte, de la décision ou de la délibération selon le cas, la juridiction compétente a la faculté de ne pas prononcer la nullité encourue si aucune fraude n’est constatée. Elle n’est tenue de prononcer la nullité qu’en cas de fraude dans l’accomplissement des formalités de publicité. Dans tous les autres cas, qui sont les plus nombreux, elle est peut légalement refuser de prononcer la nullité[112].

Si l’ensemble de ces mesures tendent à supprimer l’intérêt à agir en nullité, d’autres mesures visent à empêcher le déploiement normal des effets de la nullité.

B. Les mesures visant à empêcher le déploiement normal des effets de la nullité des sociétés

La nullité anéantit classiquement l’acte de société de manière rétroactive. Cet anéantissement est un effet radical jugé excessif par le législateur OHADA qui a prévu des mesures pour empêcher le déploiement normal des effets de la nullité. 

À l’analyse, le législateur régional inspiré par le législateur français prévoit un régime restrictif des nullités des sociétés commerciales et coopératives au point où un auteur estime qu’il a « fait une véritable chasse aux sorcières et a rendu les annulations de sociétés exceptionnelles »[113]. Il cherche à empêcher le déploiement normal des effets de la nullité en consacrant sa non-rétroactivité (1). Pour atteindre les le même but, il cherche à la remplacer par d’autres sanctions (2). 

1- La non-rétroactivité de la nullité des sociétés  

La sanction classique des irrégularités de constitution des actes juridiques est leur annulation rétroactive qui entraîne la disparition de leurs effets dans le passé et pour l’avenir. Par dérogation au droit commun, le législateur OHADA a adouci les effets de la nullité des sociétés en consacrant le caractère non rétroactif de cette sanction. La nullité des sociétés n’a, en droit OHADA, point d’effets rétroactifs[114]. La non-rétroactivité de l’annulation de ces personnes morales vise aussi bien à les protéger qu’à assurer la préservation des intérêts des associés voire des tiers de bonne foi qui ont contracté avec elle. En effet, l’annulation rétroactive est une sanction « drastique »[115] pour la société, car elle implique la disparition rétroactive du contrat de société. Cette convention devrait être censée n’avoir jamais existé et devrait, par conséquent, être privée d’effet ab initio. Bien plus, les annulations sont, en principe, de nature à compromettre la sécurité dans les relations juridiques en remettant en cause les actes conclus par la société, car bien que nulle, la société a dans la plupart de cas fonctionné. Certes, dans des cas rares où le contrat de société n’a pas encore reçu d’exécution, son annulation ne suscite pas de difficulté parce que les associés doivent seulement récupérer leurs apports. Mais, dans des cas plus fréquents d’annulation des contrats de société déjà exécutés, la fiction de la rétroactivité impose de remettre les choses en l’état et, pour les associés, de supporter le passif social. 

L’annulation avec effet rétroactif de la société est de nature à porter atteinte aux intérêts des tiers qui ont contracté de bonne foi avec la personne morale, car elle entraîne la remise en cause des contrats conclus avant la disparition de la personne morale. À l’égard des tiers, la nullité a davantage un effet destructif, car sur la foi du contrat, ils ont pu acquérir des droits. En l’occurrence, l’acheteur d’un bien l’a revendu à un tiers, l’a loué ou l’a prêté, ou a conclu des contrats liés à son entretien tels que les contrats d’assurance des travaux ou du travail pour son exploitation. Entraînant la disparition rétroactive de tous les droits des acquéreurs, la nullité emporte dans son sillage tous ces droits en vertu du principe nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet, selon lequel une personne ne peut transférer à autrui plus de droits qu’elle n’en a elle-même[116].

La consécration de la non-rétroactivité de la nullité des sociétés est avantageuse pour celles-ci, les associés ou coopérateurs et les tiers, parce qu’elle produit des effets spécifiques à leur égard.

Vis-à-vis des sociétés, la non-rétroactivité permet de mettre fin seulement pour l’avenir à l’exécution du contrat de société, aux relations découlant de cette convention et à la personnalité morale de la société. Il est simplement procédé à la dissolution des sociétés unipersonnelles annulées et pour ce qui concerne celles pluripersonnelles à leur liquidation[117]. La société ne cesse d’exister que pour l’avenir. Sa personnalité morale est même maintenue pour les besoins de sa liquidation. Alors que les nullités de droit commun rétroagissent de telle manière que l’acte nul est censé n’avoir jamais existé, les règles de droit OHADA des sociétés sont originales. La nullité n’étant pas rétroactive, la société est censée avoir fonctionné comme une société de fait et les actes qu’elle a conclus avant l’annulation ne sauraient être remis en cause ; ils demeurent valables. 

À l’égard des associés ou des coopérateurs, la société est annulée et liquidée, en principe, conformément aux dispositions de ses statuts. Malgré la nullité, on applique le cas échéant les clauses des statuts relatives au boni de liquidation. Cependant, la liquidation s’opèrerait exceptionnellement sans rétroactivité dans trois cas suivants. 

Tout d’abord, l’associé incapable ou celui dont le consentement a été vicié reprend ses apports francs et est quitte de toutes charges. Cette solution résulte tacitement de l’alinéa 2 de l’article 255 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 qui accorde aux intéressés le droit d’opposer la nullité aux tiers et a fortiori à ses coassociés.

Ensuite, il semble que la liquidation ne puisse pas s’opérer selon les statuts lorsque la société est frauduleuse ou l’objet social a un caractère illicite, car cela reviendrait à reconnaître un effet à une convention contraire à l’ordre public. Selon un auteur avisé, une règle aussi sévère doit avoir un domaine limité ; elle ne paraît pas « s’appliquer au cas d’atteinte, non pas à l’ordre public classique, mais à l’ordre public économique, social ou professionnel »[118]. Dès lors, la juridiction compétente à prononcer la nullité des sociétés dans un État partie à l’OHADA ne saurait par exemple ordonner la liquidation d’une société ayant pour objet le trafic de stupéfiants selon ses statuts. 

Enfin, en cas d’absence totale de consentement ou de défaut d’affectio societatis, les juridictions compétentes ne sauraient appliquer un pacte social qui n’a pas été voulu par les associés. La société serait plus que nulle ; elle serait inexistante. 

Lorsque la liquidation s’opère sans tenir compte des statuts, chaque pseudo-associé reprend ses apports, puisqu’il est censé n’en avoir pas transféré la propriété à la société. Si, une fois les apports repris, il existe encore un actif, celui-ci est partagé dans les mêmes proportions que la participation des pseudo-associés au capital social. Si, par contre, il y a eu des pertes, celles-ci se répartissent selon les mêmes proportions sans que, en règle générale, les intéressés puissent limiter leur obligation au montant de l’apport qu’ils ont opéré[119].

Vis-à-vis des tiers, l’absence de rétroactivité de la nullité est encore plus profitable. La société annulée sans rétroactivité est, à l’égard des tiers comme des associés, considérée comme ayant existé valablement jusqu’à la date de son annulation, laquelle est assimilée à une dissolution. Les tiers de bonne foi, c’est-à-dire ceux qui ont contracté avec une société qu’ils croyaient valablement constituée parce qu’ignorant l’irrégularité atteignant sa constitution, ont le choix entre la nullité et la validité de la société[120].  

Si les tiers de bonne foi font le choix de la nullité de la société, ils ne sont plus admis à soutenir que la société n’a pas existé, mais seulement à demander sa liquidation selon les statuts si celle-ci leur apparaît plus avantageuse que le maintien de sa validité. À l’analyse, cette liquidation ne peut se faire en suivant les statuts que si les formalités de publicité ont été régulièrement accomplies. Dans le cas contraire, il semble que les tiers puissent obtenir que les associés soient tenus indéfiniment du passif social en toute hypothèse, et solidairement si la société a un caractère commercial. En effet, faute d’une immatriculation, la société qui a été annulée ne pouvait théoriquement être qu’une société en participation ou une société de fait ou créée de fait. 

En revanche, si les tiers de bonne foi font le choix de la validité de la société malgré les irrégularités affectant sa constitution, ils peuvent demander l’exécution des engagements pris par les dirigeants, car ni la société ni les associés ne peuvent en principe se prévaloir d’une nullité à leur égard pour tenter d’échapper à leurs engagements, à moins qu’il ne s’agisse exceptionnellement d’une nullité pour vice de consentement ou pour incapacité[121]. Si la nullité de la société est donc en règle inopposable aux tiers de bonne foi, elle est exceptionnellement opposable à tous les tiers même ceux de bonne foi lorsqu’elle est fondée sur un vice de consentement ou sur l’incapacité d’un associé. Dans ce cas, l’incapable ou son représentant ou la personne dont le consentement a été vicié peuvent opposer la nullité aussi bien aux tiers de mauvaise foi qu’à ceux de bonne foi. Même si cette solution n’est explicitement prévue que par l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, l’esprit général des règles régissant la nullité des sociétés coopératives présent dans l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G permet de penser qu’elle est aussi applicable en cas d’annulation de ces dernières entités économiques. 

Si le législateur, à travers la non-rétroactivité, a limité les conséquences de la nullité au cas où elle serait malgré tout prononcée, il a aussi adopté plusieurs mesures tendant à éviter ses effets en remplaçant cette sanction par d’autres.

2- La consécration des sanctions de substitution à la nullité   

L’effacement des nullités a été contrebalancé par l’accroissement de la responsabilité de ceux qui interviennent dans la constitution de la société. Le législateur cherche ainsi à assurer, de la manière la plus efficace, la régularité des constitutions des sociétés. Une telle sanction oblige ces entités économiques et leurs fondateurs à éviter les irrégularités de constitution pouvant entraîner la nullité de la société. La responsabilité ne joue pas seulement ce rôle préventif, elle remplace la nullité et empêche efficacement à cette sanction de déployer ses effets. L’on comprend pourquoi elle est à la fois une sanction complémentaire et de substitution à la nullité. Le remplacement de la nullité par la responsabilité se comprend dans la mesure où dans certaines hypothèses, la nullité est très difficile, voire impossible à mettre en œuvre, car la situation antérieure ne peut pas être rétablie. C’est notamment le cas lorsque la délibération ou l’acte annulé impliquait un transfert de propriété de titres cotés (augmentation de capital ou offre publique d’achat par exemple), ces derniers étant généralement impossibles à identifier et l’acquéreur de bonne foi étant protégé contre toute action en restitution.

Dans la mesure où le régime restrictif de la nullité des sociétés rend les annulations exceptionnelles, il fallait instaurer d’autres sanctions des irrégularités de constitution des sociétés. S’inspirant du droit français, le législateur OHADA a mis sur pied la responsabilité qui peut être civile ou pénale afin de protéger notamment les associés ou actionnaires, les coopérateurs et les tiers. Les associés que la loi entend protéger ici sont ceux qui sont victimes de l’annulation de la société. Cette catégorie couvre tous les coopérateurs, les associés ou actionnaires, personnes physiques ou morales, auxquels la responsabilité n’est pas imputable. La catégorie des « tiers » comprend toutes les personnes physiques ou morales distinctes des coopérateurs, des associés ou des actionnaires parce que ne détenant pas des titres sociaux[122].

S’agissant de la responsabilité civile, l’analyse du droit OHADA des sociétés commerciales permet de distinguer plusieurs hypothèses. 

Tout d’abord, l’article 256 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 pose le principe général de responsabilité solidaire des associés et des dirigeants sociaux lorsque la nullité de la société leur est imputable. Il ressort de l’alinéa 1er de cet article que les associés et les dirigeants sociaux auxquels la nullité est imputable peuvent être déclarés solidairement responsables du dommage résultant pour les tiers de l’annulation de la société. L’effacement des effets de la nullité des sociétés est ainsi compensé par la responsabilité civile de ceux qui interviennent dans la constitution de la société commerciale. La menace d’une telle responsabilité semble être la manière la plus efficace de garantir la régularité de la constitution des sociétés. Il faut cependant distinguer le cas des associés et des dirigeants sociaux. Pour les associés, il n’y a pas de problème si la société est une société de personne. Ici, la société étant engagée, les associés sont solidairement et indéfiniment responsables avec elle. Les associés victimes disposent de l’action individuelle ou de l’action sociale pour mettre en exergue la responsabilité des autres associés ou des dirigeants sociaux[123]. Pour les dirigeants sociaux en revanche, si plusieurs d’entre eux ont participé aux mêmes faits, leur responsabilité est solidaire à l’égard des tiers. À défaut, le dirigeant fautif est individuellement responsable. En cas de responsabilité solidaire, la juridiction compétente détermine la part contributive de chaque dirigeant dans la réparation du dommage[124].  

En tout état de cause, pour que la responsabilité civile soit engagée, il faut la preuve d’une faute, d’un dommage subi et du lien de causalité entre la faute et le dommage. La faute ici consiste dans la violation des règles de droit commun et de droit OHADA de société régissant la constitution des sociétés sanctionnée par la nullité. Elle peut notamment être le défaut d’une mention obligatoire dans les statuts ou l’omission ou l’accomplissement irrégulier d’une formalité de constitution de la société. Contrairement au droit français où la jurisprudence subordonne cette responsabilité à la preuve d’une faute du dirigeant séparable des fonctions[125], peu importe en droit OHADA que la faute soit détachable ou non des fonctions du dirigeant[126].

L’alinéa 2 de l’article 256 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 fixe à trois ans le délai de prescription de l’action en responsabilité fondée sur l’annulation de la société, à compter du jour où la décision d’annulation est passée en force de chose jugée. En ce qui concerne spécifiquement les SARL, l’article 316 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 prévoit la responsabilité solidaire, envers les autres associés et les tiers, de premiers dirigeants et des associés auxquels la nullité de la société est imputable et fixe à trois ans le délai de prescription de cette action en responsabilité à compter du jour où la décision d’annulation est passée en force de chose jugée. 

Ensuite, une autre action en responsabilité civile peut être intentée pour obtenir réparation d’un préjudice lié à l’existence d’une irrégularité susceptible d’entraîner l’annulation de la société, même si la nullité est couverte. En effet, aux termes de l’article 256 alinéa 3 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, la disparition de la cause de nullité ne fait pas obstacle à l’exercice de l’action en responsabilité tendant à la réparation du préjudice causé par le vice dont la société, l’acte ou la délibération était entaché. Cette action se prescrit par trois ans à compter du jour où la nullité a été couverte. La responsabilité peut donc être recherchée même si la cause de nullité a disparu par réparation du vice qui entachait la constitution de la société, dès lors qu’il y a eu une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux[127].  

 Une autre action encore tend à réparer le dommage causé par le défaut d’une mention obligatoire dans les statuts, l’omission ou l’accomplissement irrégulier d’une formalité légalement prescrite pour la constitution des sociétés. C’est ce qui ressort de l’article 78 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 qui consacre la responsabilité solidaire des fondateurs et des premiers membres des organes de gestion, de direction ou d’administration pour le préjudice causé, soit par le défaut d’une mention obligatoire dans les statuts, soit par l’omission ou l’accomplissement irrégulier d’une formalité prescrite pour la constitution de la société. On retrouve la même responsabilité à l’article 79 de ce texte en cas de modification des statuts pour les membres des organes de gestion ou de direction.  

Enfin, l’analyse des dispositions de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G permet de découvrir d’autres hypothèses de responsabilités civiles. Selon l’article 216 de ce texte, les initiateurs et les premiers dirigeants auxquels la nullité de la société coopérative simplifiée est imputable sont solidairement responsables envers les autres coopérateurs et les personnes autres que ceux-ci du dommage résultant de l’annulation. L’action se prescrit par trois ans à compter du jour où la décision d’annulation est deve­nue définitive. Bien plus, les initiateurs de la société coopérative avec conseil d’administration auxquels la nullité est imputable et les administrateurs en fonction au moment où elle a été encourue peu­vent être déclarés solidairement responsables du dommage résultant, pour les coopé­rateurs ou pour les tiers, de l’annulation d’une telle société. La même responsabilité solidaire peut être retenue à l’égard des coopérateurs dont les apports n’ont pas été vérifiés et approuvés[128]. L’action en responsabilité fondée sur l’annulation de la société coopérative avec conseil d’administration se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, à partir de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié de crime, l’ac­tion se prescrit par dix ans[129].

Pour ce qui est de la responsabilité pénale, le législateur OHADA a utilisé une technique originale de répression des infractions qui consiste à désigner un minimum de comportements répréhensibles comme constituant des incriminations et à laisser la liberté aux États membres de l’Organisation de les compléter par des sanctions adéquates. Cette démarche est légalement justifiée dans la mesure où elle est prévue par l’alinéa 2 de l’article 5 du traité OHADA qui précise que les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination pénale et laisse aux États membres de l’Organisation la charge de déterminer les sanctions pénales encourues. Seulement, il y a lieu de craindre l’émergence de dispositions pénales à géométrie variable et plus ou moins laxistes selon les pays. Les peines risquent d’être plus sévères dans certains États et moins rigoureuses dans d’autres. Dans ce dernier cas, il y a lieu de craindre l’émergence des « paradis pénaux ». Rien n’exclut que les peines puissent varier d’un État à un autre. Par conséquent, la liberté laissée aux pays membres de l’Organisation de déterminer les sanctions pénales est de nature à briser l’unification législative recherchée par le législateur OHADA. Dans tous les cas, aucun État ne devrait avoir intérêt à céder au laxisme en matière de répression pénale des irrégularités de constitution des sociétés, sans porter ainsi atteinte à la sécurité des investissements qui passe par une sécurité juridique, élément de confiance et, par voie de conséquence, de développement économique. Parce que les incriminations pénales visent à inciter les fondateurs à se conformer aux formalités légales de constitution et donc à éviter les annulations des sociétés, il serait nécessaire que le législateur, pour asseoir cet objectif, les complète par des sanctions pénales appropriées. 

En tout état de cause, dans le souci de protection des associés, des tiers ainsi que de la société le législateur incrimine des actes mensongers de nature à rendre irrégulière la constitution des sociétés commerciales dans les articles 886 et 887 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3. Ces incriminations visent à assurer aussi bien l’effectivité du capital social (simulation de souscription ou de versements, publication de faits faux, création des actions avant l’immatriculation de la société) que la régularité de sa déclaration (mensonge dans l’établissement du certificat de dépôt des souscriptions ou de versement, surévaluation des apports en nature). 

Il ressort de l’article 886 que constitue une infraction pénale le fait, pour les fondateurs, le président-directeur général, le directeur général, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint d’une société anonyme d’émettre des actions avant l’immatriculation ou à n’importe quelle époque lorsque l’immatriculation est obtenue par fraude ou la société est irrégulièrement constituée. Cet article ne traite seulement que de l’émission irrégulière des actions. La question peut dès lors se poser de savoir si l’on peut également soumettre à cette incrimination l’émission dans les mêmes circonstances des obligations ou de toute autre valeur mobilière. Le principe d’interprétation stricte de la loi pénale interdit pareille extension. De même, le législateur régional ne vise dans cet article que les fondateurs et les dirigeants des sociétés anonymes. Mais, on peut se demander si, en vertu de l’article 853-3 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, le président de la société anonyme simplifiée peut également être concerné. Bien plus, le législateur ne vise pas dans cet article le directeur général adjoint mais seulement l’administrateur général adjoint de la SA. Faut-il, au cas où le directeur général adjoint d’une SA commettrait les faits incriminés, retenir sa responsabilité pénale ? L’interprétation stricte de la loi pénale conduit à des réponses négatives à ces deux questions. 

L’article 887 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 réprime plusieurs comportements précis des différentes personnes pouvant intervenir dans la constitution de la société commerciale. Sont ainsi concernés les fondateurs de la société mais aussi les notaires, les dépositaires des fonds collectés, les commissaires aux apports et même les associés. Les comportements réprimés intègrent à la fois des déclarations de fausses souscriptions ou de faux versements et leur publication. La publication incriminée est faite par tous les modes d’informations écrits ou verbaux adressés au public. Il peut donc s’agir de la publication par voie de presse écrite, radio, télévision ou internet. Il faut y ajouter l’évaluation sciemment faussée d’un apport en nature. Seulement, le législateur ne réprime cependant que la surévaluation et non la sous-évaluation.    

Par la technique du renvoi législatif, le législateur OHADA reprend les mêmes incriminations en ce qui concerne les sociétés coopératives. L’article 387 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G procède à cette récupération en ces termes : « sous réserve des dispositions spécifiques prévues à l’article 386 ci-dessus, sont applicables aux sociétés coopératives ainsi qu’à leurs unions, fédérations et confédérations, les dispositions non contraires des articles 886 à 905 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ».

 

Conclusion

 Deux principaux constats se dégagent en définitive de cette étude qui avait pour objectif de chercher à savoir comment, en droit OHADA, le régime juridique de la nullité des sociétés protège les intérêts menacés, notamment ceux spécifiques de ces entités économiques, des associés, des coopérateurs, du personnel employé ou des tiers et, par conséquent, ceux économiques, politiques, financiers ou fiscaux d’ordre général. 

D’une part, pour protéger ces intérêts le législateur OHADA a, comme en droit français, considérablement restreint le domaine des nullités des sociétés. Pour ce faire, il a adopté des mécanismes principaux de restriction du domaine des nullités des sociétés qu’il renforce par des moyens complémentaires. Dans le premier cas, il consacre les seules nullités textuelles des sociétés commerciales et réduit drastiquement les causes d’annulation de ces entités économiques. Dans le second cas, il a non seulement institué le contrôle préventif de régularité de la constitution des sociétés, mais aussi ouvert largement l’action en régulation de leur constitution.

D’autre part, pour sauvegarder les mêmes intérêts, le législateur OHADA cherche à éviter non seulement la nullité, mais aussi ses effets. En s’inspirant du droit français, il a adopté plusieurs mesures visant à rendre difficile le prononcé de la nullité des sociétés ou à empêcher le déploiement normal de ses effets. En premier lieu, il a rendu difficile l’exercice de l’action en nullité et cherche à supprimer l’intérêt à agir en nullité. En second lieu, il a considérablement adouci les effets de la nullité des sociétés en consacrant sa non-rétroactivité et cherche à éviter cette sanction en la remplaçant par d’autres comme la responsabilité civile ou pénale. 

Cependant, il ne faut pas exagérer les précautions prises par le législateur dans la réglementation de la nullité des sociétés, pour protéger les intérêts en jeu. Le législateur n’est, dans certains cas, pas allé au bout de sa logique. Il existe un dualisme juridique critiquable en ce qui concerne la réglementation du domaine des nullités des sociétés. Si le législateur est particulièrement hostile à la nullité des sociétés commerciales régies par l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, il ne manifeste pas de bout en bout la même hostilité en ce qui concerne la nullité des sociétés coopératives. À l’opposé des sociétés commerciales régies par l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, le législateur ne restreint pas de la même manière le domaine des nullités des sociétés coopératives. C’est ainsi qu’il ne consacre ni le caractère textuel de la nullité des sociétés coopératives, ni, par conséquent, la règle « pas de nullité de sociétés coopératives sans cause texte ». Dans les sociétés coopératives tout comme dans les sociétés commerciales, l’efficacité du contrôle de régularité de la constitution est relative dans la mesure où le législateur ne reconnait pas respectivement au greffier et à l’autorité administrative la possibilité d’exercer un contrôle approfondi qui dépasse le simple examen externe des formalités de constitution. De même, dans ces deux types de sociétés, la réglementation de l’action en régularisation est relativement inappropriée.

 

[1] L’OHADA a été instituée le 17 octobre 1993 à la faveur du traité de Port-Louis (île Maurice) signé par 14 États africains de la zone franc auxquels se sont ajoutés par la suite trois adhérents.  

[2] La nature juridique de la société est au cœur d’une controverse doctrinale qui a duré dans le temps. Lire notamment, J. Mestre, « La société est bien encore un contrat », in Mélanges Christian MoulyLexisNexis, 1998, p. 131 sq ; J.-P. Bertel, « Liberté contractuelle et société-Essai d’une théorie du “juste milieu” en droit des sociétés », RTD Com. 1996, p. 595 ; P. Didier, « Le consentement avec l’échange : le contrat de société », RJ com, nov. 1995, p. 75 sq. ; « Note sur le contrat -organisation », in Mélanges offerts à François Terré, Dalloz, PUF, JurisClasseur, 1999, p. 635 sq. ; J.- F. Hamelin, Le contrat-alliance, Paris, Economica, coll. Recherches Juridiques, 2012, 596 p. S. Lequette, Le contrat-coopération : contribution à la théorie générale du contrat, Paris, Economica, coll. Recherches Juridiques, 2012, 514 p.

[3] V. art. 4 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[4] Sur le contrat comme un acte juridique, v. art. 1100-1 al. 1er du Code civil français. Lire notamment B. Moron-Puech, Contrat ou acte juridique ? Étude à partir de la relation médicale, thèse, Panthéon-Assas, 2016, p. 2 sq. 

[5] V. art. 5 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[6] Sur cette définition de l’acte juridique, v. art. 1100-1 du Code civil français. 

[7] La nullité ne concerne que les actes juridiques ; elle ne saurait frapper les faits juridiques, car ceux-ci ne peuvent être juridiquement niés (D. Pouyaud, « Nullité », in D. Alland et S. Rials [dir.], Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Guadrige/Lamy-Puf, 2003, p. 1088. 

[8] V. S. Guinchard et Th. Debard (dir.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 26e éd., 2018-2019, p.726. 

[9] V. G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Paris, PUF, 12e éd., 2018, p. 478-479.

[10] Sur ces distinctions, v. par exemple Y. Buffelan-Lanore et V. Larribau-Terneyre, Droit civil. Les obligations, 16e éd. Sirey, 2018-2019, p. 490 sq. 

[11] Tant la nullité que la rescision sont assorties d’un effet rétroactif.  

[12] La rétroactivité de l’inopposabilité est limitée aux relations avec les tiers alors que celle de la nullité touche tous les sujets de droit.

[13] V. art. 1229 du Code civil français N° Lexbase : L0934KZM

[14]Le nouveau Code civil français consacre cette sanction dans les articles 1186 N° Lexbase : L0892KZ3 et 1187 N° Lexbase : L0891KZZ

[15] Tel est le cas si deux personnes s’engagent relativement à des contrats distincts. En dépit d’une offre et d’une acceptation expressément formulées, la rencontre des volontés n’a pas pu intervenir. Le 3e alinéa de l’art. 1118 du Code civil français N° Lexbase : L0836KZY précise, en ce sens, que « l’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet »

[16] V. Cass. civ. 1re, 5 mars 1991, no 89-17167 N° Lexbase : A8664CMT.

[17] Pour plus de distinction entre la nullité et l’inexistence, v. notamment A Posez, L’inexistence du contrat. Un autre regard sur sa formation, thèse, Paris II, 2010, no 2 sq.  

[18] Y. Buffelan-Lanore et V. Larribau-Terneyre, Droit civil. Les obligationsop. cit., p. 490, no 1442. 

[19] Sur le panorama didactique de la théorie moderne des nullités, v. par exemple O. Gout, Le juge et l’annulation du contrat, Aix-en-Provence, PUAM, coll. Institut de Droit des Affaires, 1999, 552 p, repris par J. B Lafitte, La théorie moderne des nullités, mémoire de Master II, Paris Sud, 2013-2014, 32 p. Sur les critiques de la théorie classique des nullités, v. entre autres, « A. Posez, “La théorie des nullités. Le centenaire d’une mystification », RTDciv., no 4, 2011, p. 645 sq. 

[20] Selon l’article 3 de l’AUDSCGIE, les seules formes de sociétés commerciales pouvant être choisies par toute personne désirant exercer en société une activité commerciale sont celles prévues par ce texte. En revanche, l’alinéa 4 de l’article 1er de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G précise que ce texte régit entre autres les sociétés commerciales, c’est-à-dire les sociétés coopératives exerçant une activité commerciale. Cette contradiction est regrettable lorsque l’on se rappelle que l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales est adopté environ 4 ans après l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme relatif aux sociétés coopératives. Elle est d’autant regrettable que l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G avait déjà abordé la question dans l’alinéa 2 de son article 1er

[21] En France, la nouvelle rédaction de l’article 1832 du Code civil issue de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, semble mettre un accent sur la nature institutionnelle de la société en utilisant le verbe « instituer » au lieu du verbe « créer » utilisé dans l’ancien article qu’il abroge.

[22] V. art. S de l’AUDSCGIE.

[23]  Sur cette exclusion des sociétés coopératives régies par l’AUDSCOOP, v. art. 2 de l’AUSCOOP N° Lexbase : A207034G.

[24] Il s’agit des sociétés anonymes, des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés par actions simplifiées. 

[25] Dans ce sens, v. J. Paillusseau, « Les fondements du droit moderne des sociétés », JCP E, 1984, p. 14193. 

[26] Dans le même sens, Y. Guyon (dir.), Droit des affaires, Tome 1, Droit commercial général et Sociétés, Coll. Droit des Affaires et de l’Entreprise, Paris, Economica, 12e éd., 2003, no 93.

[27] Sur ces intérêts, v. par exemple Cl. Etoula Essoh, La protection des intérêts catégoriels dans la gestion des sociétés anonymes OHADA, thèse, Université de Yaoundé II, 2015, p. 1 sq ; N. Boucant, Les conflits d’intérêts en droit des sociétés, thèse, Paris Est-Créteil, 29 nov. 2022, 597 p.    

[28] Sur cette réglementation restrictive de la nullité des sociétés, v. en droit français par exemple, Y. Guyon (dir.), Droit des affaires, Tome 1, Droit commercial général et Sociétés, op. cit., no 153 sq ;  D. Legeais, Droit commercial et des affaires, Paris, Dalloz-Sirey, 27e éd., 2021, p. 196 sq. 

[29] Sur la nullité des actes, décisions ou délibérations, v. les articles 243 et 244 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 ou encore l’article 201 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G

[30] Sur cette hostilité, v. par exemple D. Pohé, Droit des sociétés commerciales et coopératives dans l’espace OHADA, Bruylant, coll. Droit uniforme Africain, 2019, nos 171 sq. ; Bi Oula, Kassia, « Le recul de la nullité dans l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d’intérêt économique », Penant no 848, vol. 114, 2004, p. 352 sq. 

[31] Sur la nécessité de raréfier la nullité comme sanction des irrégularités de formation des contrats en général, v. par exemple, Ph. Malaurie, L. Aynes et Ph. Stoffel-Munck, Droit civil. Les obligations, Paris, LGDJ, 5e éd. Defrénois, Lextenso, 2011, p. 328, no 666 : « La nullité a trop souvent été utilisée par le droit contemporain, alors qu’étant un mal nécessaire elle aurait dû être raréfiée : trop fréquente, elle altère la force du contrat ».

[32] La nullité facultative est celle dont l’opportunité du prononcé est laissée à l’appréciation du juge. Sur cette nullité, v. par exemple P. Rubelin, « La nullité neutralisée par le juge : les nullités facultatives », Etudes offertes au Doyen Philipe Simler, LexisNexis, coll. « Mélanges, 2006, no 290 sq. 

[33] Nullité sanctionnant la violation d’une règle d’intérêt général ou d’une condition essentielle imposée par la loi et susceptible d’être invoquée par tout intéressé.

[34] Nullité sanctionnant la violation d’une règle d’intérêt privé et susceptible d’être invoquée par la seule partie protégée.

[35] K. Fadika, « La clarification du régime des nullités », Droit & Patrimoine, no 239,  sept. 2014, p. 89. 

[36] Pour une application de ce principe, v. CCJA, Ass. plén., 25 avril 2014, n° 080/2014, Ibikunle Karamatou C/ Sté Coda-Bénin N° Lexbase : A8376WQB

[37] Sur le plan de la forme, le nouvel article ne régit que la nullité textuelle des sociétés. Il n’y est plus traité des cas de nullités des actes, décisions ou délibérations modifiant ou ne modifiant pas les statuts qui sont régis par les articles 243 et 244. 

[38] A titre illustratif, l’article 245 alinéa 2 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 prévoit que la juridiction compétente jouit de la faculté de ne pas prononcer la nullité d’une SCS ou d’une SNC pour défaut d’accomplissement des formalités de publicité, si aucune fraude n’est constatée.

[39] L’on fait allusion par exemple à la nullité pour illicéité de l’objet social (art. 20, 74-1 et 246 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3), pour fraude dans l’accomplissement des formalités de publicité des SCS et les (art. 245 al. 2 de ce texte), pour défaut d’intervention de l’associé unique ou des associés en cas de pluralité à l’acte instituant la SARL (art. 315 du même texte). 

[40] V. art. 74-1 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[41] Pour ce qui est de la nullité des actes, décisions ou délibérations modifiant ou ne modifiant pas les statuts, v. respectivement entre autres les articles 269-4, 269-5, 283, 285, 323, 419 et 129-1, 130 al. 1, 338-1, 419, 519 al. 4, 521 al. 2 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[42] V. CCJA, ass. plén.,  25 avril 2014, no 080/2014  Ibikunle Karamatou C/ Sté Coda-Bénin, N° Lexbase : A8376WQB.

[43] V. art. 198, 202, 215, AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G

[44] V. art. 8 et 9 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[45] V. art. 242 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, lu a contrario

[46] V. art. 245 al. 2 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[47] V. art. 315 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[48] V. art. 685 al. 3 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[49] V. art. 199 et 202 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G

[50] V. art. 198 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G

[51] V. art. 215 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G.

[52] La lecture a contrario de ces deux articles révèle que l’incapacité est une cause de nullité des SNC et des SCS, même si elle atteint un seul associé. V. art. 8 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[53] V.  AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3, art. 309 pour les SARL, 385 pour les SA et 853-2 pour les SASU. 

[54] L’on pense aux sociétés de capitaux et aux sociétés coopératives ayant un objet commercial. 

[55] Une telle irrégularité peut d’ailleurs facilement être remédiée dans les conditions des articles 75 et suivants de cet Acte uniforme qui réglementent l’action en régularisation de la constitution des sociétés.

[56] D. Pohé, Droit des sociétés commerciales et coopératives dans l’espace OHADAop. cit., p. 106. 

[57] Il en ressort que « la nullité d’une société ou d’un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d’une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats… ».

[58] V., entre autres, A. Fénéon, Droit des sociétés en Afrique (OHADA), Paris, LGDJ, 3e éd.  2022, nos 1713 sq, D. Pohé, Droit des sociétés commerciales et coopératives dans l’espace OHADAop. cit., p. 105 s’agissant des sociétés commerciales et en ce qui concerne les sociétés coopératives, J. Gasti, Le droit OHADA des sociétés coopératives, L’Harmattan, coll. Droits africains et malgache, 2011, p. 40.

[59] Dans le même sens, en ce qui concerne les sociétés coopératives, v. par exemple J. Goudem, « La nullité en droit des sociétés coopératives OHADA au regard du droit canadien des sociétés coopératives », RGD, Vol. 45, no 2, 2015, p.  591. 

[60] Dans le même sens, v. P.-G. Pougoué, F. Anoukaha, V. E. Bokalli, R. Nemedeu, M. A. mouthieu Njandeu et R. Njeufack Temgwa, « Commentaires de l’Acte uniforme du 30 janvier 2014 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique », in OHADA. Traité et Actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, éd. 2018, p. 464.

[61] V. art. 85 et 86 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G, 100 et 101 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3. Toutefois, en cas de libération d’apports en nature ou de stipulation d’avantages particuliers, l’intervention d’un commissaire aux apports est nécessaire et impérative pour la constitution de la société commerciale. Dès lors, la constitution de la société n’est réalisée qu’à la tenue de l’assemblée générale constitutive. V. les articles 400 à 413 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[62] V. art. 75 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G. Malgré tout, les associés pourraient reprendre leurs apports, en cas de violation de cette exigence temporelle, sauf si avant l’immatriculation une véritable activité d’exploitation a déjà commencé. Dans ce cas, la société en formation dégénère alors en société en participation. 

[63] V. art. 76 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G

[64] V. art. 77 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G

[65] Ce sont des sociétés dans lesquelles les associés décident qu’elles ne seront pas immatriculées. 

[66] Sur ces sociétés, v. par exemple Ch. Mba-Owono, « Société créée de fait et société de fait en droit OHADA : l’apport de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique », Penant, vol. 124, no 888, 2014, p. 353-371. 

[67] Pour toutes ces exigences, v. art. 73 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[68] V. par exemple, Y. Guyon, « Note sous CA d’Orléans », 22 févr. 1979, JCP, 1980, II, no 148 : le greffier n’a pas pour rôle de s’assurer que les conditions de fond de constitution des sociétés ont bien été respectées.

[69]Telle est la solution issue en France du décret du 30 mai 1984 pour ce qui concerne les greffiers. 

[70] V. B. Saintourens, « Sociétés coopératives et sociétés de droit commun », Rev. Sociétés, 1996, p. 1 sq. 

[71] W.  Tadjudje, « L’insuffisance du cadre juridique général du registre des sociétés coopératives en droit OHADA des sociétés coopératives », in D. Hiez et A. Kenmogne Simo (dir.), Droit des coopératives OHADA, PUAM, coll. Horizons Juridiques Africains, vol. 10, 2016 p. 185. 

[72] Sur la question, V. W. Tadjudje, « Le principe de double qualité dans les sociétés coopératives, un mécanisme anticoncurrentiel ? » ; L. Karlshausen, « La fiscalité des coopératives au regard du droit européen de la concurrence » et E. Islentyeva, « Les aides d’État, le droit européen pour les coopératives et le droit européen de la concurrence », tous les trois in J. Blanc et D. Colongo (coord.), Les contributions des coopératives à une économie plurielle, Paris, L’Harmattan, coll. Les cahiers de l’économie sociale, 2012, respectivement aux p. 227-242, 234-264 et 265-274. 

[73] L’article 6 de l’AUSCOOP dresse la liste des principes coopératifs.

[74] La régularisation concerne aussi les actes, décisions ou délibérations de la société. V. art. 250 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.                                                                                                                     

[75] D. Pohé, Droit des sociétés commerciales et coopératives dans l’espace OHADAop. cit., p. 110.

[76] V. art. 200 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G et 247 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[77] La CCJA veille strictement au respect des exigences légales consacrant cette ouverture. V. CCJA, 1ère ch., 4 février 2010, n° 001/2010, M. B. c/ Intertrans Trading Limited Gabon SARL, Intertrans Trading Limited Niger SARL et S.A.T.A. SARL N° Lexbase : A4661XDY

[78] CCJA, Ass. plén., Avis no 002, 23 juin 2015 : demande d’avis no 255/SP/DAJ/OHADA/2015 introduite par la République démocratique du Congo, Ohadata J-16-208.

[79] V. art. 75 AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 et 63 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G

[80] G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridiqueop. cit., vo « Astreinte », p. 242. 

[81] Cette possibilité de désignation d’un mandataire est prévue par l’article 250 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 en ce qui concerne la régularisation de la constitution des sociétés lorsque la nullité des actes, décisions ou délibérations de la société est fondée sur la violation des règles de publicité. 

[82] V. art. 64 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G et 77 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[83] V. art. 65 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G et 78 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[84] Pour ces délais, v. les articles 66 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G et 80 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[85] V. CCJA, Ass.plén., Avis no 002, 23-6-2015 : demande d’avis no 255/SP/DAJ/OHADA/2015 introduite par la République démocratique du Congo, Ohadata J-16-208. 

[86] Sur les conséquences de la nullité des actes juridiques en général, v. M. Cumyn, « La validité du contrat suivant le droit strict ou l’équité : étude historique et comparée des nullités contractuelles », RIDC, vol 56, no 1, 2004, p. 230-234 ; C. Guelfucci-Thibierge, Nullité, restitutions et responsabilité, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », 1992, 614 p. 

[87] En droit interne français, l’activité à prendre en considération est l’activité véritable de la société et non celle prévue par les statuts (Civ. 39, 9 janvier 1973, D. 1973, 367, note Frank). La Cour de justice des communautés européennes a une conception plus restrictive : seul compte l’objet statutaire (CJCE, 13 nov. 1990, Revue sociétés 1991, 532, note Y. Chaput ; JCP 1991, II, 21658, note P. Level). Si les juridictions de l’espace OHADA réceptionnent cette interprétation, il sera facile d’éviter les annulations fondées sur l’illicéité de l’objet social. Sur la question v. notamment F. Leclerc, « Que reste-il des nullités de sociétés en droit français après l’arrêt Marleasing ? », Rev. Jurisp. Com., 1992, p. 321 sq.   

[88] Dans l’hypothèse où l’associé choisit d’agir en nullité, la société ou tout autre associé peut soumettre à la juridiction compétente saisie de l’action en nullité toute mesure tendant à supprimer l’intérêt du demandeur, notamment le rachat de ses droits sociaux. 

[89] V. art. 248 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[90] Cet article prévoit qu’une « partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. La cause de la nullité doit avoir cessé. L’écrit mentionne expressément qu’à défaut d’action en nullité exercée avant l’expiration du délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé ».

[91] V. art. 245 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[92] Une telle possibilité de régularisation est prévue par le législateur français qui, curieusement, la limite seulement dans des cas de nullités d’actes et délibérations postérieurs à la constitution de la société et fondées sur la violation des règles de publicité. V. art. R. 235-7 du Code de commerce français. 

[93] V. art. 75 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[94] Pour des applications jurisprudentielles, v. par exemple CCJA, 3e ch., 29 mars 2018, n° 076/2018, Aimable MPORE c/ Société MTN Côte d’Ivoire (MTN-ci S.A) N° Lexbase : A5600XLY et CCJA, 1re ch., 25 avril 2019, no 135 /2019 Micheline Martin Veuve Masoner c/ Société Civile Immobilière FLORALE et autres N° Lexbase : A1975Z8N

[95] V. art. 201, 202 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G et 248, 251 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[96] V. art. 254 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[97] Le législateur a omis de prévoir le délai de la tierce opposition pour les sociétés coopératives.

[98] V. art. 199 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G et 246 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[99] Sur cette possibilité de couverture des nullités, v. art. 200 l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G, 246 et 247 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[100]V. art. 200 al. 2 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G et 247 al. 3 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[101] Sur ce mécanisme d’évitement de la nullité des actes juridiques, v. par exemple G. Couturier, La confirmation des actes nuls, thèse, Paris, 1969, 330 p.

[102] Mandoza Côté, « La nullité des contrats », Les cahiers de droit, Vol. 2, no 2, avril 1956 ; p. 105. 

[103] V. articles 200 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G et 247 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[104] V. par exemple I. Ndam, « La protection du droit à un procès dans un délai raisonnable dans l’espace OHADA », Revue de l’ERSUMA, no 2, mars 2013, p. 83-128 ; RASJ, no 1/2014, L’Harmattan, p.87-139.

[105] V. art. 246 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 et 199 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G.

[106] Il y a là une exception au principe selon lequel le tribunal se place au jour de l’assignation pour apprécier les éléments du litige.

[107] A titre illustratif, l’article 245 alinéa 2 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 prévoit que la juridiction compétente jouit de la faculté de ne pas prononcer la nullité d’une SCS ou d’une SNC pour défaut d’accomplissement des formalités de publicité, si aucune fraude n’est constatée.

[108] L’on pense notamment à la nullité de tout type de société pour illicéité de l’objet social, à la nullité des SARL pour défaut d’intervention en personne ou par mandataire justifiant d’un pouvoir légal de l’associé unique ou des associées à l’acte instituant cette société (art. 315 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3) et à la nullité des SCS ou des SNC pour fraude dans l’accomplissement des formalités de publicité (art. 245 al. 2 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3).

[109] V. art. 249 al. 1 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[110] V. art. 249 al. 2 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[111] V. art. 249 al. 3 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[112] V. art. 245 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.

[113] D. Pohé, Droit des sociétés commerciales et coopératives dans l’espace OHADA, Bruylant, coll. Droit uniforme Africain, 2019, p. 104. 

[114] V. art. 203 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G et 242 al. 2 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[115] D. Pouyaud, « Nullité », in D. Alland et S. Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridiqueop. cit., p. 1090. 

[116] V. A. Bénabent, Droit des obligations, 13e éd, Paris, Montchrestien, 2012, no 234 ; B. Py « Accès à la preuve et information médicale couverte par le secret : nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet », RDS, 2015, no 68, p. 834 sq.

[117] V. art. 253 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 et 203 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G

[118] Y. Guyon (dir.), Droit des affaires, Tome 1, Droit commercial général et Sociétés, op. cit., p. 166. 

[119] En droit français, v. dans le même sens, Y. Guyon (dir.), Droit des affaires,… ibid.

[120] L’exercice de ce droit d’option a un caractère individuel. Par conséquent, certains tiers peuvent solliciter le maintien de la société alors que d’autres veulent sa nullité. Ces divergences s’estompent dans la mesure où la société même réputée nulle conserve sa personnalité juridique pour les besoins de sa liquidation. 

[121] V. art. 245 al. 1 et 255 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3.  

[122] Certains auteurs ont tendance à assimiler les actionnaires aux tiers (v. par exemple V. Cl. Champaud, Le pouvoir de concentration de la société par actions, Sirey, 1962, notam. n° 36 qui considère les actionnaires comme des « bailleurs de fonds » ou « pseudo-associés » faute d’affectio societatis suffisant ; A. Viandier, La notion d’associé, LGDJ, 1978, n° 117 ; G. Ripert, R. Roblot, Traité de droit commercial, t. 1, vol. 2, Les sociétés commerciales, par M. Germain, LGDJ, 2002, n° 1535 qui ont cependant une opinion plus nuancée). Certains mettent en exergue l’actionnariat passif. Mais, la passivité ne peut pas aboutir à la remise en cause de la qualité d’associé de l’actionnaire, car les droits reconnus à ce dernier par la loi ou les statuts ne se perdent pas par le non-usage. Par la détention d’une fraction du capital social, l’actionnaire passif parce que ne participant pas à la vie sociale reste bel et bien un associé (v. P. Le Cannu, Droit des sociétés, Montchrestien, 2002, p. 252, n° 839 etA. Akam Akam, « La responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit OHADA », op. cit., p. 227-228).

[123] V. art. 161 et 162 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[124] V., par exemple, art. 161, 330, 740 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3

[125] V. notamment Cass. com., 27 janv. 1998, Bull. Joly, 1998, p. 535 ; 28 avr. 1998, JCP, 1998, II, 10177 ; 20 oct. 1998, Daffaires, 1999, p. 41 ; 12 janv. 1999, RJDA, 1999, n° 301 ; 9 mai 2001, JCP E, 2001, p. 1071 ; 20 mai 2003, n° 99-17.092, D. 2003, p. 2623, note B. Dondero ; Cass. civ., 4 avr. 2001, JCP, E, 2001, p. 977 ; 1er juill. 1997, D., 1997, IR p. 207 ; 18 juin 2003, Dr. Sociétés, nov. 2003, p. 27, note J. Monnet. Cette jurisprudence a suscité une abondante doctrine (v. J.-B. Barbièri, «La faute de la personne morale résulte de celle de ses organes »,Dalloz, 2023, p.1502 sq ; G. Auzero, « L’application de la notion de faute personnelle détachable des fonctions en droit privé », D. affaires, 1998, p. 502). Cependant, la Cour de cassation a récemment rejeté l’application de la théorie de la faute séparable à la procédure de sanction des autorités boursières (Cass. com., 31 mars 2004, D. affaires, 2004, p. 1961, note D. Caramalli). La Chambre criminelle de la même Cour rejette la distinction entre ces deux fautes (Cass. crim., 20 mai 2003, Bull. Joly, 2003, p. 242, note Th. Massart).

[126] V. A. Akam Akam, «La responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit OHADA », RIDE, 2007/2,  t. XXI, p. 223 sq. 

[127] C’est la faute des dirigeants sociaux par exemple et l’existence d’un préjudice qui justifient que leur responsabilité soit engagée dans le cas spécifique où la cause de nullité a disparu.

[128] V. art. 372 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G

[129] V. art. 373 de l’AUDSCOOP N° Lexbase : A207034G

 

[Le point sur...] Les implications de l’AUDSCGIE du 30 janvier 2014 sur sa constitution des SA et SAS
par Fabrice Léonel N’TCHATAT TOUNYA, Docteur en droit des affaires et du numérique, Ingénieur de recherche à l’Université Le Havre Normandie, Président de Lex Enim Omnia SASU

L’article 2 du Traité OHADA énumère l’ensemble des matières qui entrent dans le domaine du droit des affaires en commençant par le droit des sociétés. Ainsi, cette matière constituant le premier élément de cette liste, fut le fruit de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUDSCGIE) du 17 avril 1997 N° Lexbase : A9965YSU. Constitué d’un corpus juris de 920 articles, l’Acte uniforme qui rénovait le droit des sociétés commerciales consacrait quatre types de sociétés : la Société en Nom Collectif (SNC), la Société en Commandite Simple (SCS), la Société A Responsabilité Limitée (SARL) et enfin la Société Anonyme (SA)[1]. La constitution classique de cette dernière (excepté lorsqu’elle est unipersonnelle) va de la formation d’un contrat de société à la création des valeurs mobilières qui débouche sur la délivrance du titre papier à l’actionnaire[2]. Pour ce faire, à l’offre de contrat répond une acceptation, la souscription[3]. C’est donc lors de la rencontre des volontés, et sous la réserve unique du succès de l’opération que le contrat est formé[4]. Ladite souscription se fait au moyen d’un bulletin de souscription[5] établi par les fondateurs ou par l’un d’entre eux daté et signé par le souscripteur ou par son mandataire, qui écrit en toutes lettres le nombre de titres souscrits[6]. Par la suite, la société émettrice doit procéder à la fabrication des titres physiques qu’elle remet au souscripteur pour lui conférer la pleine qualité de propriétaire tout en faisant de lui le possesseur du titre[7].

Cependant, il importe de relever que la SA ainsi que la SARL fussent largement inspirées du droit français, mais les règles applicables à ces dernières présentaient le désavantage de contenir de nombreuses dispositions d’ordre public. Ce qui se révélait particulièrement contraignant pour nos économies fragiles[8]. En outre, même en droit français, l’excès de réglementation de la SA a poussé à adopter une formule très allégée, la Société par Actions Simplifiée (SAS)[9]. C’est alors que l’AUDSCGIE du 30 janvier 2014 N° Lexbase : A0024YT3 introduit la SAS pour répondre à plusieurs attentes des acteurs de la vie économique africaine. Ainsi, elle conviendrait aux petites et moyennes entreprises souhaitant adopter une structure juridique souple[10] ; contribuant par la même d’une part, à favoriser la création et le développement des entreprises, et d’autre part, à encourager les investissements locaux et étrangers de la zone. Tel qu’il ressort des définitions de la SA (art. 385) et de la SAS (art. 853-1) de l’AUDSCGIE de 2014 N° Lexbase : A0024YT3 les actions sont au cœur de ces formes de sociétés. Encore appelées titres de capital, les actions sont une typologie de valeurs mobilières[11] (art. 744) qui servent également d’outils de financement sur les marchés financiers[12]. Embryonnaires dans l’espace OHADA, le législateur communautaire a voulu impulser ces marchés en instaurant par le biais de l’article 764 de l’AUDSCGIE du 17 avril 1997 N° Lexbase : A9965YSU la dématérialisation facultative des valeurs mobilières[13]. Mais cela s’est avéré inefficace dans la mesure où d’une part les marchés financiers n’ont pas connu l’essor escompté, notamment en zone CEMAC et d’autre part, il était important de relever que les opérations sur titres ne se font pas essentiellement à la Bourse. En effet, dans le contexte économique actuel, la plupart de ces opérations s’effectuent sur le marché primaire[14] et encore plus sur le marché de gré à gré[15]. C’est donc conscient de cet état des choses qu’en 2014, le législateur OHADA, à l’article 744-1 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A9965YSU, étend le principe de dématérialisation à toutes les valeurs mobilières en y faisant une obligation pour toutes les sociétés par actions.

Avec la consécration de la SAS, on s’attendrait à suivre un schéma de constitution similaire à celui prévu dans l’AUDSCGIE de 1997 N° Lexbase : A9965YSU à l’exception des règles relatives au minimum de capital d’une SA de 10 000 000 FCFA etc. Seulement, cette forme est consacrée au même moment que l’inscription en compte obligatoire des valeurs mobilières et tombe donc sous le coup de cette obligation. Rejoignant donc les SA dans l’obligation de dématérialiser les titres, ces dernières doivent codifier leur émission et inscrire en compte leurs titres puis les conserver de façon électronique en interne ou auprès d’un Teneur de Comptes Conservateur (TCC)[16]. Ces nouvelles exigences dont les acteurs économiques ainsi que les professionnels ne sont pas très au fait[17], affectent la démarche processuelle classique de création d’une société par actions emportant des implications concrètes aussi bien sur des aspects institutionnels qu’organisationnels. C’est dans cette veine que sans contour, le sujet soulève la question de savoir quelles implications de l’article 744-1 de l’AUDSCGIE du 30 janvier 2014 N° Lexbase : A0024YT3 observe-t-on sur la constitution des sociétés anonymes et des sociétés par actions simplifiées. Pour y répondre, il convient de relever de prime à bord que dans l’AUDSCGIE du 17 avril 1997 N° Lexbase : A9965YSU, la constitution d’une société par actions dénotait deux grands axes. Le premier axe concernant le notaire avec la rédaction des statuts et la réalisation des apports, le deuxième concernant la société elle-même avec la fabrication des titres physiques ayant pour corollaire leur détention matérielle. Ces deux grands axes permettent de voir concrètement comme implications de l’article 744-1 d’une part sur le plan notarial, la formalité d’un nouveau canon de rédaction des clauses inhérentes aux titres (I) ; et d’autre part sur le plan organique, la détention immatérielle et intermédiée des valeurs mobilières (II).

I- Sur le plan notarial : la formalité d’un nouveau canon de rédaction des clauses inhérentes aux titres

Le principe de dématérialisation fixé par l’article 744-1 de l’AUDSCGIE de 2014 N° Lexbase : A0024YT3 a induit l’harmonisation et la mise à jour des statuts posées par les articles 908 et suivants. Malheureusement, les sociétés anonymes créées avant la réforme de l’AUDSCGIE en 2014 continuent de fonctionner avec des statuts qui ne prévoient pas les modalités de gestion des titres dématérialisés. Et celles créées après 2014 qui ne devraient plus émettre de titres physiques[18], se sont constituées en continuant d’appliquer les dispositions de l’AUDSCGIE de 1997 N° Lexbase : A9965YSU, sous l’aménité des notaires et bien des fois à cause de l’incompréhension des nouvelles dispositions de l’AUDSCGIE de 2014 N° Lexbase : A0024YT3 par ces derniers. Ce qui a eu pour conséquence une prolifération de statuts sociaux ayant des mentions obsolètes[19]. Pourtant l’article 910 de l’AUDSCGIE de 2014 N° Lexbase : A0024YT3 dispose clairement de modifier sur le fond les clauses statutaires incompatibles avec le droit nouveau. Sur ce fondement, la rédaction des statuts depuis 2014 exige que les clauses relatives aux modalités d’émission soient modifiées (A) et celles relatives aux modalités de transmission refondues (B) conformément aux spécificités de la conservation électronique des valeurs mobilières.

A. La modification des modalités d’émission des titres : suppression de numéros d’ordre et comptes-titres

Autrefois, les valeurs mobilières étaient représentées par des certificats et détenues directement par leurs titulaires. Leur transfert résultait alors, s’agissant de titres au porteur de la remise physique, de la main à la main (tradition), des certificats à l’acquéreur. Ce certificat dénommé « titre au porteur », était numéroté et détaché initialement d’un carnet à souche. S’agissant de titres nominatifs, le transfert était considéré sur les registres de l’émetteur, avec enregistrement du nouveau propriétaire, suivi de la remise à l’intéressé d’un certificat nominatif à son nom[20]. Les valeurs mobilières étaient numérotées pour des raisons de standardisation et de traçabilité. À partir du premier tiers du 19e siècle, les transactions financières se développaient, et il était essentiel d’avoir un système de numérotation pour identifier et suivre ces titres. En conséquence, mentionner la numérotation était essentielle dans les statuts sociaux tels qu’on pouvait le lire dans ceux rédigés dans l’espace OHADA à l’aune de l’AUDSCGIE de 1997 à l’exemple qui suit : « Le capital social est fixé à 10 000 000 FCFA et divisé en 1 000 actions nominatives d’une valeur nominale de 10 000 FCFA souscrits par… numérotés de 1 à 1 000 ».

Le principe de dématérialisation posé par l’article 744-1 de l’AUDSCGIE et porteur de plusieurs enjeux[21] dont la mise en œuvre avait une incidence sur le régime des titres nécessitait une révision de la gestion matérielle posée par les statuts. En effet, comme il a été remarqué en France il y a trois décennies, « l’opération de dématérialisation des valeurs mobilières, entamée en 1981, a permis de supprimer le support papier, de transformer les titres nominatifs ou au porteur en valeurs scripturales, et ainsi de libérer un espace réel, tout en améliorant l’efficacité des échanges. Elle vise à permettre une plus forte efficacité et une plus grande rapidité de la circulation des titres, mais aussi avec une préoccupation de lutte contre la fraude fiscale, et donc de contrôle »[22]. Le mécanisme ayant les mêmes manifestations dans l’espace OHADA, la suppression du support papier par l’entremise de l’article 744-1 de l’AUDSCGIE de 2014 N° Lexbase : A0024YT3 a entraîné la suppression de la numérotation physique des titres.

Au regard de ce qui précède, il s’avère utile et nécessaire que les notaires procèdent à la mise à jour effective de ces dispositions en supprimant cette numérotation afin de faciliter la gestion des titres par les sociétés émettrices. Pour ce faire, les clauses actant ladite suppression et prenant en compte les nouvelles modalités de gestion des titres pourraient être écrites ainsi qu’il suit : « Le capital social est fixé à 10 000 000 FCFA et divisé en 1 000 actions nominatives d’une valeur nominale de 10 000 FCFA souscrits par… inscrits dans les comptes-titres de chaque actionnaire ». Cette clause pourrait être accompagnée de celle suivante : « Chaque actionnaire détient ses titres dans son compte-titres individuels en contrepartie d’une attestation de propriété. Les comptes-titres sont tenus soit par la société, soit par un teneur de comptes conservateur mandaté par la société ».

B. La refonte des modalités de transmission des titres : le virement de compte à compte

Comme il a été indiqué dans la section précédente, la matérialité des valeurs mobilières impliquait un transfert sola traditione c’est-à-dire une remise de la main à la main. Bien que cette modalité de transfert puisse faire débat relativement à celle du transfert solo consensus notamment dans un cas de vente qui suppose un transfert de propriété dès consentement sur la chose et le prix, l’objet de notre étude est de relever qu’il était nécessaire dans la gestion matérielle des titres de passer le certificat de la main du vendeur à la main de l’acheteur afin que celui-ci en acquière la pleine propriété. Il fallait en effet acter la dépossession du cédant au profit du cessionnaire par une remise palpable du bien. C’est dans ce sillage qu’en 1997, le législateur OHADA disposait à l’article 764 de l’AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 que : « La transmission des actions s’opère selon les modalités suivantes : 1°) pour les sociétés ne faisant pas appel public à l’épargne : - par transfert sur les registres de la société pour les actions nominatives, les droits du titulaire résultant de la seule inscription sur les registres de la société ; - par simple tradition pour les actions au porteur. Le porteur du titre est réputé en être le propriétaire ». Mais les traitements manuels inhérents à ce système de détention directe de titres physiques ont, en effet, engendré des lourdeurs prohibitives, aussi bien en termes de temps de traitement que de coûts[23] dans la mesure où chaque transfert devrait faire l’objet, pour les titres au porteur, de vérifications préalables destinées notamment à prévenir les risques de fraude ou de vol et, pour les titres nominatifs, de retranscription obligatoire dans les livres des agents de change (intermédiaires) ayant le monopole de la négociation des valeurs mobilières, et d’une inscription dans les registres de l’émetteur. Ces diligences obligatoires occasionnaient des suspens de livraison et de règlement[24]

Il est donc apparu nécessaire de tirer profit du numérique pour dynamiser le marché des titres. En effet, la dématérialisation facilite, du moins, favorise, la circulation des valeurs mobilières pour les besoins de célérité économique et assure une centralisation forte pour les besoins de sécurité et de stockage des valeurs mobilières[25]. C’est donc à juste titre que le législateur OHADA la consacre à l’article 744-1 de l’AUDSCGIE de 2014 N° Lexbase : A0024YT3 en précisant que les valeurs mobilières se transmettent par virement de compte à compte. Seulement, les notaires n’ont hélas pas encore appréhendé cette nouvelle disposition ; ce qui a pour répercussion la rédaction de clauses obsolètes (suivant les dispositions de l’article 764 précédemment cité) comme on peut le lire dans plusieurs statuts ainsi qu’il suit : « Les transferts d’actions s’effectuent selon la procédure suivante : - par transfert sur les registres de la société, pour les actions nominatives ; les droits des détenteurs résultent de l’inscription unique sur les registres de la société ; - par simple livraison pour les actions au porteur. Le porteur de l’action est réputé être le propriétaire. ». Restant dans une démarche d’appropriation et de vulgarisation du droit OHADA, nous préconisons que les clauses inhérentes à la transmission des valeurs mobilières soient rédigées comme il suit : « Les actions sont transmises par virement de compte à compte et leur transfert de propriété résulte de leur inscription dans le compte-titres de l’acquéreur conformément à l’article 744-1 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique. ».

Par ailleurs, il convient de relever que les délais accordés aux notaires pour se conformer à ces nouvelles dispositions étaient de deux ans à compter de la date d’adoption dudit Acte uniforme (cf. article 915). La pratique, éternelle opposée de la théorie, l’on fait le constat dix ans plus tard qu’une majorité du corps notarial n’est pas à jour de ses obligations et continue de rédiger les statuts selon les anciennes dispositions de l’AUDSCGIE de 1997 N° Lexbase : A9965YSU. Raisons faites de l’incompréhension du nouveau mécanisme entraînant une insuffisance professionnelle dans la rédaction des statuts à l’aune de l’AUDSCGIE nouveau. Le Cameroun ayant fixé les modalités de dématérialisation des valeurs mobilières par sa loi n° 2014/007 du 23 avril 2014 N° Lexbase : A23743SQ, la non prise en compte des réformes de l’AUDSCGIE de 2014 par les notaires a eu pour conséquences d’une part le rejet des statuts (avec les dispositions obsolètes) auprès de la Caisse Autonome d’Amortissement au Cameroun dans le processus de dématérialisation des valeurs mobilières et d’autre part l’insécurité juridique inhérente à la gestion des valeurs électroniques des actionnaires. Pour y remédier, des solutions pourraient être envisagées qui consistent par exemple à sensibiliser ou à planifier des ateliers de renforcement des capacités des notaires de l’espace OHADA. Ces campagnes de sensibilisation ou de formation permettraient aux notaires de relever l’influence de l’article 744-1 de l’AUDSCGIE de 2014 N° Lexbase : A0024YT3sur certaines dispositions des statuts sociaux lors de leur rédaction ; laquelle exige désormais que d’une part, la numérotation consécutive des titres soit supprimée et d’autre part, les modalités de transferts de titres soient modifiées. En outre, pour la bonne mise en œuvre de ces nouvelles modalités, il serait également intéressant que les commissaires aux comptes soient incités à une prise de conscience de leur mission régalienne[26].

II- Sur le plan organique : une détention immatérielle et intermédiée des titres

La transition vers l’inscription en compte des valeurs mobilières entraîne une circulation électronique ou dématérialisée des titres, instaurant une détention immatérielle et intermédiée des actifs financiers. Cette évolution marque un changement fondamental dans la conception traditionnelle où les titres étaient matérialisés par des documents physiques. Désormais, la dématérialisation permet l’existence des valeurs mobilières directement sur support électronique, sans nécessiter de certificat physique. Les titres sont conservés et échangés via des inscriptions en compte, témoignant de la primauté du negotium sur l’instrumentum. Les teneurs de comptes jouent un rôle crucial dans cette nouvelle architecture financière, assurant la conservation des actifs et la tenue des comptes, ce qui représente une dépossession des titulaires au profit de ces entités intermédiaires[27]. Cette transformation vers une détention immatérielle et intermédiée des valeurs mobilières consacrée dans le cadre des pratiques régies par la convention d’UNIDROIT a marqué un tournant majeur dans le paysage financier[28]. Ainsi, non seulement dans leur fonctionnement, mais également lors de leur constitution, les sociétés émettrices voient leur rôle renforcé, particulièrement avec la conservation des titres nominatifs purs dans des logiciels dédiés (B), mais bien après que ces titres aient été codifiés et enregistrés en compte auprès du dépositaire central (A). 

A. L’exigence d’une codification de l’émission et de l’inscription en compte des titres : le rôle notoire du dépositaire central

En droit OHADA la constitution classique d’une société passe généralement par la rédaction de statuts, la réalisation des apports et aboutit à une immatriculation au RCCM qui lui confère la personnalité morale. Suite aux implications de l’article 744-1 de l’AUDSCGIE de 2014 N° Lexbase : A0024YT3sur le mode de détention des valeurs mobilières, la constitution des sociétés par actions exige désormais la présence d’un nouvel acteur appelé dépositaire central ou dépositaire national comme il est le cas au Cameroun. En effet, ce nouvel acteur joue un rôle incontournable dans la création des sociétés émettrices avec la codification du capital de la société nouvellement constituée et l’ouverture ou la modification du compte courant du TCC. Pour ce faire, il codifie et inscrit en compte l’ensemble des titres nouvellement créés qui constituent le capital[29]. Cette prérogative du dépositaire central et nouvelle obligation pour les nouvelles sociétés par actions nécessite d’être consacrée sur le plan régional par l’AUDSCGIE et dans un premier temps par les textes communautaire et interne le cas échéant[30].

De façon pratique, la démarche consisterait après l’immatriculation de la société pour l’obtention du RCCM de codifier l’émission et inscrire les titres en compte auprès du dépositaire central. La codification de l’émission auprès du dépositaire central consiste à donner un numéro d’immatriculation unique appelé code ISIN à chaque groupe de valeurs nouvellement créées. Elle permet la centralisation d’une importante base de données auprès du dépositaire central renseignant sur toutes les nouvelles personnes morales émettrices et sur l’ensemble des titres en circulation[31]. Seulement, il n’est prévu aucun délai pour la codification et l’inscription en compte auprès du dépositaire central dans la procédure de constitution des sociétés par actions.

Concernant les délais de codification du capital après immatriculation au RCCM, on pourrait pallier à ce mutisme en transposant par exemple dans la procédure de constitution de la société les délais prévus à l’article 22 alinéa 2 du décret camerounais n° 2014/3763 du 17 novembre 2014 fixant les conditions d’application de la loi n° 2014/007 du 23 avril 2014 N° Lexbase : A23743SQqui fixe les modalités de dématérialisation des valeurs mobilières qui dispose que : « Pour les émissions des valeurs mobilières postérieures à la signature du présent décret, ils doivent transmettre au dépositaire central, dans un délai de trente jours à compter de l’immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier, toutes les informations relatives aux opérations d’augmentation et de réduction du capital ». Les mêmes termes peuvent donc être repris, mais seront supprimées les mentions relatives aux opérations d’augmentation et de réduction du capital étant donné que dans ce cas, le capital est nouveau. Autrement dit, les délais alloués pour la codification du capital seraient de 30 jours après immatriculation au RCCM[32].

B. L’obligation d’une conservation et d’une gestion scripturale : l’impératif d’un logiciel dédié

Les certificats d’actions ou d’obligations, constituant les titres physiques, étaient soigneusement conçus pour assurer leur sécurité et leur traçabilité. Imprimés sur du papier sécurisé, ils arboraient souvent des éléments de sécurité tels que des filigranes ou des micro-impressions pour prévenir la contrefaçon. Leur design spécifique comportait généralement le logo ou le nom de la société émettrice, et ils étaient standardisés en format pour faciliter leur manipulation et leur stockage. Chaque certificat comprenait des informations essentielles telles que le nom de la société, le numéro d’enregistrement, le nombre d’actions ou le montant nominal pour les obligations, ainsi que des signatures authentifiantes et des cachets de la société. Certains étaient également munis de codes-barres ou de numéros de série uniques pour faciliter leur suivi. Globalement, la conception visait à garantir l’authenticité des titres tout en fournissant aux investisseurs des informations claires sur leurs droits de propriété dans la société émettrice. Avec la consécration de la dématérialisation des valeurs mobilières et la suppression des titres papier, ce sont des titres électroniques qui sont désormais à disposition des actionnaires, mais dans un compte-titres. Celui-ci est appréhendé comme un compte où sont inscrites les valeurs mobilières et où sont effectuées toutes les opérations relatives auxdits titres, notamment le transfert, l’administration, la gestion et la conservation. Ce compte permet de passer toutes les opérations relatives aux titres inscrits dans le compte tels que les ordres d’achat et de vente de titres sur le marché financier ou sur le marché de gré à gré.

Ainsi, de façon concrète, après codification de l’émission de la nouvelle société suivant la procédure précédemment déclinée, intervient la conservation électronique des titres. Il s’agit ici d’ouvrir des comptes titres aux actionnaires soit au sein de la société pour les titres nominatifs[33] purs[34], soit auprès d’un teneur de comptes conservateur pour les titres nominatifs administrés[35] ou au porteur[36]. Pour ce faire, la mise en œuvre de cette phase nécessite l’acquisition d’un outil dédié de gestion de titres électroniques (ex. EMDiS[37]) et un personnel qualifié pour la gestion des titres électroniques en interne ou le recours à un TCC pour la conservation en externe[38]. Une fois les titres inscrits en compte, au sein de la société ou auprès d’un teneur de comptes conservateur, l’entité chargée de la gestion des titres doit délivrer une attestation de propriété au titulaire des titres[39]. Au Cameroun et au Gabon, ladite attestation doit comporter les mentions suivantes : le code de l’adhérent qui est une personne physique ou morale propriétaire des titres ; les éléments d’identification du propriétaire des titres et de son adresse ; le code valeur (code ISIN) ; le libellé de la valeur (avec indication du taux d’intérêt et de l’échéance pour les obligations détenues) ; la catégorie d’avoirs ; le débit titres ; le crédit titres ; le solde ancien et le solde nouveau de titres ; la date de la dernière mise à jour[40].

Par ailleurs, le régime d’inscription en compte implique que la totalité des titres inscrits en compte chez les teneurs de comptes corresponde, en permanence, au total des titres émis, comptabilisés par le dépositaire central. Pour que cette adéquation puisse se vérifier, il est nécessaire que les titres comptabilisés par le dépositaire central aux comptes des centralisateurs et des domiciles soient inscrits chez eux dans des comptes justifiant ces avoirs. Ces comptes ne sont pas des comptes de titulaires réels, mais des comptes de transit. En conséquence, chaque teneur de comptes doit servir une comptabilité-titres spécifique à sa fonction de centralisation ou de domiciliation :

  • cette comptabilité doit être distincte de sa comptabilité-titres de teneur de comptes des titulaires inscrits chez lui ;
  • les principes généraux de la comptabilité-titres s’appliquent également à la comptabilité par valeur, en partie double, authentifiée par un journal des opérations ;
  • la nomenclature des comptes et leur utilisation sont conformes à celle préconisée par le dépositaire central, dans le cadre d’une instruction[41].

 

en définitive, la dématérialisation des valeurs mobilières ouvre une nouvelle ère dans le fonctionnement et la constitution des sociétés par actions : les titres physiques cèdent la place à des écritures en compte, redéfinissant ainsi la gestion des titres - la détention devient désormais immatérielle et passe par des intermédiaires (société émettrice ou teneur de comptes conservateur) - la transmission des titres est remplacée par des virements de compte à compte- - etc. Les nouvelles exigences imposées aux sociétés par actions incluent la codification des émissions, l’ouverture de comptes titres pour les actionnaires et l’arrêt de l’émission de titres physiques. Cette évolution majeure confère à la société émettrice un rôle accru de teneur de comptes, remodelant ainsi les bases de sa constitution dans la région OHADA dont les principaux acteurs, fondateurs et notaires, doivent en maîtriser les contours juridiques aux fins de conformité.

 

[1] P. G. Pougoue (dir.), Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2011, p. 1884.

[2] F. L. N’Tchatat Tounya, La dématérialisation des valeurs mobilières en zone CEMAC, Thèse de Doctorat en droit privé, Université de Yaoundé II, 2020, p. 59.

[3] Distinction entre souscription et libération : « La souscription est l’engagement pris par l’actionnaire d’apporter une somme d’argent (apport en numéraire) ou bien déterminé (apport en nature), cf. article 388 AUDSCGIE N° Lexbase : A0024YT3. Par contre libérer un apport n’est rien d’autre que la concrétisation de l’engagement pris par le versement effectif de la somme ou du bien promis » ; Cf. P. G. Pougoue (dir.), Encyclopédie du Droit OHADA, op. cit., p. 2097.

[4] F. G. Trebulle, L’émission de valeurs mobilières par les sociétés par actions en droit français, Paris 1, 1999.

[5] Cf. art. 392 en ses alinéas 3, 6, 5 et 7.

[6] Art. 390 de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

[7] F. L. N’tchatat Tounya, La dématérialisation des valeurs mobilières en zone CEMAC, Yaoundé II, 2020, p. 62.

[8] J. M. Pedron, « L’introduction de la SAS dans l’espace OHADA, un vent de liberté en Afrique francophone », JCP E, 2014, p. 1099.

[9] P. LE Cannu et B. Dondero, Droit des sociétés, 9e éd., LGDJ, 2022, pp. 697 – 701.

[10] J. M. Pedron, « L’introduction de la SAS dans l’espace OHADA, un vent de liberté en Afrique francophone », op. cit.

[11] V. essai de définition de l’article 1er de la loi française du 23 décembre 1988 relative aux OPCVM : « … titres émis par des personnes morales publiques ou privées, transmissibles par inscription en comptes ou tradition, qui confèrent des droits identiques par catégorie et donnent accès, directement ou indirectement, à une quotité du capital de la personne morale émettrice ou à un droit de créance général sur son patrimoine ».

[12] T. Bonneau, « Commentaire de l'ordonnance n°2009-15 du 8 janvier 2009 relative aux instruments financiers », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires, n°5, 2009, p. 1105 ; v. aussi C. De Watrigant, « Instrument financier et valeur mobilière », Petites Affiches, n°84, 2010, p. 6.

[13] L'article 764 introduisait la dématérialisation des valeurs mobilières par le biais d'une inscription en compte, cependant, de manière facultative et sélective. Pour les sociétés anonymes non cotées en bourse, cette démarche n'était pas envisageable, car elles étaient contraintes de gérer leurs actions de manière physique, avec des transferts traditionnels de titres. Pour les sociétés cotées, la dématérialisation restait facultative, mais limitée aux actions seulement.

[14] Le marché primaire est celui des émissions de titres. Il met en relation les agents à déficit de financement c'est-à-dire les entreprises, les collectivités locales et l’Etat qui émettent des produits financiers (actions, obligations et autres produits), et les agents à surplus de financement, les épargnants, essentiellement les ménages, qui les souscrivent. Ce compartiment remplit une fonction de financement, d’allocation du capital.

[15] Le marché de gré à gré est défini comme un marché sur lequel les transactions sont conclues directement entre le vendeur et l’acheteur.

[16] F. L. N’tchatat Tounya, « La conservation des titres électroniques au Cameroun », Revue Lamy Droit de l’Immatériel, n° 189, 2022, p. 38.

[17] Infra p. 4.

[18] L’article 919 de l’AUDSCGIE de 2014 N° Lexbase : A0024YT3abroge l’AUDSCGIE de 1997 N° Lexbase : A9965YSU pérennisant ainsi l’obligation d’inscription en compte des titres. Parallèlement, il est intéressant de constater que le Cameroun interdit textuellement aux sociétés par actions l’émission de titres non dématérialisés (art. 13.1 de la loi camerounaise 
n° 2014/007 relative à la dématérialisation des valeurs mobilières). 

[19] F. L. N’tchatat Tounya, La dématérialisation des valeurs mobilières en zone CEMAC, op. cit. p. 70.

[20] Ibid. p. 13.

[21] V. Infra.

[22] L. Barre, Le dépôt de titres financiers et le droit commun, Toulouse, 2015, p. 57.

[23] Impression des certificats, création d’un service titres chez chaque société émettrice pour gérer les radiations et les inscriptions d’actionnaires ; gestion matérielle au quotidien - annulation de certificats vendus - mise en circulation de nouveaux certificats pour les acheteurs ; des actionnaires qui n’encaissent pas leurs dividendes ou des dividendes payés en trop ; fraudes et falsifications.

[24] F. L. N’tchatat Tounya, La dématérialisation des valeurs mobilières en zone CEMAC, op. cit. p. 13.

[25] Ibid.

[26] Cette incitation visera à sensibiliser les commissaires aux comptes sur l’importance de leurs rapports dans lesquels ils doivent exiger des sociétés dont ils ont la charge, le respect des dispositions légales en vigueur ; cf. P. Etoundi Ottou, « Processus de dématérialisation des valeurs mobilières au Cameroun », communication lors d’un atelier organisé par la Caisse Autonome d’Amortissement, janvier 2018, p. 53.

[27] F. L. N’tchatat Tounya, La dématérialisation des valeurs mobilières en zone CEMAC, op. cit. pp. 133 – 135.

[28] La Convention d'UNIDROIT sur les règles matérielles relatives aux titres intermédiés de 2009 en son article 1 b) définit la détention de titres intermédiés comme des titres portés au crédit d'un compte de titres ou tous droits sur des titres qui résultent du crédit de titres à un compte de titres

[29] Cf. F. L. N’tchatat Tounya, La dématérialisation des valeurs mobilières en zone CEMAC, op. cit., pp. 139 et 248.

[31] F. L. N’tchatat Tounya, La dématérialisation des valeurs mobilières en zone CEMAC, op. cit., p. 252.

[32] Ibid. p. 140.

[33] Les titres nominatifs sont des titres émis par une société ou une collectivité et immatriculé au nom du propriétaire dans les livres de la société ou de la collectivité. S. Guinchard et T. Debard (dir.), Lexique des termes juridiques, 25e éd., Dalloz, 2018, p. 2013. : « La caractéristique du titre nominatif est qu’il porte l’indication du nom de son titulaire ».

[34] Le titre nominatif pur est celui dont la société assure elle-même la gestion au moyen d’un service titres dédié ; cf. F. L. N’tchatat Tounya, La dématérialisation des valeurs mobilières en zone CEMAC, op. cit., p. 48.

[35] Titre pour lequel l’entreprise délègue la gestion des titres du titulaire à un intermédiaire qu’elle choisit ; cf. F. L. N’tchatat Tounya, La dématérialisation des valeurs mobilières en zone CEMAC, op. cit., p. 49.

[36] S. Guinchard et T. Debard, Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 2011. : « Le titre au porteur est une valeur qui ne renseigne pas le nom du titulaire mais qui porte simplement un numéro d’ordre ». Le porteur (celui qui le possède) est considéré comme le propriétaire. Les intérêts, dividendes ou tout produit d’une vente sont payables au porteur.

[37] EMDiS ou Easy Management Digital Securities est un logiciel web développé par LEO SAS qui permet à la société d’assurer : la sécurité des titres par différents niveaux d’accès ; la représentation du compte émission ; la transcription du code ISIN attribué par le DN ; la création des comptes titres ; l’identification des actionnaires ; la conservation des comptes-titres ; les opérations sur titres : vente - achat - transfert – nantissement ; le journal des transactions ; et bien d’autres fonctionnalités. EMDiS – Leo (lexenimomnia.com)

[38] F. L. N’tchatat Tounya, « La conservation des titres électroniques au Cameroun », Revue Lamy Droit de l’Immatériel, op. cit., p. 38.

[39] Article 3 alinéa 2 de la loi camerounaise n° 2014/007 N° Lexbase : A23743SQ et article 6 alinéa 5 de la loi gabonaise n° 027/2016 N° Lexbase : A84124RY: « l’émetteur ou le teneur de compte-conservateur délivre au propriétaire, à son mandataire ou au détenteur des valeurs mobilières, une attestation portant sur les caractéristiques et le nombre de titres qu’il détient ».

[40] Article 18 du décret camerounais n° 2014/3763 et article 23 de la loi gabonaise n° 027/2016 N° Lexbase : A84124RY.

[41] F. L. N’tchatat Tounya, La dématérialisation des valeurs mobilières en zone CEMAC, op. cit. p. 138.

[Textes] Bénin : Un nouveau Code de l’aviation civile
par La rédaction
Réf:Loi n°2024-29 du 15 juillet 2024 portant Code de l’aviation civile et commerciale en République du Bénin N° Lexbase : A91075W9

Loi n°2024-29 du 15 juillet 2024 portant Code de l’aviation civile et commerciale en République du Bénin N° Lexbase : A91075W9

La loi n° 2024-29 du 15 juillet 2024 établit le Code de l'aviation civile et commerciale en République du Bénin. Son objectif est de définir les règles applicables à tous les aspects de l'aviation civile et commerciale dans le pays (art. 2). Ce nouveau Code reconnaît également l’applicabilité subsidiaire des dispositions de l'Organisation de l'aviation civile internationale ainsi que celles du Code communautaire de l’aviation civile des États membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine. Ces dispositions s’appliquent à « toutes les matières non expressément traitées par la présente loi ».

Le Code concerne exclusivement les aéronefs civils, à l'exclusion des aéronefs d'État. Il s'applique également aux équipages, passagers et aéronefs étrangers présents dans l'espace aérien de la République du Bénin, conformément à la Convention relative à l'aviation civile internationale et aux conventions bilatérales ou multilatérales concernant le transport aérien auxquelles la République du Bénin est partie.

[Jurisprudence] Impossibilité d’accorder un délai de grâce en présence d’une « dette cambiaire » (Article 39 AUPSRVE)

Réf:Trib. Com. Abidjan, 30 août 2024, RG N° 3196/2024 N° Lexbase : A34175Y9

Trib. Com. Abidjan, 30 août 2024, RG N° 3196/2024 N° Lexbase : A34175Y9

 

L'article 39 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution N° Lexbase : A6607134  pose en principe que le débiteur ne peut contraindre le créancier à accepter un paiement partiel, même pour une dette divisible. Toutefois, il prévoit une exception qui permet au juge de reporter ou d'échelonner le paiement des sommes dues en fonction de la situation du débiteur et des besoins du créancier, mais cela n'est pas applicable aux dettes alimentaires et aux dettes cambiaires.

Selon la décision du tribunal citée, une dette cambiaire est celle qui découle d'un effet de commerce, comme un chèque, une lettre de change, un billet à ordre ou un warrant. En l'espèce, la dette litigieuse est matérialisée par un billet à ordre, ce qui la qualifie comme dette cambiaire. De ce fait, elle est expressément exclue de l'application du délai de grâce prévu par l'article 39 N° Lexbase : A6607134 .

En conséquence, la juridiction compétente ne peut accorder un report ou un échelonnement des paiements dans le cadre d'une dette cambiaire. Le billet à ordre, étant un titre de créance cambiaire, ne permet pas de bénéficier de la mesure de faveur du délai de grâce, qui est réservée à d'autres types de dettes.

Ainsi, la position du tribunal est que, conformément au texte de l'article 39 N° Lexbase : A6607134 , les dettes cambiaires ne peuvent être soumises au régime de report ou d'échelonnement des paiements, même si le débiteur invoque une situation difficile.

[Jurisprudence] Circonstances de nature à menacer le recouvrement d’une créance (Article 54 AUPSRVE)
par La rédaction
Réf:Trib. Com. Abidjan, 30 août 2024, RG N° 3255 2024 N° Lexbase : A34165Y8

Trib. Com. Abidjan, 30 août 2024, RG N° 3255 2024 N° Lexbase : A34165Y8

 

Texte de référence :

Aux termes de l’article 54 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) N° Lexbase : A6607134, « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de ce dernier, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement. »

Les faits :

Dans cette affaire, la société débitrice d'une rente viagère avait déjà été visée par une procédure de recouvrement judiciaire initiée par le rentier, couvrant la période allant d’octobre 2019 à mars 2023. Malgré cela, la société s’est de nouveau abstenue de payer la rente pour la période de mai 2023 à mars 2024, ce qui a conduit le rentier à engager une nouvelle action en recouvrement.

Le problème juridique :

La question posée était de savoir si cette situation constituait une circonstance de nature à menacer le recouvrement de la rente, au sens de l’article 54 de l’AUPSRVE, et justifiait ainsi une saisie conservatoire des comptes de la société.

La solution apportée par le tribunal :

En application de l’article 54 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134, le tribunal a jugé que, pour qu'une saisie conservatoire soit ordonnée, « le créancier saisissant doit justifier d’une créance paraissant fondée en son principe et d’un risque de menace quant à son recouvrement ».

Sur la notion de "créance fondée en son principe" :

Le tribunal a précisé qu’une rente viagère, dont le montant est déterminé et payable trimestriellement, constitue une créance fondée en son principe, en conformité avec l’article 54 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134.

Sur la notion de "créance menacée" :

Le tribunal a jugé que le fait que le rentier se heurte, d’une part, à la résistance injustifiée du débiteur, l’obligeant à engager à plusieurs reprises des procédures judiciaires, et, d’autre part, à l'absence même partielle de paiement de la rente, démontrent une volonté manifeste de la société débitrice de ne pas honorer ses obligations. Cette situation constitue, selon le tribunal, une menace suffisante quant au recouvrement de la créance. De plus, ni la solvabilité ni un bilan financier positif du débiteur ne suffisent à écarter cette menace.

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La revue OHADA

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