La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA avait jugé, dans un arrêt du 24 avril 2008[1], qu’« … en vertu de ce principe de l’indépendance de la convention d’arbitrage par rapport au contrat principal, la validité de celle-là n’est pas affectée par la nullité de celui-ci et ladite validité est appréhendée d’après la commune volonté des parties sans référence nécessaire à un droit étatique ». Depuis lors, le principe de l’indépendance de la convention d’arbitrage a été réaffirmé. Dans le même temps, s’affermissait le principe de l’incompétence du juge étatique en présence de la convention d’arbitrage. Mais, quelques résistances ont été observées au niveau des juges du fond. Ces résistances connaissent, néanmoins, un funeste destin à la CCJA, comme c’est le cas dans l’arrêt commenté N° Lexbase : A55279TU. Avec cette nouvelle décision censurant le juge du fond, la CCJA précise que l’exécution du contrat d’affaire de base n’affecte ni l’existence, ni la validité, ni le maintien en vigueur de la clause compromissoire.
Sur le terreau sur lequel émergent les faits, on retient que le 5 février 2019, la Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO dite BIDC, la société Mali Oil SA et la Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce au Mali ont signé une convention tripartite intitulée « Convention de Gestion et de Mécanisme de Paiement ». Le même jour, un contrat de prêt a été signé entre la BIDC et la société Mali Oil SA, pour un montant de quatre millions onze mille (4 011 000) euros, soit deux milliards six cent trente et un millions (2 631 000 000) de francs CFA. Pour sûreté et garantie de remboursement de cette somme en principal, intérêts et accessoires due par Mali Oil SA en sa qualité d’emprunteur, celle-ci devait mettre en place un mécanisme de sûretés incluant notamment l’ouverture d’un compte séquestre constitué d’une provision correspondant à un dixième « de la valeur de la commande Franco transport achetée par la BIDC de la facilité ». Dans ce cadre, Mali Oil a ouvert dans les livres de la BSIC-SA, un compte de domiciliation des traites et un compte séquestre du montant susvisé. Estimant avoir entièrement remboursé la BIDC, la société Mali Oil a demandé à la BSIC la restitution du montant du compte séquestre. Heurtée au refus de celle-ci de s’exécuter, elle a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Bamako qui, par ordonnance n° 132 en date du 11 mai 2020, s’est déclaré incompétent à connaître de cette affaire, motif pris de l’existence d’une clause compromissoire au profit de la Cour commune de justice et d’arbitrage.
Sur appel de la société Mali Oil SA, la Cour d’appel de Bamako a rendu le 3 juillet 2020 l’arrêt infirmatif n° 287 dont le dispositif suit : « (…) en la forme : reçoit le contredit de la société Mali Oil-SA (…), au fond : Annule l’ordonnance numéro 132 en date du 11 mai 2020 du juge des référés du Tribunal de commerce de Bamako en toutes ses dispositions ; Statuant par évocation ; Se déclare compétent ; En la forme : Reçoit l’assignation de la Société Mali Oil-SA (…) ; Au fond : ordonne à la Banque Sahélo-saharienne pour l’Investissement et le Commerce à restituer à la Société Mali-Oil-SA (…) le déposit d’un montant de 263 100 000 qu’elle a constitué dans le compte SEQUESTRE prêt BIDC spécialement ouvert dans ses livres pour l’exécution de la convention de prêt (…) sous astreinte de deux millions par jour de retard ; Déboute la demanderesse du surplus de sa demande ; Met les dépens à la charge de l’intimée ». Cette décision a été déférée à la censure de la CCJA.
À la lumière de ces faits matériels et juridiques, l’exécution du contrat de base entraîne-t-elle l’expiration la clause compromissoire de sorte à redonner au juge étatique compétence pour connaître d’un différend qui aurait un lien avec le contrat de base exécuté ?
Pour répondre à cette question, le juge de la CCJA vise l’article 23 du Traité N° Lexbase : A9997YS3 qui énonce que « (t)out tribunal d’un État partie saisi d’un litige que les parties étaient convenues de soumettre à l’arbitrage se déclarera incompétent si l’une des parties le demande, et renverra le cas échéant à la procédure d’arbitrage prévue au présent Traité. ». Appliquant ce principe à l’espèce déférée devant elle, la CCJA tranche qu’il est constant que le litige fait suite au refus de restitution à la société Mali Oil SA du montant du compte séquestre que la BSIC SA détient en vertu d’une convention tripartite passée entre elle, la société Mali Oil-SA et la BIDC. Ainsi, en retenant pour écarter la clause compromissoire « qu’il est donc évident que l’attribution de compétence cesse avec la fin de la convention », alors que la convention d’arbitrage est indépendante du contrat principal, l’exécution de celui-ci n’affecte ni son existence, ni sa validité, ni son maintien en vigueur, la cour d’appel a violé l’article 23 du Traité instituant l’OHADA N° Lexbase : A9997YS3.
Il résulte de la substance de cette décision qu’en vertu du principe de séparabilité, d’indépendance ou d’autonomie de la clause d’arbitrage, le juge étatique ne peut fonder sa compétence sur la fin des relations contractuelles, car la convention d’arbitrage bénéficie d’une immunité par rapport au contrat de base. Il doit donc lorsque l’une des parties soulève l’exception d’incompétence, comme moyen de défense, se déclarer incompétent pour connaître du fond du litige[2].
Pour censurer la décision de la Cour d’appel de Bamako, la Cour de régulation a motivé qu’en retenant pour écarter la clause compromissoire « qu’il est donc évident que l’attribution de compétence cesse avec la fin de la convention », alors que la convention d’arbitrage étant indépendante du contrat principal[3], l’exécution de celui-ci n’affecte ni son existence, ni sa validité, ni son maintien en vigueur, la Cour d’appel a violé l’article 23 du Traité de l’OHADA N° Lexbase : A9997YS3. C’est donc en vertu de l’indépendance de la clause compromissoire que même en cas d’exécution complète du contrat de base, tout différend qui naît et est en relation avec ce contrat doit forcément être soumis à l’arbitrage. Il est donc impossible d’écarter la clause compromissoire.
Par convention d’arbitrage, il faut entendre celle qui lie les parties en vue de soumettre et faire juger leur différend par un tribunal arbitral. Il existe deux types de conventions d’arbitrage : la clause compromissoire, insérée dans le contrat de base et le compromis d’arbitrage, conclu après la survenance d’un différend. Le problème de l’indépendance de la convention d’arbitrage se pose plus avec la clause compromissoire, car elle est insérée dans le contrat d’affaires de base. Bien qu’incorporée au contrat d’affaires, cette clause est indépendante dudit contrat. C’est ce qui résulte de l’article 4 alinéa 1er de l’Acte uniforme sur l’Arbitrage (AUA) N° Lexbase : A0091YTK qui ne fait pas différence entre la clause compromissoire et le compromis d’arbitrage s’agissant de leur séparabilité du contrat de base. Cet article énonce que « la convention d’arbitrage est indépendante du contrat principal. ».
D’emblée, dans l’arrêt commenté, il s’agissait d’une clause compromissoire, car elle est incorporée au contrat de base. Selon certains auteurs[4], la convention d’arbitrage « constitue une convention entière, distincte et indépendante du contrat principal qui la contient ». La règle de l’autonomie de la convention d’arbitrage consacrée par le législateur OHADA tire son origine de l’arrêt Gosset de la Cour de cassation française[5]. L’alinéa 2 de l’article 4 de l’AUA fait une application du principe de l’indépendance de la convention d’arbitrage. Selon ce texte, « Sa validité n’est pas affectée par la nullité de ce contrat [...] ». La doctrine pour sa part, a critiqué cette formule et a trouvé plus judicieux de parler de « l’inefficacité » du contrat principal » au lieu de la nullité du contrat de base[6].
En jurisprudence, il est aujourd’hui acquis que la CCJA a fait une constante application de la règle de l’indépendance de la Convention d’arbitrage par rapport au contrat de base[7]. Si la convention d’arbitrage est indépendante du contrat d’affaire de base, elle l’est également par rapport aux droits étatiques. Les dispositions de l’article 4 de l’AUA prévoient que « La convention d’arbitrage est indépendante du contrat principal. Sa validité (…) est appréciée sans référence nécessaire à un droit étatique ». La jurisprudence de la CCJA est convergente et constante sur la question : la validité de la clause compromissoire ne doit pas s’apprécier par rapport au droit interne[8]. La clause compromissoire est donc autonome à tous égards, comme l’exprime très fermement l’article 4 de l’AUA.
Dans l’espèce commentée, il ne s’agissait pas de l’appréciation de la validité de la convention de base ou de la validité par rapport au droit étatique, comme figurant dans les prévisions du législateur. Il s’agissait du rapport qui existe entre la fin de l’exécution du contrat d’affaire de base et l’efficacité (la survie) de la clause compromissoire insérée dans ledit contrat. La Cour d’appel a soutenu, pour retenir sa compétence « qu’il est donc évident que l’attribution de compétence cesse avec la fin de la convention ». Autrement dit, l’exécution totale ou la fin de la Convention de base enlève à la clause compromissoire son efficacité et la compétence attribuée à l’arbitre cesse. Conséquemment les juridictions étatiques retrouvent la plénitude de leur compétence. Cette solution, fondée sur une lecture erronée du principe de l’indépendance de la clause compromissoire, n’a pas convaincu la CCJA. Pour cette dernière, l’exécution du contrat de base n’affecte ni l’existence, ni la validité et ni le maintien en vigueur de la clause compromissoire.
Il était plus question du maintien en vigueur de la clause compromissoire après exécution de la convention de base. La CCJA a retenu la totale indépendance, car selon elle, la clause compromissoire continue de produire ses effets, même après exécution du contrat de base.
En synthèse, la validité et l’efficacité de la clause compromissoire ne s’apprécient pas par rapport à l’exécution du contrat de base. La solution est tout à fait logique et participe à la construction du régime du principe de l’indépendance de la clause compromissoire par rapport au contrat de base.
[1] CCJA, 1re Ch., n° 20/2008 du 24 avril 2008, Actualités juridiques, n° 63, p. 147, note F. Komoin, Ohadata, J-09-300, pp. 2-3 [en ligne].
[2] CCJA, 1re ch., n° 009/2006 du 29 juin 2006, Recueil jurisprudence n° 7, janvier-juin 2006, p. 38 ; CCJA, 2e ch., arrêt n° 47 du 15 juillet 2010, CCJA, 1re Chambre, n° 181/2019 du 29 Juin 2019 ; D-A. Djofang, « L'incompétence du juge étatique en présence d'une convention d'arbitrage », ATDA n° 4, Janvier 2020 ; C. Ndongo Dimouamoua, « Une protection constante de l’efficacité de la clause compromissoire par la CCJA », ATDA N° 3, Décembre 2019 ; Tribunal de Commerce de Lomé, Chambre ordinaire, 28 Septembre 2021, Jugement n° 0585/2021 N° Lexbase : A42638HD ; Tribunal de commerce de Niamey , Jugement n° 024 du 09 Février 2022 ; CCJA, 2e Ch., n° 035/2010 du 03 Juin 2010.
[3] C’est nous qui mettons en gras.
[4] N. Aka, A. Fénéon et J-M. Tchakoua, Le nouveau droit de l’arbitrage et de la médiation en Afrique (Ohada) Commentaires de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, du Règlement d’arbitrage de la CCJA et de l’Acte uniforme relatif à la médiation, du 23 novembre 2017, LGDJ, 2018, p. 47.
[5] Cass. 1re civ., 7 mai 1963, JCP 1963, II, 13405, note B. Goldman : « en matière d’arbitrage international, l’accord compromissoire, qu’il soit conclu séparément ou inclus dans l’acte juridique auquel il a trait, présente toujours, sauf circonstances exceptionnelles [...], une complète autonomie juridique, excluant qu’il puisse être affecté par une éventuelle invalidité de cet acte ».
[6] N. Aka, A. Fénéon et J-M. Tchakoua, Le nouveau droit de l’arbitrage et de la médiation en Afrique (Ohada) Commentaires de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, du Règlement d’arbitrage de la CCJA et de l’Acte uniforme relatif à la médiation, du 23 novembre 2017, précit.
[7] CCJA, 1re Ch., 24 avril 2008, n° 20/2008 ; CCJA, 1re ch., 22 mai 2014, n° 082/2014 N° Lexbase : A8378WQD ; CCJA, 1re ch., n° 97/2015 du 23 juillet 2015 N° Lexbase : A7410WTM ; CCJA, 1re ch., 10 juin 2010, n° 041/2010, N° Lexbase : A4701XDH, CCJA, 3e ch., 1er décembre 2016, n° 164/2016, N° Lexbase : A4701XDH ;
[8] CCJA, 1re Ch., Arrêt n° 20/2008 du 24 avril 2008 ; CCJA, Ass. Plén., Arrêt n° 12/2011 du 29 novembre 2011 ; CCJA, Ass. Plén., l’arrêt n° 69/2015 du 29 avril 2015 ;
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
Solution 2 : En présence d’une clause d’arbitrage, la juridiction saisie d’une action en opposition à la dissolution de la société cocontractante doit se déclarer incompétente au profit du tribunal arbitral, seul compétent pour apprécier sa propre compétence, si l’une des parties en fait la demande et sous réserve que ladite clause englobe un tel litige.
Cette solution découle également de l’importante affaire précédemment évoquée et opposant la Société Canalbox Bénin SA à l'État du Bénin. Rappelons que dans cette affaire, la Cour commune de justice et d’arbitrage précisait, eu égard à sa saisine, que la signification de l’arrêt attaqué à la partie adverse n’était pas une condition de recevabilité du pourvoi en cassation (v. en ce sens, N° Lexbase : N8925BZL. Elle marque simplement le point de départ du délai de ce recours.
Une autre question importante fut néanmoins soumise à la cour dans le cadre de la même affaire. Elle consistait à déterminer si la clause compromissoire contenu dans un contrat était applicable à l’action en opposition à la dissolution de la société contractante intentée par son cocontractant. La cour répond positivement à cette question. En d’autres termes, l’effet de la clause compromissoire stipulée dans un contrat s’étend à l’action en opposition à la dissolution de la société cocontractante de ladite clause. C’est en application l’article 23 du Traité institutif de l’OHADA N° Lexbase : A9997YS3 et de l’article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage N° Lexbase : A0091YTK que cette solution est consacrée.
A priori, il pourrait paraître étonnant que la Cour applique pleinement le principe compétence-compétence à l’espèce. En effet, aux termes de l’article 23 du Traité, toute juridiction étatique saisie d’un litige que les parties étaient convenues de soumettre à l’arbitrage se déclarera incompétent si l’une des parties le demande. Celle-ci renverra, le cas échéant, à la procédure d’arbitrage prévue par le Traité OHADA. Pour sa part, l’article 13 al. 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage N° Lexbase : A0091YTK précise que, « lorsque le tribunal arbitral n’est pas encore saisi ou si aucune demande d’arbitrage n’a été formulée, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la convention soit manifestement nulle ou manifestement inapplicable à l’espèce ». Il convient d’insister sur cette dernière précision. En effet, il ressort assez clairement de l’article 23 du traité que l’obligation de recourir à l’arbitrage est circonscrite aux litiges que les parties s’étaient convenus de soumettre à l’arbitrage. Il en résulte que les litiges que les parties n’ont pas entendu intégrer dans la clause d’arbitrage ne relèvent pas de celle-ci. Il pourrait donc sembler étonnant que la CCJA censure la décision considérant que l’action en opposition à la dissolution de la société cocontractante d’une clause compromissoire puisse être exclue champ de la clause d’arbitrage. La même remarque serait valable au regard de l’article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage. Celui-ci maintient la compétence de la juridiction étatique lorsque la convention d’arbitrage est manifestement inapplicable à un litige. En réalité, l’on pourrait légitimement se demander quel lien une action en opposition à la dissolution d’une société cocontractante présenterait avec une clause compromissoire contenue dans un contrat liant les parties à une telle opposition.
Force est de remarquer cependant que le présent arrêt démontre en réalité que l’étendue de la clause d’arbitrage dépend essentiellement de la portée que les parties ont entendu lui donner. Or, en l’espèce, la clause était rédigée d’une manière suffisamment large pour englober une éventuelle action paulienne, en particulier, l’action tendant à s’opposer à la dissolution de la société cocontractante. En effet, la clause d’arbitrage stipulée couvrait « tout différend qui se produirait dans le cadre ou en relation avec l’accord et qui ne pourrait pas être résolu à l’amiable entre les parties ». En présence d’une telle convention d’arbitrage la CCJA retient logiquement que le tribunal de commerce de Cotonou devait se déclarer incompétente et laisser le tribunal arbitral se prononcer lui-même sur sa propre compétence dès lors que l’application de la clause d’arbitrage est soulevée par l’une des parties. Il en résulte donc que le litige en question n’était pas manifestement exclu du nombre des litiges couverts par une clause compromissoire ainsi libellée. La position de la CCJA dans cette affaire mérite donc d’être saluée, en ce sens qu’elle est parfaitement conforme à l’article 13 paragraphe 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
Solution 1 : En application de l’article 28 du règlement intérieur de la Cour commune de justice et d’arbitrage, la signification de la décision attaquée n’est pas une condition de recevabilité du pourvoi en cassation. Elle marque simplement le point de départ du délai dans lequel le recours doit être introduit devant cette juridiction.
L’affaire au principal oppose l’État béninois à la Société Canalbox. Ces derniers étaient liés par un contrat dans le cadre duquel la société Canalbox restait devoir une certaine somme à l’État du Bénin. Une clause compromissoire était stipulée dans ledit contrat. Toutefois, l’État du Bénin ayant découvert la dissolution de la société dans les journaux d’annonces légales décida de s’opposer à cette dissolution devant le tribunal de commerce de Cotonou (Bénin). La société Canalbox évoque la clause compromissoire pour contester la compétence de ce tribunal. L’exception d’incompétence a été rejetée par ce dernier, qui considère que l’effet de la clause compromissoire ne s’étend pas à l’action en opposition à la dissolution de la société. C’est justement ce rejet de l’exception d’incompétence qui est l’objet du pourvoi devant la CCJA. Toutefois, au moment de l’introduction du pourvoi, le jugement déféré n’avait pas encore été signifié aux parties. L’État du Bénin contesta alors la recevabilité du pourvoi en raison de ce défaut de signification.
Saisie de ce problème, la CCJA procède tout alors à l’interprétation des paragraphes 1 et 5 de l’article 28 de son règlement de procédure. De là, procède la première solution précédemment évoquée dans cet arrêt. En effet, l’article 28 paragraphe 1 du règlement de procédure de la CCJA prévoit en substance que le recours en cassation devant cette Cour doit être « présenté au greffe dans les deux mois de la signification ou de la notification de la décision attaquée ». Le paragraphe 5 de ce même article précise le contenu de la requête adressée à la CCJA, en particulier lorsque le requérant est une personne morale. La question soumise à la CCJA était donc de savoir si l’introduction d’un pourvoi en cassation devant la CCJA préalablement à la signification de l’arrêt attaqué était de nature entacher la recevabilité du pourvoi. La Cour répond négativement. Elle rappelle à cet égard que la signification de la décision attaquée n’est pas une condition du recours contre celle-ci. Selon la Cour, cette signification marque simplement le point de départ de la computation du délai dans lequel le recours doit être exercé. Il en résulte que les dispositions du Règlement de procédure de la CCJA n’interdisent pas le recours exercé avant la signification de la décision attaquée.
Rappelons en revanche que selon une jurisprudence constante de la CCJA, lorsqu’aucun acte de signification formelle d’une décision attaquée devant cette Cour n’a été produit aux débats, la simple connaissance que l’auteur du pourvoi a pu avoir des arrêts attaqués ne saurait suppléer à la carence de cette notification (v. notamment, CCJA, ass. plén., 26 avril 2015, n° 047/2015 N° Lexbase : A6565WRL ; CCJA, 1re ch., 26 novembre 2015, n° 155/2015 N° Lexbase : A1390WY7). Il en est de même lorsque le demandeur qui n’a pas reçu signification a pu se servir de l’arrêt attaqué pour solliciter un sursis à exécution devant la juridiction nationale (v. en ce sens, CCJA, 2e ch., 9 avril 2020, n° 098/2020 N° Lexbase : A19653LD).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
En l’absence de juridiction supérieure à la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA, les arrêts de celle-ci ne peuvent faire l’objet d’aucune voie de recours. Ce constat trouve également appui dans le fait que les décisions rendues par cette Cour en matière de cassation n’impliquent pas un renvoi devant les juridictions nationales d’appel. En cas de cassation, la CCJA évoque et statue sur le fond conformément à l’article 14 al. 5 du Traité OHADA révisé N° Lexbase : A9997YS3.
La position de cette juridiction et la configuration de ses procédures manifestent donc toute l’importance du procédé de recours en interprétation des arrêts qu’elle est susceptible de rendre. En effet, il n’est pas exclu, ni même rare que certaines décisions de la Cour commune de justice et d’arbitrage présentent une ambiguïté pouvant rendre leur mise en œuvre difficile. Il est également fréquent que les parties concernées par la décision puissent retenir des lectures divergentes, voire inconciliables, de tout ou partie de l’arrêt. Il en résulte un problème d’interprétation affectant directement la mise en œuvre de la décision. Cela pourrait conduire à des blocages dans restreignant d’autant plus l’efficacité et la justesse des décisions de cette Cour. Pareilles hypothèses justifient la mise en place, dans le cadre de l’OHADA, d’une procédure de recours en interprétation des arrêts rendus par la haute Cour de cette organisation. Ainsi, dans le nouveau règlement de procédure de la CCJA, les interprétations et rectifications des arrêts sont encadrées par les articles 45 bis et 45 ter.
L’espèce présente toutefois une spécificité certaine. Rappelons tout d’abord que l’arrêt, dont l’interprétation est demandée (CCJA, 23 juin 2022, n° 105/2022 N° Lexbase : A03758RC) était rendu en assemblée plénière et concernait une sentence arbitrale partielle. Il en résulte que l’affaire n’avait pas encore été vidée devant le tribunal arbitral. L’annulation de cette sentence partielle fut prononcée par la CCJA. Concrètement, il était reproché au tribunal arbitral d’avoir reporté, à une phase ultérieure de la procédure, l’examen d’exceptions d’incompétence fondées sur des motifs d’ordre public économique national béninois et communautaire de l’UEMOA. À cet égard, la Cour précisa que les exceptions soulevées posaient des questions relatives à l’application de lois de police et à la disponibilité des droits en cause. Elle s’opposa en conséquence que l’appréciation de ces exceptions d’incompétence puisse être différée. En effet, l’aptitude même du litige à accéder à l’arbitrage dépend de leur examen. Plus généralement, la Cour affirmait dans l’arrêt objet du recours en interprétation qu’aucun moyen de défense ne saurait être valablement considéré comme précoce s’il tend au respect des règles à caractère d’ordre public. La grande question restait cependant de savoir si l’annulation de cette sentence arbitrale partielle emportait dessaisissement et fin de la mission du tribunal arbitral. Cette question suscita l’opposition des parties sur les effets concrets de l’arrêt de la CCJA, justifiant ainsi l’introduction d’un recours en interprétation par l’une d’elles.
Répondant à ce recours, la Cour apporte d’utiles précisions tant sur la procédure même du recours en interprétation qu’au procédé d’interprétation proprement dite de ses arrêts.
I. La procédure du recours en interprétation
L’apport de l’arrêt n° 174/2023 du 26 octobre 2023 N° Lexbase : A45662ET réside tout d’abord dans les précisions apportées quant à la procédure gouvernant le recours en interprétation des arrêts de la CCJA. En effet, le présent arrêt procède à l’application combinée, d’une part, des articles 23 et 27 du règlement de procédure de la CCJA et, d’autre part, de l’article 45 bis de ce même règlement. En effet, si l’article 23 pose le principe selon lequel le ministère d’avocat est obligatoire devant la Cour commune, l’article 27 organise les procédés de transmissions des actes de procédures. Ainsi, « (l) original de tout acte de procédure doit être signé par l’avocat de la partie. Cet acte, accompagné de toutes les annexes qui y sont mentionnées, est présenté avec une copie pour la Cour, et autant de copies qu’il y a de parties en cause. (…) ». Par ailleurs, c’est l’article 45 bis du règlement de procédures qui organise spécifiquement les interprétations des arrêts de la CCJA. Le troisième paragraphe de cette disposition précise que la demande en interprétation « est présentée conformément aux dispositions des articles 23 et 27 du (…) règlement [de procédure de la CCJA] ».
La première question qui se posait à la Cour concernait les conditions de recevabilité du recours en interprétation. Elle consistait plus spécifiquement à déterminer si ces dispositions impliquent la nécessité d’une notification du recours en interprétation à la partie adverse.
Cette question particulière semble inédite devant la CCJA, même si, plus généralement, la Cour a eu l’occasion à maintes reprises de s’intéresser aux conditions de recevabilité des recours en interprétation de ses arrêts. Ainsi, par un arrêt de rendu en assemblée plénière le 31 janvier 2011[1], elle a pu se prononcer sur la détermination de la qualité à agir en interprétation d’un arrêt d’un de ses arrêts. À cet égard, le texte de l’ancien article 48 du règlement de procédure du 18 avril 1996, repris à l’article 45 paragraphe 2 du règlement n° 01/2014/CM/OHADA[2] fut appréciée par la Cour. Celle-ci relève en effet que cette disposition prescrit indistinctement et sans restriction que « toute partie » peut demander l’interprétation du dispositif d’un arrêt dans les trois ans qui suivent le prononcé. Elle en déduit que l’actuel article 45 bis donne la possibilité aux parties figurant dans l’instance antérieure ayant abouti à l’arrêt, objet du recours, quelle que soit sa position dans la procédure principale (demanderesse ou défenderesse), de demander l’interprétation dudit arrêt selon les conditions fixées par cette disposition.
Ce n’est bien évidemment pas la seule condition. La demande en interprétation doit être introduite dans les trois ans suivant le prononcé de la décision[3]. Il en résulte que le recours tardif, c’est-à-dire celui introduit plus de trois ans après le prononcé de l’arrêt, est irrecevable[4]. L’objet même du recours en interprétation d’un arrêt de la CCJA étant d’en clarifier les points nébuleux et suscitant une opposition des parties, serait donc irrecevable le recours en interprétation d’un arrêt qui ne présente aucune obscurité dans son dispositif. Ainsi, par un arrêt du 31 décembre 2019[5] la CCJA consacrât ainsi l’adage interpretatio cessat in claris, signifiant « l’interprétation cesse lorsque les choses sont claires », pour l’interprétation de ses propres arrêts.
Au-delà de ces questions auxquelles une réponse a déjà été apportée, il restait celle de savoir si l’article 45 bisparagraphe 3 du Règlement de procédure, qui prévoit que la demande en interprétation doit être présentée conformément aux dispositions des articles 23 et 27, impose la notification de cette demande à la partie adverse. Rappelons que les articles 23 et 27 de ce règlement de procédure s’intéressent respectivement au ministère d’avocat et aux modalités de transmission des actes de procédures. L’on pouvait donc logiquement se demander si cette référence à ces dispositions dans l’article 45 bis entraîne l’exigence d’une notification à la partie adverse du recours en interprétation d’un arrêt qui la concerne. La Cour répond négativement. Elle précise qu’il résulte de la lecture combinée de ces dispositions que « la notification du recours en interprétation d’un arrêt de la CCJA à la partie adverse n’est pas une condition de recevabilité de celui-ci ». Ainsi, lorsqu’il y a opposition sur le sens et la portée d’un arrêt de la CCJA, la partie la plus diligente peut porter un recours en interprétation de ladite décision devant la CCJA sans qu’une notification de ce recours à la partie adverse soit nécessaire. Il appartient donc à l’une quelconque des parties de demander une telle interprétation dans le délai imparti. L’un des apports essentiels du présent arrêt réside dans cette précision.
En revanche, il ne convient nullement d’en déduire que la partie adverse puisse être exclue de ce fait de la procédure d’interprétation de l’arrêt de la CCJA. En effet, la Cour statue en interprétation de ses propres arrêts par voie d’arrêt, mais doit avoir préalablement mis les parties en mesure de présenter leurs observations. Le principe du contradictoire est donc respecté. Au-delà de ces enseignements sur la procédure d’interprétation des arrêts de la CCJA, d’autres précisions concernent l’interprétation proprement dite des arrêts de la Cour.
II. L’interprétation de l’arrêt de la CCJA
Deux séries d’enseignements ont été apportées par la CCJA dans l’interprétation de son arrêt dans la présente affaire. La première précision concerne généralement l’objet de l’interprétation des arrêts de la Cour, alors que la seconde tient aux spécificités de l’arrêt interprété dans la présente affaire.
Concernant tout d’abord l’objet de l’interprétation, la Cour commence par préciser qu’il est reconnu que « seul le dispositif d’une décision de justice a une portée décisoire, à l’exclusion des motifs qui le soutiennent ». Cette affirmation, qui semble banalement s’infuser dans le raisonnement de la Cour, apporte pourtant une importante précision relativement à l’objet du recours en interprétation de ses propres arrêts. En effet, selon la Cour l’interprétation ne peut porter que sur le dispositif de l’arrêt et non sur les motifs. Il reste cependant à déterminer ce que recouvre le dispositif d’un arrêt de la CCJA. Peut-on le distinguer des motifs qui le soutiennent ? Le cas échéant, comment les distinguer ? Peut-on enfin interpréter le dispositif à l’exclusion des motifs ? Telles sont les interrogations que suscite la délimitation de l’objet de l’interprétation opérée par la CCJA au regard, notamment, de la formulation de ses arrêts.
Force est de remarquer qu’il est bien souvent difficile de distinguer une quelconque portée décisoire des arrêts de la CCJA à l’observation de leur seul dispositif. Comme dans la plupart des décisions judiciaires, le dispositif des arrêts de la CCJA est introduit par la formule « Par ces motifs ». Celle-ci est éventuellement complétée d’une indication destinée à purger la saisine de cette Cour. C’est l’exemple de la formule « et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens », notamment si la cassation rend sans objet certains moyens qui critiquent des chefs de dispositif dépendant de celui qui est cassé.
Par ailleurs, si l’arrêt objet du recours en interprétation procède à une cassation totale, elle intervient sur l’arrêt attaqué (en l’occurrence l’arrêt d’appel) « en toutes ses dispositions ». La CCJA aura dans ce cas à rejuger l’affaire dans son intégralité. Dans une telle hypothèse, le dispositif de l’arrêt de la CCJA sujette à interprétation pourrait être appréhendé aisément. En effet, la Cour évoquant et jugeant au fond, rend une nouvelle décision avec un nouveau dispositif tranchant l’affaire. Néanmoins, même dans une telle hypothèse, il serait quand même difficile d’apprécier le dispositif de l’arrêt indépendamment de sa motivation.
Cette difficulté s’accroît considérablement dans un arrêt de cassation partielle ou dans un arrêt de rejet. Dans ces hypothèses, le dispositif se résume le plus souvent dans les quelques mots suivants : « Par ces motifs, casse sauf en ce que… » en cas de cassation partielle ou « Par ces motifs, rejette » dans l’hypothèse d’un arrêt de rejet. Dans ces dernières hypothèses, le dispositif de l’arrêt de la CCJA s’imbrique partiellement ou entièrement dans celui de l’arrêt attaqué. L’on se demande dès lors, en cas de difficulté d’application ou de mésentente des parties sur la solution de la CCJA, quel serait l’objet de l’interprétation. Dans tous les cas, il serait difficile d’interpréter un arrêt de cette Cour en se limitant spécifiquement au dispositif. En effet, le plus souvent, le dispositif proprement dit ne se présente que sous la forme d’une succession de mots qui, intrinsèquement, ne peuvent être utilement exploités sans référence à la motivation de l’arrêt.
En revanche contrairement aux arrêts objet d’une interprétation, le dispositif des arrêts rendus en interprétation de ces derniers est plus explicite et manifeste une volonté pédagogique logiquement plus importante. Néanmoins, ce constat n’est d’aucun apport sur l’identification de l’objet de l’interprétation, les arrêts rendues en interprétation ne pouvant rationnellement pas faire l’objet d’une interprétation.
S’agissant ensuite de la spécificité propre au présent arrêt, celle-ci réside dans le fait que la décision contestée devant la Cour dans l’affaire principale n’était pas celle d’une Cour d’appel, mais une sentence arbitrale partielle. Par cette sentence partielle, le tribunal arbitral avait différé à une phase ultérieure l’examen d’exceptions d’incompétence fondées sur des motifs d’ordre public économique béninois et communautaire (de l’Union économique et monétaire ouest-africaine UEMOA). C’est justement ce que la CCJA reprochait au tribunal arbitral dans son arrêt du n° 105/2022 du 23 juin 2022 N° Lexbase : A03758RC qui s’est soldé par l’annulation de cette sentence arbitrale partielle. L’opposition portait spécifiquement sur la question de savoir si cette annulation emportait ou non la fin de la mission de l’arbitre. À cet égard, la CCJA réaffirme son attachement au principe compétence-compétence en vertu duquel seul le tribunal arbitral est habilité à apprécier ces questions qui s’attachent directement à la détermination de sa propre compétence. Cependant, force est de constater ledit principe n’est affirmée qu’au motif qu’aucune des parties n’avait invité la Cour à évoquer la question litigieuse, celle-ci n’avait donc pas pu la trancher.
À titre conclusif, l’on en déduit donc de cet arrêt, d’une part, que l’examen en arbitrage international d’exceptions d’incompétence fondées sur des motifs d’ordre public tend à déterminer l’aptitude même du litige à accéder à l’arbitrage au sens de l’article 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage N° Lexbase : A0091YTK. L’appréciation de ces exceptions d’incompétence ne saurait donc être reportée à une étape ultérieure par le tribunal arbitral. D’autre part, l’annulation d’une sentence partielle par la CCJA n’implique pas la fin de la mission de l’arbitre. Lorsque la Cour n’évoque pas et ne statue pas au fond, les parties sont placées dans l’état où elles se trouvaient avant le prononcé de la sentence partielle. Il appartient alors au tribunal arbitral donner les suites de droit qui conviennent. Le principe compétence-compétence justifierait donc un renvoi au tribunal arbitral dans l’hypothèse de l’annulation d’une sentence arbitrale partielle par la CCJA.
[1] CCJA, ass. plén., 31 janvier 2011, n° 002/2011, Ohadata, J-12-135.
[2] Règlement n° 01/2014/CM/OHADA du 30 janvier 2014, modifiant et complétant le règlement de procédure de la Cour commune de justice et d’arbitrage du 18 avril 1996, JO de l’OHADA, n° spécial du 4 février 2014.
[3] Art. 45 bis paragraphe 2 du Règlement de procédure de la CCJA
[4] CCJA, 3e ch., 22 octobre 2020, n° 309/2020, N° Lexbase : A49704IW.
[5] CCJA, 1re ch., 31 décembre 2019, n° 053/2019, N° Lexbase : A1553Y8Z ; v. aussi, CCJA, 2e ch., 23 décembre 2021, n° 216/2021, N° Lexbase : A62667NE
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
Les coopératives correspondent à une forme particulière d’organisation économique et juridique très répandue dans le monde entier selon des principes coopératifs presque identiques.
Elles se sont déployées dans un premier temps dans les zones rurales par la mise en place de coopératives agricoles et d’élevage. Mais la coopérative est, peu à peu, devenue un outil de développement et de promotion sociale. On a assisté à la création de coopératives d’habitats, d’établissements de microfinance, ou de coopératives d’encadrement et de promotion de l’activité artisanale[1].
De prime abord, il demeure utile de rappeler qu’au Sénégal, c’est le décret n° 60-177 du 20 mai 1960 portant statut de la coopération ainsi que la loi n° 83-07 du 28 janvier 1983 portant statut général des coopératives qui organisaient déjà ce secteur. Partant, toute coopérative devait son existence juridique à la délivrance d’un « agrément » par un arrêté conjoint signé par le ministre chargé de l’agriculture et celui chargé de l’activité concernée.
Avec l’avènement du droit communautaire OHADA, l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives (AUSCOOP) N° Lexbase : A207034G, adopté le 15 décembre 2010, est venu parachever un long processus législatif entamé depuis 2001. Notons que la nature « sui generis » de cette structure est passée de simple coopérative à une société coopérative. Cette transition a engendré des conséquences juridiques très importantes. A ce propos, l’AUSCOOP, en son article 4, définit la société coopérative comme étant :
« Un groupement autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs, au moyen d’une entreprise dont la propriété et la gestion sont collectives et où le pouvoir est exercé démocratiquement et selon les principes coopératifs ».
Les dispositions du même texte précisent que toute société coopérative jouit de la personnalité juridique à compter de son immatriculation au registre des sociétés coopératives. Concernant la tenue de ce régistre, l’AUSCOOP N° Lexbase : A207034G renvoie à chaque loi nationale la charge de la fixation de l’Autorité administrative compétente.
Le ton est donné, le législateur OHADA a tranché clairement que l’agrément ne deviendrait plus l’acte administratif créateur de la personnalité juridique pour les sociétés coopératives. Ainsi, pour donner corps à cette disposition communautaire, notre pays avait pris un décret pour désigner le ministère chargé de l’Agriculture, comme étant l’autorité chargée de la tenue de ce registre, par le soin de ses services régionaux que sont les Directions régionales du Développement rural (DRDR)[2].
Sur ces entrefaites, la loi d’orientation n° 2021-28 du 15 juin 2021 relative à l’économie sociale et solidaire N° Lexbase : A00407ZI est venue abroger les articles 2 et 3 du décret n° 2016-1600 N° Lexbase : A00337ZA, en spécifiant que : « les registres de l’économie sociale et solidaire sont gérés par les autorités administratives déconcentrées ».
Cette nouvelle orientation soulève, par ailleurs, beaucoup de questions et de difficultés pratiques, mais qui ne seront pas abordées ici, car n’étant pas l’objet de notre présente réflexion. Mais notons, à ce propos, les inquiétudes légitimes du Professeur Mayatta Ndiaye MBAYE, Directeur général de l’École Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) qui préfaçait « (d)ans certains États, les registres des sociétés coopératives ont dû être fermés à un moment donné (2014-2018), en raison de la difficulté des États à appliquer les dispositions de l’Acte uniforme. Une telle situation, encore d’actualité dans certains pays membres de l’OHADA, a sûrement affaibli le mouvement de création et de développement des coopératives »[3].
L’on ne peut nier que cette référence du législateur OHADA à une autorité administrative, va indéniablement déboucher sur un appel d’air des conséquences juridiques et judiciaires très importantes. Et malheureusement, le législateur communautaire n’est pas allé jusqu’au bout de sa logique en omettant de fixer un régime procédural complet et suffisant à cette extension.
Il est connu que les actes de l’Administration obéissent à des règles spéciales et dérogatoires du droit commun. De ce fait, le contentieux administratif est spécifique et déroge au régime de la procédure purement civile ou commerciale qui régit les relations entre personnes privées. L’administration bénéficie d’un certain privilège procédural aménagé par notamment le code de procédure civile N° Lexbase : A84023LR à travers la demande préalable[4].
L’État et ses démembrements sont souvent attraits en justice par le biais du recours de plein contentieux ou par la procédure du recours en annulation, dite recours pour excès de pouvoir. Signalons que ce dernier recours est de la compétence exclusive de la Cour suprême par le biais de la chambre administrative.
C’est pourquoi il demeure fort utile d’opiner sur cette procédure d’annulation pour savoir si elle est adaptée pour résoudre les contentieux de la tenue du Registre des Sociétés coopératives.
A ce stade, il faut se méfier de confondre le contentieux interne de la société coopérative de celui relatif à la tenue de son registre.
Pour le premier, le législateur OHADA a bien prévu des modes de résolution des litiges à travers plusieurs mécanismes. A ce propos, on peut citer notamment les contentieux suivants :
Par contre, concernant le contentieux de la tenue du registre des sociétés coopératives, un silence se dresse devant nous !
Est-ce une volonté du législateur communautaire de ne pas s’immiscer dans les règles propres de procédure de chaque État membre ?
À ce sujet, affirmer que l’OHADA n’a pas pour vocation de fixer des règles de procédure ne serait pas une verve. En effet, les actes uniformes de l’Organisation se contentent de régir généralement que des règles de fond.
Signalons que la majorité écrasante des pays membres de l’OHADA a choisi de confier la tenue de ce registre aux services du ministère chargé de l’agriculture. Pour d’autres États membres de l’OHADA, il s’agit du ministère de l’Intérieur ou du ministère chargé de l’Administration territoriale. Par contre, quelques rares pays, comme le Bénin et la Côte d’Ivoire, ont confié cette attribution au service du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM).
Au Sénégal, le Gouvernement a porté son choix sur les directions régionales du développement rural (DRDR). Ces services purement administratifs sont appelés à exercer un contrôle sur la régularité de toute demande d’immatriculation. Exerçant leur office, ces services publics pourraient prendre des décisions faisant grief. Dans pareil cas, qui du juge de droit commun ou celui de l’annulation des décisions administratives en l’occurrence la Chambre administrative de la Cour suprême, serait compétent ou mieux indiqué pour apprécier des décisions administratives.
La tentative de réponse est, à notre modeste avis, double, car des problèmes de légalité et d’opportunité s’entrechoquent. En effet, l’exclusivité légale de la compétence dévolue à la Cour suprême pour connaître du contentieux de l’annulation des décisions des autorités administratives (première partie) devrait l’emporter sur le réalisme et la particularité de la procédure de droit commun du contrôle des registres d’immatriculation (deuxième partie). `
I. La compétence dévolue à la juridiction d’annulation des actes administratifs
Les actes uniformes deviennent des lois nationales une fois adoptés et sont, de ce fait, fondus dans le bloc de légalité (A). Ainsi, toutes les juridictions suprêmes ou de cassation des États membres pourraient l’invoquer pour trancher les litiges de recours pour excès de pouvoir (B) même si cela peut surprendre à première vue.
A. L’appartenance des actes uniformes au bloc de légalité
Le recours pour excès de pouvoir peut être défini comme un recours contentieux tendant à l’annulation d’une décision administrative et fondée sur la violation d’une règle de droit. Il a pour objectif de défendre le principe de la légalité des actes de l’Administration. Le recours pour excès de pouvoir n’est recevable que contre une décision explicite ou implicite d’une autorité administrative[8].
La loi organique sur la Cour suprême confère à la Chambre administrative la compétence d’appréciation de la légalité des décisions émanant des autorités administratives.
Aucun autre juge ou organe n’a cette compétence sauf le Conseil Constitutionnel en matière électorale.
En soi, il n’existe pas un droit substantiel ou de fond relatif au recours pour excès de pouvoir. Pour trancher le litige, le juge suprême peut puiser dans tout l’ordonnancement juridique national, autrement appelé le bloc de légalité.
Le bloc de légalité, rappelons-le, est une notion dégagée par la doctrine administrative. Il comprend la Constitution, les lois organiques et ordinaires et les règlements. Ainsi, il ne serait pas interdit d’y ajouter les Actes uniformes de l’OHADA.
De suite, le juge de la chambre administrative devrait pouvoir puiser dans les dispositions des Actes uniformes comme celui relatif aux sociétés coopératives pour trancher un contentieux d’annulation adossé à un conflit né de l’immatriculation de société coopérative.
Cette position surprend. Mais, a priori, rien ne s’oppose à l’application des actes uniformes dans la motivation des arrêts d’annulation par le juge administratif.
B- L’invocabilité des actes uniformes pour trancher les recours pour excès de pouvoir
Il demeure légitime de s’interroger sur la catégorie juridique des Actes uniformes. Vus du côté de leur origine intrinsèque, ils sont indéniablement des textes communautaires. Mais, une fois adoptés, ils se fondent dans l’ordonnancement juridique interne et deviennent, de ce fait, de simples lois nationales.
À l’évidence, si la question fondamentale de savoir si le droit OHADA fait partie du bloc de légalité est justifiée et acquise, il reste celle d’admettre que cette source de droit positif puisse permettre de trancher un litige administratif, loin du droit commercial ou des affaires.
Pour beaucoup de personnes proches du côté de l’approche organique ou institutionnelle, la réponse est la négative, car se fondant sur les dispositions pertinentes du Traité N° Lexbase : A9997YS3 en son article 14 : « La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage assure l’interprétation et l’application communes du Traité ainsi que des règlements pris pour son application, des actes uniformes et des décisions ».
L’on constate qu’effectivement l’exclusivité de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), pour l’application des Actes uniformes, semble affirmée par les Pères fondateurs de notre commune Organisation.
Un souci majeur d’harmonisation de la jurisprudence est en jeu. Autrement, pour une même disposition, les juridictions suprêmes ou de cassation des dix-sept (17) États membres pourraient prendre des positions divergentes et totalement opposées. En effet, « toute idée d’harmonisation du droit dans un espace donné serait vaine, sinon vidée de son sens, si on confiait aux différentes juridictions nationales de cassation le pouvoir d’interprétation, chaque juridiction pouvant avoir sa propre compréhension du droit harmonisé »[9].
Par contre, pour d’autres penseurs, à l’instar du Professeur Ndiaw Diouf, le juge administratif peut bien faire appel aux dispositions de l’AUSCOOP N° Lexbase : A207034G pour trancher un recours en annulation. Il se fonde, curieusement lui aussi, sur les dispositions du même Traité.
En effet, l’article 10 du Traité N° Lexbase : A9997YS3 précise : « (l)es actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les États Parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ».
Ce qui précède ne laisse aucun doute sur l’appartenance des Actes uniformes au bloc de légalité. Le droit OHADA est bel et bien fondu dans le droit national et de ce fait n’importe quel juge peut l’appliquer selon ses règles de compétence.
La compétence de la CCJA sur les actes uniformes demeure la seule saisine par voie de « pourvoi en cassation »[10]. En dehors du pourvoi en cassation, l’on se demande si la CCJA pourrait valablement s’arroger la compétence exclusive sur l’application ou l’interprétation des Actes uniformes.
Si la réponse est négative, la Cour suprême saisie d’un « recours » en annulation et non d’un « pourvoi » pourrait valablement déclarer recevables de telles actions et trancher le litige sur la base du droit OHADA, le cas échéant.
On peut pousser la réflexion audacieusement plus loin en ce que la CCJA pourrait même connaître en cassation des arrêts rendus par les juridictions suprêmes dans ce domaine. Cette position peut paraître ubuesque à première vue. Mais une deuxième lecture plus attentive de l’article 14, alinéa 4 du Traité N° Lexbase : A9997YS3 peut autoriser à admettre cette possibilité, jusque-là, inimaginable. Ce texte dispose que la CCJA : « (s)e prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des États Parties dans les mêmes contentieux. En cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond ».
L’arrêt de la Cour suprême statuant en annulation est rendu en premier et dernier ressort donc non susceptible d’appel, mais devrait être susceptible de pourvoi devant la CCJA.
À bien des égards, force est de reconnaître que le juge de l’annulation des actes administratifs ne correspond pas à la particularité du contentieux des registres. C’est pourquoi, les plus pragmatiques s’orientent vers le juge de droit commun qui semble, à même, de résoudre nos difficultés.
II. La compétence du juge de droit commun
Comparaison n’est pas raison, dit-on souvent, mais le juge chargé du contrôle du Registre de Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) (A) a fini de montrer son efficacité dans cet office, pour s’ériger en véritable modèle. Par contre, les perspectives de l’AUSCOOP N° Lexbase : A207034G qui se dessinent devant cette problématique n’augurent pas des lendemains meilleurs (B) avec des risques réels.
A. Le modèle du juge du Registre de Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM)
L’Acte uniforme sur le droit commercial général N° Lexbase : A9978YSD a institué un Registre de Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) en lui aménageant un régime complet allant notamment de son organisation, des conditions et effets de l’immatriculation et du contentieux y relatif.
C’est le titre IX intitulé « contentieux relatif au registre du commerce et du crédit mobilier » de l’article 66 à 69 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général N° Lexbase : A9978YSD, qui organise et fixe le régime procédural du contrôle de ce registre.
Pour ce faire, le législateur communautaire convoque deux autorités à savoir le greffier ou le responsable de l’organe compétent dans l’État partie[11]. Conséquemment, il va sans dire que les recours seront portés soit devant une juridiction compétente soit devant une autorité compétente selon le schéma choisi par chaque État partie.
Au Sénégal, c’est le juge du tribunal de grande instance (TGI) ou du tribunal de commerce (TC) compétent qui procède à l’examen du contentieux né des inscriptions ou immatriculations. Il statue par voie d’ordonnance.
Ce juge enjoint le greffier de faire ou de ne pas faire[12].
Par contre, concernant les sociétés coopératives, il s’agira ici du Directeur régional du développement rural (DRDR) ou de l’Autorité administrative déconcentrée désignée pour tenir le registre des coopératives, conformément à la loi d’orientation n° 2021-28 du 15 juin 2021 relative à l’économie sociale et solidaire.
Un parallélisme des formes recommanderait, à certains égards, de confier le contrôle du registre des sociétés coopératives au juge de droit commun en l’occurrence celui du TGI ou du TC territorialement compétent.
Cette position paraît plus commode et réaliste malgré, tout de même, une légalité très fragile et critiquable. Cependant, elle aura le mérite de répondre à beaucoup de préoccupations, au nombre desquelles on peut citer notamment :
- Le juge du TGI ou TC dispose plus de latitude à répondre et à modeler son ordonnance selon la demande qui lui est adressée. En effet, il peut enjoindre au DRDR ou à l’autorité administrative déconcentrée, toute mesure qu’il juge appropriée.
À dire vrai, l’AUSCOOP N° Lexbase : A207034G fait rejaillir beaucoup de questionnements à propos de son application. Sa nature hybride (entre les attributs des sociétés commerciales et les principes coopératifs) ne lui facilite pas une vie paisible avec des perspectives pas très heureuses.
B- Les risques de contentieux du Registre
Le contentieux de la tenue de tout régistre s’inscrit généralement dans l’activité de la réception des déclarations et la vérification de la conformité de leur énonciation aux pièces justificatives produites. En résumé, nous sommes en face véritablement d’un contrôle de régularité formelle. Dans ce cas précis, il peut arriver que l’organe compétent (DRDR ou autorité administrative déconcentrée) prenne une décision qui fait grief à l’encontre des déclarants pour l’immatriculation.
L’autorité administrative a l’obligation de vérifier la satisfaction des obligations et des interdictions énoncées dans l’AUSCOOP N° Lexbase : A207034G avant de procéder à toute immatriculation au registre.
A titre illustratif, l’application rigoureuse de l’alinéa in fine de l’article 6 de l’AUSCOOP N° Lexbase : A207034G pourrait soulever de sérieuses difficultés dans nos États.
Cette disposition interdit : « (t)oute discrimination fondée sur le sexe ou sur l’appartenance ethnique, religieuse ou politique ».
Entendez bien, cette interdiction est d’ordre public ! [13].
Force est de constater que ces interdictions de discrimination d’ordre ethnique ou religieuse pourraient compromettre beaucoup de projets de formalisation en coopérative surtout dans le monde rural. Ces terroirs sont marqués par des appartenances diverses.
L’exemple des régions naturelles est assez édifiant. En effet, des habitants d’un même village qui se constituent en coopérative pourraient se heurter au refus d’immatriculation par l’administration sur le fondement de leur appartenance à une même ethnie. Ce qui serait absolument incongru.
De même, la discrimination liée au sexe soulève également une grave interrogation sur sa pertinence.
En effet, partout en Afrique des groupements de femmes appelés à se formaliser en coopérative, foisonnent dans tous les secteurs d’activités économiques (pêche, maraîchage, transformation de produits agricoles, artisanat, etc.). Demain, à la déclaration pour l’immatriculation, une coopérative composée uniquement de femmes pourrait se voir opposer les dispositions de l’article 6. C’est encore plus grave si cette exclusivité de sexe est mentionnée dans les statuts, ce qui constituerait une violation de cette disposition qui encourt la nullité totale.
Somme toute, cette disposition ne milite pas en faveur de la promotion de l’autonomisation des femmes rurales et de leur formalisation en sociétés coopératives.
Propos conclusifs
L’hésitation du législateur OHADA d’éviter de s’immiscer en profondeur dans le droit procédural et de ne s’intéresser qu’au droit de fond amène, par moment, ces difficultés d’application des actes uniformes. Certes, cette position est prudente et justifiée. Mais, aujourd’hui, la question d’évoluer vers une harmonisation a minima des procédures devra rejaillir de plus belle un jour ou l’autre.
D’ailleurs, l’énigmatique problématique de la prise en charge par la CCJA des pourvois mixtes (des moyens de cassation tirés du droit national et des actes uniformes ou un moyen faisant application des deux droits à la fois) est venue nous rappeler la fragilité de l’absence d’une harmonisation des procédures.
La question du contentieux de la tenue des registres a montré le risque de bouleversement de l’uniformisation avec des États qui vont choisir soit le greffe soit une autorité administrative,
Il apparaît enfin que le législateur OHADA devra aller jusqu’au bout dans de son office normatif, en instaurant une architecture juridique et judiciaire plus complète au grand bénéfice de l’harmonisation tant chantée par les Pères fondateurs.
[1] V. Sarr, « Les enjeux de la société coopérative : évolution et perspectives », Revue de l’ERSUMA, n°2 mars 2013, page 187 à 207.
[2] Décret n° 2016-1600 du 13 octobre 2016, portant désignation de l’autorité administrative chargée de la tenue du registre des sociétés coopératives et de la tutelle des sociétés coopératives N° Lexbase : A00337ZA.
[3] Willy Tadjudje (dir.), Le droit des coopératives en Afrique : Réflexion sur l’Acte uniforme de l’OHADA., Collection Ressor n°5, Éditions et presse universitaires de Reims, 2021, préface page 15.
[4] Article 729 code de procédure civile :
« Toute action en justice doit être précédée d’une demande adressée à l’autorité administrative désignée pour recevoir l’assignation aux termes de l’article 39. Le silence gardé plus de quatre mois par l’autorité saisie vaut décision de rejet.
L’assignation doit, à peine d’irrecevabilité, être servie dans le délai de deux mois qui suit, soit l’avis donné de la décision, de l’administration, soit l’expiration du délai de quatre mois valant décision implicite de rejet.
Elle doit, à peine de nullité, viser la réponse implicite ou explicite donnée par l’administration à la demande préalable.
Si c’est l’administration qui est demanderesse, l’assignation est délivrée à la requête du ministre compètent ou à celle des autorités visées à l’article 39 ».
[5]Article 29 AUSCCOOP N° Lexbase : A207034G
« Un an au moins avant la date d'expiration de la durée de la société, les coopérateurs doivent être consultés à l'effet de décider si celle-ci doit être prorogée. A défaut, tout coopérateur peut demander à la juridiction compétente dans le ressort de laquelle est situé le siège social, statuant à bref délai, la désignation d'un mandataire de justice chargé d’organiser la consultation prévue au présent alinéa. La prorogation de la durée de la société coopérative n'entraîne pas création d'une personne juridique nouvelle ».
[6]« En cas de contestation, la valeur de cession ou de remboursement est déterminée par l’organisation faîtière à laquelle est affiliée la société coopérative et à défaut, par expert désigné d'accord parties ou par la juridiction compétente statuant à bref délai ». Article 50 AUSCOOP N° Lexbase : A207034G.
[7]« Sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction compétente saisie à cet effet et statuant à bref délai, aucune augmentation des engagements des coopérateurs envers la société coopérative ne peut être décidée sans leur consentement ». Article 62 AUSCOOP [LXB= A207034G].
[8]Article 74 de la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême, JORS, 18 janvier 2017, page 47 N° Lexbase : A9316XND ; v. aussi, Loi organique n° 2022-16 du 23 mai 2022 modifiant la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême, N° Lexbase : A491179R.
[9] M. Maidagi, ex juge CCJA « la philosophie de l’article 14 du Traité de l’OHADA : la supranationalité de la CCJA et l’incompétence de principe des Cours suprêmes nationales dans les matières relevant du droit OHADA », ERSUMA, 2012, p.3.
[10]Ceux qui défendent cette thèse convoquent l’article 14, alinéa 3 du Traité N° Lexbase : A9997YS3 : « Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'Appel des États-Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales ».
[11] AUDCG N° Lexbase : A9978YSD Article 36- « Le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier est tenu par le greffe de la juridiction compétente ou l’organe compètent dans l’État Partie sous la surveillance du Président de ladite juridiction ou du juge délégué par lui à cet effet ou de l’autorité compétente dans l’État Partie ».
[12]V. la communication de Me Paul Lendongo, Ancien Greffier en chef de la CCJA, intitulée « le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) » formation de juristes camerounais en droit OHADA du 11 au 22 avril 2011, ERSUMA
[13]« Les dispositions du présent Acte uniforme sont d'ordre public, sauf dans les cas où il autorise expressément les coopérateurs, soit à substituer les stipulations dont ils sont convenus ou les dispositions de droit interne des États Parties à celles du présent Acte uniforme, soit à compléter par leurs stipulations les dispositions du présent Acte uniforme ». article 2 AUSCOOP N° Lexbase : A207034G.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
Le 17 octobre 2023, à Kinshasa, le Conseil des Ministres de l’OHADA [1] a adopté un nouvel acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) [2]. Ce nouveau texte, entré en vigueur le 16 février 2024 et applicable aux procédures ouvertes à compter de cette date, abroge pour l’avenir les règles issues du précédent AUPSRVE du 10 avril 1998.
Cette réforme est notable à plus d’un titre. Elle l’est tout d’abord à raison de son intérêt évident pour les praticiens, qui scrutent déjà les nouveaux articles. Rien d’étonnant, quand on sait que c’est le plus usité des onze actes uniformes, et qu’à lui seul il est à l’origine de plus de 70 % du contentieux porté devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA). Cet engouement, peu habituel pour le droit de l’exécution, s’explique vraisemblablement par le fait que l’efficacité du recouvrement est une pierre d’angle de la réussite de l’objectif de l’OHADA, à savoir « garantir la sécurité juridique des activités économiques, afin de favoriser l'essor de celles-ci et d'encourager l'investissement » [3]. Or, sans la garantie de procédures de recouvrement efficaces et sûres, il ne peut y avoir de véritable développement de l’investissement.
Cette réforme est notable également par le défi d’harmonisation qu’elle a su relever, dans une matière pour laquelle on sait que les États sont souvent peu enclins à abandonner leur souveraineté. C’est cette difficulté de rechercher, et de trouver, un accord entre les dix-sept États-membres qui explique en grande partie que l’ancien AUPSRVE n’avait pas fait jusqu’ici l’objet d’une révision, contrairement à la plupart des autres actes uniformes. Cela explique également que le processus de réforme ait été particulièrement long, alors qu’il avait été entamé il y a longtemps en raison des critiques de la pratique et du développement de jurisprudences contra legem.
Les objectifs affichés par cette réforme sont de faciliter davantage les procédures de recouvrement des créances commerciales dans les États-membres de l'OHADA, en offrant une réglementation plus claire, des procédures plus rapides et plus efficaces. Sans prétendre à l’exhaustivité, irréaliste dans le cadre de ces colonnes, la présente étude se propose de présenter quelques mesures phares répondant aux objectifs affichés de sécurité (I), de célérité (II) et d’efficacité (III) de ce nouveau droit du recouvrement, tout en envisageant les préoccupations déjà soulevées, alors que l’AUPSRVE vient à peine d’entrer en vigueur.
I. Sécurité
La sécurité juridique est un des objectifs fondamentaux des droits de tradition continentale, qui y répondent notamment par la technique de la codification. Cela se traduit par des dispositions écrites, au sein d’un plan organisé, avec le cas échéant des définitions, et l’énoncé de règles de principe qui permettront de résoudre des questions issues de dispositions particulières. Le nouvel AUPSRVE se conforme à cette technique législative, par la consécration d’un chapitre préliminaire, intitulé « dispositions communes ».
Ce chapitre, en son article 1er, détermine textuellement le champ d’application de l’acte, ce qui n’avait pas été fait dans le précédent. Positivement, l’acte « s’applique aux procédures d’injonction de payer et d’injonction de délivrer ou de restituer, aux saisies conservatoires et aux voies d’exécution » ; négativement, il ne s’applique pas « aux saisies de navires ou d’aéronefs [… au] recouvrement des créances publiques ; [aux] mesures conservatoires prévues par d’autres actes uniformes ». L’article 1-1, quant à lui, donne une liste de définitions des termes utiles à l’application de l’acte, tel que « cahier des charges », « jour ouvrable », « signification », ou encore « tiers saisi ».
Des « Dispositions générales » se retrouvent également en tête du Livre II sur les voies d’exécution.
Au sein de ces dispositions communes, il faut souligner que certaines posent de nouvelles règles uniformes, là où il était jusqu’à présent renvoyé aux droits nationaux. Un tel renvoi était nécessairement cause d’insécurité en raison du risque de divergences dans l’application des procédures communes. Ainsi, les nouveaux articles 1-9, 1-10 et 1-11 déterminent désormais de manière unifiée les modalités de la signification à personne. De la même manière, le nouvel article 51 donne une liste de biens uniformément considérés comme insaisissables dans tous les États-membres. Le recul du renvoi aux lois nationales ne peut être qu’un facteur de sécurité juridique [4].
Quant au nouvel article 30, il a vocation à réduire la forte insécurité liée au contentieux nombreux et changeant relatif aux immunités d’exécution. Cette disposition consacre textuellement la faculté de renonciation au bénéfice de l’immunité, qui n’était que jurisprudentielle [5]. Mais surtout, elle s’efforce de donner une définition des personnes bénéficiant de l’immunité, comme étant « les personnes morales de droit public », consacrant ainsi la jurisprudence « Togo Telecom » [6]. Elle accompagne cette définition d’une liste non exhaustive de personnes morales considérées comme publiques (État, collectivités territoriales, établissements publics). Pourtant, derrière ces progrès, des insécurités demeurent. En effet, l’absence de la notion d’« entreprise publique » inquiète. La liste n’étant pas exhaustive, cet « oubli » signifie-t-il que les entreprises, constituées sous une forme de droit privé, mais au capital desquelles prend part une personne morale de droit public, pourront désormais bénéficier de l’immunité d’exécution ? La stabilité récente de la jurisprudence de la CCJA [7] laisse espérer que ce ne sera pas le cas, sous peine de voir renaître une insécurité liée à la volonté discrétionnaire des États.
Pour finir, évoquons le nouvel article 1-16. Il consacre, à titre de principe directeur encadrant les vices de forme [8], les règles « pas de nullité sans texte » et « pas de nullité sans grief », cette dernière n’existant jusqu’alors que dans le cadre de la saisie immobilière [9]. Ainsi, le juge ne sera plus un « distributeur automatique de nullité » [10], et devra vérifier l’existence réelle d’un préjudice avant d’anéantir un acte de procédure. Décourageant les actions dilatoires, cette mesure devrait également s’avérer gage de célérité.
II. Célérité
La célérité est une des principales promesses faites par l’AUPSRVE, dans le but de remédier aux statistiques selon lesquelles il faudrait 180 jours pour être payé sur le continent africain.
À ce titre, on peut relever que la réforme consacre l’équivalence des formes papier et électronique des actes [11], ainsi que la possibilité, aux côtés de la traditionnelle signification papier, d’une signification par voie électronique [12]. Au-delà de la modernisation, cette faculté de dématérialisation des procédures vise vraisemblablement à les simplifier et les accélérer, afin d’éviter notamment la lenteur d’une signification papier à personne. Cependant, cette innovation paraît unanimement utopique à l’heure actuelle, compte tenu de la réalité de terrain de la zone OHADA.
Mais surtout, pour accélérer les procédures, de profondes innovations ont été faites en terme de délai dans l’ensemble de l’acte uniforme. C’est le cas en particulier dans la procédure d’injonction de payer, dont nombre de praticiens se détournent actuellement en raison de sa lenteur. Chaque étape de cette procédure est désormais assortie d’un délai, nouveau ou raccourci : l’article 5 prévoit que le magistrat doit rendre « l’ordonnance dans les trois jours de sa saisine » ; le nouvel article 8 instaure ensuite un délai de dix jours pour payer ou former opposition à compter de la signification de ladite ordonnance (contre quinze auparavant [13]) ; la tentative de conciliation doit alors être intentée dans les quinze jours suivants la désignation du juge chargé de cette mission [14] ; en cas d’échec de la conciliation entraînant une décision rendue au fond, le délai d’appel passe de trente à quinze jours à compter du prononcé de la décision, et le greffe doit transmettre le dossier « à la juridiction d’appel compétente dans un délai de dix jours à compter de la signification qui lui a été faite de l’acte d’appel » [15] ; la juridiction d’appel doit enfin se prononcer dans les « deux mois à compter de la première audience qui ne peut se tenir plus d’un mois à compter de la réception du dossier » [16]. Quoique ces nouveautés paraissent aller dans le sens d’une célérité accrue des procédures, quelques points peuvent faire douter de cette réalité. En premier lieu, dans un délai, la durée n’est rien sans son point de départ ; or quand le point de départ d’un délai, qui se veut court, est « la désignation du juge », la réalité du terrain peut faire craindre que la procédure ne soit que théoriquement accélérée. En second lieu, aucune disposition ne prévoit de sanction lorsqu’un juge ne respectera pas les délais qui lui sont impartis par les textes. Une sanction professionnelle n’est pas une piste envisageable utilement, car, à l’image des dispositions pénales, elle serait laissée à la discrétion des États-membres et aboutirait potentiellement à une sanction à dix-sept vitesses… Le Docteur Emmanuel Douglas Fotso plaide en faveur de la transposition de la jurisprudence de la CCJA rendue en matière de saisie immobilière, selon laquelle à expiration du délai la juridiction est réputée dessaisie, ce qui implique que tout arrêt rendu au-delà dudit délai est nul et de nul effet [17]. Si cette jurisprudence a le mérite de proposer une sanction, elle ne permet pas de faire respecter l’exigence de célérité. A l’inverse, considérer que le défaut de décision équivaut à un rejet implicite permettrait de respecter l’objectif poursuivi, mais au détriment d’une bonne administration de la justice.
On l’aura compris, pour ce qui est de la célérité, les innovations textuelles ne suffisent pas à rassurer. Dans l’attente de pouvoir déterminer ce que pourront concrètement faire les magistrats, mais également de connaître une éventuelle position de la CCJA, la pratique risque de continuer à se détourner de la procédure d’injonction de payer. À défaut, ils pourront espérer un recouvrement efficace grâce aux nouvelles saisies consacrées dans le nouvel AUPSRVE.
III. Efficacité
Pour que le recouvrement soit fructueux, il faut permettre au créancier d’aller chercher la valeur là où elle se trouve dans le patrimoine de son débiteur. Ceci implique à la fois de s’adapter à l’évolution et à la réalité des fortunes. Pour y parvenir, le nouvel AUPSRVE consacre de nouvelles saisies spéciales, répondant à ces deux desseins.
Tout d’abord, parmi ces nouvelles saisies, certaines s’adaptent simplement à l’évolution des fortunes, comme c’est généralement le sens des réformes des procédures civiles d’exécution, en organisant des procédures propres à certains biens. Ainsi, les articles 152-16 à 152-26 organisent la saisie des biens placés dans un coffre-fort ; les articles 236 et suivants, sur la saisie des droits d’associés et valeurs mobilières, sont étendus aux autres titres négociables ; un nouveau titre VII bis voit le jour, organisant aux articles 245-1 et suivants une procédure spéciale relative à la saisie du fonds de commerce, dont la valeur peut désormais servir à désintéresser un créancier en dehors de l’existence d’un nantissement.
Les autres nouvelles saisies sont, quant à elles, consacrées dans le but de permettre au droit OHADA de s’éloigner du droit français, qui a pu paraître (trop ?) longtemps son modèle, et de s’adapter aux réalités du continent africain. Voit ainsi le jour la possibilité, au sein de la saisie-attribution, de saisir des « avoirs en monnaie électronique dont le débiteur peut disposer en effectuant un retrait, un paiement ou un transfert » [18], objet dont le chapitre préliminaire donne la définition à l’article 1-1, soulignant de ce fait sa nouveauté. Sont ainsi officiellement saisissables les monnaies proposées par les opérateurs téléphoniques, qui remportent un franc succès en pratique.
Mais surtout, le nouvel AUPSRVE consacre la possibilité pour un créancier de saisir le bétail, à titre conservatoire ou exécutoire. Après une définition, à l’article 1-1, de ce qu’il faut entendre par « bétail » au sens de l’AUPSRVE, ce ne sont pas moins de vingt-cinq articles qui organisent le régime applicable à la saisie de ces animaux ayant une valeur marchande, que ceux-ci soient entre les mains du débiteur ou d’un tiers, qu’ils doivent être déplacés pour le pâturage malgré leur indisponibilité, qu’ils donnent lieu à un croît, ou encore que leur entretien rende nécessaire la saisie concomitante de pailles, fourrages ou de grains.
À peine entré en vigueur, le nouvel acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution suscite déjà des craintes quant à l’application de certaines innovations. Il faudra donc prêter attention à la pratique des créanciers (ou de leurs conseils), aux diligences des magistrats nationaux, et aux positions de la CCJA. Dans cette attente, n’oublions pas de saluer le travail d’harmonisation et de modernisation proposé par le législateur OHADA.
[1] Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.
[2] Publié au journal Officiel de l'OHADA le 15 novembre 2023.
[3] Préambule du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, Port-Louis, 17.10.1993.
[4] Une même évolution se retrouve dans les régimes spéciaux. Par exemple, toute décision rendue sur opposition dans la procédure d’injonction de payer est désormais susceptible d’appel, alors que l’ancienne version de l’article 15 renvoyait au droit national des Etats parties.
[5] L. Pongo-Wonya, Les immunités d’exécution à la lumière de la jurisprudence de la jurisprudence de la CCJA, Ohada.com, Ohadata D-23-06.
[6] CCJA, 1ère ch., n° 43-2005, 7 juillet 2005.
[7] V. notamment CCJA, 1ère ch., n° 060/2022, 3 mars 2022 : « le seul fait pour une société privée de bénéficier des subventions de l’Etat, ne lui confère pas le bénéfice de l’immunité. Aucune société ne peut être à la fois anonyme et personne de droit public. Le fait qu’une société soit investie d’une mission de service public et que l’Etat ait une participation au capital ne change en rien sa nature de société anonyme donc de droit privé soumise, comme telle aux conditions d’exécution des sociétés de droit privé ».
[8] Pour les vices de fond, l’article 28-4 AUPSRVE n’impose pas de justifier d’un grief pour obtenir la nullité.
[9] Anc. art. 297 al.2.
[10] G.S. Tsetsa, Regards sur la réforme de la saisie immobilière en droit OHADA, Ohada.com, Ohadata D-23-23.
[11] AUPSRVE, art. 1-5.
[12] AUPSRVE, art. 1-8.
[13] Délai repris à l’article 10 AUPSRVE, qui prévoyait précédemment un délai de quinze jours.
[14] AUPSRVE, art. 12.
[15] AUPSRVE, art. 15 al.6
[16] AUPSRVE, art 15 al.7.
[17] CCJA, 2Ch., n° 96/2022, 9 juin 2022.
[18] AUPSRVE, art. 153.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
Après une période d’application d’un texte, il est évidemment nécessaire d’observer un temps de critique et d’analyse. Plusieurs Actes uniformes ont été révisés conformément aux objectifs de l’OHADA, notamment dans la perspective d’installer un climat des affaires propice au développement économique.
La réforme des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution avec l’adoption de ce nouvel Acte uniforme le 17 octobre 2023 N° Lexbase : A6607134 est alors bienheureuse compte tenu des multiples incohérences, des difficultés d’application et d’interprétation de plusieurs dispositions du texte précédent[1]. L’une des lacunes que renfermait l’ancien texte était relative à son domaine d’application. En effet, l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSVRE) du 10 avril 1998 N° Lexbase : A0099YTTprévoyait vaguement son champ d’intervention dans l’article 337. Cette insuffisance est corrigée avec le nouvel Acte uniforme qui précise son domaine dès l’article premier et cette précision corrobore les nouvelles dispositions de l’article 336.
Aux termes de l’article premier du nouvel AUPSRVE : « (l)e présent acte uniforme s’applique aux procédures d’injonction de payer et d’injonction de délivrer ou de restituer, aux saisies conservatoires et aux voies d’exécution.
Le créancier qui entend poursuivre le recouvrement forcé de sa créance ou la conservation de ses droits ne peut mettre en œuvre à l’encontre de son débiteur que les mesures et procédures prévues par le présent acte uniforme.
Toutefois, le présent acte uniforme ne régit pas :
Cette précision est fondamentale, dans la mesure où les États parties réglementent certaines mesures d’exécution [2]. Ainsi, dans beaucoup d’États parties, il existe des procédures d’exécution spécifiques prévues pour le recouvrement des créances fiscales ; tel est le cas de l’avis à tiers détenteur [3] souvent prévu par les codes des impôts.
Le nouvel AUPSRVE a mis un terme à cette incertitude en excluant expressément de son champ des mesures d’exécution relevant d’autres domaines. Au-delà des « saisies ou procédures particulières prévues par la loi de chaque État partie pour le recouvrement de créances publiques », d’autres catégories de procédures sont exclues. Il en est ainsi des « saisies visées par les conventions internationales, notamment celles relatives aux saisies de navires ou d’aéronefs ».
Il s’agit de domaines exclus des matières ayant fait l’objet d’harmonisation, en vertu des dispositions de l’article 2 du Traité de l’OHADA N° Lexbase : A9997YS3. Cependant, compte tenu des difficultés pratiques de mener à bien les procédures d’exécution relatives aux navires et aéronefs faites de mélange de procédures prévues par les législations internes [4] et celles prévues par l’AUPSRVE [5], il a fallu nécessairement s’interroger sur la relation entre l’AUPSRVE et ces types de saisies.
L’autre préoccupation à laquelle il a fallu faire face est celle des rapports entre l’AUPSRVE et les autres Actes uniformes. L’article premier exclut du champ de l’AUPSRVE « les mesures conservatoires prévues par d’autres Actes uniformes ». L’on peut citer à ce titre les mesures conservatoires prévus par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés N° Lexbase : A0084YTB[6].
Les rapports entre l’AUPSRVE et les autres Actes uniformes d’une part ainsi qu’avec les droits nationaux d’autre part, sont par là édifiés.
Le nouveau texte a, par ricochet, pertinemment révisé la formule d’abrogation [7] en disposant que « sauf dans les cas où il est renvoyé aux stipulations des conventions internationales ou aux règles applicables dans les États parties, seules les dispositions du présent acte uniforme sont applicables aux procédures et aux mesures conservatoires ou d’exécution qu’il régit ».
Par ailleurs, presque toutes les dispositions ont été retouchées soit pour des préoccupations de pure forme, soit pour corriger des incohérences, ou pour améliorer et renforcer les procédures de saisies avec l’ajout de certaines dispositions.
Sur le plan formel, la réforme a bien épargné l’objectif général de l’AUPSRVE. Le nouvel Acte uniforme a maintenu la réglementation combinée des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. En effet, l’idée de séparation n’est d’aucune pertinence particulière. Elle aurait au contraire conduit à un bouleversement de la numérotation qui pourrait provoquer des problèmes identiques à ceux rencontrés dans la plupart des révisions de texte. L’on peut donner l’exemple de la révision de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général N° Lexbase : A9978YSD et de celle de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés. En effet, les inconvénients d’une réforme lorsqu’elle implique une désorganisation de la numérotation des articles sont considérables. La « dénumérotation » conduit inévitablement à des difficultés de maîtrise des points essentiels de la réforme, à des pertes de repères pour les usagers et à la perturbation des renvois. Des techniques ont alors été utilisées pour l’éviter. Ainsi, l’article premier [8] de l’AUSPRVE est scindé en seize articles [9] contenus dans une section 3 relative à la forme, aux délais d’accomplissement des actes et des nullités pour vice de forme. Cette section est subdivisée en trois paragraphes. L’article 1-1 est consacré aux définitions de termes clés[10], les articles 1-2 à 1-4 sont consacrés aux autorités chargées de l’accomplissement des actes[11], les articles 1-5 à 1-12 sont consacrés à la forme des actes[12], les articles 1-13 à 1-15 sont relatifs aux délais [13] et l’article 1-16 est relatif aux nullités pour vice de forme[14]. Les mêmes raisons ont conduit à l’introduction de nouvelles dispositions par la technique de la scission. Il en est ainsi des articles 16-1 et 17-1 concernant les suites de l’ordonnance portant injonction de payer, des articles 28-1 à 28-4 complétant les dispositions générales applicables aux voies d’exécution, des articles 30-1 à 30-3 complétant les dispositions relatives à l’immunité d’exécution des personnes morales de droit public. L’article 32-1 complète les dispositions relatives à l’exécution provisoire, de l’article 67-1 en complément des dispositions relatives à la saisie conservatoire des biens meubles corporels, des articles 73-1 à 73-10 insérant la saisie conservatoire du bétail dans une section 3 bis à partir de l’article 73-1 et une section 3 ter à partir de l’article 73-7 réglementant la conversion de la saisie conservatoire du bétail, des articles 152-1 à 152-26 consacrés aux dispositions particulières à la saisie du bétail contenues dans un chapitre VI, de l’article 154-1 en complément de la saisie attribution des créances, des articles 245-1 à 245-34 réglementant de façon détaillée la saisie du fonds de commerce avec l’insertion d’un titre VII bis, de chapitres[15], de sections [16] et de paragraphes[17]. Le législateur a également procédé au regroupement de certains articles. Les articles 1er et 2 de l’Acte uniforme de 1998 sont réunis dans un article 2 composé en deux alinéas.
Cependant, l’on note une nouvelle physionomie de l’AUPSRVE, avec certainement une incidence sur le fond, par l’introduction d’un chapitre préliminaire consacré aux dispositions communes. Ce chapitre est composé de trois sections dont la première précise le champ d’application et quelques définitions de termes clés des procédures d’exécution présentés par ordre alphabétique[18]. La section 2 est consacrée notamment aux prérogatives et aux obligations des autorités chargées de l’accomplissement des actes dans le cadre de leur mission. La section 3 est consacrée au régime des actes. Elle précise la forme, les délais d’accomplissement des actes et les nullités pour vice de forme.
Toujours sur la forme, plusieurs retouches ont été faites. L’on peut retenir, notamment, l’amélioration du mode de renvoi à des dispositions. Ainsi, l’expression « du présent acte uniforme » est préférée à celles comme « ci-après » ou « ci-dessous » ou encore « du précédent alinéa ». Il en va de même concernant le changement dans l’ordre d’énumération des mentions relatives à l’identification de la personne morale et qui doivent figurer dans l’acte de procédure. Il y a ainsi une préférence de l’ordre de citation « dénomination, forme, siège social » à celle « forme, dénomination et siège social ». L’on relève par ailleurs, l’usage de chiffres romains pour les numérotations des titres et chapitres ; les ajouts d’articles définis devant les titres et chapitres et la correction de certaines coquilles.
Les modifications apportées à certaines expressions ont une incidence substantielle. Il en va ainsi de l’expression « Autorité chargée de l’exécution » qui remplace celle d’« agent d’exécution ». D’autres modifications sont effectuées pour préciser ou compléter certains termes du précédent Acte uniforme. L’expression « Président de la juridiction compétente ou le juge délégué par lui » remplace celle de « Président de la juridiction compétente » ; l’expression « ou tout autre moyen laissant trace écrite » est complétée par « et permettant d’établir la réception effective par le créancier » ; l’expression « la décision d’injonction de payer » est remplacée par celle « d’ordonnance d’injonction de payer ».
À ces innovations relatives à la forme et à la méthode de présentation, s’ajoutent celles relatives aux différentes procédures réglementées. Si certaines de ces innovations sont spécifiques aux procédures de recouvrement, d’autres touchent globalement toutes les procédures.
I. Les innovations particulières aux procédures simplifiées de recouvrement
Concernant les procédures simplifiées, certaines dispositions constituaient un obstacle à la célérité et d’autres posaient des difficultés d’application pratique du fait de leur imprécision. Ainsi, des réformes ont été entreprises pour corriger ces manquements et assurer aux procédures simplifiées de recouvrement la célérité et la précision requises.
A. Les dispositions assurant la rapidité des procédures
Les procédures simplifiées de recouvrement requièrent dans leur application une certaine célérité pour assurer le recouvrement rapide de la créance. Le temps de la procédure devant les juridictions de droit commun est plus important même si l’impératif de célérité est présent dans toute procédure, au regard des nouvelles exigences de l’accès au juge. Mais si la célérité est un nouveau paradigme du droit procédural, elle fait l’essence des procédures simplifiées de recouvrement conformément au droit à l’exécution du créancier.
Ainsi, des délais précis s’imposent désormais à tous les acteurs de la procédure, à savoir le juge, le créancier et le débiteur.
Le juge [19] est désormais tenu de rendre l’ordonnance dans le délai de trois jours à compter de sa saisine. L’ordonnance peut être une ordonnance d’injonction de payer, si les documents produits attestent d’une demande paraissant fondée en tout ou en partie. Il peut aussi s’agir d’une ordonnance de rejet en tout ou en partie de la requête qui doit désormais être motivée. Il est toujours de rigueur que cette ordonnance est sans recours pour le créancier, sauf pour celui-ci à procéder selon les voies de droit commun.
La même exigence de délai pèse évidemment sur le juge dans la procédure d’injonction de délivrer ou de restituer sur le fondement de l’alinéa premier de l’article 23 [20].
Cette obligation de délai ne pesait pas sur le juge de l’injonction avec le texte de l’ancien Acte uniforme, ce qui constituait un véritable obstacle à la célérité. En effet, le juge saisi avait toute la latitude de se prononcer dans un délai qui lui paraissait raisonnable.
Le débiteur aussi est contraint d’agir dans un certain délai par le législateur de 2023. D’abord, l’article 8 précise le délai d’action du débiteur après signification de l’ordonnance d’injonction. Il doit, dans les dix jours à compter de la signification de l’ordonnance[21], soit payer au créancier le montant de la somme fixée par l’ordonnance ainsi que les intérêts et frais dont le montant est précisé, soit, si le débiteur entend faire valoir des moyens de défense, il devra former opposition.
Dans la même veine, l’article 16 de l’AUPSRVE précise la prérogative du créancier selon laquelle il peut demander l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance portant injonction de payer, en l’absence d’opposition, dans les dix jours de la signification de l’ordonnance portant injonction de payer, ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition. Parallèlement, le créancier qui obtiendrait l’apposition de la formule exécutoire dans le délai de dix jours d’opposition du débiteur n’a pas un droit consolidé puisque ledit délai est prévu en la faveur du débiteur.
C’est la même exigence de célérité qui a justifié la réduction du délai dans lequel le débiteur doit réagir après la signification de l’ordonnance portant injonction de délivrer ou de restituer. Ainsi, l’article 25 alinéa 2 [22] du nouvel AUPSRVE réduit ce délai de quinze à dix jours.
Au-delà des innovations pour une meilleure célérité des procédures d’injonction, l’AUPSRVE comporte des innovations corrigeant les lacunes entachant les procédures d’injonction.
B. Les dispositions corrigeant les imprécisions et les insuffisances
Les procédures d’injonction doivent être caractérisées par leur efficacité. Or, l’AUPSRVE de 1998 laissait entrevoir beaucoup de vides sur des questions essentielles. Il en est ainsi dans la réglementation de la procédure d’injonction de payer [23]. Relativement aux conditions de l’injonction de payer, si l’alinéa premier de l’article 2 de l’AUPSRVE de 2023 reprend les termes de l’article premier de l’ancien AUPSRVE, l’alinéa 2 de l’article 2 [24] du nouvel Acte uniforme apporte une précision qui faisait l’objet d’interprétation. Ainsi, il est maintenant expressément prévu, parmi les conditions d’introduction de la procédure d’injonction, de payer l’existence d’un engagement résultant de l’émission, l’endossement, l’aval ou l’acceptation de tout effet de commerce ou de l’émission d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante. La créance résultant de l’endossement ou de l’aval d’un effet de commerce qui était exclue sans aucune raison justifiée est désormais intégrée. En effet, si la créance peut naître d’une simple acceptation d’un effet de commerce, pourquoi exclure l’endossement ou l’aval qui sont des actes manifestes d’engagement de leur auteur ?
Ce qu’il faudrait certainement reprocher au législateur, c’est la reconduite de l’exigence d’une créance certaine comme condition d’ouverture d’une procédure d’injonction. La créance certaine étant la créance qui n’est contestée ni dans son principe ni dans son montant et qui est actuelle, son exigence est difficile à comprendre. À ce stade de la procédure, il n’est pas évident qu’on puisse écarter l’idée d’une possible contestation de la créance. Si le législateur donne au débiteur prétendu le droit de former opposition, c’est justement pour lui permettre de contester éventuellement devant le juge la créance invoquée.
L’article 8 de l’AUPSRVE [25] supprime une règle dont l’objet est d’indiquer au débiteur la conduite à tenir après la signification de l’ordonnance portant injonction de payer. Ainsi, ce dernier doit, dans un délai de dix jours à compter de la signification de l’ordonnance, soit payer, soit former opposition ; le législateur de 2023 jugeant à juste titre que le texte n’a pas vocation à préciser l’objet de l’opposition. Il était alors nécessaire d’extraire cette règle de fond, « celle-ci[l’opposition] ayant pour objet de saisir la juridiction, de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige », de la disposition fixant les mentions de l’acte de signification de l’ordonnance portant injonction de payer.
L’AUPSRVE de 2023 a par ailleurs précisé les effets de l’annulation de l’acte de signification de l’ordonnance portant injonction. Prévoyant des mentions obligatoires sous peine de nullité, il est logique que le texte se prononce sur ce qui se passerait au cas où l’acte de signification n’observerait pas les exigences requises. Cette carence de l’article 8 de l’ancien Acte uniforme a été corrigée avec la création de l’article 8-1 [26] relatif aux effets de l’annulation de l’acte de signification.
Une autre correction importante consiste en la mise en évidence, pour ne pas dire en valeur, de la procédure de conciliation après l’opposition du débiteur. Précisément, la réécriture de l’article 12 de l’AUPSRVE [27] fait de la tentative de conciliation une véritable alternative à l’ouverture d’une procédure contentieuse et non une simple formalité [28]. Le mérite d’intégrer la conciliation dans une procédure sur requête est d’éviter de se retrouver dans un contentieux interminable. Les conditions nécessaires sont prévues pour une véritable tentative de conciliation. Ainsi, le juge désigné par la juridiction saisie sur opposition doit procéder à la tentative de conciliation en chambre du conseil et dans un délai de quinze jours à compter de sa désignation.
La procédure de la tentative conciliation est précisément décrite et canalise l’autorité judiciaire par des délais et formalités bien définis. Ainsi, en cas de conciliation, le procès-verbal la constatant se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer, même revêtue de la formule exécutoire [29]. Il s’agit là d’une règle qui confirme la volonté du législateur de faire de la conciliation une priorité dans la procédure d’injonction de payer. En effet, l’ordonnance portant injonction de payer revêtue de la formule exécutoire est un titre exécutoire qui ouvre droit à la mise en œuvre d’une procédure d’exécution. Le législateur n’offre même pas d’alternative au créancier, ce qui est logique. La conciliation est un acte manifestant la volonté des parties. partir du moment où le créancier l’a accepté et a consenti à son aboutissement, une meilleure efficacité de l’exécution par le débiteur de son obligation commande de donner la priorité à l’exécution de l’ordonnance de conciliation[30].
La réglementation rigoureuse de l’échec de la tentative de conciliation est évidemment logique, ce qui faisait défaut dans l’ancien AUPSRVE. Le nouvel Acte uniforme précise les délais de procédure et les diligences que doit accomplir l’autorité judiciaire compétente. L’AUPSRVE précise que le juge doit faire le constat de l’échec de la tentative de conciliation et renvoyer l’affaire à la plus prochaine audience. Par ailleurs, compte tenu des exigences de célérité et de qualité de la justice, un délai de deux mois à compter de la date de la première audience est fixé pour que la juridiction saisie statue sur la demande en recouvrement par un jugement qui aura les effets d’une décision contradictoire, et ce, même en l’absence du débiteur ayant formé opposition. Les pouvoirs de la juridiction sont largement définis. Cette dernière se prononce ainsi sur le litige dans son ensemble avec les demandes incidentes et les défenses au fond.
La précision par l’article 14 de l’AUPSRVE[31] des effets du jugement rendu sur opposition permet d’éviter toute difficulté d’application. En effet, la décision de la juridiction rendue sur opposition ne peut se substituer à l’ordonnance portant injonction de payer que lorsqu’il y a examen au fond.
La formalité de l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance portant injonction de payer peut ne pas être indemne de toute tribulation ; ce qui était complètement ignoré dans l’ancienne réglementation. Le nouvel AUPSRVE a pallié ces insuffisances en prévoyant, à l’article 16, des solutions pour remédier aux difficultés observées. Trois alinéas sont ajoutés à l’article 16 [32] (alinéas 3, 4 et 5) et un article 16-1 est créé dans le même but. Ainsi, il est précisé que l’apposition de la formule exécutoire produit les effets d’une décision contradictoire et n’est pas susceptible d’appel. L’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance d’injonction de payer constitue un titre exécutoire permettant au créancier de contraindre le débiteur à s’exécuter. Il s’agit alors d’un acte lourd de conséquence pour le débiteur. Le débiteur est ainsi protégé lorsque l’apposition de la formule exécutoire est effectuée en marge des conditions fixées [33]. Le débiteur peut, le cas échéant, demander la discontinuation des poursuites à la juridiction saisie lorsqu’il forme opposition.
L’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance n’est pas seulement tributaire de l’inaction du débiteur qui doit former opposition ou de l’expiration du délai pour former le recours. En effet, il faudrait prévoir les cas où l’opposition effectivement formée n’a pas prospéré. Il en est ainsi, aux termes de l’article 16-1 nouvellement créé de l’AUPSRVE[34], lorsque l’opposition est déclarée irrecevable, lorsque l’acte d’opposition est déclaré nul ou lorsque la juridiction saisie sur opposition est déclarée ou a été déclarée incompétente.
L’apposition de la formule exécutoire permet au créancier de poursuivre l’exécution. Ainsi, l’AUPSRVE lui permet de la solliciter sans aucun obstacle si les conditions sont remplies. C’est ainsi que le législateur a voulu, dans le nouvel Acte uniforme, mettre en relief ce droit du créancier. Il précise dans un nouvel alinéa 3 [35] de l’article 17, que « (l)orsque le greffier, saisi d’une demande tendant à l’apposition de la formule exécutoire dans les conditions prévues par le présent article, oppose un refus, le demandeur peut saisir, par requête, le président de la juridiction compétente aux fins d’injonction d’apposition de la formule exécutoire. Son ordonnance n’est susceptible d’aucun recours ».
Cela dit, quoiqu’elle soit une prérogative du créancier, l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance d’injonction de payer n’est possible que si cette ordonnance est valable. C’est dans cette perspective que l’article 17-1 de l’AUPSRVE, créé pour combler le vide en ces circonstances, dispose que « outre le cas prévu à l’article 17 alinéa 2[36] du présent Acte uniforme, l’ordonnance portant injonction de payer est non avenue lorsque, par une décision non susceptible de recours suspensif :
- le président qui a rendu l’ordonnance portant injonction de payer ou le juge délégué par lui est déclaré incompétent ;
- la requête aux fins d’injonction de payer est déclarée irrecevable ».
La même dynamique d’amélioration des procédures d’injonction a animé le législateur OHADA dans la réglementation de la procédure d’injonction de délivrer ou de restituer dans l’AUPSRVE de 2023. Ainsi, au-delà du renvoi aux règles applicables à la procédure d’injonction de payer[37], l’AUPSRVE précise spécifiquement pour la procédure de l’injonction de délivrer ou de restituer, à travers les dispositions de l’article 25[38], le moyen par lequel la signification de l’ordonnance d’injonction de délivrer ou de restituer doit être faite, le délai de la signification et la sanction en cas d’inobservation de ce délai, les mentions que doit contenir la signification sous peine de nullité, le régime juridique de l’opposition, la conduite à tenir par le débiteur après signification de l’ordonnance d’injonction de délivrer ou de restituer.
Au-delà des innovations améliorant spécifiquement les procédures simplifiées de recouvrement, le nouvel Acte uniforme comporte aussi des innovations améliorant globalement les différentes procédures contenues dans l’Acte uniforme.
II. Les innovations relatives aux différentes procédures
L’on note les innovations relatives aux règles générales et les innovations spécifiques aux différentes procédures de saisie.
A. Les innovations relatives aux règles générales
Ces innovations peuvent être classées en deux catégories. Il s’agit d’une part, des règles applicables à toutes les procédures prévues dans l’Acte uniforme et d’autre part, des règles spécifiques aux voies d’exécution.
1. Les règles générales communes à toutes les procédures
Les innovations concernent les autorités chargées de l’accomplissement des actes et le régime des actes.
La réglementation du statut des autorités chargées de l’accomplissement des actes est fixée aux articles 1-2 à 1-4, précisément dans la section 2. Il ressort de ces dispositions que les autorités chargées de l’accomplissement des actes sont les autorités chargées de l’exécution (l’huissier de justice ou l’autorité chargée de l’exécution) et les autorités chargées de la vente. Elles sont exclusivement chargées d’accomplir les mesures conservatoires ou actes d’exécution réglementés par l’AUPSRVE. Le nouvel Acte uniforme a ainsi résolu les problèmes qui se posaient à propos de ceux qui interviennent dans la mise en œuvre des voies d’exécution, en précisant leur identification [39]. Il a par ailleurs, réglementé leurs obligations [40] et les moyens nécessaires à l’exercice par les huissiers de leur mission dans le cadre des procédures d’exécution.
Le régime juridique des actes de procédure est par ailleurs organisé par les articles 1-5 à 1-16. Les articles 1-5 à 1-12 réglementent la forme des actes (paragraphe 1), les articles 1-13 à 1-15, les délais (paragraphe 2), et l’article 1-16 réglemente les nullités pour vice de forme (paragraphe 3).
L’AUPSRVE de 2023 introduit ainsi une nouveauté considérable concernant l’encadrement des actes de procédure. En effet, le nouvel Acte uniforme a prévu un régime des nullités applicable à tous les actes et figurant dans les dispositions générales pour pallier les insuffisances de la législation antérieure [41]. Ainsi, est désormais corrigé le régime incohérent des nullités contenu dans des dispositions éparses qui faisaient prévaloir ou pas la preuve d’un grief.
Les ambiguïtés qui affectaient ce régime étaient à la source des ralentissements des procédures et favorisaient des comportements dilatoires de la part des parties. Surtout, le régime antérieur des actes était un facteur de blocage du droit à l’exécution du créancier.
La section 3 contenue dans le chapitre consacré aux dispositions préliminaires du chapitre premier comporte des règles communes applicables à toutes les procédures. Elle réglemente la forme des actes, les délais d’accomplissement des actes et les nullités pour vice de forme. Cette option a le mérite de rationaliser le régime des actes de procédure afin de remédier aux difficultés liées à la réglementation désorganisée.
La nouvelle réglementation permet d’établir les actes et de procéder à leur signification sous forme électronique. L’innovation est bienvenue puisqu’elle introduit le numérique dans le domaine des procédures d’exécution. Cependant, il ne faudrait pas occulter les difficultés d’application relatives d’abord à la faisabilité dans les États parties, mais aussi à la fiabilité des actes sous forme électronique.
Par ailleurs, le régime des délais est uniformisé. Les délais prévus sont des délais francs. Ainsi, ni le premier jour ni le dernier jour ne sont pris en compte dans leur computation.
Enfin, le nouveau régime des actes de procédure prévoit des hypothèses de nullité. La nullité pour vice de forme doit être expressément prévue par l’AUPSRVE ; elle est de surcroît subordonnée à la preuve d’un grief. Il faudrait souligner que l’exigence de la preuve d’un grief semble générique et pourrait conduire à des abus de la part de l’intéressé qui pourrait invoquer la nullité pour des raisons dilatoires. L’exigence de la preuve d’un préjudice aux intérêts de celui qui invoque la nullité par l’AUPSRVE semble plus indiquée pour une meilleure efficacité de la procédure.
Par ailleurs, la sanction par la nullité de l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’une règle d’ordre public n’est tributaire d’aucune condition.
2. Les règles générales spécifiques aux saisies
Les règles concernées sont celles relatives à la discussion des meubles avant la saisie immobilière pour le créancier chirographaire, à l’immunité d’exécution, à la mise en œuvre des titres exécutoires par provision, à la liste des titres exécutoires, à la limitation du droit d’usage des biens et l’interdiction faite au débiteur (ou au tiers) de déplacer le bien sans cause légitime, au rôle des tiers dans les procédures d’exécution, à la juridiction compétente en matière d’exécution (en matière mobilière), aux biens insaisissables.
Les articles 28, 30, 32, 33 49 et 51 sont revus, compte tenu des difficultés d’interprétation et d’application qu’ils soulevaient.
L’article 28 [42] ne prévoit plus la discussion des meubles avant la saisie des immeubles. Ainsi, le nouvel Acte uniforme est désormais plus explicite sur la manière dont la question doit être portée devant le juge compétent avec l’ajout des articles (28-1 à 28-4) [43].
L’article 30 [44] sur l’immunité d’exécution qui posait d’énormes difficultés d’interprétation et d’application [45] ne vise plus les entreprises publiques, mais les établissements publics et est plus précis sur certaines immunités de droit international avec l’ajout des articles (30-1 à 30-3) [46].
Cependant, il faudrait voir si l’indication des établissements publics parmi les bénéficiaires de l’immunité d’exécution n’a pas fait que déplacer le débat ? En effet, les établissements publics sont distingués en établissements publics à caractère administratif et en établissements publics à caractère industriel et commercial. Pour ces derniers, il peut se poser un réel contentieux à l’image de celui qui se posait pour les entreprises publiques.
L’article 32 [47] est révisé pour encadrer clairement les pouvoirs du juge en matière de défense à exécution provisoire et de sursis à exécution. En effet, l’exécution forcée peut se poursuivre jusqu’à son terme en vertu d’un titre provisoire, même si c’est aux risques du créancier qui pourrait se voir condamner à une restitution au cas où la condamnation du débiteur ne serait pas confirmée. Cela dit, l’exécution provisoire étant admise malgré la possibilité ou l’existence d’un recours suspensif, le créancier ne pourrait être inquiété en exerçant cette prérogative. Avec la création de l’article 32-1[48], il est clairement précisé les effets de l’exécution provisoire à l’égard du créancier poursuivant. La poursuite de l’exécution provisoire ne peut être constitutive de faute à l’égard du créancier.
L’article 33 offre une liste des titres exécutoires plus complète, dorénavant au nombre de six, en ce qu’il prend en compte le titre prévu par l’Acte uniforme sur la médiation.
Constituent désormais des titres exécutoires, en plus de ceux prévus par l’AUPSRVE de 1998, les accords de médiation revêtus de la formule exécutoire en application de l’Acte uniforme relatif à la médiation [49].
L’article 38 donne désormais au juge des orientations pour fixer le montant des dommages et intérêts [50]. Cette précision légale est importante dans la mesure où le juge a besoin de critère d’appréciation pour fixer le montant des dommages et intérêts. Ainsi, le juge est mieux outillé et le débiteur mieux protégé.
L’article 49 donne beaucoup plus d’orientations sur le juge compétent en matière d’exécution. Là où l’identification du juge statuant en matière d’urgence posait une grande polémique[51], une controverse doctrinale et jurisprudentielle [52]et des réactions législatives très critiquables[53], le nouvel article 49 de l’AUPSRVE [54] désigne la compétence du président de la juridiction compétente dans chaque État partie ou le juge délégué par lui pour connaître de tout litige ou demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire. Cependant, s’il est imposé au juge un délai dans lequel il doit se prononcer, à savoir deux mois à compter de l’appel de la cause, il est renvoyé au droit interne pour le régime du recours.
Les articles 50 [55] et 51 [56] consacrés aux biens insaisissables ne renvoient plus systématiquement à la loi des États parties. En effet, l’ancien article 51 disposait que « les biens et droits insaisissables sont définis par chacun des États parties ». En fixant la liste des biens insaisissables, l’AUPSRVE permet certainement d’éviter de compromettre l’objectif d’harmonisation en clarifiant la relation entre le droit OHADA et les lois nationales. Néanmoins, l’article 51 de l’AUPSRVE renvoie aux biens déclarés insaisissables par les États parties [57]. Une telle position est inévitable dans la mesure où, au-delà des biens cités, il ne peut y avoir d’uniformité absolue en la matière.
Les innovations du nouvel acte uniforme s’étendent aussi aux règles spécifiques aux à chaque saisie.
B. Les innovations propres à chaque saisie
En plus d’avoir amélioré les règles relatives aux saisies existantes, le nouvel AUPSRVE a introduit de nouvelles formes de saisies.
1. Les modifications des saisies existantes
Elles sont larges et concernent aussi bien les saisies mobilières que la saisie immobilière.
Concernant les saisies mobilières, les modifications concernent fondamentalement la saisie attribution des créances, la saisie des rémunérations, la cession des rémunérations, la saisie revendication la saisie des droits d’associés, des valeurs mobilières et autres titres négociables.
La saisie-attribution des créances est une saisie caractérisée par sa complexité. Ainsi, les innovations en la matière sont considérables. Elles touchent en substance les articles 153, 154-1, 156, 157, 161, 162 et 170 de l’AUPSRVE.
L’article 153 de l’AUPSRVE [58] précise expressément, l’exclusion de l’établissement du commandement préalable en la matière pour marquer l’effet de surprise. Par ailleurs, l’innovation de taille est que les avoirs en monnaie électronique dont dispose le débiteur sont inclus. Il s’agit d’une innovation importante prenant en compte les nouveaux biens qui peuvent avoir une importance particulière.
Les difficultés pratiques de mise en œuvre de la saisie attribution des créances [59] a amené le législateur OHADA à en détailler le régime et la procédure. L’article 154-1 [60] nouvellement créé vise la protection du débiteur en évitant sa spoliation par la règlementation de la proportionnalité de la valeur des créances saisies avec celle de la créance dont le recouvrement est poursuivi.
Pour une meilleure mise en œuvre de la procédure de saisie attribution, l’article 156 de l’AUPSRVE de 2023 précise le délai dans lequel la déclaration des avoirs du débiteur doit être faite. Ainsi, le tiers saisi n’est plus tenu de faire immédiatement la déclaration de ses obligations envers le débiteur, mais dans un délai de deux jours[61], au plus tard dans les cinq jours si l’acte n’est pas signifié à personne [62].
La prise en compte des avoirs en monnaie électronique du débiteur a entraîné logiquement la précision de la signification de l’acte de saisie à l’établissement émetteur de la monnaie électronique dans l’article 157 [63].
L’extension du domaine de la saisie attribution des créances a conduit le législateur, dans l’AUPSRVE de 2023, à englober toutes structures susceptibles de recevoir et de détenir des avoirs pour le compte du public. Ainsi, sont visés les établissements de crédit ou assimilés, les établissements de microfinance ou les établissements émetteurs de monnaie électronique. Rappelons que l’ancien article 161 visait précisément les établissements bancaires ou les établissements financiers assimilés. Ces établissements sont tenus de faire la déclaration de la nature du ou des comptes du débiteur ainsi que leur solde au jour de la saisie. Évidemment, la déclaration porte désormais sur les avoirs en monnaie électronique [64] conformément à la prise en compte des biens de cette nature. Ainsi, logiquement, le paiement peut être effectué sur les avoirs en monnaie électronique. Le nouvel Acte uniforme prévoit que si le débiteur est titulaire de comptes différents, le paiement est effectué en prélevant, en priorité, soit sur les fonds disponibles à vue soit sur les avoirs en monnaie électronique, à moins que le débiteur ne prescrive le paiement d’une autre manière [65]. S’il dispose de moyens de défense, le débiteur peut évidemment élever des contestations selon les conditions prévues par l’article 170. À ce titre, au délai d’action imparti au débiteur, le nouvel Acte uniforme ajoute une nouvelle instruction au débiteur qui lui est faite de signifier son recours au greffe et à toutes les parties lorsqu’il élève une contestation [66].
La saisie et la cession des rémunérations n’ont pas non plus échappé à la réforme de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des voies d’exécution. Concernant, la saisie des rémunérations, la description de la procédure devant le juge est très précise pour une meilleure mise en œuvre de la saisie aux termes des dispositions de l’article 181 de l’AUPSRVE [67]. C’est dans cette perspective que les modalités du paiement par l’employeur sont désormais précisées [68]. Le tiers saisi dispose d’un droit pour former opposition et le régime de l’opposition est clairement défini avec la réglementation de ses effets par le nouvel Acte uniforme [69].
Le régime de la cession des rémunérations a fait l’objet d’innovation en ce qu’en cas de fortes présomptions que la cession a été faite en fraude de ses droits, tout saisissant, exerçant l’action en annulation, peut obtenir de la juridiction statuant à bref délai la consignation des retenues entre les mains du greffier jusqu’à la décision définitive sur le fond[70]. La juridiction ne statuant plus en matière d’urgence, mais à bref délai ; la question qui se pose est de savoir si l’urgence ne rejoint pas le bref délai dans ce domaine ?
Relativement à la saisie revendication qui constitue l’aspect conservatoire de la saisie-appréhension, le nouvel Acte uniforme, dans son article 231, 5°), qui interdit au détenteur des biens de les aliéner ou de les déplacer sous réserve d’exception, corrige le renvoi fait à l’article 103 au lieu de l’article 97. L’indication de l’article 97 est plus correcte. En effet, ce texte précise la possibilité pour le gardien des biens de les déplacer pour cause légitime avec la condition d’en informer le créancier sous réserve d’un cas d’urgence absolue.
Le domaine de la saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières est étendu aux autres titres négociables et cette extension a justifié les précisions faites aux articles 236 [71] et 242 [72]. Pour se conformer, en la matière, à la règle saisie sur saisie ne vaut, l’article 238-1 est créé, précisant que les « créanciers munis d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peuvent se joindre à la procédure au moyen d’une opposition dans les conditions prévues par les articles 130 à 133 du présent Acte uniforme ».
Concernant la saisie immobilière les retouches sont relatives, fondamentalement, aux articles 248, 261, alinéa 2, 276, 282, 298, 300, 301, 304 et 310 avec la création de l’article 297-1.
La question de la compétence juridictionnelle a été source d’interprétation avec l’ancien Acte uniforme. Particulièrement, un débat houleux s’est posé à propos de la compétence du tribunal de commerce en matière de saisie immobilière. Avec le nouvel Acte uniforme, le doute est effacé puisque l’article 248 prévoit que la vente est poursuivie devant la juridiction compétente pour trancher les litiges en matière de saisie immobilière [73]. Ainsi, la question de la qualification de la juridiction ayant plénitude de juridiction est dépassée.
La procédure de saisie est interrompue en cas de paiement par le débiteur. Ainsi, l’Acte uniforme prévoit la radiation de l’inscription du commandement sur mainlevée donnée par le créancier poursuivant. Par ailleurs la radiation peut être provoquée par le débiteur qui justifie du paiement en saisissant la juridiction compétente statuant à bref délai. Encore une fois, le législateur préfère le bref délai [74] à la matière d’urgence pour exprimer la nécessité de la célérité.
La volonté d’amélioration de la procédure de saisie immobilière se manifeste aussi à travers l’élargissement des supports de publicité du cahier des charges. Celui-ci peut désormais être publié par voie audiovisuelle ou électronique selon les termes de l’article 276 de l’AUPSRVE [75]. Dans le même sillage, le nouvel Acte uniforme précise expressément le domaine de la nullité lorsque la saisie porte sur plusieurs immeubles[76]. La procédure en matière immobilière est lourde et souvent parsemée de contentieux. Ainsi, le nouvel Acte uniforme apporte des précisions relatives aux voies de recours à travers les articles 300 [77] et 301 [78].
De nouvelles procédures de saisie sont, par ailleurs, introduites.
2. L’introduction de nouvelles procédures de saisie
De nouvelles procédures de saisies voient le jour, il s’agit de la saisie du bétail[79], de la saisie des biens placés dans un coffre-fort appartenant à un tiers[80], l’extension de la saisie des créances aux créances représentant un avoir en monnaie numérique et la saisie du fonds de commerce.
La réglementation de la saisie du bétail obéissait aux règles de la saisie de biens meubles corporels. Cependant, compte tenu de la spécificité du bien et de l’importance du bétail pour les pays membres de l’OHADA, il fallait, à juste titre, réglementer particulièrement la saisie relative à cette catégorie de bien. Les questions controversées telles que le sort du croît sont précisées [81]. L’absence de commandement préalable [82] est justifiée par la nécessité de l’effet de surprise compte tenu de la nature du bien. En effet, le bétail est un bien dont la spécificité rend difficile son appréhension et surtout son identification. C’est la raison pour laquelle, le législateur insiste sur le rôle de l’huissier de justice dans l’identification et la préservation du bétail saisi [83] qui peut s’étendre aux pailles, fourrages et grains nécessaires pour la litière et la nourriture du bétail saisi [84]. La particularité du bétail justifie aussi la possibilité de le déplacer après la saisie (par le débiteur ou le gardien) pour le pâturage, sans en avertir l’huissier de justice ou l’autorité chargée de l’exécution [85] et la nécessité d’une vérification minutieuse au moment de la vente [86].
Une autre forme de saisie, la saisie des biens (y compris des sommes d’argent) placés dans un coffre-fort appartenant à un tiers [87] a aussi fait son apparition. La saisie interdit d’accès au coffre-fort [88] sans la présence de l’huissier de justice ou de l’autorité chargée de l’exécution qui y a procédé avec la possibilité pour celui-ci d’y apposer les scellés [89].
Les règles de la saisie d’un bien détenu par un tiers s’applique particulièrement à la saisie des biens placés dans un coffre-fort appartenant à un tiers. En effet, le tiers saisi est tenu, après signification de l’acte de saisie, de fournir toutes les informations permettant l’identification de coffre. Évidemment, la saisie est dénoncée au débiteur dans un délai de huit jours à compter de sa date, sous peine de caducité [90]. À partir de ce moment, l’ouverture du coffre-fort ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de quinze jours sauf si le débiteur souhaite une anticipation [91]. La particularité de la saisie des biens placés dans un coffre-fort justifie la procédure déclinée à l’article 152-21 qui dispose qu’« Au jour fixé, il est procédé à l’inventaire des biens qui sont décrits de façon détaillée ».
Si le débiteur est présent, l’inventaire se limite aux biens saisis. Ceux-ci sont immédiatement enlevés ou, s’il s’agit de sommes en espèces, elles sont consignées, le tout pour être placés sous la garde de l’huissier de justice ou l’autorité chargée de l’exécution ou d’un séquestre désigné sur requête, à défaut d’accord amiable, par le président de la juridiction compétente statuant à bref délai ou le juge délégué par lui.
Si le débiteur est absent, il est dressé inventaire de tous les biens contenus dans le coffre-fort [[92]]. Les biens saisis sont enlevés immédiatement par l’huissier de justice ou l’autorité chargée de l’exécution avec la précision dans la copie de l’inventaire remise ou signifiée au débiteur, du lieu où les biens saisis sont déposés. Les autres biens sont remis au tiers qui a la garde du coffre-fort ou à un séquestre désigné dans les conditions prévues à l’alinéa 2 du présent article, à charge de les représenter sur simple réquisition du débiteur.
Le cas échéant, l’huissier de justice ou l’autorité chargée de l’exécution peut photographier les objets retirés du coffre-fort dans les conditions prévues par l’article 45 de l’Acte uniforme. ». Il faudrait préciser que si le coffre-fort contient une somme d’argent, celle-ci est attribuée au créancier, bien sûr en l’absence de contestation [93] ou en cas d’échec de la contestation [94].
Le nouvel Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution a aussi introduit la saisie des avoirs en monnaie électronique [95]. Il s’agit d’une extension de la saisie des créances aux créances représentant un avoir en monnaie numérique [96]. Cette extension permet notamment la saisie des sommes logées dans les comptes de paiement dits comptes mobiles. Celles-ci constituent des créances des titulaires de compte contre les établissements de paiement ou les établissements de monnaie électronique teneurs de ces comptes. Ces créances sont, de nos jours, importantes. Les sommes d’argent qui circulent dans ce système pourraient se révéler très utiles face à la faiblesse du taux de bancarisation que l’on constate dans la plupart des États qui constituent aujourd’hui l’espace OHADA. En effet, les petits opérateurs économiques, qui exercent souvent leurs activités dans le secteur informel, ont rarement recours aux banques. Cependant, ils utilisent très souvent la monnaie électronique, quel qu’en soit le support, qu’il s’agisse de carte, d’internet ou de téléphone, tout comme ils effectuent beaucoup d’opérations à partir des systèmes rapides de transfert d’argent.
L’introduction de la saisie du fonds de commerce [97] constitue une innovation de taille compte tenue de l’importance du bien dans le milieu des affaires. Le fonds de commerce, meuble incorporel de nature spécifique, peut faire désormais l’objet d’une saisie [98] qui prend en compte sa nature particulière. Cette saisie, précédée d’un commandement de payer[99], porte sur les éléments obligatoires du fonds de commerce tels que énumérés par l’AUDCG (clientèle, nom commercial ou enseigne) et sur les éléments facultatifs lorsqu’il en existe [100]. La saisie rend le fonds de commerce indisponible. Il ne peut dès lors être ni aliéné ni grevé de charges. Il en est de même pour ses différents éléments. Toutefois, l’exploitation du fonds peut être poursuivie. En cas de saisie, le locataire gérant doit verser les redevances à un séquestre. La vente sera faite ensuite à l’amiable ou aux enchères si la vente amiable n’intervient pas dans un délai de quinze jours. Cette vente a lieu devant la juridiction compétente du lieu d’exploitation du fonds de commerce.
Au titre des grandes innovations, l’on peut noter la réglementation générale des dispositions pénales. Ces dispositions sont contenues dans le titre X [101] exclusivement consacré aux dispositions finales dans l’AUPSRVE de 1998.
Il a fallu corriger le procédé selon lequel l’AUPSRVE incrimine les agissements. C’est en effet très souvent à l’occasion de l’établissement des mentions qui doivent figurent dans un acte que sont prévues les incriminations [102].
[1] Le parcours des arrêts de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) indique qu’un pourcentage extrêmement important des litiges soumis à la Haute juridiction implique l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, ce qui illustre l’ampleur des problèmes posés aux acteurs économiques par l’application de ce texte. À cela s’ajoute les délais excessivement longs de la phase d’exécution des jugements, ce qui est nature à décourager les investissements et à ralentir l’économie.
[2] Ce qui était en contradiction avec la formule d’abrogation radicale de l’article 336 de l’ancien AUPSRVE.
[3] Au Sénégal, THRC, ord. de référé, 23 septembre 2002, Sénégal Armement c/ Directeur général des Impôts ; CA., Dakar, Ch. proc. rapides, arrêt n° 218, du 7 juin 2017, Société Louis Dreufus Commodities Sénégal c/ Directeur général des impôts et domaines-chef du service des grandes entreprises ; CA Dakar, ch. proc. rapides, 3 avril 2019, Me Doudou Ndoye c/ Directeur général des impôts et domaines-chef du service des professions réglementées et CBAO, inédit.
[4] Par exemple, le Code de la marine marchande du Sénégal.
[5] L’AUPSRVE ne réglementait pas expressément la saisie conservatoire de navire de mer. Toutefois, dans la pratique, au Sénégal notamment, certaines dispositions étaient souvent invoquées dans le cadre de la saisie conservatoire de navire. Par exemple, une fois l’ordonnance autorisant la saisie de navire obtenue, faute d’accord entre créanciers saisissants et débiteurs, il était fait application de l’article 61, alinéa 1er, de l’AUPSRVE, pour la recherche du titre exécutoire.
[6] Par exemple, les hypothèques judiciaires prévues par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.
[7] L’AUPSRVE de 1998 comportait la formule d’abrogation la plus radicale de tous les Actes uniformes de l’OHADA. En effet, contrairement aux autres Actes uniformes qui renvoient expressément aux dispositions non contraires, l’AUPSRVE abrogeait en son article 336 toutes les dispositions relatives aux matières concernées. Pourtant malgré la formule d’abrogation qui laissait entendre qu’aucune disposition contenue dans les lois nationales et ayant trait aux matières concernées ne doit survivre, il y avait de multiples renvois, que ce soit de manière explicite ou implicite, à ces lois nationales (par exemple, les biens insaisissables, la quotité insaisissable du salaire etc.). Il a fallu corriger cette incohérence avec la nouvelle formulation de l’article 336. Ce texte tel qu’il est libellé, corrobore le champ d’application de l’AUPSRVE prévu à l’article premier.
[8] L’article premier est contenu dans une section 1 relative au champ d’application et aux définitions.
[9] Articles 1-1 à 1-16.
[10] Dans la section 1.
[11] Dans la section 2.
[12] Ces articles sont contenus dans le paragraphe 1.
[13] Ces articles sont contenus dans un paragraphe 2.
[14] Ces articles sont contenus dans un paragraphe 3.
[15]Trois chapitres qui réglementent respectivement le commandement de payer, les opérations de saisie et la vente du fonds de commerce.
[16] Deux sections qui sont consacrées respectivement à la vente amiable et la vente forcée.
[17] Trois paragraphes qui sont relatifs à la préparation de la vente [forcée], aux incidents [relatifs à la vente forcée] et à l’adjudication [du bien à l’issue de la vente forcée].
[18] Il s’agit de vingt-deux termes clés au total : autorité chargée de la vente, bétail, cahier des charges, commande (déclaration de), croît, droits d’associés, enchères, enchérisseur, folle enchère, formalité substantielle, huissier de justice ou autorité chargée de l’exécution, jour ouvrable, monnaie électronique, notification, signification, signification à domicile, signification à personne, surenchère, surenchérisseur, tiers saisi, titre exécutoire par provision, valeur mobilière.
[20] « Le président de la juridiction compétente ou le juge délégué par lui rend l'ordonnance dans les trois jours de sa saisine. »
Sous la même sanction, la signification :
« Une copie certifiée conforme de l'expédition de la requête et de l'ordonnance d'injonction de délivrer ou de restituer est signifiée, à l'initiative du créancier, par acte extrajudiciaire à celui qui est tenu de la remise.
La signification contient, à peine de nullité, sommation d'avoir, dans un délai de dix jours :
Sous la même sanction, la signification :
L'ordonnance portant injonction de délivrer ou de restituer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les trois mois de sa date. »
AUPSRVE, art. 18 :
« Il est tenu au greffe de chaque juridiction un registre, côté et paraphé par le président de celle-ci ou par le juge délégué par lui et sur lequel sont inscrits les noms, prénoms et domiciles des créanciers et débiteurs, la date de l’injonction de payer ou celle du refus de l’accorder, le montant et la cause de la dette, les dates de la délivrance de l’expédition, de la comparution des parties, de l’opposition si elle a été formée, du procès-verbal de la tentative de conciliation et, le cas échéant, de la décision rendue sur opposition.
Le registre prévu par l’alinéa 1er du présent article, qui peut également être électronique, comporte les mêmes mentions que sur support papier ; il est tenu selon un procédé technique fiable qui garantit, à tout moment, son accessibilité, son origine et son intégrité. »
La procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque :
1°) La créance a une cause contractuelle ;
2°) l’engagement résulte de l’émission, l’endossement, l’aval ou l’acceptation de tout effet de commerce ou de l’émission d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante. »
Sous la même sanction, la signification :
Le créancier peut signifier à nouveau l’ordonnance d’injonction de payer, sous réserve des dispositions de l’article 7, alinéa 2 du présent acte uniforme. »
« La juridiction saisie sur opposition désigne un juge pour procéder à une tentative de conciliation.
Le juge désigné procède, en chambre du conseil, à la tentative de conciliation, dans un délai de quinze jours à compter de sa désignation.
En cas de conciliation, le juge dresse un procès-verbal de conciliation qu’il signe avec les parties et le greffier. Une expédition du procès-verbal est revêtue de la formule exécutoire.
Le procès-verbal se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer, même revêtue de la formule exécutoire en application de l’article 16 du présent acte uniforme.
En cas d’échec de la tentative de conciliation, le juge en fait le constat et renvoie l’affaire à la plus prochaine audience publique. La juridiction statue sur la demande en recouvrement, dans un délai de deux mois à compter de la date de la première audience, par un jugement qui aura les effets d’une décision contradictoire, même en l’absence du débiteur ayant formé opposition.
La juridiction se prononce sur l’entier litige y compris les demandes incidentes et défenses au fond. »
[28] Les dispositions de l’ancien article étant très vagues.
[31] AUPSRVE, art. 14 :« Lorsqu’il y a examen au fond, la décision de la juridiction rendue sur l’opposition se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer. »
« En l’absence d’opposition dans les dix jours de la signification de l’ordonnance portant injonction de payer ou, en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut demander l’apposition de la formule exécutoire sur cette ordonnance.
Celle-ci produit tous les effets d’une décision contradictoire et n’est pas susceptible d’appel.
Toutefois, lorsque la formule exécutoire est apposée en application du présent article, alors que l’opposition peut encore être formée conformément à l’article 10 du présent acte uniforme, le débiteur qui forme opposition peut demander la discontinuation des poursuites à la juridiction saisie de l’opposition. Cette juridiction rend sa décision dans un délai de quinze jours à compter du jour de la première audience.
L’huissier ou l’autorité chargée de l’exécution qui diligente l’exécution est mis en cause dans la procédure.
La décision rendue sur la demande de discontinuation des poursuites n’est pas susceptible de recours. »
[33] AUPSRVE, art. 10 : « L'opposition doit être formée dans les dix jours qui suivent la signification de l'ordonnance portant injonction de payer. Le délai est augmenté, éventuellement, des délais de distance.
Toutefois, si le débiteur n'a pas reçu personnellement la signification de l'ordonnance portant injonction de payer, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration du délai de dix jours suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles, en tout ou en partie, les biens du débiteur. »
[35] Dans l’article 17 complétant l’article 16, un alinéa est introduit (alinéa 3), et l’alinéa 3 de l’article 17 sous l’AUPSRVE de 1998 devient l’alinéa 4.
AUPSRVE, art. 17 : « La demande tendant à l’apposition de la formule exécutoire est formée au greffe par simple déclaration écrite ou verbale.
L’ordonnance portant injonction de payer est non avenue si la demande du créancier n’a pas été présentée dans les deux mois suivant l’expiration du délai d’opposition ou le désistement du débiteur.
Lorsque le greffier, saisi d’une demande tendant à l’apposition de la formule exécutoire dans les conditions prévues par le présent article, oppose un refus, le demandeur peut saisir, par requête, le président de la juridiction compétente aux fins d’injonction d’apposition de la formule exécutoire. Son ordonnance n’est susceptible d’aucun recours.
Les copies certifiées conformes des documents produits par le créancier et conservés provisoirement au greffe lui sont restitués sur sa demande dès l’opposition ou au moment où l’ordonnance portant injonction de payer est revêtue de la formule exécutoire. »
« En l’absence d’opposition dans le délai prescrit à l’article 16 du présent acte uniforme ou en cas de désistement du débiteur, le requérant peut demander au greffe de la juridiction compétente l’apposition de la formule exécutoire sur la décision.
Les dispositions des articles 16 à 18 (consacrés aux suites de l’ordonnance portant injonction de payer) du présent acte uniforme sont applicables à la procédure d’injonction de délivrer ou de restituer. »
« Une copie certifiée conforme de l’expédition de la requête et de l’ordonnance d’injonction de délivrer ou de restituer est signifiée, à l’initiative du créancier, par acte extrajudiciaire à celui qui est tenu de la remise.
La signification contient, à peine de nullité, sommation d’avoir, dans un délai de dix jours :
Sous la même sanction, la signification :
L’ordonnance portant injonction de délivrer ou de restituer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les trois mois de sa date. »
[39] L’ancien AUPSRVE faisait référence à l’huissier de justice ou l’agent chargé de l’exécution.
[40] Par exemple, les articles 1-9, 1-11, 1-12 de l’AUPSRVE.
[41] Les incohérences relatives à la sanction sont nombreuses. Par exemple, il est des cas où la sanction était prévue deux fois ; par exemple, l’article 287 prévoyait que le délai qu’il vise « emporte forclusion » (v. al. 1er in fine) et qu’une autre disposition (art. 297) prévoyait la déchéance ; il est vrai que les termes peuvent être considérés comme des synonymes, mais le fait qu’ils étaient utilisés dans deux textes différents pour un même délai peut être déroutant. V. l’article 297 qui prévoyait la déchéance en cas de non-respect des délais prévus par les articles 259, 266, 268, 269, 270, 276, 281, 287, 288, alinéas 7 et 8 et 289) - l’article 321 prévoyait la nullité en cas de non-respect des délais prévus par les articles 316 à 319.
[42] AUPSRVE, art. 28 :
« À défaut d’exécution volontaire, tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, dans les conditions prévues par le présent acte uniforme, pratiquer une saisie pour contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits.
Le créancier a le choix des mesures propres à assurer le recouvrement de sa créance ou la conservation de ses droits. »
[43] AUPSRVE, art. 28-1 :
« Les mesures conservatoires et les voies d’exécutions ne peuvent pas être prises ou exercées par ou contre une personne dépourvue de la capacité d’exercice que suivant les règles applicables à la représentation ou à l’assistance de l’incapable. »
AUPSRVE, art. 28-2 :
« Nul ne peut prendre une mesure conservatoire ou exercer une voie d’exécution pour le compte d’autrui s’il ne dispose d’un pouvoir délivré à cet effet.
La remise du titre exécutoire à l’huissier de justice ou à l’autorité chargée de l’exécution vaut pouvoir pour toute mesure conservatoire ou exécution forcée, sauf s’il est exigé un pouvoir spécial. »
AUPSRVE, art. 28-3 :
« Sont notamment sanctionnés par la nullité pour vice de fond :
· les mesures conservatoires prises ou les voies d’exécution exercées par ou contre une personne dépourvue de la capacité d’exercice ;
· les mesures conservatoires prises ou les voies d’exécution exercées par une personne agissant pour le compte d’autrui alors qu’elle ne justifie pas des pouvoirs nécessaires ;
· les actes pris par un huissier de justice ou une autorité chargée de l’exécution en dehors de son ressort de compétence ;
· les actes pris par toute personne non habilitée en qualité d’huissier de justice ou d’autorité chargée de l’exécution ;
· les mesures d’exécution pratiquées sans titre exécutoire. »
AUPSRVE, art. 28-4 : « La nullité pour vice de fond est prononcée alors même que celui qui l’invoque ne justifie d’aucun grief. Elle peut être soulevée d’office par le juge lorsqu’elle est fondée sur la violation d’une règle d’ordre public. Dans ce cas, le juge invite les parties à produire leurs observations. »
[44] AUPSRVE, art. 30 : « Sauf renonciation expresse, il n’y a pas d’exécution forcée ni de mesures conservatoires contre les personnes morales de droit public, notamment l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics.
Toutefois, les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public donnent lieu à compensation avec les dettes également certaines, liquides et exigibles dont quiconque sera tenu envers elles, sous réserve de réciprocité.
Les dettes des personnes visées à l’alinéa précédent ne peuvent être considérées comme certaines au sens des dispositions du présent article que si elles résultent d’une reconnaissance par elles de ces dettes ou d’un titre ayant un caractère exécutoire sur le territoire de l’État où se situent lesdites personnes. »
[45] CCJA, 7 juillet 2005, n° 043/2005, Aziablevi Yovo et a. c/ société Togo télécom : Ohadata J-06-32 ; CA Dakar, 13 avril 2012, n°138, société holding Kébé SA c/ État du Sénégal, Sonatel : bulletin des arrêts rendus par la cour d’appel de Dakar en matière civile et commerciale, 2013, vol. 1, p. 200 ; CCJA, 1re ch., 26 avril 2018, n° 103/2018, MBULU MUSESO c/ Société Grands Hôtels du Congo SA N° Lexbase : A6317XMW ; CCJA, 26 novembre 2020, n° 368/2020, Société Ivoirienne de Concept et de Gestion Mali (SICG Mali) c/ Banque Malienne de Solidarité & Banque Malienne de Solidarité Côte d’Ivoire, N° Lexbase : A76724W3 ; CCJA, 9 avril 2020, n° 080/2020, WALE GBENA c/ société Services des Entreprises Pétrolières congolaises (SEP/SA) N° Lexbase : A59943SS . La doctrine n’est pas restée insensible à tout ce débat : F. M. Sawadogo, La question de la saisissabilité ou de l’insaisissabilité des biens des entreprises publiques en droit OHADA : à propos de l’arrêt de la CCJA du 7 juillet 2005, affaire Aziablévi YOVO et autres contre Société TOGO TELECOM, in Penant, juillet-septembre 2007, n° 860, p. 305, Ohadata D-07-16 [en ligne] ; G. Kenfack Douajni, L’exécution forcée contre les personnes morales de droit public dans l’espace OHADA, in Revue camerounaise de l'arbitrage, juillet - août - septembre 2002, n° 18, p. 3, Ohadata D-08-48 [en ligne] ; Ph. Leboulanger, L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public, in Revue camerounaise de l'arbitrage, février 2010, numéro spécial, p. 127, Ohadata D-11-42 [en ligne] ; M. Aurillac, L’exécution dans la pratique et ses difficultés contre une partie africaine, in Revue camerounaise d'arbitrage, 1998, n° 2, p. 3, Ohadata D-08-67 [en ligne] ; J. Djogbenou, L’exécution forcée en droit OHADA, 2e édition, CREDIJ, Cotonou, 2011, pp. 60-62 ; G. Nahm-Tchougli, L’immunité d’exécution ou de saisie des personnes morales de droit public dans l’espace OHADA, Revue Africaine de Droit, d’Économie et de Développement 2005, vol. 1, n° 6, pp. 574 à 582 ; M. J. Vital Kodo, Sur un revirement rassurant de la jurisprudence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA en matière d’immunité d’exécution, in Penant, janvier 2019, p. 102 ; U. Armel Ibono, L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public à l’épreuve de la pratique en droit OHADA, Revue de l’ERSUMA : Droit des affaires – Pratique Professionnelle, septembre 2013, n° 3, Doctrine.
[46] AUPSRVE, art. 30-1 : « Toute créance constatée par un titre exécutoire ou découlant d’une reconnaissance de dette par une personne morale de droit public, notamment l’État, une collectivité territoriale ou un établissement public peut, après mise en demeure adressée à l’organe dirigeant ou à l’autorité compétente dans chaque État partie et restée infructueuse pendant un délai de trois mois à compter de la notification, faire l’objet d’une inscription d’office dans les comptes de l’exercice et dans le budget de ladite personne morale, au titre des dépenses obligatoires.
La demande d’inscription, adressée au ministre chargé des finances, est accompagnée des pièces justificatives de la créance et de la mise en demeure.
Les créances inscrites à la suite d’une demande d’inscription d’office portent de plein droit intérêt au taux légal en vigueur à compter de la mise en demeure ».
AUPSRVE, art. 30-2 : « Lorsque l’exécution et les mesures conservatoires sont entreprises à l’égard de personnes morales autres que celles visées à l’article 30 du présent acte uniforme et sont de nature à porter gravement atteinte à la continuité du service public, le juge peut, à la demande de la personne morale intéressée ou du ministère public, prendre toutes mesures urgentes appropriées, en subordonnant de telles mesures à l’accomplissement, par le débiteur, d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette ».
AUPSRVE, art. 30-3 : « Sauf renonciation expresse, il n’y a pas d’exécution forcée ni de mesures conservatoires contre les personnes morales de droit public étrangères et les organisations internationales qui bénéficient de l’immunité d’exécution en vertu de conventions sur les relations diplomatiques ou consulaires ou d’accords d’établissement ou de siège ».
[47] AUPSRVE, art. 32, al. 2 : « La disposition de l’alinéa 1er du présent article ne s’oppose pas à ce que le juge compétent prenne des décisions ayant pour objet les défenses à exécution provisoire ou le sursis à exécution.
L’exécution d’un titre exécutoire par provision est poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part ».
[48] AUPSRVE, art. 32-1 : « L’exécution d’une décision de justice dans le délai d’exercice d’un recours non suspensif ou en cas d’exercice d’un tel recours ne peut, en aucun cas, constituer une faute, même s’il y a remise en cause de la décision. L’exécution ne peut donner lieu qu’à restitution ».
[49] AUPSRVE, art. 33 : « Constituent des titres exécutoires :
1°) les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute ;
2°) les actes et décisions juridictionnelles étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarées exécutoires par une décision juridictionnelle, non susceptible de recours suspensif d’exécution, de l’État dans lequel ce titre est invoqué ;
3°) les procès-verbaux de conciliation signés par le juge, le greffier et les parties ;
4°) les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
5°) les accords de médiation revêtus de la formule exécutoire en application de l’Acte uniforme relatif à la médiation ;
6°) les décisions auxquelles la loi nationale de chaque État partie attache les effets d’une décision judiciaire. »
[50] AUPSRVE, art. 38 : « Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures en vue de l’exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu’ils en sont légalement requis. Tout manquement par eux à ces obligations peut entraîner leur condamnation à verser des dommages-intérêts. Pour fixer le montant des dommages-intérêts, le juge prend en compte la gravité du préjudice causé au créancier poursuivant, sans toutefois dépasser le montant global des causes de la saisie.
Le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut également, et sous les mêmes conditions, être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf son recours contre le débiteur. S’il y a plusieurs tiers saisis, le montant cumulé des condamnations ne peut être supérieur aux causes de la saisie. »
[51] V. N. D. Diouf, Le droit du procès dans les litiges mettant en cause l’application des règles uniformes de l’OHADA : quelle place pour les lois nationales ?, in Les horizons du droit OHADA, Mélanges en l’honneur du professeur Filiga Michel Sawadogo, Paris, CREDJ, 2018, p. 820 ; également P. A. Toure, La juridiction compétente statuant à bref délai dans l’espace OHADA : un objet judiciaire non identifié ?,L’Harmattan, Dakar, 2020, n° 12 ; CCJA, avis, 7 juillet 1999, n° 001/99/JN, Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° spécial janvier 2003, p. 70.
[52] V. pour le Sénégal : CA Dakar, 18 novembre 2015, n° 276, Bank of Africa Sénégal dite « BOA Sénégal » c/ BSIC Sénégal SA, Kalidou SOW, La société Atex Commodities S.A, inédit ; dans le même sens, CA Dakar, 21 mai 2014, n° 136, Maguette DIOP et autres c/ IPRES, inédit ; CA Dakar, 23 juillet 2015, n° 172, Société Anonyme Consortium d’Entreprise dite « CDE » c/ Société Myna Distribution Technologie SA, La SENELEC, inédit ; CA Dakar, 4 novembre 2015, n° 260, Mohamed Abdarahmane ARBI c/ Société Global Partners, CBAO Groupe Attijari Wafa Bank et État du Sénégal, inédit ; CA Kaolack, 28 mai 2015, n° 33/15, Motel de la Paix c/ Mamadou SARR, Joséphine NDOUR et G.I.E THIAM et SECK, inédit ; CA Kaolack, 1er octobre 2015, n° 55/15, Moustapha NIANG c/ C.M.S. Tamsir NIANG, inédit. Pour la Côte d’Ivoire : CA Bouaké, 18 juillet 2001, n° 117, Juris-ohada, n° 2/2003, avril-juin 2003, p. 48.
[53] Pour le Cameroun : loi n° 2007-001, du 19 avril 2007, instituant le juge du contentieux de l’exécutif et fixant les conditions de l’exécution au Cameroun des décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi que les sentences arbitrales étrangères, Cameroon Tribune, n° 8834/5033, 20 avril 2007, p. 13 ; F. Anoukaha, Le juge de l’exécution : le législateur persiste et signe… l’erreur, J.P, n° 70, p. 33 et s. ; F. Fometeu, Le juge de l’exécution au pluriel ou la parturition au Cameroun, J.P, n° 68, p. 45 et s. Pour le Togo, loi n° 2020-002, du 7 janvier 2020, portant modification de la loi n°2018-028 du 10 décembre 2018 instituant les juridictions commerciales en République Togolaise, JO 65 E, numéro spécial, année n° 1 bis, p. 23.
[54] « En matière mobilière, le président de la juridiction compétente dans chaque État partie ou le juge délégué par lui connaît de tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire.
Il statue dans un délai de deux mois à compter de l’appel de la cause.
La décision rendue peut faire l’objet d’un recours. L’exercice du recours ainsi que le délai pour l’exercer n’ont pas d’effet suspensif, sauf décision spécialement motivée du juge visé à l’alinéa 1er du présent article. Le recours est exercé suivant les règles prévues par le droit interne.
Le juge visé à l’alinéa 1er du présent article peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. Il liquide l’astreinte en tenant compte du comportement du débiteur de l’obligation et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. »
[55] AUPSRVE, art. 50 :
« Les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu’ils seraient détenus par des tiers, sauf s’ils ont été déclarés insaisissables (suppression de par la loi nationale de chaque État partie).
Elles peuvent également porter sur les créances conditionnelles, à terme ou à exécution successive. Les modalités propres à ces obligations s’imposent au créancier saisissant. »
[56] AUPSRVE, art. 51 :
« Sont insaisissables :
1) les provisions alimentaires adjugées par décision de justice ;
2) les biens déclarés indisponibles par la loi nationale des États parties ;
3) les sommes et objets disponibles, déclarés inaliénables par le testateur ou le donateur, lorsque la saisie est poursuivie par les créanciers postérieurs à l’acte de donation ou à l’ouverture du legs, sauf autorisation du juge et pour la portion qu’il détermine ;
4) les biens que la loi rend incessibles, à moins qu’il n’en soit disposé autrement ;
5) les provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire, sauf pour le paiement des aliments déjà fournis par le saisissant à la partie saisie ;
6) les biens mobiliers nécessaires à la vie du débiteur et de sa famille ;
7) les biens mobiliers nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle du saisi, si ce n’est pour paiement de leur prix, sauf si ces biens se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement, ou s’ils constituent des éléments corporels d’un fonds de commerce ou s’il s’agit de biens de valeur ;
8) les objets indispensables aux personnes en situation de handicap ou destinés aux soins des personnes malades ;
9) les avoirs des banques ainsi que ceux des autres établissements financiers ou de crédit, de microfinance ou de paiement sous forme de dépôts dans les comptes des banques centrales ;
10) les biens et droits déclarés insaisissables par les États parties. »
[57] Au Sénégal, aux termes de l’article 382 du Code de procédure civile [en ligne], « Sont insaisissables :
1°/ les choses déclarées insaisissables par la loi;
2°/ les provisions alimentaires adjugées par justice;
3°/ les sommes et objets disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou le donateur, testament ou l’acte de donation ne les déclare pas insaisissables. »
Parmi les choses déclarées insaisissables par la loi, l’on note la portion salaire insaisissable réglementée par l’article 381 du Code de procédure civile du Sénégal.
[58] AUPSRVE, art. 153 :
« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, sans commandement préalable, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations. Ces créances peuvent consister en avoirs en monnaie électronique dont le débiteur peut disposer en effectuant un retrait, un paiement ou transfert. »
[59] Sur cette question : F. Onana Etoundi, OHADA. La saisie attribution des créances du droit OHADA et ses applications jurisprudentielles,2e édition, novembre 2009, p. 118 ; P. G. Pougoue et F. Teppi Kolloko, La saisie attribution des créances OHADA, Yaoundé, Presse universitaire d’Afrique 2005, p. 83 ; J. Wambo, La mise en œuvre de la saisie attribution de créance en droit OHADA. Etude de jurisprudence, éditions Jerbéras.
[60] AUPSRVE, art. 154-1 : « S’il apparaît que le cumul des créances saisies dépasse manifestement le montant de la créance dont le recouvrement est poursuivi, l’huissier de justice ou l’autorité chargée de l’exécution procède, d’office ou à la demande du débiteur, à la mainlevée d’une ou plusieurs saisies.
À défaut, le débiteur peut demander la mainlevée au président de la juridiction compétente.
Le président ou le juge délégué par lui statue dans les huit jours de sa saisine.
Le président ou le juge délégué par lui ordonne la mesure sollicitée s’il constate que le montant des créances saisies dépasse notablement celui de la créance cause de la saisie. Il indique dans sa décision la ou les créances visées.
La décision est signifiée à tout tiers saisi à l’égard duquel la saisie est privée d’effet. »
[61] Le tiers saisi, qui a un devoir général de coopération dans les procédures tendant à l’exécution ou à la conservation des créances, s’expose, en cas de défaillance, à des sanctions tendant à sa condamnation au paiement des causes de la saisie et/ou au paiement des dommages-intérêts (CCJA, 1re ch., 001/2019, 24 janvier 2019, Koutou Somlawinde Daouda c/ Ekobank-Burkina Faso [LXB : A9936YYN]).
[62] AUPSRVE, art. 156 : « Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives.
Ces déclaration et communication doivent être faites dans les deux jours à l’huissier de justice ou l’autorité chargée de l’exécution et mentionnées dans l’acte de saisie ou, au plus tard, dans les cinq jours si l’acte n’est pas signifié à personne. Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages-intérêts. »
[63] AUPSRVE, art. 157 : « Le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l’huissier de justice ou l’autorité chargée de l’exécution.
Lorsque la saisie porte sur un avoir en monnaie électronique, l’acte est signifié à l’établissement émetteur.
L’acte de signification contient, à peine de nullité :
1) l’indication des noms, prénoms et domiciles des débiteur et créancier ou, s’il s’agit de personnes morales, de leurs forme, dénomination et siège social ;
2) l’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3) le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation ;
4) l’indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu’il lui est fait défense de disposer des sommes saisies dans la limité de ce qu’il doit au débiteur ;
5) la reproduction littérale des articles 38, 156, 169 à 172 du présent acte uniforme.
L’acte indique l’heure à laquelle il a été signifié. »
[64] AUPSRVE, art. 161 : « Lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d’un établissement de crédit ou assimilé, d’un établissement de microfinance ou d’un établissement émetteur de monnaie électronique, il est tenu de déclarer la nature du ou des comptes du débiteur ainsi que leur solde au jour de la saisie. Cette déclaration porte aussi sur les avoirs en monnaie électronique.
Dans le délai de quinze jours ouvrables qui suit la saisie et pendant lequel les sommes laissées au compte dont indisponibles, ce solde peut être affecté à l’avantage ou au préjudice du saisissant par les opérations suivantes dès lors qu’il est prouvé que leur date est antérieure à la saisie :
a) au crédit : les remises faites antérieurement, en vue de leur encaissement, de chèques ou d’effets de commerce, non encore portés au compte ;
b) au débit :
· l’imputation de chèques remis à l’encaissement ou portés au crédit du compte antérieurement à la saisie et revenus impayés ;
· les retraits par billetterie effectués antérieurement à la saisie et les paiements par carte, dès lors que leurs bénéficiaires ont été effectivement crédités antérieurement à la saisie.
Par dérogation aux dispositions prévues au deuxième alinéa du présent article, les effets de commerce remis à l’escompte et non payés à leur présentation ou à leur échéance lorsqu’elle est postérieure à la saisie peuvent être contre-passés dans le délai d’un mois qui suit la saisie.
Le solde saisi n’est affecté par ces éventuelles opérations de débit et de crédit que dans la mesure où leur résultat cumulé est négatif et supérieur aux sommes non frappées par la saisie au jour de leur règlement.
En cas de diminution des sommes rendues indisponibles, l’établissement doit fournir, par lettre recommandée avec avis de réception ou tout autre moyen laissant trace écrite et permettant d’établir la réception effective par le destinataire, adressé au créancier saisissant au plus tard huit jours après l’expiration du délai de contre-passation, un relevé de toutes les opérations qui ont affecté les comptes depuis le jour de la saisie inclusivement. »
[65] AUPSRVE, art. 162.
[66] AUPSRVE, art. 170 : « À peine d’irrecevabilité, les contestations sont portées, devant la juridiction compétente, par voie d’assignation, dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Le débiteur qui élève une contestation signifie son recours au greffe et à toutes les parties.
Le tiers saisi est appelé à l’instance de contestation.
Le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir en répétition de l’indu devant la juridiction du fond compétente selon les règles applicables à cette action. »
[67] AUPSRVE, art. 181 : « Le greffier convoque le débiteur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen laissant trace écrite et permettant d’établir la réception effective par celui-ci au moins quinze jours avant l’audience.
La convocation ;
1) mentionne les noms, prénoms et adresse du créancier ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ainsi que les lieu, jour et heure de la conciliation ;
2) contient l’objet de la demande et l’état des sommes réclamées ;
3) indique au débiteur qu’il doit élever, lors de cette audience, toutes les contestations qu’il pourrait faire valoir et qu’une contestation tardive ne suspendrait pas le cours des opérations de saisie ;
4) indique également les conditions de sa représentation à cette audience.
Si, sans motif légitime, le créancier ne comparait pas, le débiteur peut requérir une décision sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure.
Le juge peut, même d’office, radier l’affaire du rôle. Le créancier peut demander le rétablissement de celle-ci, s’il fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile. Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience ultérieure.
Si le débiteur ne comparaît pas, le président de la juridiction compétente ou le juge délégué par lui ordonne la saisie, à moins qu’il n’estime nécessaire une nouvelle convocation.
Cette décision, qui n’est pas susceptible d’opposition, peut être attaquée par la voie de l’appel dans un délai de quinze jours. Ce délai court du jour du prononcé de la décision ou, s’il n’y a pas eu de retour de l’avis, du jour de sa signification. »
[68] AUPSRVE, art. 188 : « L’employeur adresse tous les mois au greffe ou à l’organisme spécialement désigné à cet effet par chaque État partie le montant des sommes retenues sur la rémunération du saisi, sans excéder la portion saisissable.
Le paiement est effectué contre quittance entre les mains du créancier saisissant ou de son mandataire justifiant d’un pouvoir spécial qui en informe immédiatement son mandant.
Il est valablement libéré sur la quittance du greffier, par l’avis de réception du mandat délivré par l’administration des postes, l’ordre de virement, la remise d’un chèque ou la présentation de tout moyen de paiement sécurisé.
Le tiers saisi joint à chaque versement une note indiquant les noms des parties, le montant de la somme versée, la date et les références éventuelles de l’acte de saisie qui lui a été notifié. »
[69] AUPSRVE, art. 189 : « Si l’employeur omet d’effectuer les versements, la juridiction compétente rend à son encontre une décision le déclarant personnellement débiteur. La décision est notifiée par le greffier ou par le créancier par lettre recommandée avis de réception ou par tout autre moyen laissant trace écrite, et permettant d’établir la réception effective par le destinataire dans les trois jours de sa date. Avis en est donné au débiteur et, le cas échéant, au créancier.
Le tiers saisi dispose d’un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision pour former opposition au moyen d’une déclaration au greffe.
La décision non frappée d’opposition dans le délai de quinzaine devient définitive. Elle est exécutée à la requête de la partie la plus diligente sur une expédition délivrée par le greffier et revêtue de la formule exécutoire.
La décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé.
L’appel est jugé dans un délai d’un mois à compter de la première audience. »
[70] AUPSRVE, art. 211.
[71] AUPSRVE, art. 236 : « La saisie des droits d’associés, des valeurs mobilières et des autres titres de créance négociables est effectuée soit auprès de la société ou de la personne morale émettrice, soit auprès du mandataire chargé de conserver ou de gérer les titres. »
[72] AUPSRVE, art. 242 : « Une copie du cahier des charges est, le cas échéant, notifiée à la personne émettrice et, s’il s’agit d’une société, celle-ci en informe les associés.
Le même jour, une sommation est notifiée, s’il y a lieu, aux autres créanciers opposants d’avoir à prendre connaissance du cahier des charges auprès de l’autorité chargée de la vente.
Tout intéressé peut formuler auprès de l’autorité visée à l’alinéa 2 du présent article, des observations sur le cahier des charges. Les observations ne sont plus recevables à l’expiration d’un délai de deux mois courant à compter de la notification prévue au premier alinéa du présent article. »
[73] AUPSRVE, art. 248 : « Dans chaque État partie, la vente est poursuivie devant la juridiction compétente pour trancher les litiges en matière de saisie immobilière dans le ressort territorial de laquelle se trouve l’immeuble.
Cependant, la vente forcée des immeubles dépendant d’une même exploitation et situés dans le ressort de plusieurs juridictions se poursuit devant l’une quelconque de celles-ci. »
[74] AUPSRVE, art. 261, al. 2 : « En cas de paiement, l’inscription du commandement est radiée par le conservateur ou l’autorité administrative sur mainlevée donnée par le créancier poursuivant.
A défaut, le débiteur ou tout intéressé peut provoquer la radiation en justifiant du paiement ; à cet effet, il saisit la juridiction compétente statuant à bref délai.
La décision autorisant ou refusant la radiation doit être rendue dans les huit jours qui suivent la saisine de la juridiction compétente. Elle est susceptible de recours selon les voies ordinaires. »
[75] AUPSRVE, art. 276 : « Trente jours au plus tôt et quinze jours au plus tard avant l’adjudication, un extrait du cahier des charges est publié, sous la signature de l’avocat poursuivant par l’insertion dans un journal d’annonces légales et par apposition de placards à la porte du domicile du saisi, de la juridiction compétente ou du notaire convenu ainsi que dans les lieux officiels d’affichage de la commune de la situation des biens.
La publicité peut, en outre, être effectuée par voie audiovisuelle ou électronique. »
[76] La création de l’article 297-1 de l’AUPSRVE : « La nullité prononcée faute de désignation suffisante de l’un ou plusieurs des immeubles compris dans la saisie n’entraîne pas nécessairement la nullité de la poursuite en ce qui concerne les autres immeubles. »
[77] AUPSRVE, art. 300 : « Les décisions judiciaires rendues en matière de saisie immobilière ne sont pas susceptibles d’opposition.
Elles ne peuvent être frappées d’appel que lorsqu’elles statuent sur le principe même de la créance ou sur des moyens de fond tirés de l’incapacité d’une partie, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de l’inaliénabilité des biens saisis.
Les décisions de la juridiction d’appel ne sont pas susceptibles d’opposition.
Le délai d’appel est de quinze jours à compter de la signification. Le délai d’appel et l’exercice de l’appel dans le délai sont suspensifs. »
[78] AUPSRVE, art. 301 : « L’appel est notifié à toutes les parties en cause à leur domicile réel ou élu.
L’acte est également notifié, dans le délai d’appel, au greffe de la juridiction compétente, visé et mentionné par lui au cahier des charges.
L’acte d’appel contient, à peine de nullité, l’exposé des moyens de l’appelant.
La juridiction d’appel statue dans le délai d’un mois à compter de la première audience. »
[79] AUPSRVE, art. 152-1 à 152-15.
[80] AUPSRVE, art. 152-16 à 152-26.
[81] AUPSRVE, art. 152-13 : « Le croît ou tous autres produits notamment les laitages et le fumier sont compris dans la saisie. En cas de vente, le prix est distribué en même temps que le produit de la vente du bétail. Il en est tenu compte dans la rémunération du gardien et dans l'alimentation et les soins du bétail.
En l'absence de produits du bétail, les frais sont supportés par le créancier et compris dans les frais de la saisie. »
[82] AUPSRVE, art. 152-1 : « Le créancier muni d’un titre exécutoire peut, sans commandement préalable, procéder à la saisie du bétail appartenant à son débiteur. »
[83] AUPSRVE, art. 152-2, al. 1 et 2 : « L’huissier de justice ou l’autorité chargée de l’exécution dresse un inventaire du bétail saisi. Il ne peut le compléter après avoir quitté les lieux. Il désigne un gardien conformément aux dispositions des articles 152-9 à 152-11 du présent Acte uniforme. Celui-ci signe l’acte de saisie en original et en copie et, s’il ne peut ou ne veut signer, il en est fait mention ; une copie de l’exploit lui est délaissée ».
[84] AUPSRVE, art. 152-8 : « Au jour de la saisie, l'huissier de justice ou l'autorité chargée de l'exécution se rend au lieu où se trouve le bétail, accompagné, s'il y a lieu, du mandataire du créancier.
Il peut procéder, le même jour, à l'enlèvement du bétail en vue de sa garde dans un endroit différent du lieu de la saisie jusqu'au jour de la vente. Peuvent également être saisis et enlevés les pailles, fourrages et grains nécessaires pour la litière et la nourriture du bétail saisi. »
[85] AUPSRVE, art. 152-12 : « Le bétail saisi est indisponible. Le débiteur, comme le gardien, ne peut l'aliéner ni le déplacer, sauf pour le pâturage, sans en avertir l'huissier de justice ou l'autorité chargée de l'exécution. »
[86] AUPSRVE, art. 152-14 : « En cas de vente forcée, l'autorité chargée de la vente doit vérifier au moment de procéder à la vente. Si tout le bétail saisi est représenté. Il dresse un procès-verbal de récolement qui contient les animaux manquants.
Au moment du récolement, le débiteur a la possibilité de saisir la juridiction compétente pour arrêter la vente lorsque les conditions de la saisie prévues par le présent acte uniforme ne sont pas réunies. La vente du bétail saisi se fait soit au lieu où sont gardés les animaux soit au lieu du marché public le plus proche où se trouvent les animaux. »
[87] AUPSRVE, art. 152-16 : « Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir les biens meubles corporels contenus dans un coffre-fort appartenant à un tiers. »
[88] AUPSRVE, art. 152-26 : « Le débiteur retrouve le libre accès au coffre-fort du jour de l'enlèvement des biens. »
[89] AUPSRVE, art. 152-17.
[90] AUPSRVE, art. 152-19 : « L'acte de saisie est signifié au tiers qui est tenu de fournir à l'huissier de justice ou à l'autorité chargée de l'exécution toutes informations permettant l'identification du coffre. Il en est fait mention dans l'acte.
Dans un délai de huit jours à compter de sa date, la saisie est dénoncée, à peine de caducité, au débiteur par l'huissier de justice ou l'autorité chargée de l'exécution ; l'acte de dénonciation comporte à peine de nullité :
1) le commandement d'avoir à payer la dette avant la date fixée pour l'ouverture du coffre-fort, ou d'assister en personne ou par mandataire, à son ouverture aux fins de saisie des biens qui s'y trouvent avec l'avertissement qu'en cas de refus d'ouverture, le coffre-fort est ouvert par la force et à ses frais ;
2) l'indication des lieu, jour et heure fixés pour l'ouverture du coffre-fort ;
3) le rappel au débiteur qu'il dispose d'un délai d'un mois à compter de l'ouverture du coffre-fort pour procéder à la vente amiable des biens qu'il contient, dans les conditions prévues par les articles 115 à 119 du présent acte uniforme ;
4) si le coffre-fort contient des sommes d'argent, l'avertissement au débiteur qu'il dispose d'un délai de quinze jours pour élever une contestation et qu'il sera fait application des dispositions de l'article 152-24, alinéa 3 du présent acte uniforme ;
5) la reproduction des articles 115 à 119 du présent acte uniforme ;
6) la mention de la date à partir de laquelle, à défaut de vente amiable, il peut être procédé à la vente forcée des biens meubles corporels. »
[91] AUPSRVE, art. 152-20 : « L'ouverture du coffre-fort ne peut intervenir avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la signification de l'acte de dénonciation. Toutefois, le débiteur peut demander que cette ouverture ait lieu à une date plus rapprochée.
Si le débiteur n'est pas présent, l'ouverture forcée ne peut avoir lieu qu'en présence du propriétaire du coffre-fort ou de son préposé dûment habilité.
Les frais sont avancés par le créancier saisissant. »
[92] Les mesures de protection du débiteur sont très strictes dans le cadre de cette procédure de saisie. Ainsi, l’article 152-23 de l’AUPSRVE dispose qu’« Une copie de l'inventaire est remise ou signifiée au débiteur ainsi que, le cas échéant, aux personnes auxquelles des biens ont été remis.
À peine de nullité, il est fait mention, dans la copie remise ou signifiée au débiteur, du lieu où les biens saisis sont déposés ».
[93] AUPSRVE, art. 152-25 : « Les articles 129 à 146 du présent acte uniforme sont applicables à la saisie des biens placés dans un coffre-fort dans la mesure où ils sont compatibles avec cette procédure.
S'il s'agit de sommes en espèces le débiteur dispose d'un délai de quinze jours, à compter de la remise de la copie de l'inventaire dans le cas où il est présent ou de la signification s'il est absent, pour former une contestation devant la juridiction du lieu de la saisie. »
[94] AUPSRVE, art 152-24 : « La vente amiable a lieu comme il est dit aux articles 115 à 119 du présent acte uniforme. Toutefois, le délai d'un mois imparti au débiteur court du jour de l'ouverture du coffre-fort.
La vente forcée a lieu comme il est dit aux articles 120 à 128 du présent acte uniforme.
Si le coffre-fort contient des sommes d'argent, en l'absence de contestation dans le délai prévu par l'article 152-25, alinéa 2 du présent acte uniforme ou en cas de rejet de la contestation, celles-ci sont attribuées au créancier, à titre de paiement, à concurrence du montant de la créance et lui sont versées par l'huissier de justice ou l'autorité chargée de l'exécution ou le séquestre. »
[95] L’Acte uniforme révisé définit la monnaie électronique comme une valeur monétaire représentant une créance sur l’établissement émetteur, stockée ou incorporée sous forme électronique, émise contre remise de fonds, qui peut être utilisée ou qui est acceptée pour effectuer des paiements à des personnes autres que l’émetteur, sans faire intervenir des comptes bancaires dans la transaction.
[96] Voir les spécificités de la saisie attribution des créances relatives aux saisies des avoirs en monnaie électronique.
[97] La saisie du fonds de commerce est réglementée dans un titre VII bis, aux articles 245-1 à 245-34.
[98] AUPSRVE, art. 245-1 : « Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, faire procéder, après signification d’un commandement de payer, à la saisie et à la vente du fonds de commerce appartenant à son débiteur.
À toute époque de la procédure, le président de la juridiction visée à l’alinéa 3 de l’article 245-16 du présent Acte uniforme ou le juge délégué par lui informe, s’il lui apparaît que le débiteur est en état de cessation des paiements, le ministère public près la juridiction compétente aux fins d’ouverture d’une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation des biens ; l’ouverture d’une telle procédure arrête la cession forcée. »
[99] AUPSRVE, art. 245-3, al. 1 : « La saisie du fonds de commerce est précédée d’un commandement de payer, signifié au débiteur, au moins huit jours avant la saisie. »
[100] AUPSRVE, art. 245-2 : « La saisie porte sur les éléments du fonds de commerce énumérés à l’article 136 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général (la clientèle et l’enseigne ou la clientèle et le nom commercial, sans préjudice du cumul de la clientèle avec l’enseigne et le nom commercial) et, s’ils existent, sur ceux qui sont visés à l’article 137 du même Acte uniforme (les installations, les aménagements et agencements, le matériel, le mobilier, les marchandises en stock, le droit au bail, les licences d’exploitation, les brevets d’inventions, marques de fabrique et de commerce, dessins et modèles, et tout autre droit de propriété intellectuelle nécessaires à l’exploitation). »
[101] Articles 335 à 336 avec création des articles 335-1 à 335-9 de l’AUPSRVE. L’article 335 qui précisait le régime des délais de procédure est vidé de son contenu pour abriter des dispositions pénales.
[102] Par exemple, l’article 64 de l’AUPSRVE qui précise la mention dans le procès- verbal que le bien saisi ne peut être déplacé, ni aliéné sous peine de sanction pénale.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
Attendue de longue date, le nouvel Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 a été adopté le 17 octobre 2023.
Cette réforme était souhaitée pour plusieurs raisons. Principalement, car ce texte n’avait pas été réformé depuis son adoption le 10 avril 1998 N° Lexbase : A0099YTT. Vieillissant, il était le dernier acte uniforme à n’avoir pas fait l’objet d’une révision. Mais cette réforme était également souhaitée, car certaines dispositions de cet acte uniforme étaient source d’ambiguïté, ainsi que de vives critiques de la part de la doctrine et des praticiens.
Parmi ces dispositions figure l’article 30 al. 1er de l’AUPSRVE N° Lexbase : A0099YTT, dont la version initiale dispose que « l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution ».
Ce texte créait une immunité d’exécution au bénéfice de personnes qui n’étaient pas précisément nommées. Ce privilège personnel a pour effet de proscrire toutes mesures conservatoires, ou d’exécution forcée à l’encontre de son bénéficiaire. Il s’analyse comme une « paralysie, matériellement limitée, du droit d’action ou d’exécution, liée aux qualités ou fonctions de la personne »[1]. Cet obstacle à l’exécution « peut choquer, surtout en constatant que les personnes qui bénéficient d’une telle faveur ne sont pas indigentes »[2]. De plus, il s’oppose au droit de gage général du créancier. Selon ce principe fondamental du droit civil, un créancier peut faire saisir les biens de son débiteur qui n’exécute pas ses obligations. Résumé par le jurisconsulte Bertrand Argenté par l’adage : « qui s’oblige oblige le sien »[3], on le retrouve à l’article 28 al. 1er de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 selon lequel « à défaut d’exécution volontaire, tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, dans les conditions prévues par le présent Acte uniforme, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits »[4].
La détermination des bénéficiaires de l’immunité d’exécution en droit OHADA relevait d’intérêts théoriques et pratiques majeurs. Il était donc attendu de la CCJA qu’elle les identifie clairement.
Par un arrêt retentissant du 7 juillet 2005, la première chambre de la CCJA va éclairer la pratique et la doctrine sur le champ d’application de cet article en jugeant que les personnes morales de droit public et les entreprises publiques quelles qu’en soient la forme et la mission, sont les bénéficiaires de l’immunité d’exécution prévue par l’article 30 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134[5]. Pour arriver à une telle solution, la gardienne de l’interprétation des Actes uniformes, a opéré une liaison dans la lecture des deux premiers aliéna de ce texte. Cette jurisprudence sera confirmée quelques années plus tard[6].
On aurait pu croire que cette solution conforme à la lettre du texte aurait clos les débats sur les bénéficiaires de l’immunité d’exécution, mais, bien au contraire, cette interprétation va les raviver. En effet, l’octroi de l’immunité d’exécution aux personnes morales de droit public et aux entreprises publiques, quelles qu’en soient la forme et la mission, va être vivement critiqué par la pratique et la doctrine[7]. Si les premières entités sont bien connues par les droits nationaux des États parties, les secondes, qui matérialisent la forte intervention de l’État dans le secteur économique, sont la source de nombreuses confusions. De ce fait, les entreprises publiques vont cristalliser l’ensemble des débats relatifs aux bénéficiaires de l’immunité d’exécution, poussant ainsi la CCJA à revoir sa jurisprudence ancienne et à imposer de nouveaux critères d’identification des bénéficiaires de l’immunité d’exécution en droit OHADA.
Cette évolution a conduit à une instabilité jurisprudentielle source d’insécurité juridique. C’est dans ce contexte scabreux qu’est intervenue la révision de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 dont l’un des axes de réforme était l’encadrement de la protection immunitaire des entités de droit public. Cette réforme a conduit à la modification de l’article 30 al 1er, qui dispose dorénavant que « sauf renonciation expresse, il n’y a pas d’exécution forcée ni de mesures conservatoires contre les personnes morales de droit public, notamment l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics »[8]. Conforme aux attentes de la pratique et d’une partie de la doctrine, le nouveau texte, qui est entré en vigueur le 16 février 2024, maintien le bénéfice de l’immunité d’exécution pour les personnes morales de droit public (I), et en exclu les entreprises publiques (II).
I.La restriction du bénéfice de l’immunité d’exécution aux seules personnes morales de droit public
Dans son effort de clarification, l’Acte uniforme révisé a pris le soin d’énumérer les bénéficiaires de l’immunité d’exécution (A). Toutefois, il s’est refusé d’en faire un principe absolu en ouvrant la voie à une renonciation à l’immunité d’exécution (B).
A.La conservation de l’immunité d’exécution pour les seules personnes morales de droit public
Le principe d’insaisissabilité des biens des personnes morales de droit public est l’une des pierres angulaires du droit administratif. Pour cette raison, l’octroi d’une immunité d’exécution à ces entités fait l’objet d’un consensus, et plusieurs arguments justifient le maintien de l’immunité d’exécution aux personnes publiques.
Le premier argument est celui de la sauvegarde de la destinée des personnes publiques. Le doyen Hauriou affirmait que « la destinée des administrations publiques ne doit pas être à la merci de leurs créanciers (...). La nécessité d’assurer le service public l’emporte sur les considérations tirées du crédit »[9]. Les missions particulières de ces entités justifient que leurs biens soient protégés, car l’exercice de voies d’exécution à leur encontre peut avoir de lourdes conséquences sur leur fonctionnement. Une personne publique ne peut courir ce risque du fait d’une créance non soldée. Cela est l’une des différences fondamentales entre les personnes publiques et les personnes privées[10].
Le deuxième argument réside dans l’impossibilité de recourir à la puissance publique contre une émanation de l’État. Le recours aux mesures d’exécution forcée pouvant nécessiter le concours de la force publique, il serait idéologiquement inconcevable de « brandir la hache de guerre contre l’autorité qui la porte à la ceinture »[11]. D’autant plus que « l’emploi de la force publique contre une personne publique constituerait un trouble à l’ordre public puisqu’elles sont toutes en charge d’une parcelle de puissance publique »[12].
Conscient de l’importance de ce principe pour les droits nationaux, le législateur OHADA avait-il d’autres choix que de le graver de nouveau dans le marbre ? Cependant, contrairement, à la version initiale qui n’avait pas expressément énuméré les bénéficiaires de l’immunité d’exécution, la version révisée de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 accorde cette protection aux « personnes morales de droit public, notamment l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics ». L’effort de précision, et la volonté de dissiper toutes ambiguïtés sont louables, d’autant plus que liste prévue par le nouvel article 30 al. 1er de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 n’est pas exhaustive. Le droit OHADA laisse donc aux États parties une certaine latitude pour compléter la liste des personnes publiques bénéficiant d’une immunité d’exécution, en prenant en compte les spécificités nationales. De plus, la question de la création d’une personne morale de droit public relève de compétences qui sont exclusivement réservées aux États parties. Le législateur supranational n’aurait eu aucun pouvoir pour leur imposer une liste d’entités publiques. D’autant plus que la liste du nouvel article ne fait pas référence à certaines structures pouvant bénéficier de la personnalité morale de droit public, telle que les autorités administratives indépendantes. Ainsi donc, cette précision doit s’analyser à l’aune de l’imprécision de l’ancienne version.
L’Acte uniforme révisé fait de la personnalité publique le fondement exclusif de l’immunité d’exécution. Ce choix d’un critère de protection organique trouve un écho en droit comparé. La Cour de cassation française, dans un arrêt du 21 décembre 1987[13], avait affirmé le principe de l’insaisissabilité des biens des personnes publiques[14]. Toutefois, cette protection accordée aux personnes publiques, par le droit OHADA, n’est pas absolue.
B.La limitation de la protection par l’admission d’une renonciation à l’immunité d’exécution
La question de la renonciation par les personnes morales de droit public à leur immunité d’exécution n’était traitée par aucun texte de l’OHADA. Cette problématique à la lisière du droit privé et du droit public, mais aussi du droit international privé et du droit international public a fait l’objet de multiples débats, notamment lorsqu’elle s’est trouvée confrontée au droit de l’arbitrage. En effet, il est classiquement admis en droit administratif que les personnes publiques, en raison de leurs particularités, ne peuvent pas être soumises à une justice privée, et qu’elles ne doivent être soumises qu’à la justice étatique. Or, sur ce point, l’article 2 al. 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage a opéré une « authentique révolution » en ouvrant l’arbitrage à l’État et ses démembrements[15].
Il est communément admis que le recours à l’arbitrage vaut renonciation à l’immunité de juridiction. Toutefois, la renonciation à l’immunité de juridiction s’analyse-t-elle comme une renonciation à l’immunité d’exécution ? L’interrogation dépasse les seules considérations théoriques, car elle suscite des préoccupations en lien avec l’effectivité de l’arbitrage OHADA, et plus précisément, l’exécution des sentences arbitrales.
Un courant doctrinal s’accorde « à dire que l’acceptation, par les personnes publiques, du règlement arbitral de certains litiges dont elles sont parties prenantes vaut, de façon présomptive, renonciation à l’immunité d’exécution prévue par l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution »[16]. Cependant, la distinction entre ces deux protections impose une autre analyse. La renonciation à une immunité d’exécution ne saurait être présumée, elle doit être expresse. Cette position, bien établie en droit international, est d’ailleurs celle adoptée par la CCJA qui soumet la renonciation à l’immunité d’exécution à un acte de volonté. Dans un arrêt d’Assemblée plénière du 11 novembre 2014, la Cour d’Abidjan a opéré une distinction entre l’immunité de juridiction et l’immunité d’exécution, avant d’affirmer que la renonciation à la première n’implique pas une renonciation à la seconde[17]. Elle va ainsi soumettre la renonciation à l’immunité d’exécution à une manifestation de volonté non équivoque. Cette solution qui sera réitérée dans un arrêt du 28 mai 2020[18] n’était pas novatrice, car elle était admise de longue date en droit international[19]. Aux yeux de la pratique et de la doctrine, ces arrêts paraissaient incomplets, car la CCJA précisait les modalités de renonciation à l’immunité d’exécution, sans pour autant donner d’indication sur l’étendue de la renonciation.
Le législateur OHADA reprend dans l’article 30 de l’Acte uniforme révisé la solution la CCJA sans donner plus d’indications sur l’étendue de la renonciation. Doit-on considérer cette renonciation comme étant générale, ou comme étant spéciale ? La lettre du texte peut être interprétée comme une renonciation générale. La personne publique qui renoncerait à son immunité d’exécution exposerait tous ses biens, sans distinction aucune. Les administrations publiques seraient donc à la merci de leurs créanciers privés, mettant ainsi en péril la continuité de leurs missions.
On peut regretter ce choix du législateur OHADA, car il va à l’encontre de principes du droit international public qui établissent une séparation claire entre les biens des personnes publiques destinés à une activité économique et ceux destinés à une activité administrative. À ce titre, la validité d’une renonciation à l’immunité d’exécution est soumise à la double condition qu’elle soit expresse et spéciale. Ce dernier critère a été introduit afin de protéger les États qui auraient renoncé sans limites à leur immunité d’exécution[20]. En établissant une comparaison, le droit français a codifié ce principe à l’article L.111-1-3 du code des procédures civiles d’exécution[21]. Le droit OHADA a ignoré ce critère de spécialité et s’est limité au caractère exprès de la renonciation. Cette position pourrait donc être la source d’un conflit entre les dispositions du droit OHADA et les dispositions du droit international public sur la protection des biens destinés à des activités administratives.
Cette solution favorable aux créanciers pourrait exposer les débiteurs publics, et les missions de service public. Pourtant, elle s’inscrit dans la logique économique du droit OHADA visant à créer un espace juridique attractif pour les investisseurs étrangers. Cette logique a d’ailleurs influencé l’évolution de la protection des entreprises publiques.
II.L’exclusion des entreprises publiques du bénéfice de l’immunité d’exécution
Codifiant une évolution jurisprudentielle de la CCJA, le nouvel article 30 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 a écarté les entreprises publiques du bénéfice de l’immunité d’exécution (A), tout en créant de nombreuses ambiguïtés (B).
A.La codification d’une jurisprudence discutable
La notion d’entreprise publique a des contours flous. Elle « n’est pas une institution, c’est un pavillon qui couvre les marchandises les plus variées »[22]. Elle regroupe des entités aux formes juridiques et aux missions diverses et variées, ce qui complexifie sa caractérisation. Pour tenter de la définir, la doctrine s’est attachée à qualifier les entreprises publiques selon trois critères : la personnalité juridique, l’activité industrielle et commerciale et la soumission au pouvoir prépondérant des autorités publiques[23]. Abondant dans ce sens, certains droits nationaux des États parties ont textuellement défini ces structures[24].
L’attribution d’une immunité d’exécution à ces émanations économiques de l’État, par la jurisprudence Togo Télécom, a fait l’objet de vives critiques[25]. Il était difficilement concevable que des acteurs d’un marché bénéficient de passe-droit, au point où il a pu être soulevé que le législateur supranational avait commis « par inadvertance » une confusion entre « entreprise publique et établissement public »[26].
La CCJA n’est pas restée sourde à ces critiques, et a opéré une modification substantielle du domaine d’application de l’immunité d’exécution. Après avoir écarté les sociétés d’économie mixte du bénéficie de cette protection personnelle[27], elle a jugé qu’une société constituée sous forme de personne morale de droit privé ne saurait bénéficier de l’immunité d’exécution, et ce, même si l’État détient des parts dans son capital[28]. La CCJA a parachevé son œuvre en jugeant que « l’immunité d’exécution est rattachée à la personnalité juridique, à l’exclusion des considérations liées à la composition ou à la titularité du capital social, de sorte qu’une société de droit privé, même constituée par l’État, ne saurait en bénéficier »[29].
En supprimant le terme entreprise publique, et limitant l’immunité d’exécution aux personnes morales de droit public, l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 révisé a consacré une protection dont le fondement est purement organique. Ce signal « rassurant »[30] à l’égard des investisseurs peine à convaincre. En effet, le fondement exclusivement organique de l’immunité d’exécution est combattu de longue date[31]. Anachronique, ce critère, hier justifié par la continuité de la mission de la personne publique et qui est considéré comme « l’archétype de la prérogative de puissance publique, puisant sa source dans la quintessence de la personnalité morale de droit public »[32], doit évoluer et se conformer à son époque.
En cela, il est regrettable que le législateur OHADA ait repris les dernières évolutions jurisprudentielles de la CCJA, et n’ait pas pensé une nouvelle approche dans l’identification des bénéficiaires de l’immunité d’exécution. On peut également regretter la victoire des vœux de la pratique sur l’exigence d’une évolution rationnelle de la protection des biens des entreprises publiques.
D’autres voies de réforme étaient envisageables. Notamment celle voyant le fondement de la protection « non pas dans la nature du bien ni dans l’identité publique du propriétaire, mais uniquement dans les nécessités de la continuité des services publics assurés à partir de ces biens »[33]. Une véritable protection fonctionnelle des biens des entreprises publiques, mais aussi des personnes publiques aurait été mieux adaptée aux exigences du droit OHADA. La mise en place d’un tel fondement de protection aurait pour effet de rééquilibrer les rapports entre les bénéficiaires de la protection et leurs créanciers. Il aurait aussi pour effet de conformer l’immunité d’exécution prévue par l’article 30 al. 1er de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 aux dispositions des autres actes uniformes.
La mise en place d’une telle protection trouve déjà son fondement dans le droit OHADA. En effet, l’article 51 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134, dont certains mystères ont été levés par la récente réforme[34], et dont la rédaction rappelle celle de l’article L.112-2 du code des procédures civiles d’exécution français, déclare insaisissable « les biens et droits déclarés insaisissables par les États parties ». Le législateur OHADA octroie aux États membres une certaine liberté sur ce point. Si un texte national déclarait des biens d’une personne, ou mieux définissait et déclarait les biens publics insaisissables[35], alors ce texte serait-il en adéquation avec l’article 51 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 ? La CCJA opère une distinction claire entre les régimes de l’immunité d’exécution prévue par l’article 30 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 et de l’insaisissabilité prévue par l’article 51 du même acte uniforme[36]. De ce fait, une protection nationale de certains biens des personnes publiques ou des entreprises publiques ne créeraient pas de conflits entre le droit OHADA et le droit national.
B.Les ambiguïtés de l’exclusion des entreprises publiques du bénéfice de l’immunité d’exécution
Dans sa volonté de lever tout doute sur les bénéficiaires de l’immunité d’exécution en droit OHADA, le législateur supranational a voulu en écarter les entreprises publiques. Pourtant, les établissements publics industriels et commerciaux, dont la nature d’entreprises publiques sous forme de personnes morales de droit public n’est plus à démontrer, bénéficient toujours de cette protection. En effet, le nouvel article 30 al. 1er de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 nomme les établissements publics parmi les bénéficiaires de l’immunité d’exécution. Cette solution traduit la reprise d’une incohérence de la CCJA qui, après avoir opéré une distinction entre entreprise publique et entreprise privée, avait jugé qu’une entreprise publique qui se transforme en société commerciale, perd son statut d’entreprise publique et ne peut en conséquence bénéficier de l’immunité d’exécution, peu important que l’État soit présent dans son capital[37].
Cette méconnaissance de la notion d’entreprise publique conduit à la création d’un régime juridique peu compréhensible. Contrairement à ce que peut juger la CCJA, la qualification d’entreprise ne se fonde pas sur la forme sociale de l’entité. Des critères ont été admis de longue date pour les caractériser[38]. De plus, les sociétisations des entreprises publiques sont des « aménagements techniques »[39], qui provoquent de profondes perturbations dans le droit qui leur est applicable. Ce nouveau régime manque de pertinence, en ce qu’il accorde une immunité d’exécution aux entreprises publiques sous forme de personnes morales de droit public et exclut de la protection les entreprises publiques sous forme de personnes morales de droit privé. Comment justifier que la même entreprise, à la suite d’une sociétisation, voit son régime juridique bouleversé, alors même qu’elle exerce le « même métier, les mêmes activités, généralement de service public »[40] ?
Cette incohérence semble toutefois limitée par le nouvel article 30-2 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 qui précise que « lorsque l’exécution forcée et les mesures conservatoires sont entreprises à l’égard de personnes morales autres que celles visées à l’article 30 du présent acte uniforme et sont de nature à porter gravement atteinte à la continuité du service public, le juge peut, à la demande de la personne morale intéressée ou du ministère publie, prendre toutes mesures urgentes appropriées, en subordonnant de telles mesures à l’accomplissement, par le débiteur, d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette ». Il est visé les personnes « autres que celles visées à l’article 30 », donc les personnes autres que les personnes publiques. L’orthodoxie juridique conduit à considérer que les personnes visées sont les entreprises publiques sous forme de personnes morales de droit privé. Cette disposition leur octroie une protection qui a pour fondement « la continuité du service public ».
On ne peut qu’apprécier l’admission d’un régime spécial de protection qui ne serait plus fondé sur la qualification juridique de la personne, mais qui serait fondé sur l’utilité du bien, même si sa mise en place semble imparfaite. En effet, l’introduction timide d’une protection fonctionnelle laisse planer certains doutes sur le devenir des mesures exercées à l’encontre des biens des personnes concernées. Si le texte donne aux juges la possibilité de prendre « toutes les mesures urgentes appropriées », c’est à la double condition que l’atteinte à la continuité du service public soit « grave » et que le débiteur accomplisse des « actes propres à faciliter ou garantir le paiement de la dette ». Par-delà les divergences d’interprétation qu’elles feront naître au niveau des juges nationaux (source d’insécurité juridique), ces conditions traduisent le choix par le législateur OHADA, en faveur de la protection du créancier.
Conclusion
L’AUPSRVE N° Lexbase : A6607134 était le seul acte uniforme à n’avoir pas fait l’objet d’une révision depuis son entrée en vigueur, il y a de cela 25 ans. L’analyse de la réforme du régime des immunités d’exécution se solde par un double constat. Concernant les personnes publiques, on observe la victoire d’un dogme, d’une tradition, qui se traduit par le maintien d’une protection ayant comme seul fondement le critère organique. On peut s’interroger sur l’utilité de la réaffirmation dans l’Acte uniforme de cette justification anachronique. Concernant les entreprises publiques, il est à noter la victoire d’un courant ne prenant pas en compte les réalités sociologiques et économiques des entreprises publiques, dans l’espace de l’Organisation.
Incomplète, cette réforme invite à s’interroger sur le devenir de l’immunité d’exécution. Peut-on encore admettre que certaines personnes ne bénéficient d’une protection absolue, qu’eu égard à leur qualité ? Ou alors ne faudrait-il pas faire évoluer le régime de protection de ces personnes et tendre vers une protection de leurs biens, en fonction de leur utilité ? Cela conduirait à évoluer d’une protection personnelle vers une protection réelle, qui serait plus en phase avec les réalités économiques et juridiques de notre temps.
[1] V. Egéa, « L’immunité en droit privé », RRJ, 2008-4, p. 1977
[2] A. Leborgne, Droit de l’exécution. Voies d’exécution et procédures de distribution, 3ème éd., Dalloz, 2019, p. 348.
[3] H. Roland, L. Boyer, Adages du droit français, 3ème éd., Litec, 1992, v° « Qui s’oblige oblige le sien ».
[4] La révision de l’AUPSRVE du 17 octobre 2023 N° Lexbase : A6607134 n’a pas modifié cet article.
[5] CCJA, 1ère Ch., 7 juillet 2005, n° 043/2005, aff., Aziablévi YOVO et autres contre société TOGO TELECOM, in Recueil de Jurisprudence de la CCJA, n° 6, juillet–décembre 2005, p. 25.
[6] CCJA, 1ère Ch., 18 mars 2016, n° 044/2016, aff. Gnankou Goth Philippe c/ Fonds d’entretien routier dit « FER ».
[7] F-M. Sawadogo, « La question de la saisissabilité ou de l'insaisissabilité des biens des entreprises publiques en droit OHADA », Revue camerounaise de l’arbitrage, numéro spécial, février 2010, p. 136 ; M. Soh, « Insaisissabilité et immunités d’exécution dans la législation OHADA ou le passe-droit de ne pas payer ses dettes », Juridis, n° 51, (juillet-aout-septembre 2002), p. 89 ; J. Giacci, « Analyse de l’impact de l’immunité d’exécution et de l’insaisissabilité des biens publics sur le recouvrement des impayés des États de l’espace OHADA », Revue semestrielle de Droit africain et comparé des affaires, n° 07, décembre 2017, p. 250 ; G. Kenfack Douajni, « L’exécution forcée contre les personnes morales droit public dans l’espace OHADA », Revue camerounaise de l’arbitrage, juillet - août - septembre, 2012, n°18, p. 22 ; B. Lo Niang, « L’immunité d’exécution à la lumière de la jurisprudence de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage de l’OHADA », RAMes, 2019, n° spécial avril 2019, p. 136 ; W. D. Kabre, « L’immunité d’exécution des entreprises publiques en droit OHADA : la CCJA apporte une pierre à l’édifice de son régime », Revue l’essentiel, n° 1, janvier 2017, p. 2.
[8] Les alinéas 2 et 3 de cet article sont restés inchangés. Aussi, l’article 30-3 de l’Acte Uniforme révisé N° Lexbase : A6607134 applique la même protection aux personnes morales de droit public étrangères et les organisations internationales. Ce dernier article codifie un principe de droit international public.
[9] M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public, Dalloz, 12ème éd., 2002 p 234.
[10] M. Hauriou, note sous T. confl., 9 décembre 1899, Association canal de Gignac c. Ducornot, S, 1900 III, p. 51, « Un établissement privé marche librement, mais il court le risque d’être mis en liquidation par ses créanciers. S’il ne court plus ce risque, il devient un établissement public ».
[11] J. Rivero, « Le huron au Palais Royal, ou réflexion naïves sur le recours pour excès de pouvoir », D, 1962, Chronique VI, p. 39.
[12] C. Chamard-Heim, La distinction des biens publics et des biens privés. Contribution à la définition de la notion de biens publics, Dalloz, Nouvelle bibliothèque de Thèses, vol. 33, 2002, p. 489.
[13] Cass. civ., 1ère, 21 décembre 1987, BRGM c. SA Lloyd continental, RFDA, 1988, p. 771, concl. L. Charbonnier, note B. Pacteau ; JCP, 1989 II. 21183, obs, B. Nicod ; RTD civ, 1989, p. 145. Note R. Perrot ; CJEG, 1988, Note L. Richer, p. 107.
[14] Le droit français a codifié ce principe à l’article L.2311-1 N° Lexbase : L4615IQY du code général de la propriété des personnes publiques et à l’article L.111-1 N° Lexbase : L5789IRT du code des procédures civiles d’exécution
[15] M. Kamto, « La participation des personnes morales africaines de droit public à l’arbitrage OHADA », in P. Fouchard (dir.), L’OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique, Travaux du Centre René-Jean DUPUY, Vol. I, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 94.
[16] U. Armel Ibono, « L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public à l’épreuve de la pratique en droit OHADA », Revue de l’Ersuma, n°3- septembre 2013, p. 45.
[17] CCJA, Ass. plén., 11 novembre 2014, n°136/2014, aff. Agence pour la Sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar, dite ASECNA c/ Collectif des ex-employés de I' ASECNA N° Lexbase : A1248WRN.
[18] CCJA., 1ère ch., 28 mai 2020, n° 182/2020, aff. PRESAN-KL (Projet de Renforcement de la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle dans la région de Koulikoro) c/ Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce-Mali SA (BSIC-Mali-SA) N° Lexbase : A41653W8.
[19] C. Brenner, « Renonciation à l’immunité d’exécution étatique : vérité un jour erreur le lendemain », Gaz, pal., 5 sept. 2015, n°248, p. 13.
[20] M. Nioche, « Le retour de l'exigence de "spécialité" de la renonciation à l'immunité d'exécution des représentations diplomatiques », Gaz. pal., 2018, n°17, p. 81.
[21] Cet article dispose que « des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution forcée ne peuvent être mises en œuvre sur les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique des États étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales qu'en cas de renonciation expresse et spéciale des États concernés »
[22] B. Chenot, L’organisation économique de l’État, Dalloz, 1965, p. 303.
[23] A. Delion, « la notion d’entreprise publique », AJDA, 1979, p.5 ; F-M. Sawadogo, « La question de la saisissabilité ou de l'insaisissabilité des biens des entreprises publiques en droit OHADA », op. cit., p. 143.
[24] De manière non exhaustives, nous pouvons citer la loi n° 08-010 du 07 juillet 2008 de le République démocratique du Congo, La loi n°2017-011du 12 juillet 2017 de la République du Cameroun ou encore le décret n°2021-925/PRN/MF du 1er novembre 2021 de la République du Niger.
[25] D. Kadré, « L'immunité d'exécution des entreprises publiques en droit OHADA : la CCJA apporte une pierre à l'édifice de son régime », LEDAF, janvier 2007, n°1, p.2.
[26] M. Sawadogo, « La question de la saisissabilité ou de l'insaisissabilité des biens des entreprises publiques en droit OHADA », op. cit.
[27] CCJA, 3èmeCh., 26 avril 2018, n° 103/2018, aff. MBULU MUSESO c/ La société des Grands Hôtels du Congo S.A, N° Lexbase : A6317XMW
[28] CCJA, 1ère ch., 28 novembre 2019, n°267/2019, aff. Grégoire BAKANDEJA WA MPUNGU c/ Société des Grands Hôtels du CONGO N° Lexbase : A48673AI
[29] CCJA, 1ère ch., 26 novembre 2020, n° 367/2020 N° Lexbase : A76734W4.
[30] M-J-V. Kodo, « Sur le revirement de la jurisprudence de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA en matière d’immunité d’exécution », Pennant, janvier-mars 2019, n° 906, p.102.
[31] L. Jacquignon, « L’exécution forcée sur les biens des autorités et services publics », AJDA, 1958, p. 71 ; H. Moltusky, JCP 1958 II-10800, note sous CE., 13 décembre 1957, Société nationale de vente des surplus ; A. Délion, note sous CA Paris, 11 juillet 1984, AJDA, 1984, p. 625.
[32] B. Plessix, « L'éternelle jouvence du service public », JCP A, 24 octobre 2005, n°43-44, 1350.
[33] Y. Gaudemet, « La réforme du droit des propriétés publiques : une contribution », RJEP, avril 2005, n°608, act. 100075.
[34] S. S. Kuaté Tameghé, « Les mystères des articles 50 al.1 et 51 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution », Afrilex 2006, n° 5, pp. 177-212.
[35] À l’instar de l’article L. 2311-1 du code général de la propriété des personnes publiques français.
[36] CCJA, 1ère ch., 28 novembre 2019, n° 267/2019, N° Lexbase : A48673AI
[37] CCJA, 3ème ch., 24 juin 2021, n°139/2021, N° Lexbase : A75927BS
[38] A. Delion, « la notion d’entreprise publique », op. cit, p. 5.
[39] Y. Gaudemet, « L’entreprise publique à l’épreuve du droit public (domanialité publique, insaisissabilité, inarbitralité) », in L’Unité du droit. Mélanges en hommage à Roland Drago, Economica, 1999, p. 267.
[40] Ibid.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
Selon l’article 4.1 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et du GIE (AUSCGIE) N° Lexbase : A0024YT3 « (l)a société commerciale est créée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d’affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes dans les conditions prévues par l’Acte uniforme. La société commerciale doit être créée dans l’intérêt commun des associés ». Cette définition qui met en relief certains des principales caractéristiques des sociétés commerciales et des Groupements d’intérêt économique présente l’avantage de la concision même si la précision n’en est pas la qualité la plus éclatante. L’arrêt de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) n° 176/2023 du 26 octobre 2023 N° Lexbase : A45642ER éclaire justement sur les difficultés qui peuvent ressortir de la mise en œuvre de la définition de l’article 4.1 de l’AUSCGIE. Cet organe juridictionnel se trouvait saisi par la Société OMEIFRA Afrique S.A. qui avait été déboutée le 25 juin 2020 par la Cour d’appel d’Abidjan de son recours contre l’ordonnance rendue par le Tribunal de Commerce d’Abidjan. Le 21 janvier 2020, ce tribunal accordait à la SOTRA S.A. mainlevée de la saisie attribution de ses créances envers OMEIFRA Afrique S.A. Il est à souligner que cette mainlevée était sollicitée et obtenue au motif que sa bénéficiaire serait une entreprise publique couverte, de ce fait, par l’immunité d’exécution prévue à l’article 30 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution (AUPSRVE) N° Lexbase : A0099YTT. En décidant que la Cour d’appel d’Abidjan a jugé à tort que la société SOTRA S.A. bénéficie de l’immunité d’exécution, la CCJA apporte une contribution non négligeable au débat sur la qualification de société commerciale. Cette question centrale est abordée dans l’arrêt n° 176/2023 que cette juridiction rendra le 21 janvier 2020 en deux mouvements dont le premier rappelle et renforce la règle de l’article 30 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A0099YTT qui permet la détermination des bénéficiaires de l’immunité d’exécution (I) pendant que le second revient à préciser la portée dudit article 30 en densifiant la définition contenue à l’article 4.1 de l’AUSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 (II).
I. La détermination des bénéficiaires de l’immunité d’exécution
Il convient tout d’abord de rappeler que le législateur OHADA n’a pas expressément énuméré les bénéficiaires de l’immunité d’exécution. En effet, aucune catégorie juridique précise n’est désignée à l’alinéa 1er de l’article 30 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A0099YTT qui dispose que « (l)’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution ». Le législateur communautaire ne s’est donc pas prononcé de façon catégorique sur la question de l’identification exacte des bénéficiaires légaux de cette immunité d’exécution. Toutefois, cette apparente lacune ne résiste pas à la lecture combinée des alinéas suivants dans lesquels la compensation est posée comme un mode d’extinction des dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public ou des entreprises publiques. C’est ainsi qu’il est disposé, aux alinéas 2 et 3, que « (t)outefois, les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public ou des entreprises publiques, quelles qu’en soient la forme et la mission, donnent lieu à compensation avec les dettes également certaines, liquides et exigibles dont quiconque sera tenu envers elles, sous réserve de réciprocité.
Les dettes des personnes et entreprises visées à l’alinéa précédent ne peuvent être considérées comme certaines au sens des dispositions du présent article que si elles résultent d’une reconnaissance par elles de ces dettes ou d’un titre ayant un caractère exécutoire sur le territoire de l’État où se situent lesdites personnes et entreprises ».
Dès lors, le recours par le législateur OHADA aux formulations « personnes morales de droit public » et « entreprises publiques » ne laisse que peu de doutes sur l’identification des bénéficiaires de l’immunité d’exécution. En fait, les entreprises et personnes publiques disposent d’un patrimoine distinct. Ces structures qui participent à la vie économique peuvent être amenées à accroître leur actif ou leur passif à l’occasion de telle ou telle autre opération ou activité. Bénéficiant d’un statut dérogatoire de droit commun, les entreprises publiques ne peuvent se trouver contraintes à exécuter leurs obligations en cas de manquements à leurs engagements. Il en ressort donc que, dérogeant au droit commun selon lequel tout débiteur peut être saisi[1], les entreprises publiques ou les personnes morales de droit public ne peuvent être soumises aux procédures d’exécution forcée et aux mesures conservatoires prévues par l’AUPSRVE. Cette situation suppose qu’elles obéissent, du point de vue de leur organisation et de leur fonctionnement, aux règles exorbitantes de droit public. Il en va de même de leur régime contentieux dans la mesure où les litiges dont elles sont parties prenantes relèvent du juge administratif.
Ainsi, alors que l’article 28 alinéa 1 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A0099YTT renforce le principe en disposant qu’« à défaut d’exécution volontaire, tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, dans les conditions prévues par le présent Acte uniforme, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits », l’article 30 du même texte établit une exception par laquelle les débiteurs personnes morales de droit public échappent à l’application de cette règle. Il faut dire que la continuité du service public, la soumission des deniers publics aux règles de la comptabilité publique, la souveraineté[2], l’indépendance et l’égalité des États sont, probablement, autant de raisons qui ont sous tendu l’immunité d’exécution des entreprises publiques ou des personnes morales de droit public[3]. Cette exception rappelée par la société SOTRA S.A. n’est pas ignorée par la CCJA qui, loin de se contenter de la rappeler, l’interprète déterminant ainsi sa portée.
II. La portée de l’article 30 de l’AUPSRVE
Bien que l’article 30 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A0099YTT accorde une immunité d’exécution aux entreprises publiques et aux personnes morales de droit public, ce texte ne donne aucune précision sur ces bénéficiaires. À ce stade, il convient de souligner que les personnes morales de droit public, les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) et les entreprises dites publiques obéissent en principe à un régime juridique de droit privé. Se pose alors la question de leur intégration dans le champ de l’immunité d’exécution en droit OHADA. Cette interrogation conduit à se pencher, soit sur la définition de la société commerciale afin de déterminer si l’entreprise publique qui présente les mêmes caractéristiques est exclue de l’application de l’article 30 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A0099YTT, soit sur la manière dont le législateur communautaire appréhende les entreprises publiques pour en déduire quelles entreprises publiques peuvent ne pas bénéficier de l’immunité d’exécution.
Rappelons que, quand bien même les EPIC sont régies par les règles de droit privé, les règles de droit public n’y sont pas persona non grata. Faut-il alors considérer que leur soumission à l’empire du droit privé les fait entrer sous le règne du principe de poursuite du débiteur suite auquel tout débiteur est susceptible de faire l’objet de mesures de recouvrement forcé ? Pour apporter davantage de confusion, l’article 4.1 de l’AUSCGIE N° Lexbase : A0024YT3 n’apporte pas davantage de précisions. En effet, en l’absence de clarté dans la détermination sur les bénéficiaires de l’immunité d’exécution, il ne serait pas absurde de se tourner vers la définition de la société commerciale pour en extraire les critères sur la base desquels considérer qu’une entreprise publique serait exclue du bénéfice de l’article 30 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A0099YTT. L’Acte uniforme sur les sociétés commerciales propose une définition de ces sociétés qui met en relief les critères de l’accord contractuel comme acte de naissance de la société commerciale ; l’affectation de ressources à une activité ; l’engagement des associés et l’objectif de réaliser et partager des bénéfices ou des économies. Ses critères sans doute volontairement larges semblent conçus pour laisser une certaine marge de manœuvre au juge communautaire qui ne se fait pas prier pour en faire usage[4]. L’arrêt de la CCJA, 26 octobre 2023, n° 176/2023 N° Lexbase : A45642ER offre une illustration de l’utilisation de cette marge de manœuvre pour interpréter le droit OHADA. En l’absence, à la fois, d’une détermination claire de l’entreprise publique bénéficiaire de l’immunité d’exécution, et, de critères catégoriques de définition de la société commerciale exclue du champ d’application de l’article 30 de l’AUPSRVE[5], l’instance judiciaire de l’OHADA a élaboré un raisonnement qui revient à déterminer la portée de l’immunité d’exécution. Épousant l’argumentaire de la Société OMEIFRA Afrique S.A, la CCJA s’appuie sur les dispositions des articles 1 et 3 de l’AUSCGIE N° Lexbase : A0024YT3. Ces textes prévoient que les sociétés commerciales, même associées à un État ou une personne morale de droit public, dont le siège est situé sur le territoire de l’un des États-parties au Traité de l’OHADA, sont soumises aux dispositions de l’AUSCGIE N° Lexbase : A0024YT3. Cette approche met en exergue un critère relativement inédit : l’activité commerciale. Sous ce prisme, sont rendus inopérants les arguments tirés de l’objet social et de la portion du capital détenu par l’État, quand bien même cette portion lui conférerait le contrôle de la société. Ainsi, en adossant son analyse sur les statuts de la Société SOTRA S.A. la CCJA a estimé que l’activité commerciale de cette société la rend inéligible au bénéfice de l’immunité d’exécution de l’article 30 de l’AUPSRVE N° Lexbase : A0099YTT. Ce faisant, le juge OHADA contribue significativement à la détermination de la portée dudit article et étoffe les critères de détermination de la société commerciale en droit OHADA.
[1] Il est à noter que l’immunité d’exécution de l’article 30 AUPSRVE N° Lexbase : A0099YTT n’est pas le seul obstacle légal au recouvrement forcé, voir J. Fometeu, “Théorie générale des voies d’exécution”, in Paul-Gérard Pougoué (dir.) Encyclopédie du droit OHADA, éd. Lamy, 2011, n°69, p. 2078.
[2] C. Brenner (dir.), Le droit de l’exécution forcée : entre mythe et réalité, Paris, Éditions Juridiques et Techniques, 2007, n°90, p. 58.
[3] F-M. Sawadogo, « La question de la saisissabilité ou de l’insaisissabilité des biens des entreprises publiques en droit OHADA », Penant, n°860, juil.-sept. 2007, p. 312.
[4] E. Kagisye, « Environnement juridique des affaires en Afrique : Système juridique et judiciaire de l’OHADA », 2017, ffhal-01495642, p. 8, disponible [en ligne], « (d)’un autre côté, il y a l’autonomie d’interprétation qui concerne la signification à retenir pour les notions de droit communautaire, c'est-à-dire les qualifications juridiques. [Dans son arrêt n° 13 du 18 avril 2002, Ohadata J-02-66 obs. Joseph Issa-Sayegh, La Cour commune a réaffirmé […] l’autonomie de l’ordre juridique OHADA. »
[5] D-C. Kolongele Eberande, « Immunité d’exécution, obstacle à l’exécution forcée en droit OHADA contre les entreprises et personnes publiques ? », in Revue juridique et politique des Etats francophones (ISSN 1766-2516), 2014, p. 173
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
Utilisation des cookies sur Lexbase
Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.
Parcours utilisateur
Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.
Données analytiques
Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.