Après un chantier de près de trois ans durant lequel les créanciers et les praticiens ont pu partager leurs expériences et observations, les États parties à l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) ont adopté le 17 octobre 2023 à Kinshasa le texte révisant l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution (AUPSRVE) N° Lexbase : A6607134.
Le dispositif législatif encadrant le recouvrement des créances au sein de la zone OHADA a été établi par l'Acte uniforme précédent, adopté le 10 avril 1998 N° Lexbase : A0099YTT. Cependant, son efficacité pratique a été largement critiquée. Parmi les dispositions sujettes à débat, l'article 30 concernant les immunités d'exécution. Cet article avait suscité des discussions en raison de sa rédaction peu claire et lacunaire. Cette ambiguïté a entraîné d'importantes difficultés d'interprétation et de mise en œuvre dans l'ensemble des pays membres de l'OHADA.
Peu de projets d'envergure en Afrique, tels que l'énergie, l'infrastructure, les mines, etc., se déroulent sans l'implication de l'État ou d'au moins un acteur public. Dans ce contexte, les immunités d'exécution accordées aux entités publiques en raison de leur personne (par exemple, la collectivité publique) ou de leur activité (par exemple, le titulaire du service public) ont parfois été perçues comme un obstacle à un climat des affaires serein ou attractif. En effet, bien que l'AUPSRVE ne définisse pas l'expression « immunité d'exception », il est communément admis qu’elle s’interprète comme un obstacle aux mesures mises en place pour recouvrer une créance. En précisant les conditions dans lesquelles un investisseur, qu'il soit national ou international, peut obtenir le paiement de la dette qu’il détient à l’encontre d’une entité publique, le nouvel Acte uniforme contribue à une meilleure compréhension des relations contractuelles entre le secteur public et le secteur privé en Afrique ; une clarification particulièrement utile et qui devrait faciliter certaines négociations avec les États.
Par ailleurs, l'immunité d'exécution a contraint certains créanciers à recourir à des mécanismes de compensation alternatifs, parfois onéreux, afin de se prémunir contre le risque de défaut des entités publiques (telles que l'assurance, la lettre de confort, la lettre de crédit, la garantie gouvernementale, etc.). La clarification du régime de l'immunité au sein de l'espace OHADA était donc grandement attendue.
Conformément à l'article 9 du Traité OHADA N° Lexbase : A9997YS3 et aux dispositions transitoires et finales de l’Acte uniforme, le nouveau texte est entré en vigueur le 16 février 2024, soit quatre-vingt-dix jours après sa publication au Journal officiel de l’OHADA. Pour les besoins de notre analyse, on retiendra qu’en matière d’immunité d’exécution, le nouveau droit du recouvrement OHADA consacre notamment les points clés suivants :
Restriction de l’immunité d’exécution aux personnes morales de droit public
L'Acte révisé apporte d'abord une clarification en ce qui concerne les bénéficiaires de l'immunité d'exécution, en les restreignant aux personnes morales de droit public, définies comme « notamment l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics » (art. 30, al. 1er). En effet, l'ancien AUPSRVE ne précisait pas l'identité des bénéficiaires potentiels de l'immunité d'exécution, ce qui a généré de l'ambiguïté pour de nombreux investisseurs. Nous saluons donc la nouvelle formulation de l'acte qui limite l'immunité aux entités publiques.
Le terme « notamment » suggère que la liste des personnes morales de droit public n'est pas exhaustive. Dans une jurisprudence antérieure à l'Acte uniforme révisé, la Cour commune de justice et d'arbitrage a exclu du régime d'immunité les sociétés commerciales dont le capital est détenu par une personne morale de droit public (v. CCJA, 29 avril 2021, n° 076/2021 N° Lexbase : A335143I, entre les membres du collectif ex-personnel de la société ENERCA SA contre la Société Énergie Centrafricaine).
Possibilité de renonciation expresse par les personnes publiques à l’immunité d’exécution
Les récentes modifications apportées à l'alinéa 1 de l'article 30 de l'AUPSRVE ouvrent la voie à l'insertion de clauses de renonciation expresse à l'immunité d'exécution dans les accords conclus avec les entités publiques. Cette évolution représente une avancée significative pour l'attrait des transactions au sein de la zone OHADA, car l’ancienne rédaction ne prévoyait qu'un seul assouplissement au principe de l'immunité d'exécution, à savoir la compensation des dettes réciproques.
Auparavant, l'absence d'un cadre légal clair suscitait des incertitudes quant à la validité et à l'efficacité des clauses de renonciation aux immunités en droit OHADA, bien qu'elles aient déjà été acceptées dans la pratique. Par exemple, les banques commerciales et multilatérales incluaient déjà des stipulations écrites de renonciation expresse aux immunités d'exécution (et de juridiction !) de la part de l'État dans leurs documents de financement, tels que les accords directs et les garanties publiques.
Il est cependant important de noter que l'AUPSRVE révisé maintient l'exigence d'une renonciation expresse à l'immunité d'exécution sans préciser ses modalités. En comparaison, la Convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des États requiert que le consentement porte expressément sur une affaire ou une matière déterminée, excluant toute renonciation générale. Bien que ce consentement puisse être exprimé dans un accord international, un contrat écrit, une déclaration devant le tribunal, ou une communication écrite dans une procédure spécifique (Convention des Nations unies, article 7, § 1), il est souligné que la simple participation à une procédure judiciaire ne constitue pas une renonciation (CCJA, 11 novembre 2014, n° 136/2014 N° Lexbase : A1248WRN).
L’inscription des créances au budget de la personne publique
Le premier paragraphe du nouvel article 30-1 de l'AUPSRVE révisé prévoit que les créances contractées par les personnes morales de droit public et constatées par un titre exécutoire ou résultant d'une reconnaissance de dette, peuvent être inscrites dans le budget de la personne concernée. Ainsi, un créancier a la possibilité de mettre en demeure l'organe dirigeant ou l'autorité compétente en vue d'obtenir un remboursement. Si cette mise en demeure reste sans effet après un délai de trois mois, le créancier peut alors demander une inscription d'office dans les comptes de l'exercice et dans le budget de la personne publique débitrice, au titre des dépenses obligatoires.
Cette demande d’inscription devra être adressée au ministre chargé des Finances et se composera des pièces justificatives de la créance (titre exécutoire ou reconnaissance de dette, et preuve de la mise en demeure). Les créances inscrites porteront de plein droit intérêt au taux légal en vigueur à compter de la mise en demeure.
Bien que ces dispositions soient favorables aux créanciers, leur efficacité devra néanmoins être démontrée à la lumière des contraintes administratives et budgétaires spécifiques à chaque État partie. Seul le temps permettra d'évaluer la mise en œuvre du nouvel AUPSRVE.
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Après vingt-cinq années d’application, le législateur OHADA a jugé nécessaire de réviser l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution dans l’espace OHADA.
Le nouveau texte issu de cette révision a été adopté le 17 octobre 2023 N° Lexbase : A6607134, avant d’être publié au Journal officiel de l’OHADA en date du 15 novembre 2023.
Conformément à son article 338 qui renvoie à l’article 9 du Traité OHADA révisé N° Lexbase : A9997YS3, le nouveau texte de l’AUPSVRE est entré en vigueur le 16 février 2024, dans les dix-sept États membres de l’OHADA, soit trois mois après sa publication au Journal officiel.
Ainsi, le nouvel Acte uniforme abroge et remplace son prédécesseur qui a été adopté le 10 avril 1998 N° Lexbase : A0099YTT. Le texte du 17 octobre 2023 n’étant pas rétroactif, les dispositions de l’ancien texte demeurent applicables aux procédures simplifiées de recouvrement et aux voies d’exécution engagées antérieurement à la date du 16 février 2024. En revanche, les procédures de recouvrement et d’exécution engagées à partir de cette date devront l’être en application des dispositions nouvelles.
Par ailleurs, l’Acte uniforme réserve l’applicabilité des conventions internationales. Il précise, en son article 336, qu’en dehors des cas où il est renvoyé aux conventions internationales, seules les dispositions du nouvel Acte uniforme sont applicables aux procédures et mesures qui relèvent de son champ matériel (art. 336). Cette même disposition réserve également les hypothèses de renvoi aux règles applicables dans les États membres. Cela signifie-t-il qu’en l’absence de renvoi exprès aux conventions ou aux lois étatiques dans le corps de l’Acte uniforme, ce dernier seul s’applique ? Il semble bien en être ainsi, même si les hypothèses de renvoi à des conventions internationales demeurent particulièrement rares.
Cette révision est résolument tournée vers la simplification, la sécurisation et la modernisation des procédures de recouvrement et voies d’exécution. Elle a entraîné de nombreuses innovations parmi lesquelles, l’insertion d’un chapitre préliminaire portant les dispositions communes. Ce chapitre précise le champ d’application de l’Acte uniforme (art. 1er) et porte pas moins d’une vingtaine de définitions (art. 1-1) des termes essentiels employés dans le texte.
L’innovation dans ce premier chapitre concerne également la forme des actes. Dans les conditions fixées par l’Acte uniforme, les actes dressés en vue de la conservation ou du recouvrement des créances peuvent désormais être établis sur support électronique (art. 1-5) et transmis par la même voie (art. 1-8). La forme des actes d’huissier est également harmonisée (art. 1-6). Bien évidemment, les innovations de l’acte uniforme ne s’épuisent pas dans ce premier chapitre, mais sa lecture permet d’entrevoir la ferme volonté du législateur de rénover en profondeur et de moderniser les procédures de recouvrement et les voies d’exécution dans l’espace OHADA.
Ainsi, le champ de la saisie des créances est également étendu. Des dispositions particulières sont affectées à la saisie de bétail. Une autre innovation majeure concerne l’extension de la saisie-attribution des créances et avoirs en monnaie électronique dont le débiteur peut disposer. Il s’agit plus précisément des « portefeuilles électroniques » qui ont connu un développement fulgurant dans les pays de l’espace OHADA. Les règles procédurales ont généralement fait l’objet d’une remise à niveau, en considération de l’expérience pratique acquise sous l’empire de l’ancien acte uniforme et essentiellement dans la perspective d’assurer l’efficacité, la célérité et la sécurité des procédures de recouvrement (qui sont donc davantage simplifiées) et des procédures d’exécution. Toutes ces innovations substantielles et procédurales de l’Acte uniforme révisé feront l’objet d’une analyse détaillée dans le prochain numéro de la présente revue. Précisons que l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution est celui qui suscite le plus de contentieux à l’analyse statistique des recours portés devant la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA.
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L’article 27 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage dispose que « la juridiction compétente statue dans les trois mois de sa saisine. Lorsque ladite juridiction n’a pas statué dans ce délai de trois mois, elle est dessaisie et le recours peut être porté devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage dans les quinze (15) jours suivants ». Dans son arrêt du 13 juillet 2023, n° 171/2023, la CCJA apporte d’utiles précisions quant à l’application de cette disposition. Elle met également en exergue une méthode particulière de comblement des lacunes du droit OHADA.
Aux termes de l’article 27 de l’AUA, la juridiction saisie d’un recours contre une sentence arbitrale et qui n’a pas statué dans un délai de trois mois, est dessaisie au profit de la CCJA. Néanmoins, cette disposition ne précise pas le point de départ de ce délai. C’est justement sur ce point de départ et plus généralement sur la computation du délai que s’intéresse le présent arrêt.
Pour apprécier le point de départ du délai de trois mois dans lequel la juridiction doit statuer, la CCJA procède à une comparaison des dispositions nationales pertinentes en matière de procédure civile. Le litige au principal ayant été porté devant les juridictions ivoiriennes, la CCJA se réfère aux règles nationales ivoiriennes de compétences en vue de combler cette lacune sur le point de départ du délai. Elle déduit ainsi de la combinaison de plusieurs dispositions concordantes issues du Code ivoirien de procédure civile et de la loi ivoirienne relative aux juridictions de commerce, qu’aucune juridiction ivoirienne ne peut commencer à instruire une affaire avant la date fixée pour la première audience.
La cour juge, en conclusion, que « la notion de date de saisine prévue par l’article 27 AUA doit être entendue, en République de Côte d’Ivoire, comme celle à laquelle la juridiction nationale peut légalement commencer l’instruction de son dossier, à savoir la date de la première audience ». Ce faisant, la CCJA use de ce qu’on pourrait considérer comme une application d’une méthode du « tronc commun » au sein même des dispositions du for en matière de procédure civile.
Il en résulte que le délai de trois mois prévus à l’article 27 commence à courir à compter du jour où le recours en annulation de la sentence arbitrale est appelé pour la première fois à l’audience. La cour précise à titre complémentaire que ledit délai expire le jour qui porte le même quantième dans le dernier mois (c’est-à-dire le troisième mois). Ainsi, à titre d’exemple, l’affaire appelée à l’audience du 23 décembre doit être vidée le 23 mars. En application de l’article 27 de l’AUA, la juridiction d’appel qui statue le lendemain de cette date, soit le 24 mars, l’a fait hors délai. Celle-ci est donc dessaisie au profit de la CCJA.
Précisions d’abord qu’en application de l’article 28 de son règlement de procédure, la CCJA relève d’office le dessaisissement de la juridiction nationale pour excès de pouvoir. Elle observe en ce sens que l’excès de pouvoir, prévu à l’article 28 bis du règlement de procédure, sanctionne la décision prise par une juridiction en dehors de ses attributions juridictionnelles, notamment lorsqu’elle méconnaît les limites de sa saisine, soit parce qu’elle n’est pas encore saisie, soit parce qu’elle ne l’est plus.
Par ailleurs, il résulte de cet arrêt que l’appréciation du point de départ d’un délai imparti à une juridiction nationale par les Actes uniformes pour statuer sur une affaire doit être appréciée par le biais d’une comparaison des règles pertinentes en matière de procédure civile. Par conséquent, ce point de départ peut être différent en fonction des dispositions de l’État dans lequel la procédure au fond se tient.
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Solution : Une cession d’actions effectuée à la suite d’une décision émanant d’un organe de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances ne relève ni des Actes uniformes de l’OHADA, ni des Règlements prévus par le Traité OHADA, mais plutôt du droit des assurances régies par le Traité CIMA. Une telle cession serait par conséquent exclue de la compétence des juridictions nationales.
Observations : Les recoupements entre les domaines de compétences des multiples organisations régionales du droit en Afrique sont fréquents. À l’heure actuelle, en l’absence de règles de solutions des conflits de conventions, l’articulation des compétences s’effectue essentiellement selon les principes du « bon voisinage ». La CCJA de l’OHADA évite ainsi régulièrement d’empiéter sur le domaine couvert par les organisations voisines. Mais ce rapport de bon voisinage saurait-il perdurer ? C’est l’une des questions, parmi tant d’autres, que soulève l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt n° 101/2023 de la CCJA. L’arrêt rapporté offre ainsi à la Haute Cour de l’OHADA une nouvelle opportunité de se prononcer sur la question de l’applicabilité des dispositions issues de son organisation à la matière des assurances.
L’articulation des dispositions de l’OHADA avec celles de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (CIMA) suscite de nombreuses questions. L’espace de ces quelques observations serait évidemment trop étroit pour les épuiser. Il suffit néanmoins de relever que la CCJA a pu intervenir sur les liens multiples entre les Traités qui mettent en place les deux organisations. C’est précisément à propos de l’application du Code CIMA qu’elle rendit son arrêt de principe en date du 16 mai 2013, dont il ressort en substance que « l’article 10 du Traité OHADA qui dispose que "les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les États parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure" n’est pas applicable lorsque la norme est issue d’une convention internationale[1] ». Elle jugeait également, par un arrêt du 29 mars 2018, que le contentieux relatif à la gouvernance des sociétés d’assurance est régi par le Code CIMA et ne soulève aucune question relative à l’application des Actes uniformes[2]. D’autres arrêts se sont intéressés à la matière de l’arbitrage[3], ou à la résiliation d’un contrat entre une société d’assurance et une société commerciale[4]. Les décisions concernant les rapports entre le Code CIMA et les actes uniformes font donc légion.
L’arrêt rapporté présente cependant quelques particularités. Le litige au principal implique une société financière et une société d’assurances qui détiennent toutes les deux des actions dans une seconde société d’assurances. En 2010, la première société d’assurances rencontrait des difficultés ayant donné lieu à plusieurs mesures à son égard en vue de son redressement. L’assemblée générale de la seconde société d’assurances décida alors, à l’unanimité, de céder les actions détenues en son sein par la société en difficulté. La cession avait été autorisée par la Commission régionale de contrôle des assurances (CRCA) qui est un organe de la CIMA. Soulignons en revanche que l’acte de cession des actions de la société est réalisé par les parties et postérieurement à l’autorisation de la CRCA.
La société financière, coactionnaire de la société d’assurances dont les actions ont été cédées, assigna la société d’assurances qui avait initié l’opération de cession ainsi que la seconde société financière cessionnaire. Devant le tribunal de commerce d’Abidjan, cette société financière souhaitait, d’une part, entendre prononcer la nullité de la délibération de l’assemblée générale décidant la cession et, d’autre part, celle de la cession d’actions qui s’ensuivit. Sa demande a été partiellement accueillie par ce tribunal. Par la suite, la cour d’appel de commerce d’Abidjan infirma le jugement querellé et se déclara incompétente au motif que la cession en question relevait de la compétence des organes de la CIMA.
C’est cette incompétence déclarée par la cour d’appel qui est l’objet du pourvoi devant la CCJA. Deux questions essentielles étaient soulevées dans ce pourvoi. La première était relative à la qualification de l’acte de cession : s’agit-il d’actes de commerce au sens de l’article 3 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général N° Lexbase : L3037LGL ? La seconde était quant à elle relative à la compétence de la juridiction nationale du fond et, par voie de conséquence, celle de la CCJA. Ces juridictions peuvent-elles connaître d’une cession d’actions autorisée par un organe de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances ? Précisons à titre liminaire que l’acte de cession d’actions en lui-même se distingue de l’acte de l’organe de la CIMA qui l’autorise. Il convient d’abord d’analyser la qualification de la cession d’actions d’une société d’assurances devant la CCJA, avant d’évoquer la compétence des juridictions nationale et de la CCJA pour en connaître.
Sur la qualification de la cession d’actions. La question soumise à la CCJA était de savoir si une cession d’actions d’une société d’assurances autorisée par un organe de la CIMA peut être qualifiée d’acte de commerce en application de l’article 3 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général (AUDCG), précité. La réponse à cette première question était déterminante quant à l’issue de l’affaire soumise à la CCJA. En effet, la qualification d’actes de commerce impliquerait l’application des Actes uniformes et, par voie de conséquence, la compétence de la CCJA en cassation. Pourtant la CCJA ne semble pas avoir jugé nécessaire de lui apporter une réponse. Toutefois, en raison de son importance, cette qualification de l’acte de cession mérite, en notre sens, une certaine attention. L’on se demande en effet si le simple fait que l’activité d’une société d’assurances soit soumise au Code CIMA est de nature à justifier son exclusion du champ de la commercialité défini à l’article 3 de l’AUDCG. Certes, à la lecture de l’article 330 du Code CIMA, « les sociétés d’assurance mutuelle ont un objet non commercial ». Par ailleurs, la CCJA a pu affirmer qu’une question relative à la gouvernance d’une société d’assurances mutuelle n’est pas régie par l’acte uniforme sur les sociétés commerciales, mais par le Code CIMA[5]. La Cour ajoutait cependant qu’au-delà du fait que la société d’assurances soit régie par le Code CIMA, le litige ne soulevait « aucune question relative à l’application d’un acte uniforme ». L’on en déduit qu’il n’est pas exclu qu’un litige puisse être partiellement régi par le Code des assurances et soulève en même temps des questions relatives à l’application des Actes uniformes. C’est cette problématique qui était justement l’objet de la question soumise à la CCJA.
Le nœud du problème réside en effet dans le point de savoir si les actes accomplis dans le cadre de cette activité d’assurance peuvent être qualifiés d’« actes de commerce » au sens de l’article 3 de l’AUDGC. L’on se demande plus généralement, si l’activité d’assurance et celle des sociétés d’assurances dans l’espace OHADA peuvent se voir appliquer les Actes uniformes. Dans le présent arrêt, la CCJA n’a pas répondu à cette question ; mais, à l’analyse attentive des différentes affaires traitées par cette juridiction relativement à la matière de l’assurance, force est de remarquer que le problème ne réside pas plus dans l’applicabilité ou l’inapplicabilité des Actes uniformes à cette matière que dans la volonté ou, plus précisément, le défaut de volonté de la Cour d’appliquer la législation issue de cette organisation internationale spécialisée.
Sa jurisprudence sur le sujet est constante et abondante. Elle se traduit généralement par une réticence de la CCJA, voire un refus catégorique d’appliquer le Code CIMA[6]. C’est cette réticence que confirme la Cour dans le présent arrêt. Elle ignore purement et simplement la question de la qualification d’une cession d’actions d’une société d’assurances au regard de l’article 3 de l’AUDCG, alors même qu’elle relève que le « moyen unique [est] tiré de la violation » de cette disposition.
Réticente à répondre à la question de la qualification de la cession des actions d’une société d’assurances, la Cour transfère le problème sur la compétence.
Sur la compétence. La CCJA ne se limite pas à écarter sa compétence. En réalité, elle va au-delà de ce que lui permet sa propre compétence. La Cour observe tout d’abord que la cession d’actions a été réalisée à la suite d’une décision émanant d’un organe de la CIMA. Elle relève ensuite que l’approbation donnée par cet organe de la CIMA empêche que la validité de la cession soit mise en cause devant les juridictions nationales. Cette dernière affirmation est doublement étonnante.
En effet, la Cour relève tout d’abord qu’« il est établi que la cession d’actions a été faite à la suite d’une décision émanant de la CRCA, un organe de la Conférence Internationale des Marchés d’Assurances, dite CIMA ». Il en résulte que la décision autorisant la cession est antérieure à l’acte de cession en lui-même. La Cour relève ensuite que cette autorisation « donnée par la Commission quant à cette cession, empêche que la validité de ladite cession soit mise en cause devant les juridictions nationales ». L’on, se demande alors devant quelle autorité juridictionnelle la régularité de la cession pourra être contestée.
En effet, l’acte de l’organe de la CIMA autorisant la cession se distingue de l’acte de cession. Or, si la CIMA prévoit les voies de recours contre les actes pris par ses organes, elle ne propose aux particuliers aucune voie pour contester les actes accomplis en application des actes desdits organes. Les deux étant distincts, ces derniers ne pourraient être contestés que devant les juridictions nationales.
Le raisonnement de la Cour ne manque pas d’étonner. Pour exprimer l’incompétence des juridictions nationales pour connaître d’un tel acte de cession, la CCJA applique l’article 48 du Traité CIMA. Or, elle se refuse habituellement d’appliquer les dispositions issues de cette organisation. Le plus étonnant reste néanmoins le fait que la CCJA se prononce directement sur la compétence des juridictions nationales alors même qu’elle se déclare incompétente pour connaître de la situation considérant qu’elle ne présenterait aucun lien avec le droit OHADA. Ce faisant, la Cour outrepasse ses compétences, car dans la mesure où elle se déclare incompétente pour connaître de l’affaire qui lui est soumise, elle ne pouvait pas au surplus se prononcer sur la compétence des juridictions nationales. Cette question de la compétence des juridictions nationales ne relève ni des attributions de la CCJA, encore moins du domaine des Actes uniformes, mais de l’autonomie institutionnelle et procédurale des États membres.
Par ailleurs, l’on remarquera non seulement que, dans cette affaire, la CCJA outrepasse ses propres compétences, mais elle consacre également une lecture de l’article 48 du Traité CIMA qui nous paraît erronée. En effet, cette disposition prévoit que « la validité des actes établis par les organes de la Conférence ne peut être mise en cause que devant le Conseil par voie d’action dans un délai de deux mois à compter de leur publication ou de leur notification ». Il semble toutefois que l’applicabilité de cette disposition suppose que la contestation porte elle-même sur l’acte établi par l’organe de la CIMA. Ce n’était pas le cas en l’espèce. En effet, le litige ne portait pas directement sur la validité de l’acte établi par la CRCA, mais sur la cession d’actions consécutive à cette autorisation. Or, l’autorisation de la cession par un organe de la CIMA ne préjuge pas nécessairement de la validité de cette cession. Il ressort ainsi de cette lecture que cette disposition n’exclut pas la compétence des juridictions nationales pour apprécier la validité de la cession des actions en elle-même, ce qui n’implique aucunement l’appréciation de la validité de la décision de la CRCA qui la précède.
[1] CCJA, 16 mai 2013, n° 040/2013 N° Lexbase : A6945WQB
[2] CCJA, 29 mars 2018, n° 067/2018 N° Lexbase : A4707XLW
[3] CCJA, 27 juin 2019, n° 195/2019 N° Lexbase : A8568ZZD
[4] CCJA, 20 mars 2017, n° 040/2017 N° Lexbase : A1632WLZ
[5] CCJA, 1re ch., 29 mars 2018, n° 067/2018 N° Lexbase : A4707XLW
[6] V. en ce sens, CCJA, 6 décembre 2011, n° 026/2011 N° Lexbase : A3643WQY
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CCJA, 2e ch., 29 juin 2023, n° 141/2023 N° Lexbase : A79862D7
►Solution : Dans le présent arrêt, la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA précise que le gel du financement de travaux confiés à une d’entreprise par une organisation internationale et leur suspension entre 2008 et 2012 en raison de la prise du pouvoir par l’Armée guinéenne, constitue un cas de force majeure. Elle serait ainsi une cause d’exonération de responsabilité ayant pour conséquence, entre autres, de suspendre les effets du contrat liant les parties.
L’espace OHADA traverse une série de coup d’État militaire sans précédent depuis 2020. Ces évènements ont nécessairement des impacts en matière contractuelle et la CCJA nous les livre dans l’arrêt rapporté. En l’espèce un GIE avait ouvert des comptes dans une banque pour recevoir les paiements d’un marché financé par l’Union européenne (UE). En fournissant une garantie de bonne exécution à l’UE, la banque avait obtenu du GIE plusieurs sûretés notamment des cautionnements. Mais, à cause de la prise du pouvoir par l’Armée, le financement a été suspendu. Malgré cette situation, la banque assignait le GIE en paiement d’agios et frais échus durant la période de suspension du financement. La Cour d’appel, à la différence du tribunal, refusait d’accéder à cette demande. La banque faisait dès lors grief à l’arrêt d’appel d’avoir violé l’article 13 de l’Acte uniforme portant organisation des suretés N° Lexbase : A0084YTB en ce qu’il n’a pas fait supporter par les cautions personnelles et solidaires les frais et agios. Saisie de l’affaire, la CCJA estime que la prise du pouvoir par l’Armée, ayant eu pour conséquences le gel du financement, constitue un cas de force majeure, une cause d’exonération de responsabilité, ayant pour conséquence, entre autres, de suspendre les effets du contrat liant les parties. Donc, tout prélèvement de frais de tenue de compte et agios opéré pendant cette période étant dépourvu de fondement, les cautions ne peuvent être appelées à réaliser leurs garanties au bénéfice de la banque.
En matière contractuelle, le coup d’État peut justifier une force majeure s’il a pour effet de suspendre l’exécution du contrat. Mais la suspension n’advient que si l’impossibilité d’exécuter le contrat est temporaire. Dans la période de suspension, le débiteur ne peut pas être poursuivi pour inexécution du contrat et toutes les clauses liées à l’inexécution ne peuvent être invoquées.
Toutefois, si le coup d’État n’a pas eu pour effet de rendre l’exécution du contrat impossible, le débiteur est tenu de poursuivre son exécution. Il convient par ailleurs de relever qu'en l’espèce, il était établi que le débiteur n'avait pas failli à ses obligations, en raison de la totale réalisation des travaux de réhabilitation des infrastructures sanitaires tels que spécifiés dans le contrat de marché.Par ailleurs, en matière procédurale, la CCJA s’est déjà prononcée sur la corrélation qui doit exister entre le coup d’État et l’impossibilité pour le débiteur de réagir. En effet, selon la haute cour, la simple invocation de l’embargo imposé par la CEDEAO au Mali à la suite des évènements liés au coup d’État intervenu dans ce pays ne saurait justifier un retard du recours en cassation. Par conséquent, il appartient au demandeur de démontrer les diligences entreprises et les difficultés avérées rencontrées pour faire parvenir son recours dans les délais imposés (CCJA, 2e ch. 3 novembre 2022, n° 159/2022 N° Lexbase : A9361889 ; CCJA, 3e ch. 24 juin 2021, n° 137/2021N° Lexbase : A75947BU).
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Dans cet arrêt, rendu le 26 octobre 2023, en assemblée plénière, par la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA, celle-ci s’intéresse à l’importante question de l’interprétation de ses propres arrêts.
Précisons tout d’abord qu’en l’absence de juridiction supérieure, les arrêts de la CCJA ne peuvent faire l’objet d’aucune voie de recours. Par ailleurs, les décisions de cassation rendues par cette Cour n’impliquent pas un renvoi devant les juridictions nationales d’appel. En cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond conformément à l’article 14, alinéa 5, du Traité OHADA révisé N° Lexbase : A9997YS3. Manifestement, cette configuration révèle toute l’importance du procédé des demandes en interprétation des arrêts de la CCJA organisé notamment par les nouveaux articles 45 bis et suivants du Règlement de procédure de cette Cour (Règlement n° 01/2014/CM/OHADA, du 30 janvier 2014, modifiant et complétant le règlement de procédure de la Cour commune de justice et d'arbitrage du 18 avril 1996).
Sur la procédure de demande en interprétation, la Cour précise tout d’abord qu’il résulte de la lecture des articles 45 bis, 23 et 27 du Règlement de procédure de la CCJA, que « la notification du recours en interprétation d’un arrêt de la CCJA à la partie adverse n’est pas une condition de recevabilité de celui-ci ». L’on en déduit que, lorsqu’il y a opposition sur le sens et la portée d’un arrêt de la CCJA, la partie la plus diligente peut porter un recours en interprétation de ladite décision devant la CCJA sans qu’une notification de ce recours à la partie adverse soit nécessaire. En effet, il est précisé à l’article 45 bis (nouveau) de ce Règlement qu’en cas de contestation sur le sens ou la portée du dispositif d’un arrêt de la CCJA, il appartient à la Cour de l’interpréter. Cette interprétation peut être demandée par toute partie dans les trois ans qui suivent le prononcé de la décision. Il appartient donc à l’une quelconque des parties de demander une telle interprétation dans le délai imparti. L’apport du présent arrêt réside dans la précision selon laquelle la notification à la partie adverse de cette demande en interprétation n’est pas une condition de recevabilité d’une telle demande. En revanche, la Cour statue par voie d’arrêt après avoir mis les parties en mesure de présenter leurs observations. Le principe du contradictoire est donc respecté.
L’article 45 bis (nouveau) du Règlement de procédures de la CCJA précise par ailleurs que la demande en interprétation, qui doit être présentée conformément aux articles 23 et 27 du même Règlement de procédures, doit en outre spécier : l'arrêt visé, bien évidemment, mais aussi la partie du dispositif de l'arrêt dont l'interprétation est demandée.
Sur l’interprétation de son propre arrêt, la Cour retient qu’il est reconnu que « seul le dispositif d’une décision de justice a une portée décisoire, à l’exclusion des motifs qui le soutiennent ». Elle apporte ainsi une importante précision à l’objet du recours en interprétation de ses propres arrêts. Celui-ci ne peut porter que sur le dispositif de l’arrêt. En revanche, cette précision suscite à son tour d’importantes interrogations au regard de la formulation des arrêts de la CCJA. En effet, il est bien souvent difficile de distinguer la portée décisoire des arrêts de la CCJA à l’observation de leur seul dispositif. Comme dans toutes les décisions judiciaires, le dispositif des arrêts de la CCJA est introduit par la formule « Par ces motifs ». Celle-ci est éventuellement complétée d’une indication destinée à purger la saisine de cette Cour. C’est l’exemple de la formule « et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens », notamment si la cassation rend sans portée certains moyens qui critiquent des chefs de dispositif dépendant de celui qui est cassé. Par ailleurs, si la cassation est totale, elle intervient sur l’arrêt attaqué « en toutes ses dispositions ». La CCJA aura dans ce cas à rejuger l’affaire dans son intégralité. Dans ce cas, le dispositif de l’arrêt de la CCJA sujette à interprétation peut être appréhendé relativement facilement. Tel ne serait pas le cas dans un arrêt de cassation partiel ou dans un arrêt de rejet. Dans ces hypothèses, l’imbrication des dispositifs de l’arrêt attaqué devant la CCJA de celui rendu par cette Cour contribue à rendre particulièrement difficile l’identification de l’objet d’un éventuel recours en interprétation.
Sur l’affaire au principal, rappelons que dans l’arrêt, dont l’interprétation du dispositif est demandée, la CCJA annula une sentence arbitrale partielle (CCJA, 23 juin 2022, n° 105/2022 N° Lexbase : A03758RC). Elle reprochait au tribunal arbitral d’avoir reporté, à une phase ultérieure, l’examen des exceptions d’incompétence fondées sur des motifs d’ordre public économique national béninois et communautaire de l’UEMOA. La Cour précise que les exceptions soulevées posaient des questions relatives à l’application de lois de police et à la disponibilité des droits en cause. En conséquence, que ces exceptions soient fondées ou non, le tribunal arbitral ne pouvait différer leur examen, dès lors que l’aptitude même du litige à accéder à l’arbitrage en dépend. Mais, plus généralement, la Cour affirmait dans l’arrêt objet du recours en interprétation qu’aucun moyen de défense ne saurait être valablement considéré comme précoce s’il tend au respect des règles à caractère d’ordre public dans le déroulement d’une instance consacrée au règlement d’un conflit.
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Les procédures collectives sont des procédures judiciaires ouvertes lorsque le débiteur, personne physique ou morale, n’est plus en mesure de faire face à des dettes, c’est-à-dire lorsque son actif disponible ne peut pas suffire à faire face à son passif exigible. La procédure ainsi ouverte va figer le patrimoine du débiteur qu’il convient de bien appréhender à travers ses deux éléments que sont l’actif et le passif [1]. La détermination de l’actif permet, très rapidement, de se faire une idée sur le potentiel économique de l’entreprise pour mesurer ses chances de redressement et de règlement des créanciers [2], l’actif répondant du passif. Elle suppose que soient prises, au préalable, des mesures de protection des biens [3] de l’entreprise. Il faut éviter la dispersion ou le dépérissement du patrimoine pour maintenir à l’entreprise toutes ses capacités d’exploitation. Dès lors, on peut retenir succinctement qu’une procédure collective est une procédure qui place une entreprise en difficulté sous contrôle judiciaire pour organiser le règlement de ses créances [4]. Elle rassemble tous les créanciers et les prive du droit d’agir individuellement, d’où l’emploi du terme « collectif ». De la sorte, seules les procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens devraient être conçues comme de véritables procédures collectives en droit de l’OHADA. En revanche, en droit français, seuls la sauvegarde [5], le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire sont conçus comme de véritables procédures collectives.
Dans le cadre de la présente étude, seule la liquidation nous intéressera, tant est-il que le débiteur en liquidation perd une partie de ses droits au profit des organes de la procédure. On parle alors de dessaisissement du débiteur. La liquidation constitue ainsi le domaine privilégié, mieux, le domaine d’élection de cette mesure [6]. À cet effet, l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, en son article 53, ainsi que le Code de commerce français, en son article L. 641-9-1, prévoient le dessaisissement du débiteur, relevant d’une procédure de liquidation, qui a vocation à avoir une portée générale [7]. Ainsi, à compter de l’ouverture d’une procédure de liquidation, le débiteur se trouve dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens au profit du mandataire judiciaire. En clair, il perd ses pouvoirs de gestion sur les biens et est représenté pour tous les actes relatifs à son activité professionnelle, mais aussi « personnelle ». Tout son patrimoine est en principe touché par ce dessaisissement.
L’intitulé de cet article résume donc à lui seul la situation d’un débiteur se trouvant soumis à une procédure de liquidation. En effet, comme nous l’avons précédemment écrit, les effets de l’ouverture des procédures collectives à l’égard de la gestion du patrimoine du débiteur se traduisent par le dessaisissement en cas de liquidation. C’est dire que le débiteur est dessaisi de ses pouvoirs d’administration et de disposition sur son patrimoine. Mais, les législateurs, en prévoyant cette mesure, n’ont pas pour autant transféré au mandataire judiciaire les droits et pouvoirs qui appartiennent en propre au débiteur [8]. On parle alors de droits propres du débiteur. Toute la difficulté est de définir « sa marge de manœuvre », « son autonomie patrimoniale » pendant toute la période de liquidation, c’est-à-dire la ligne de partage qui existe entre le dessaisissement et les droits propres.
Selon Benjamin Ferrari, « le dessaisissement du débiteur est une notion célèbre du droit des entreprises en difficulté [9] ». La mesure est l’effet principal de la liquidation [10]. Bien que véhiculant une contradiction, le dessaisissement est une notion célèbre et bien connue des procédures collectives [11]. Doit-il être conçu comme un « nuage juridique » ? Plus précisément, comme un nuage qui, détruit la confiance ? Est-il un nuage qui crée un climat d’insécurité ou enfin un mystérieux nuage que nulle personne ne peut sonder ? À cet effet, une partie de la doctrine n’hésite pas à franchir le rubicond [12]. La signification du dessaisissement est fracassante du fait de la violence que dégage cette mesure pour le débiteur. En effet, le dessaisissement se définit comme le fait de priver une personne de ce qu’elle possède [13].
En droit, les mots ont leur sens [14]. Ils l’ont d’autant plus que le dessaisissement frappe une personne déjà malheureuse du fait de la procédure de liquidation à laquelle celle-ci est soumise. Cette personne est le débiteur, un professionnel indépendant [15] – une personne exerçant une activité artisanale, commerciale, agricole [16] ou libérale, voire toute personne morale de droit privé [17]. Il sera privé de l’administration et de la disposition de ses biens, ainsi que de ses droits et actions ayant une incidence patrimoniale. Ces derniers seront exercés par le mandataire judiciaire le temps de la procédure. En d’autres termes, débiteurs... gare à la liquidation car « nous ferons vos affaires chez vous, sans vous et malgré vous [18] ».
Dans le Code de commerce de 1807, l’article 442 disposait que « le failli, à compter du jour de la faillite, est dessaisi de plein droit de l’administration de tous ses biens ». L’actuel article L. 641-9-1 du Code de commerce reprend cette formule, mais précise en ces termes, « le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même ceux qu’il a acquis à quelques titres que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur [19] ». De même, l’article 53 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif reprend cette formule en ces termes : « la décision qui prononce la liquidation des biens d’une personne morale emporte, de plein droit, dissolution de celle-ci. Elle emporte, de plein droit, à partir de sa date, et jusqu’à la clôture de la procédure, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens présents et de ceux qu’il peut acquérir à quelques titres que ce soit, sous peine d’inopposabilité de tels actes, sauf s’il s’agit d’actes conservatoires. Les actes, droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont accomplis ou exercés, pendant toute la durée de la liquidation des biens, par le syndic agissant seul en représentation du débiteur ».
C’est dire que le débiteur ne peut plus exercer aucune action sur son patrimoine à partir du jugement prononçant l’ouverture de la procédure de liquidation des biens. Toutefois, faut-il préciser que le dessaisissement a une nature juridique controversée et complexe, en ce sens que l'on se pose parfois la question de savoir s’il s’agit ou non d’une incapacité. La doctrine majoritaire considère que le dessaisissement n’est pas une incapacité puisque le débiteur conserve ce qu’il est convenu d’appeler « droits propres [20] ». Le dessaisissement atteint les biens présents et à venir du débiteur ainsi que son activité juridique, sauf s’il s’agit d’actes conservatoires.
La conséquence du dessaisissement étant la sanction de son inobservation, c’est-à-dire l’inopposabilité de l’acte irrégulier et non sa nullité, cette conséquence a été validée par la Cour de cassation française dans un arrêt resté célèbre [21]. Pourtant, il est possible de faire le lien entre la situation du débiteur dessaisi et de l’incapable représenté par un tiers [22]. Ce qui permet d’affirmer que « l’interdiction de principe de faire tout acte d’administration ou de disposition en est bien une manifestation de l’incapacité ».
Corrélativement, « l’avènement des droits propres est l’illustration flagrante du rôle que joue la jurisprudence [23] dans l’interprétation des textes du droit des procédures collectives et dans la révélation de dispositions légales oubliées [24] ». C’est dire que la jurisprudence a joué et continue à jouer un rôle majeur dans la définition des droits propres du débiteur qu’il continue à exercer seul malgré son dessaisissement. C’est notamment la Cour de cassation française qui, au fil de sa jurisprudence, a fait œuvre prétorienne. Elle a élargi le domaine des droits propres du débiteur en liquidation. Cependant, il n’en demeure pas moins vrai que la notion de droits propres est marquée au coin de l’obscurité.
Aussi, le débiteur est dessaisi de ses pouvoirs au profit du mandataire judiciaire, et en même temps, il peut agir pour défendre ses propres droits. Le droit positif nous met dès lors en face d’une situation paradoxale, qui suscite une interrogation parmi tant d’autres, notamment celle de savoir où se situe la limite à ne pas franchir entre contraire et liberté. En d’autres termes, où se situe la ligne de partage entre dessaisissement et droits propres ? Existe-t-elle vraiment ?
En réponse à ces questions, nous ferons observer que la jurisprudence favorise l’accroissement de la sphère d’action du débiteur en liquidation, ce qui concours à la restriction du dessaisissement (I) et à l’extension des droits propres (II).
I. Un dessaisissement considérablement affaibli
L’importance accordée au dessaisissement du débiteur est limitée par le patrimoine professionnel (A). Aussi, cette limite pourra être étendue à la portée du dessaisissement (B). Mais, il ne faut pas omettre que le domaine du dessaisissement est limité au périmètre du gage commun des créanciers.
A. Un affaiblissement causé par le patrimoine professionnel du débiteur
La décision prononçant l’ouverture de la procédure de liquidation emporte de plein droit la désignation des organes de substitution. Ils ont pour principale mission la gestion du patrimoine du débiteur rendu indisponible par le dessaisissement [25]. À ce titre, le principe du dessaisissement doit être apprécié comme une mesure de défiance vis-à-vis du débiteur ayant failli dans l’exécution de ses obligations. Aussi, est-il [26] une mesure de protection du patrimoine du débiteur destinée à éviter que certains biens soient soustraits aux effets réels de la procédure collective [27]. En ce sens, le principe du dessaisissement du débiteur se rapprocherait de l’action paulienne [28] en permettant une éventuelle remise en cause des actes passés en fraude des droits des créanciers. Son champ d’application en liquidation est ainsi lié à la règle de l’unicité du patrimoine, car le dessaisissement s’étend à toute opération ou à tout acte ayant un caractère patrimonial et atteint l’ensemble des biens du débiteur, qu’ils soient affectés ou non à l’exploitation [29]. C’est dire que, lorsque survient la liquidation, tout le patrimoine du débiteur est en principe exposé aux exigences de cette procédure collective, contrairement aux voies d’exécution, qui relèvent du droit commun et portent sur un bien en particulier.
En conséquence, sauf quelques exceptions, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés à sa place par le liquidateur [30].
Il résulte de l’article 53 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, et de l’article L. 641-9 du Code de commerce, que le dessaisissement s’opère à l’encontre du débiteur essentiellement et non à l’encontre des créanciers qui peuvent toujours agir aux côtés du syndic. Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 205 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique N° Lexbase : A0024YT3, « le président du conseil d’administration, en sa double qualité d’administrateur représentant la société et d’associé, a pleinement qualité et intérêt pour agir dans le sens de la sauvegarde des intérêts de ladite société [31] ». Une réserve peut être émise sur ce point. En effet, il est évident que le président-directeur général est à même d’engager la société dans ses rapports avec les tiers, mais, le président du conseil d’administration n’est en principe pas à même de le faire. S’il s’agit d’une société anonyme avec président du conseil d’administration et directeur général, c’est le directeur général qui peut engager la société à l’égard des tiers.
Aussi est-il que le principe du dessaisissement du débiteur est acquis en matière de liquidation des biens, et son domaine est très étendu dans les entreprises individuelles [32]. Cependant, avec le patrimoine professionnel, le principe du dessaisissement du débiteur va connaître de plus en plus un affaiblissement.
À la lecture de l’article 53 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, on s’aperçoit que le législateur ne précise pas la nature des biens intéressés par le dessaisissement. Aux termes de son deuxième alinéa, « (…) Elle emporte, de plein droit, à partir de sa date, et jusqu’à la clôture de la procédure, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens présents et de ceux qu’il peut acquérir à quelque titre que ce soit, sous peine d’inopposabilité de tels actes, sauf s’il s’agit d’actes conservatoires ». Contrairement à l’article L. 641-9 du Code de commerce français qui prévoit que le dessaisissement ne concerne que l’administration et la disposition des biens composant le patrimoine engagé par l’activité professionnelle, le législateur de l’OHADA n’apporte aucune précision sur la nature du patrimoine soumis à la mesure. À juste titre, cet article [33]dispose que « le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l’activité professionnelle, même de ceux qu’il a acquis à quelques titres que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ». Ce texte a le mérite de la clarté et de la précision contrairement au texte de l’article 53 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif [34].
La doctrine est cependant amenée à proposer des appréhensions de l’article 53. Si, pour le professeur Jacqueline Kom [35], l’article 53 met en évidence aussi bien le patrimoine professionnel que le patrimoine personnel du débiteur, nous prenons en revanche le contre-pied en ce sens que nous estimons que l’article 53 porte essentiellement sur le patrimoine professionnel [36]. Néanmoins notre appréciation n’écarte pas le patrimoine personnel du débiteur en liquidation des biens. D’ailleurs, même dessaisi, le débiteur en droit français ne peut exercer des droits et actions sur son patrimoine personnel, entrant dans la sphère des prérogatives du liquidateur. Cependant, dans le cadre de cette partie, nous mettons en évidence le patrimoine professionnel qui serait considéré comme une limite au dessaisissement.
En outre, en dehors du patrimoine professionnel, on note une seconde restriction, tenant à tous les biens ne rentrant pas dans ce patrimoine.
À propos du patrimoine professionnel, il convient d’entrée de jeu de noter qu’il s’agit du patrimoine affecté à l’exercice de l’activité professionnelle. Il se distingue du patrimoine personnel du débiteur.
À partir du jugement prononçant la liquidation des biens, le débiteur est dessaisi de son patrimoine professionnel. Si le dessaisissement concerne le patrimoine professionnel, il va sans dire que le débiteur conserve sa liberté d’agir sur le patrimoine personnel [37]. La difficulté majeure est celle de l’appréhension du patrimoine professionnel qui est l’ensemble des biens, droits, obligations et sûretés « utiles » à l’activité ou aux activités. Au regard du périmètre du dessaisissement, les biens inutiles à l’exercice de la profession doivent être en dehors du champ de la procédure de liquidation. Ce qui est important pour « les professionnels qui ont besoin de peu de locaux, matériels ou meubles, et ceux dont l’activité relève du secteur des services ». Cette limitation du dessaisissement au patrimoine professionnel n’est pas clairement exprimée par l’article 53 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, mais transparaît à tort ou à raison dans l’article 60, al. 1 du même Acte uniforme.
En droit français, si la séparation des patrimoines est strictement respectée, le tribunal compétent devrait renvoyer à une commission de « surendettement » le traitement du patrimoine personnel. Par conséquent, le dessaisissement ne concernerait que le patrimoine professionnel du débiteur. En revanche, en cas de confusion de patrimoines, il est alors logique de considérer que le dessaisissement porte sur ces deux patrimoines [38], ce qui rend absolu le principe du dessaisissement. Or, il s’agirait plutôt de limiter le dessaisissement mais il paraît difficile de laisser au débiteur les pouvoirs d’administrer et de disposer de ses biens personnels, et éventuellement de les dilapider. Aussi, faut-il préciser que l’inclusion des biens communs, notamment pour les époux mariés sous la communauté de biens, dans le périmètre du dessaisissement [39], est réduit à ceux qui sont utiles à l’activité, ce qui protège dès lors le conjoint.
Par ailleurs, au sens du droit français et du droit de l’OHADA, il existe des biens, même utiles à l’activité professionnelle, qui ne rentrent pas dans le patrimoine professionnel du débiteur en difficulté, au point qu’ils ne peuvent être intéressés par le dessaisissement du débiteur. C’est le cas des biens successoraux, des biens insaisissables qui, par définition, échappent à l’effet de saisie collective. Il en est ainsi de la résidence principale du débiteur en difficulté, ou pour le cas du droit français, de la résidence principale de l’entrepreneur individuel que la loi n° 2015-990, du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi « Macron » N° Lexbase : L4876KEC a rendu insaisissable par les créanciers professionnels [40] ; il en est ainsi aussi des biens déclarés insaisissables par la loi pour des raisons d’humanité. Dans cette catégorie, on peut noter les meubles meublants à usage familial, les créances alimentaires, les rentes d’accidents du travail, les traitements et salaires. Dans tous ces cas, il faut au préalable que le débiteur ait renoncé à la séparation des patrimoines à la demande de l’un de ses créanciers pour une opération particulière, ou encore à l’insaisissabilité de sa résidence principale ou d’un bien visé par une déclaration notariée d’insaisissabilité [41].
D’après l’article 60, alinéa premier de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, « si la juridiction compétente a ordonné l’apposition des scellés, le juge-commissaire peut, sur proposition du syndic, le dispenser de faire placer sous scellé ou l’autoriser à en faire extraire les objets mobiliers et effets indispensables au débiteur et à sa famille sur l’état qui lui est soumis ». Il s’agit notamment des objets nécessaires à l’activité professionnelle ou qui servent à l’habitation du débiteur et de sa famille.
Le dessaisissement peut aussi être affaibli dans sa portée.
B. Un dessaisissement manifestement affaibli dans sa portée
À compter du jugement de liquidation, la personne du débiteur s’efface. Ce n’est pas toujours le cas lorsqu’il s’agit d’une société, notamment en droit français, depuis l’ordonnance du 12 mars 2014. En d’autres termes, en droit français, la société en liquidation judiciaire n’est plus dissoute par le seul jugement d’ouverture. Avec l’absence de dissolution de la société au jour de l’ouverture de la liquidation judiciaire, « la survie de la société amène avec elle de nouvelles interrogations. Les dirigeants sont maintenus en poste. Ils sont chargés de faire fonctionner institutionnellement la société. Ce n’est donc pas comme si un liquidateur avait reçu pour mission de vendre l’actif de la société afin de désintéresser les créanciers [42] ». Néanmoins, le jugement d’ouverture de la liquidation emporte dessaisissement du débiteur, sauf s’il est question d’exercer des droits personnels [43] ou des droits propres.
En application de l’article 53 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, le débiteur est en effet dessaisi de l’administration et de la disposition de l’ensemble de ses biens. Il appartient au mandataire judiciaire d’exercer les droits et actions du débiteur sur son patrimoine. En droit de l’OHADA, il était admis que seuls les commerçants étaient concernés par le dessaisissement. Le domaine personnel du dessaisissement a été considérablement étendu par le législateur de l’OHADA dans l’article 1-1 de l’Acte uniforme révisé. Il étend le champ d’application des procédures collectives à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, à toute personne morale de droit privé ainsi qu’à toute entreprise publique ayant la forme de personne morale de droit privé [44]. La réalité est la même en droit français.
Le domaine matériel du dessaisissement prévoit donc que la décision qui prononce la liquidation d’une personne morale emporte dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens présents et de ceux qu’il peut acquérir à quelques titres que ce soit, sous peine d’inopposabilité de tels actes, sauf s’il s’agit d’actes conservatoires. À juste titre, le fait d’interjeter appel d’une décision défavorable à la masse des créanciers ayant été considéré comme un acte conservatoire [45], le débiteur déclaré en liquidation peut exercer cette action. Il en résulte que les correspondances adressées par le syndic-liquidateur à la juridiction d’appel après la mise en délibéré et tendant à denier à l’avocat du débiteur le défaut de mandat, doivent être écartées des débats.
À première vue, on a l’impression que le législateur OHADA de 2015, au même titre que le législateur français, a renforcé le dessaisissement du débiteur en liquidation des biens ; ce n’est pas tant le cas, en ce sens que de plus en plus, le dessaisissement connaît certaines limites dans sa portée. Il a une durée limitée par rapport à celle de la procédure de liquidation des biens. La limitation du dessaisissement dans sa portée s’explique par la possibilité offerte au débiteur en difficulté de démarrer une nouvelle activité professionnelle [46]. Celle-ci existe aussi en droit français, notamment avec la loi n° 2022-172, du 14 février 2022, précitée N° Lexbase : L3215MBP, sur le nouveau statut de l’entrepreneur individuel.
Le fait d’encadrer la durée de la procédure de liquidation, de sorte qu’elle ne s’étale pas sur une longue durée, permet de limiter le dessaisissement dans sa portée, puisqu’il n’existe que le temps de la procédure. Limiter la durée de la procédure permet en outre de favoriser le rebond [47] du débiteur. Ainsi, la durée de la procédure devrait être fixée dès le jugement d’ouverture. Elle ne devrait être prolongée par la suite que sur décision motivée.
En outre, en permettant au débiteur dessaisi de récréer une entreprise et de constituer un nouveau patrimoine professionnel, voire deux, ce patrimoine professionnel ne va pas être concerné par la procédure de liquidation ouverte. Cette assertion limite les effets du dessaisissement. Elle permet le rebond du débiteur, sa réinstallation, sous réserve que le débiteur n’ait pas déjà fait l’objet d’une liquidation des biens clôturée pour insuffisance d’actif.
En clair, en procédant de la sorte, le dessaisissement ne fait pas obstacle à la recréation d’une entreprise sans qu’il soit précisé si elle doit être d’une nature différente de l’ancienne. À défaut d’interdiction expresse, il semble possible qu’il s’agisse d’une entreprise de même nature, « sinon certains professionnels tels les médecins ou avocats ne pourraient se réinstaller ». Au bilan, on s’aperçoit que le dessaisissement recule dans sa portée.
Corrélativement, la construction de la jurisprudence sur les droits propres restreint les prérogatives reconnues au mandataire judiciaire et invite le débiteur au bal de la procédure de liquidation.
II. Un accroissement certain des droits propres
En 2005, le professeur Marie-Hélène Monsériè-Bon écrivait que « l’avènement des droits propres est l’illustration flagrante du rôle que joue la jurisprudence dans l’interprétation des textes du droit des procédures collectives et dans la révélation de dispositions légales oubliées [48] ». Les droits propres qui souffrent encore au coin de l’obscurité du fait de leur difficile identification [49] marqueraient semble-t-il la limite la plus aboutie du dessaisissement, puisque celui-ci ne concerne pas les droits propres du débiteur qui sont, selon une doctrine établie, de nature patrimoniale. Ils partagent le même domaine que le dessaisissement [50]. Il est donc reconnu au débiteur en liquidation des droits propres procéduraux qui diffèrent, selon la doctrine, des droits personnels [51]. Parce que les droits propres réduisent les prérogatives du mandataire, il convient de les identifier (A) avant de rechercher s’il existe un critère d’identification commun à ces droits (B), ce qu’une doctrine qualifie de « fil conducteur ».
A. Une identification des droits propres
Comme le soulignait déjà en 2005 le professeur Marie-Hélène Monsériè-Bon, « la Cour de cassation, ces dernières années, a fait apparaître la catégorie des droits propres, qui comprend les droits exercés au sein de la procédure par le débiteur exclusivement [52] ». Les droits propres sont, en effet, d’origine prétorienne, mais ils n’en ont pas moins reçu une forme de consécration législative puisque le troisième alinéa de l’article L. 641-9-1 du Code de commerce prévoit que le débiteur en liquidation judiciaire conserve l’exercice des droits non compris dans la mission du liquidateur. En ce sens, Benjamin Ferrari écrit que, « si le dessaisissement est d’abord soumis aux fluctuations de l’effet réel de la procédure, la mesure doit également composer avec les droits que conserve le débiteur [53] ». Ces derniers, de plus en plus nombreux, limitent l’emprise du dessaisissement. Quel que soit le pouvoir du tribunal, il ne peut transférer au mandataire les droits et pouvoirs qui appartiennent en propre au débiteur.
La notion de droits propres du débiteur tel que nous la connaissons aujourd’hui est née de la jurisprudence relative au droit des procédures collectives. Elle est même considérée par un auteur comme un grand concept du droit des entreprises en difficulté [54]. Fort de cette considération, Corinne Saint-Alary-Houin écrit que les droits propres permettent d’octroyer un droit au débiteur « chaque fois qu’à défaut de l’affirmer, ses intérêts ne pourraient être pris en compte dans la procédure [55] ». En reconnaissant au débiteur des droits propres dans la procédure, en dépit du dessaisissement qui le frappe du fait de l’ouverture de la liquidation judiciaire, le législateur et avec lui la jurisprudence convient le débiteur au bal de la procédure de liquidation, tant est-il qu’il n’est plus considéré comme un simple spectateur mais une partie nécessaire, c’est-à-dire une partie qui a son mot à dire dans le déroulement de la procédure de liquidation. En ce sens, le dessaisissement qui frappe de plein droit le débiteur n’est plus à craindre : il a été considérablement atténué, non pas seulement dans sa portée, mais aussi par la reconnaissance au débiteur de droits propres procéduraux.
En d’autres termes, même si le dessaisissement réalise une certaine immobilisation du patrimoine du débiteur, ce qui fait qu’on l’assimile à une saisie collective des biens, c’est l’inopposabilité qui traduit mieux la situation créée par le jugement d’ouverture des procédures collectives. Cette saisie globale de son patrimoine paraît excessive et injustifiée. Le législateur s’est borné à imposer des restrictions aux pouvoirs de gestion du débiteur, justifiées par l’intérêt général qui s’attache à la protection des entreprises en difficulté et des créanciers [56]. Cette inopposabilité permet à la masse des créanciers d’invalider les actes faits par le débiteur en violation des restrictions légales qui sont prescrites. Cependant, le débiteur dessaisi ne perd pas le droit de propriété sur ses biens. Il n’est pas frappé d’incapacité, car il conserve ses droits propres.
Constituent des droits propres du débiteur ceux que visent les textes chaque fois qu’est reconnue au débiteur la faculté d’exercer une action en justice ou de former un recours sans le concours direct du mandataire judiciaire. Ainsi, pouvons-nous citer le droit d’interjeter appel ou de former un pourvoi contre des décisions ouvrant la liquidation des biens. Il serait, en effet, de peu de portée de reconnaître des droits procéduraux au débiteur si c’est pour en confier l’exercice au liquidateur qui le représente. Mais, au-delà, il s’agit de droits qui sont attribués au débiteur afin qu’il puisse exercer une action ou se défendre alors que le liquidateur s’abstient d’agir [57]. L’exemple type de droit propre est celui du rôle qui est reconnu au débiteur dans les opérations de vérification des créances. Aussi, le débiteur peut tout seul interjeter appel de l’ordonnance du juge-commissaire autorisant le liquidateur à signer une transaction emportant cession d’un actif dépendant de la liquidation, à vendre un fonds de commerce ou un bien immobilier, à faire appel d'un jugement ordonnant son expulsion ou statuant sur sa condamnation au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure au jugement d'ouverture. Tout cela fait douter de ce que le liquidateur représente le débiteur [58].
Aussi, il faudrait se demander si la notion de droits propres ne renvoie pas aux droits qui ne peuvent être exercés que par leur titulaire et non par leurs créanciers, ce qui conduit à s’interroger sur les droits transmissibles et saisissables. Par exemple, la victime d’un dommage moral a une créance : quelle est la nature de cette créance ? Est-elle saisissable ? Transmissible ?
Reste cependant à trouver le critère d’identification pour définir le périmètre des droits propres.
B. Une recherche des critères d’identification des droits propres
Les droits propres sont constitués par les cas dans lesquels, malgré le dessaisissement, il est reconnu au débiteur la faculté d’agir dans le cadre de la procédure de liquidation. Il y a une unité entre eux. Ils sont consacrés dans toutes les hypothèses dans lesquelles il y a un risque de conflit d’intérêts entre les créanciers et le débiteur. Il est indispensable de laisser le débiteur s’exprimer puisqu’il n’est pas représenté. Parce que le liquidateur, en représentant le débiteur, poursuit l’intérêt des créanciers, qu’il doit être reconnu au débiteur un droit propre toutes les fois que l’intérêt des créanciers n’est plus de mise dans la procédure. On se retrouve alors dans une situation de divergence d’intérêt, situation qui favorise la naissance d’un droit propre du débiteur dans la procédure. Mais, bien plus encore, parce que l’intérêt des créanciers se retrouve dans la préservation du gage commun, il doit être reconnu au débiteur un droit propre lorsque le droit en question n’entre pas directement dans le gage commun. Les droits propres en ce sens sont des droits fondamentaux de la personne [59], qui lui permettent d’exister en tant que sujet de droit.
En outre, il convient de relever un important en droit de l’OHADA. La Cour commune de justice et d'arbitrage n’ajamais été saisie dans des affaires lui permettant de mettre en orbite la notion de droits propres du débiteur. En revanche, la jurisprudence française est plus florissante en la matière [60]. D’ailleurs, c’est elle qui a consacré cette notion, sans lui donner une définition unitaire, permettant de l’apprécier généralement. Elle se prononce au cas par cas et « semble réfractaire à toute systématisation ». C’est pourquoi la doctrine [61] a cherché des critères permettant d’identifier, à l’avance, ces droits propres afin d’introduire une certaine prévisibilité des solutions.
Pour la doctrine, les droits propres sont avant tout de nature procédurale, car ils « permettent de reconnaître au débiteur une autonomie procédurale importante pour défendre ses intérêts tout au long de la liquidation judiciaire [62] ». C’est pourquoi on parle de « droits propres procéduraux ». Ce caractère semble aujourd’hui acquis. Aussi, a été observée une « unité entre les droits procéduraux : ils ont été consacrés dans toutes les hypothèses dans lesquelles il y avait un risque de conflit d’intérêts entre les créanciers et le débiteur. Il est ici indispensable de laisser le débiteur s’exprimer puisqu’il n’est pas représenté par le liquidateur [63] ». Cette analyse qui a le mérite de la clarté et de la précision, a été battue en brèche par la jurisprudence [64] française, en ce que pour le juge, elle limite la portée de la fonction du liquidateur, car il n’a pas pour principale fonction de représenter l’intérêt collectif des créanciers et ne représente pas le débiteur. Mais, l’appréciation de la Haute Cour ne convainc pas. Un droit propre à agir est reconnu au débiteur chaque fois qu’à défaut de l’affirmer, ses intérêts ne pourraient être pris en compte dans la procédure. Cette position est partagée par le professeur Pierre-Michel Le Corre pour qui « les droits propres sont donc ceux qui permettent au débiteur de faire valoir son point de vue sur le déroulement de la procédure collective, dont il est le sujet, et non simplement l’objet [65] ». Dès lors, il existe bien un critère d’identisation : le souci d’assurer la protection du débiteur. Elle est l’expression de son droit à un procès équitable. En revanche, si le débiteur a pu faire valoir ses droits dans la procédure, il ne peut faire obstacle à sa représentation par le syndic. Un débiteur en liquidation des biens n’est dessaisi que de l’administration et de la disposition de son patrimoine. Malgré la liquidation, il jouit d’une autonomie juridique et procédurale et peut reprendre une activité. Sa situation juridique est profondément modifiée dans le souci de dédramatiser la liquidation des biens et de favoriser son « rebond ». Ainsi, les droits propres du débiteur, selon la doctrine des procédures collectives, sont donc bien un concentré de promotion de droits fondamentaux de la personne, d’intérêt à agir et d’autonomie juridique et procédurale. Pourtant, les droits propres du débiteur, qualifiés par la doctrine de droits propres procéduraux, ne lui sont cependant pas réservés puisque pour certains de ces droits, les représentants disposent de prérogatives similaires. Pour autant, ces droits sont réellement des droits propres du débiteur, puisqu’ils ne seront exercés que par lui, parce qu’ils n’auront d’intérêt que pour lui. Mais ces prérogatives, qui sont reconnues au débiteur, ne présentent pas toutes les qualités des droits propres du débiteur selon notre approche, droit dont le débiteur est seul titulaire et qu’il peut seul exercer. Nous n’allons pas aborder cette approche dans cette contribution, tant est-il qu’elle fait l’objet de notre dissertation doctorale.
Conclusion
Tout le monde s’accorde à reconnaître l’importance du dessaisissement, sans pourtant en avoir en tête une définitionprécise. Cette notion a suscité les plus vives passions du droit des procédures collectives. En ce sens, une doctrine autorisée a prêté attention à la notion, sans cependant la définir, tant le concept apparaît insaisissable. Pourtant, cerner le contenu de la notion de dessaisissement est d’une importance indéniable, tant chacun entend faire produire à cette mesure des effets importants. Cependant, il est possible de relever, sans exclure toute autre approche doctrinale, que le dessaisissement va avoir un impact sur le débiteur en liquidation au point de le transformer en un quasi incapable. Cette approche de la notion paraît doublement réductrice, puisqu’il ne faut pas limiter la mesure aux seules personnes physiques et que l’on ne peut se satisfaire d’une assimilation de la notion de dessaisissement à celle d’incapacité. En réalité, le concept est beaucoup plus riche et plus complexe, en ce qu’il participe notamment de l’évolution du patrimoine saisissable du débiteur. C’est en ce sens que nous avons mis en orbite dans la présente étude l’objet du dessaisissement. Mais, dans le prolongement de notre analyse, nous avons abordé l’affaiblissement du dessaisissement, particulièrement par le biais du patrimoine professionnel. Aussi, avons-nous abordé l’affaiblissement de sa portée.
Aujourd’hui, il est établi que le patrimoine personnel du débiteur dessaisi, qui n’échappe pas au dessaisissement, s’est considérablement restreint, en ce que le législateur s’est résolu de le protéger de diverses façons, que l’on songe au statut de l’entrepreneur individuel en droit français, ou à l’insaisissabilité de certains biens ayant un caractère hautement familial et participant à la vie privée et familiale du débiteur. Cette protection du patrimoine privé du débiteur favorise l’affaiblissement du dessaisissement, mais permet en même temps le rebond du débiteur.
Aussi, avons-nous abordé la lancinante question des droits propres du débiteur, qui participent à l’affaiblissement du dessaisissement. En ce sens, nous avons d’entrée de jeu défini la notion, avant de l’identifier. Si la notion de droits propres dans le cadre de la présente étude a été envisagée sous l’angle uniquement des procédures collectives, il convient toutefois d’affirmer que les droits propres du débiteur transcendent plusieurs pans du droit privé. Nous nous réservons tout commentaire sur ce point.
[1] V. S. Toe et M.-E. Mfini, op. cit., RADA, 2023.
[2] V. M. Bourassin, Droit des sûretés, 8e éd., Sirey, 2024 ; Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit des sûretés et de la publicité foncière, 8e éd., Dalloz, 2023.
[3] À propos de la notion de bien, v. l’important voyage de Pierre Berlioz : P. Berlioz, La notion de bien, thèse, Paris 1, L. Aynès (dir.), 2006.
[4] V. en ce sens, C. Houin-Bressand, M.-H. Monsérié-Bon et C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, 13e éd., LGDJ, 2022.
[5] La thèse selon laquelle la « sauvegarde est une procédure collective » est néanmoins mitigée. En effet, cette procédure instituée en 2005 est en principe ouverte en l’absence de l’état de cessation des paiements, c’est-à-dire que le législateur, en consacrant la sauvegarde, l’a déconnectée de ce critère. Il a fait de l’absence de cessation des paiements, l’un des critères de son ouverture, à côté de la nécessité, « pour le débiteur, de démontrer des difficultés pour se prévaloir de cette procédure » (v. H. Poujade et S. Sabatier, Le droit des entreprises en difficulté en schémas, ellipse, 2022, p. 32).
[6] V. not. C. Houin-Bressand, M.-H. Monsérié-Bon et C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, op. cit.
[7] V. not. Y.R. Kalieu Elongo, Le droit des procédures collectives de l’OHADA, PUA, 2016.
[8] A. Akam-Akam, Droits des procédures collectives et d’apurement du passif, Recueil des cours de l’ERSUMA 2004-2012, 1e éd., 2013, cours 2, p. 81.
[9] B. Ferrari, Dessaisissement et droit des sociétés, in Droit des sociétés et procédures collectives, L. C. Henry (dir.), L’Harmattan, 2018, p. 27.
[10] G. Boucher, Le dessaisissement et l’exécution, in Mélanges d’exécution et procédures collectives, Collection Procédures, éd. Bruylant, 2012, p. 165, n° 1.
[11] V. not. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz-action, 2010-2011, p. 1227.
[12] C. Saint-Alary-Houin, Le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire, Rev. proc. coll. 2003/2, p. 173, n° 3.
[13] S. Le Normand, Le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire à l’épreuve des évolutions récentes, JCP E, 2012, 1337, n° 2.
[14] Ch. Atias, Les maux du droit et les mots pour le dire, D., 1997. 231.
[15] J. Vallansan, L’évolution des personnes assujetties à la procédure collective : 1985-2005, RLDA, mars 2005, supp. 80, p. 12 ; F. Perochon, Entreprises en difficulté, LGDJ, 10e éd., 2014, n° 275.
[16] Sur les problématiques engendrées par le statut : Ch. Lebel, Entreprises individuelles et entreprises en difficulté dans la loi Pacte, JCP N, 2019, 1206, n° 26 s. ; M. Diesbecq, Loi relative à la croissance et la transformation des entreprises : quel impact(e) sur les agriculteurs en difficulté ?, Rev. proc. coll., 2020/1, et. 2.
[17] À l’exception des syndicats de copropriétés (C. Regnaut-Moutier, Le traitement des difficultés des syndicats de copropriété, Rev. proc. coll., 2010/3, comm. 12), ainsi que des établissements de crédit et d’assurance. Ces derniers bénéficient d’un régime de traitement des difficultés adapté au risque systémique que leur défaillance pourrait causer (Th. Bonneau, Le régime des résolutions bancaires, Rev. proc. coll.,2012/5, et. 26) ainsi que des établissements de crédit et d’assurance. Ces derniers bénéficient d’un régime de traitement des difficultés adapté au risque systémique que leur défaillance pourrait causer (Th. Bonneau, Le régime des résolutions bancaires, op. cit.).
[18] Reprenant une formule prêtée à Louis XIV chez les Hollandais, ces mots auraient été employés par le député Paul Dupont lors d’une séance de l’Assemblée nationale du 18 août 1848, afin de remettre en cause la pertinence du dessaisissement : C. Magras Vergez, La constance des stigmates de la faillite – de l’antiquité à nos jours, th. Bordeaux, 2018, p. 331.
[19] Le dessaisissement avait d’abord été codifié à l’article L. 622-9 du Code de commerce N° Lexbase : L3868HBU, dont la rédaction est issue de l’article 152 de la loi n° 85-98, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, du 25 janvier 1985 N° Lexbase : L7852AGW. Si le principe est resté le même, sous réserve de quelques modifications, ce n’est qu’à compter de la loi de sauvegarde des entreprises n° 2005-845, du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT qu’apparaît l’article L. 641-9 du Code de commerce. Le principe est d’ailleurs repris par le droit de l’OHADA. L’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif prévoit en son article 53 le dessaisissement du débiteur.
[20] Fr. Perochon avec le concours de M. Laroche, F. Reille, T. Favario et A. Donette, Entreprises en difficulté, LGDJ, 11e éd., 2022, n° 1997.
[21] Par ex., Cass. com., 5 juillet 2005, n° 04-13.266. Pourtant, la nullité est la sanction habituelle du dépassement de pouvoir. En ce sens, v. not. M.-E. Mfini, Le cautionnement réel en droit OHADA, Lexbase Afrique-OHADA, novembre 2022, n° 60 N° Lexbase : N3137BZ9, à propos du dépassement du pouvoir des époux d’engager unilatéralement les biens de la communauté. V. aussi, M.-E. Mfini, Le cautionnement réel OHADA : cette sûreté atypique, Revue congolaise de droit et des affaires, n° 51, 2023.
[22] V. Y. Buffelan-Lanore et V. Larribau-Terneyre, Droit civil, 22e éd., Sirey, 2022.
[23] V. not., CCJA, 1re ch., 29 novembre 2018, n° 226/2018 N° Lexbase : A6477YSP.
[24] M.-H. Monsérié-Bon, op. cit., 2005.
[25] P. Tapchem, Le dessaisissement du débiteur en procédure collective, Mémoire de DEA, Droit des Affaires, Yaoundé II, 2001.
[26] R. Bonhomme et Fr. Perochon, Entreprises en difficulté, LGDJ, 8e éd., 2009, n° 413, p. 434.
[27] R. Bonhomme et Fr. Perochon, loc. cit. Contra : C. Saint-Alary-Houin, Le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire, Rev. proc. coll., juin 2003, p. 173. Selon cet auteur, il s'agirait d'une « incapacité de défiance » vis-à-vis du débiteur entraînant une restriction corrélative de ses pouvoirs.
[28] Pour une étude plus avancée de l’action paulienne, v. M. Julienne, Régime général des obligations, 4e éd., LGDJ, 2022.
[29] Caen, 25 novembre 1997 : BICC, 1998, n° 608 ; RJDA, 1998, n° 1018.
[30] V. CA Bobo-Dioulasso, ch. civ. et com., 19 janvier 2004, n° 03, GMB c/ S. B. H., Ohadata J-04-196 N° Lexbase : A2760ZTE.
[31] V. CA Ouagadougou, ch. civ. et com., 16 avril 2004, n° 52, Socaco c/ K. H. (BTM) & Batec-SARL & Entreprise Dar-es-Salam, Ohadata J-04-375 et J-04-374.
[32] V. not. R. E. Okomen Tsague, La protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel dans l’espace OHADA, RDJA, n° 1, mars 2021.
[33] C. com., L. 641-9.
[34] Mais, de façon analogique, on peut déduire que le législateur de l’OHADA vise aussi le patrimoine professionnel, puisque l’article 53 de l’Acte uniforme ne vise que la personne morale, donc une société, qui est dissoute par le jugement d’ouverture de la procédure de liquidation des biens.
[35] J. Nkom, Droit OHADA des entreprises en difficulté, 2e éd., L’Harmattan, 2021.
[36] Puisque l’article 53 ne vise qu’une personne morale.
[37] V. par exemple, O. Buisine, De l’entrepreneur en difficulté, Rev. proc. coll., 2022, étude 2.
[38] Fr. Perochon avec le concours de M. Laroche, F. Reille, T. Favario et A. Donette, Entreprises en difficulté, LGDJ, 11e éd., 2022, n° 997 et 2031.
[39] L’inclusion des biens communs dans l’actif de la procédure collective est une conséquence de l’article 1413 du Code civil N° Lexbase : L1544ABS selon lequel les biens communs répondent des dettes de chacun des époux.
[40] À partir de son entrée en vigueur.
[41] Avec la loi française de 2022 sur l’activité professionnelle indépendante, la séparation des patrimoines est de droit. Dès lors, la résidence principale de l’entrepreneur individuel serait insaisissable de droit. V. loi n° 2022-172, du 14 février 2022, en faveur de l’activité professionnelle indépendante N° Lexbase : L3215MBP (JORF n° 0038 du 15 février 2022).
[42] V. en ce sens, B. Ferrari, Droit des sociétés et procédures collectives, op. cit., p. 31.
[43] Pour une étude des droits personnels, v, T. Lakssimi, La summa divisio des droits personnels et des droits réels : étude critique, thèse, Nathalie Peterka (dir.) et Philippe Jacques (dir.), Paris Est, 2014.
[44] V. l’importante thèse de A. Cartier-Bresson, L’État actionnaire, Didier Truchet (dir.), Université Paris 2, 2005.
[45] Cass. com., 13 janvier 1968 : D 1968-1396.
[46] V. M.-E. Mfini, Le rebond du débiteur dans le droit OHADA des procédures collectives d’apurement du passif, Revue de l’ERSUMA, n° 18, 2023.
[47] V. M.-E. Mfini, Le rebond du débiteur dans le droit OHADA des procédures collectives, art. précité. V. aussi, AUPCAP, art. 174.
[48] M.-E. Monsérié-Bon, op. cité. 2005.
[49] Comme autrefois, le dessaisissement ne concerne pas le droit pour le débiteur de se constituer partie civile dans le but d’obtenir la condamnation de l’auteur d’un crime ou d’un délit dont il serait victime (C. com., art. L. 641-9, al. 2).
[50] B. Ferrari, thèse précitée, 2021.
[51] En ce sens, J. Vallansan avec le concours de L. Fin-Langer, Guide des procédures collectives, 22/23, LexisNexis, fiche 19, n° 432.
[52] M.-H. Monsérié-Bon, Le dessaisissement et l’avènement des droits propres, RLDA, 2005, n° 50, p. 53, spéc. p. 57.
[53] B. Ferrari, thèse précitée, p. 417.
[54] B. Ferrari, Droits propres du débiteur, op. cit., 2019.
[55] C. Saint-Alary-Houin, op. cit., 2003.
[56] V. en ce sens, M.-E. Mfini, La protection des intérêts des créanciers dans le droit OHADA des entreprises en difficulté, Lexbase Afrique-OHADA, septembre 2023, n° 69 N° Lexbase : N6631BZM.
[57] J. Theron, Les contours du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire, Rev. proc. coll., 2013, dossier 3. ; B. Ferrari, La qualité pour agir en procédure collective : quelle place pour le droit commun procédural ?, D., 2020, p. 548, spéc., n° 14.
[58] J. Theron, Les contours du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire, Rev. proc. coll., 2013, dossier 3.
[59] V. not. X. Dupre de Boulois, Droit des libertés fondamentales, 4e éd., PUF, 2023.
[60] V. not., Cass. com., 14 juin 2023, n° 21-24.143, F–B N° Lexbase : A99499ZI (rejet pourvoi c/ CA Besançon, 14 septembre 2021), M. Vigneau, prés. ; SCP Krivine et Viaud, SCP Thouin-Palat et Boucard, av. Cass. com., 14 juin 2023, n° 21-11.588, F–D (cassation CA Saint-Denis, 4 décembre 2020), M. Vigneau, prés. ; Me Soltner, SCP Piwnica et Molinié, av. ; J.-B. Barbieri, note sous Cass. com., 14 juin 2023, n° 21-24.143, F-B N° Lexbase : A99499ZI : LEDEN juillet 2023, n° DED201r6 ; Cass. com., 18 janvier 2023, n° 21-17.581, F-B N° Lexbase : A937588Q ; Cass. com., 8 février 2023, n° 21-16.954, F-B N° Lexbase : A97059B3 ; Cass. com., 8 juillet 2003, n° 01-02.050, FS-P N° Lexbase : A0961C9H : Bull. civ., IV, n° 126, p. 145 ; D., 2003, AJ, p. 2173, obs. A. Lienhard ; Dr. Sociétés, 2003, comm. 187, note F.-X. Lucas.
[61] V. not. C. Saint-Alary-Houin, Entre dessaisissement et droits propres, Rev. proc. coll., 2022, dossier n° 45, p. 72.
[62] M.-H. Monsérié-Bon, art. préc. : RLDA, 2005, n° 50, p. 57.
[63] J. Theron, Les contours du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire, Rev. proc. coll., 2013, dossier 3.
[64] Cass. com., 1er octobre 2013, n° 12-20.567, F-D N° Lexbase : A3308KMH.
[65] P.-M. Le Corre, Traité théorique et pratique des procédures collectives, Dalloz-Action, 2021-2022.
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L’exécution provisoire est une règle traditionnelle en matière de procédures collectives. En posant le principe de l’exécution provisoire de plein droit, les droits français et OHADA ont étendu cette règle aux ordonnances rendues par le juge-commissaire, à l’exception de celles autorisant le paiement provisionnel, celles relatives à la substitution de garantie et celles autorisant le paiement d’une somme d’argent pour le retrait d’un bien retenu. Bien qu’elles ne soient pas assorties d’une exécution provisoire de plein droit, rien n’empêcherait le juge-commissaire d’ordonner leur exécution provisoire lorsque celle-ci est opportune [1]. Toutefois, le problème risque de se poser lorsqu’il s’agira de solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire des ordonnances du juge-commissaire.
Comme précédemment souligné, pour solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire de plein droit, il faut au préalable exercer l’appel. La difficulté, en ce qui concerne les ordonnances du juge-commissaire, résulte de l’absence d’un régime homogène s’agissant des voies de recours auxquelles elles sont soumises. En effet, certaines voies de recours contre ces ordonnances sont portées directement devant la cour d’appel. Il en est ainsi des recours contre l’ordonnance du juge-commissaire statuant en matière de réalisation d’actif. Il en est de même du recours contre l’ordonnance du juge-commissaire statuant en matière de contestations de créances [2] ainsi que l’ordonnance de relevé de forclusion [3]. Les voies de recours dirigées contre elles étant portées devant la cour d’appel [4], on pourrait, partant de cela, en déduire qu’un arrêt de l’exécution provisoire peut être sollicité devant le premier président de la cour d’appel saisi.
En revanche, certaines ordonnances rendues par ce magistrat sont soumises à l’examen du tribunal de la procédure collective. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer l’ordonnance du juge-commissaire autorisant le licenciement, celles fixant la rémunération de l’administrateur ainsi que celles constatant la résiliation du bail. Le recours contre ces ordonnances est porté devant le tribunal de la procédure. En effet, l’article 40 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives (AUPCAP) N° Lexbase : L0547LGD, reprenant à l’identique les dispositions de l’article 25 du décret n° 85-1388, du 27 décembre 1985, relatif au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises N° Lexbase : L9117AGR, a prévu que les ordonnances du juge-commissaire sont susceptibles d’un recours devant la juridiction compétente [5]. La question qui s’était posée et qui se pose encore est de savoir si un arrêt de l’exécution provisoire peut être sollicité. Si la difficulté se pose moins s’agissant des ordonnances susceptibles d’un recours devant la cour d’appel [6], la situation devient complexe s’agissant des ordonnances contre lesquelles la contestation est portée devant le tribunal de la procédure collective et est qualifiée d’opposition par la doctrine [7].
Dans cette hypothèse, quelle démarche pour obtenir un arrêt de l’exécution ? La question s’était déjà posée sous l’empire de la législation de 1967 dans le cadre d’une tierce opposition. La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 6 août 1976, rappelait que « le président ne peut suspendre l’exécution provisoire d’un arrêt frappé de tierce opposition, seule la formation collégiale de la cour d’appel est investie de ce pouvoir [8] ». Ultérieurement, elle était revenue sur sa position. Se prononçant dans le cadre d’une tierce opposition exercée contre un jugement statuant en matière de règlement judiciaire et de liquidation des biens, les juges du fond précisaient, cette fois, que « l’arrêt de l’exécution provisoire n’est pas incompatible avec les dispositions de l’article 590 du Code de procédure civile [9] ». De l’interprétation de la position retenue par les magistrats, on pouvait en déduire que l’arrêt de l’exécution provisoire pouvait être sollicité au moyen d’une tierce opposition. Pourtant, une partie de la doctrine n’était pas favorable à cette position [10].
De l’avis d’un auteur, l’impératif de célérité ainsi que la prééminence du traitement de l’entreprise incitent à écarter cette faculté qui permettrait aux tiers d’obtenir dans leurs intérêts personnels la suspension de l’exécution provisoire [11]. Pertinente certes, mais cette position doit être cantonnée aux jugements rendus par le tribunal de la procédure et dont l’arrêt de l’exécution provisoire est soumis à l’exercice préalable de l’appel [12]. Un arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2004 a retenu cette position. Sur le fondement des dispositions des articles L. 623-9 du Code de commerce N° Lexbase : L7038AII et 155 du décret du 27 décembre 1985, précité, la Chambre commerciale a décidé que « l’exécution provisoire des ordonnances du juge-commissaire ne peut être arrêtée ». En l’espèce, il s’agissait de l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance d’admission de créance déclarée au passif du débiteur. En effet, il convient de relever que cette solution a été rendue sous l’empire du décret du 27 décembre 1985. Or, l’alinéa 2, de l’article 155 dudit décret de 1985 qui réglementait l’arrêt de l’exécution provisoire employait le terme de « jugement », ce qui, à notre avis, renvoyait aux seuls jugements rendus par le tribunal saisi de la procédure collective [13] et ne tenait pas compte des ordonnances du juge-commissaire [14]. Toutefois, cette solution ne peut être reconduite en droit positif vu que l’article R. 661-1, alinéa 3, du Code de commerce N° Lexbase : L9250LTR fait référence à la notion de « décision », concept qui nous semble assez large pour englober, en plus des jugements rendus par le tribunal saisi de la procédure collective, les ordonnances du président du tribunal saisi de la procédure collective ainsi que celles rendues par le juge-commissaire. Également, l’alinéa 3 du même texte pose une dérogation au droit commun en matière d’arrêt de l’exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas. Ainsi, s’il ne fait l’objet d’aucun doute que le législateur n’a pas écarté, du moins de manière expresse, la possibilité de solliciter un arrêt de l’exécution provisoire contre les ordonnances du juge-commissaire, l’interrogation subsiste s’agissant de la voie de recours à emprunter. Le fait de subordonner la demande de l’arrêt de l’exécution provisoire à l’exercice préalable d’un appel rend techniquement impossible la formulation d’une telle demande.
En l’absence de solution spécifique, quelle solution préconisée ? À cette question, deux solutions sont envisageables en ce qui concerne ces ordonnances. La première consisterait à différer la demande d'arrêt de l'exécution lorsque l'appel contre ledit jugement aura été exercé[15]. Si on admettait cette solution, il faudrait reconnaître que dans cette hypothèse la demande de l’arrêt de l’exécution provisoire serait dirigée contre le jugement qui se substituerait à l’ordonnance rendue par le juge-commissaire et non l’ordonnance elle-même. La deuxième hypothèse est le retour au droit commun, comme le recommande l’article R. 662-1, 1° du Code de commerce [16] N° Lexbase : L6334I3Y pour admettre l’arrêt de l’exécution provisoire contre ces ordonnances au moyen d’une opposition, sur le fondement de l'article 514-3, alinéa 2, du Code de procédure civile [17] N° Lexbase : L9082LTK. Dans ce dernier cas, la demande est à porter devant le juge-commissaire, et non devant le tribunal de la procédure collective, comme le recommande le droit commun en matière d’opposition [18]. Ainsi, pour solliciter un arrêt de l’exécution provisoire contre les ordonnances du juge-commissaire susceptibles d’un recours devant le tribunal de la procédure collective, nous préconisons l’insertion de la notion d’« opposition » dans l’alinéa 3, de l’article R. 661-1 du Code de commerce [19] en plus de l’appel [20]. Ce faisant, que ce soit pour l’appel et l’opposition, l’intéressé qui souhaiterait solliciter un arrêt de l’exécution provisoire devrait, pour être recevable, justifier le « caractère sérieux » des moyens à l’appui de la voie de recours [21]. Cette solution nous paraît plus appropriée, et permettrait d’obtenir un arrêt de l’exécution provisoire contre toutes les décisions rendues par les juridictions de premier degré en matière de procédures collectives.
[1] Par exemple, pour la décision par laquelle le juge-commissaire ordonne le paiement d’une créance antérieure pour obtenir le retrait d’un bien sur lequel un créancier exerce son droit de rétention, le bien en question est dès lors utile pour la poursuite de l’activité ; refuser d’ordonner un tel paiement reviendrait donc à priver l’entreprise d’un moyen qui lui permettrait d’assurer son redressement.
[2] Cass. com., 14 janvier 2004, n° 01-00.318, F-D N° Lexbase : A8626DAQ. Pour les ordonnances du juge-commissaire rendues en matière d’admission de créances, celles-ci sont exécutoires de plein droit. Sous réserve qu’elles ne soient pas rendues en premier et dernier ressort, ces dernières sont susceptibles d’un appel. Par conséquent, un arrêt de l’exécution provisoire peut être sollicité au premier président de la cour d’appel.
[3] La demande de relevé de forclusion étant une demande indéterminée, l’ordonnance du juge-commissaire statuant sur une telle demande est susceptible d’un appel, sauf dispositions contraires.
[4] Toutefois, il convient de relever que le législateur n’a pas donné une qualification exacte de la nature de cette voie de recours.
[5] AUPCAP, art.111, al. 3 N° Lexbase : L0547LGD : « La décision autorisant ou refusant les licenciements est susceptible d'opposition dans les quinze (15) jours de son prononcé devant la juridiction ayant ouvert la procédure, laquelle doit rendre sa décision sous quinzaine. »
[6] Cass. com., 14 janvier 2004, n° 01-00.318, préc.
[7] T. com. Lomé, jug., 27 janvier 2021, n° 004/2021 ; P.-M. Lecorre, Droit et pratique des procédures collectives, 10e éd., Dalloz Action, 2019-2020, p.615, n° 234.212 ; B. Soinne, Traité des procédures collectives, n° 638 ; F. Derrida, P. Gode, J.-P. Sortais, Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, préc., n° 88.
[8] CA Paris, 6 août 1976 : JCP, 1977, II, 18534, note Hanine.
[9] CA Paris, 25 avril 1984 : Dalloz, 1984.
[10] A. Martin-Serf, Sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires, Voies de recours, fasc. 2205, JCL. Procédure collective, 2017, préc.,ibid ; O. Staes, Procédures collectives et droit judiciaire privé, préc., n° 206.
[11] O. Staes, préc., ibid.
[12] F. Derrida, P. Gode et J-P. Sortais, Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, Dalloz, 1991, préc,, note n° 1166 ; F. Perochon, Droit des entreprises en difficulté, préc., n° 479 ; C. Saint-Alary- Houin, Droit des entreprises en difficulté, préc., n° 557.
[13] Décret n°85-1388 du 27 décembre 1985 N° Lexbase : L9117AGR, art. 155, al. 1er. Selon ce texte, « …l'exécution provisoire des jugements mentionnés au deuxième alinéa de l’article 177, alinéa 2 de la loi ne peut être arrêté en cas d’appel que par le premier président de la cour d’appel, statuant en référé, si les moyens invoqués à l’appui de l’appel apparaissent sérieux ».
[14] F. Derrida, P. Gode et J-P. Sortais, préc., n° 295. Selon ces auteurs, la liste établie par l’article 177, alinéa 2, qui visait les décisions susceptibles d’un arrêt de l’exécution provisoire était limitative.
[15] Cette solution résulte par le fait que les ordonnances rendues par le juge-commissaire sont susceptibles d’un recours devant le tribunal de la procédure collective et que le jugement peut être contesté par la voie de l’appel.
[16] C. com., art. R. 662-1, 1° N° Lexbase : L7799LLG : « À moins qu’il n’en soit disposé autrement par le présent livre : 1° Les règles du Code de procédure civile sont applicables dans les matières régies par le livre VI de la partie législative du présent code ».
[17] CPCF, art. 514-3, al. 2 N° Lexbase : L9082LTK : « En cas d’opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d’office ou à la demande d’une partie, arrêter l’exécution provisoire de droit lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ».
[18] CPCF, art. 572 N° Lexbase : L6725H79; S. Guinchard et J. Vincent, Procédure civile, préc, n° 1330-2.
[19] La même solution devrait être appliquée dans l’article 217, alinéa 1er, de l’Acte uniforme procédures collectives d’apurement du passif.
[20] Nous pouvons aussi soutenir la solution qui consisterait en la substitution de la notion d’appel comme condition préalable à celle de contestation. Seulement, la référence au concept de contestation pourrait entraîner d’énormes difficultés, puisqu’il est assez vague de nature àenglober le pourvoi en cassation.
[21] Par les recours, nous faisons allusion à l’appel et l’opposition.
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Solution : La juridiction suprême nationale n’est plus apte à exercer la compétence que lui confère l’article 16 du Traité de l’OHADA en matière de sursis à exécution, dès lors que la décision querellée a fait l’objet d’un acte d’exécution forcée conformément à l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) N° Lexbase : L0546LGC. En le faisant, elle interfère dans les attributions du juge des urgences établi par l’article 49 du même Acte uniforme.
Impact : Il en résulte que la Cour nationale de cassation est donc incompétente pour ordonner un sursis à exécution d’une décision de justice, dès lors que celle-ci a fait l’objet d’une mesure d’exécution forcée en application des dispositions de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. La compétence pour connaître de telles mesures n’est dévolue qu’au juge des urgences établi par l’article 49 de l’AUPSRVE (il s’agit plus précisément du président du tribunal de la circonscription judiciaire concernée ou le magistrat délégué par lui).
Observations : Les problèmes à l’origine de ces deux affaires soumises à la CCJA sont relativement similaires. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation ivoirienne a prononcé la suspension de l’exécution de l’arrêt d’appel. Ce sursis à exécution a été prononcé en considération de la compétence que lui reconnaît la dernière phrase de l’article 16, alinéa premier du Traité institutif de l’OHADA en matière de procédure d’exécution. Toutefois, avant les arrêts de la Cour de cassation ivoirienne, les arrêts d’appel avaient fait l’objet d’une exécution provisoire. Celle-ci avait donné lieu à une saisie attribution pratiquée contre la débitrice et en application des dispositions pertinentes de l’AUPSRVE.
C’est l’article 32 de l’AUPSRVE qui organise l’exécution provisoire des décisions de justice dans l’espace OHADA. Cette disposition accorde à la partie bénéficiaire d’un jugement, la possibilité d’en poursuivre l’exécution malgré l’effet suspensif des voies de recours. Ainsi, à l’exclusion de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu du titre exécutoire par provision qui constituerait cette décision de justice. L’apport des deux arrêts relevés est plus spécifiquement relatif à la question de la juridiction compétente pour connaître des contestations relatives à cette exécution provisoire, ou pour prononcer un sursis à exécution. Les interrogations soumises à la CCJA se résument ainsi dans l’articulation entre, d’une part, la règle de compétence des juridictions suprêmes nationales en matière de procédures d’exécution, prévue à l’article 16, alinéa premier du Traité OHADA et, d’autre part, celle du juge des urgences encadrée par l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Ces arrêts viennent donc préciser la portée de la compétence conférée à la Cour nationale de cassation en matière de procédure d’exécution par la dernière phrase de l’article 16, alinéa premier du Traité OHADA.
En effet, l’article 16, alinéa premier du Traité OHADA a pour objet de principal d’imposer le principe de la suspension de toute procédure de cassation engagée devant les juridictions nationales dès la saisine de la CCJA. Toutefois, la dernière phrase de cette disposition précise que cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution. L’imprécision de cette exclusion introduit immédiatement la question de la portée du maintien de la compétence de la juridiction nationale de cassation relativement à de telles procédures. Elle évoque surtout la question de l’articulation de cette disposition générale du Traité avec les règles de compétence en matière de procédure d’exécution contenues dans les actes uniformes. Il en va ainsi, notamment, de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. En effet, cette dernière disposition prévoit que le juge des urgences qu’elle institue est compétent pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire. Il n’en reste pas moins que l’incompétence des Cours suprêmes nationales pour ordonner le sursis à l’exécution entamée conformément à l’AUPSRVE, cumulée à la compétence exclusive du juge des urgences établi par cet Acte uniforme, réduit la portée de la seconde phrase de l’article 16 du Traité à une proportion excessivement congrue.
Sur l’incompétence de la Cour suprême nationale. L’article 16, alinéa premier du Traité OHADA précise que la saisine de la CCJA n’affecte pas les procédures d’exécution devant les juridictions nationales de cassation. Cette réserve des procédures d’exécution ainsi que le fait qu’elle soit insérée dans une disposition consacrée à l’articulation de la compétence de la CCJA avec celle des juridictions nationales de cassation, pouvait conduire à plusieurs lectures complémentaires. Elle pouvait être lue en ce sens que les recours concernant les procédures d’exécution ne sont pas concernés par la suspension des procédures devant une Cour nationale de cassation en raison de la saisine de la CCJA. L’on pourrait également en déduire que, lorsque l’exécution d’une décision de justice est contestée devant la Cour nationale de cassation, la saisine de la CCJA n’aurait pas d’incidence sur la poursuite de la procédure engagée devant celle-ci. L’on pourrait donc estimer qu’une juridiction nationale de cassation puisse, en toute hypothèse, être saisie des contestations relatives à une procédure d’exécution. Mais de quelles procédures d’exécution s’agit-il ? Les deux arrêts rapportés viennent s’inscrire dans l’importante jurisprudence précisant que les procédures d’exécution entamées en application des dispositions de l’AUPSRVE n’en font pas partie.
Sur le plan des principes, l’articulation de ces deux dispositions aurait pu être résolue soit dans le sens de la primauté de l’article 16, alinéa premier du Traité OHADA, soit dans celui du caractère de lex specialis de l’article 49 de l’Acte uniforme. La première option aurait conduit à ce que la saisine de la Cour nationale de cassation écarte la compétence de toute autre juridiction nationale sur la question de l’exécution de la décision d’appel déferrée. Une telle solution serait alors justifiée par la portée de cette exclusion qui ne distingue pas selon la base de la procédure d’exécution en cause devant la Cour suprême nationale. Ce n’est pas l’option retenue par la CCJA. Celle-ci a préféré consacrer la priorité de la lex specialis (AUPSRVE, art. 49) sur la seconde phrase de l’article 16, alinéa premier du Traité. En revanche, cette option n’est pas dépourvue de logique. Sans que la Cour ne le précise, elle peut notamment se prévaloir du caractère dérogatoire de la seconde phrase de l’article 16, alinéa premier du Traité. Ce caractère dérogatoire implique, en principe, qu’une interprétation stricte doive lui être réservée.
Ainsi, la confrontation entre la compétence reconnue à la juridiction suprême nationale en matière de procédure d’exécution par l’article 16 du Traité et celle reconnue au juge des urgences par l’article 49 de l’AUPSRVE, a été dénouée en faveur de cette dernière. Précisons à cet égard que la jurisprudence, affirmant l’incompétence des Cours suprêmes nationales pour prononcer un sursis à l’exécution des décisions frappées d’un pourvoi, est abondante. Le remarquable, est que cette incompétence des Cours nationales de cassation en matière de sursis à exécution, concerne spécifiquement les décisions rendues exclusivement en application du droit national. Par hypothèse, celles qui sont rendues en application du droit OHADA échappent à sa compétence en vertu de l’article 14 du Traité. Par ailleurs, la CCJA a régulièrement jugé contraire aux articles 32 et 49 de l’AUPSRVE, le fait pour une Cour de cassation d’ordonner un sursis à l’exécution d’une décision de justice lorsqu’un acte d’exécution a déjà été réalisé en application des dispositions de cet acte uniforme [1]. Il en est de même lorsque l’exécution est simplement entamée au moment où l’arrêt de la juridiction suprême nationale intervient [2]. Le fait que la mesure d’exécution provisoire concerne une décision de justice ayant fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour nationale de cassation, est donc sans incidence sur la possibilité de son exécution provisoire en application de l’article 32 de l’AUPSRVE. Il résulte dès lors de cette disposition que, lorsqu’une exécution forcée est entamée, les juridictions suprêmes nationales ne peuvent plus exercer leur compétence en application de l’article 16 du Traité [3].
Sur la compétence exclusive du juge des urgences de l’article 49 de l’AUPSRVE. Le sens de la décision de la CCJA dans les deux arrêts rapportés est que le sursis à l’exécution provisoire d’une décision ne peut être prononcé par la Cour suprême nationale dès lors qu’une exécution est entamée en application des dispositions de cet Acte uniforme. En effet, une fois l’exécution entamée en application de ces dispositions, seul le juge des urgences établi par l’article 49 de ce dernier peut connaître des contestations y relatives. Deux conséquences s’en déduisent principalement. Une première est que même la décision de justice ayant fait l’objet d’un pourvoi en cassation constitue un titre exécutoire par provision pouvant donner lieu à une mesure d’exécution provisoire, conformément à l’article 32 de l’AUPSRVE. Une seconde est que la procédure d’exécution d’une décision de justice en application des dispositions de l’AUPSRVE est autonome vis-à-vis de la procédure principale pendante devant la juridiction suprême.
Par ailleurs, le fait que la requête destinée à obtenir un sursis à exécution soit antérieure à la mesure d’exécution entamée par le créancier, est sans incidence sur cette compétence exclusive du juge des urgences de l’article 49 de l’AUPSRVE. La CCJA ne prend en compte que la date de l’arrêt de cassation prononçant le sursis à exécution. De ce point de vue, la solution de la CCJA semble critiquable, mais elle n’est pas surprenante.
Elle est critiquable, en ce sens qu’elle permet à la partie défenderesse devant la juridiction nationale de cassation, de faire échec à toute requête destinée à obtenir une suspension de l’exécution de la décision déférée, en entamant une procédure parallèle d’exécution conformément aux dispositions de l’Acte uniforme. Or, dans l’hypothèse où la procédure principale n’implique qu’une application du droit national, il semble que les cours suprêmes nationales soient, du point de vue de la proximité juridique, les mieux placées pour apprécier la nécessité d’un sursis à exécution.
Toutefois la solution n’est pas surprenante. Elle ne l’est pas, en ce sens qu’elle est de nature à promouvoir l’application des dispositions issues des actes uniformes au détriment des dispositions nationales. La Cour précise d’ailleurs en conclusion de son raisonnement dans les deux arrêts, que sa décision est prise « dans l’intérêt bien compris de l’ordre juridique communautaire ». Il en résulte que, dans le cadre d’une procédure judiciaire, le créancier en faveur duquel une décision a été rendue, a tout intérêt à en entamer immédiatement l’exécution en application des dispositions de l’AUPSRVE. Une telle exécution aurait pour effet d’extraire la procédure d’exécution provisoire de l’ordre juridictionnel national pour l’intégrer entièrement dans la structure juridictionnelle de l’OHADA. Cela reste possible alors même que la procédure principale n’impliquerait pas une application du droit issue de l’OHADA. Sur le plan procédural, l’exécution ainsi entamée ne pourrait alors être contestée que devant le juge des urgences de l’article 49 de l’AUPSRVE. La décision de ce dernier n’est susceptible d’appel que dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé. Par ailleurs, en application de l’article 14 du Traité OHADA, le pourvoi contre cette décision d’appel ne pourra être porté que devant la CCJA.
Sur la portée de la compétence des cours suprêmes nationales prévue à l’article 16 du traité. À l’issue de ces observations, une question essentielle se pose. Que reste-t-il de l’effet utile de la seconde phrase de l’article 16, alinéa premier du traité OHADA ? En réalité, l’arrêt n° 072/2023 et l’arrêt n°100/2023 de la CCJA vident cette phrase et surtout la réserve qu’elle consacre de l’essentiel de son intérêt. En effet, il ressort des observations précédentes que le maintien de la compétence d’une Cour nationale de cassation en matière de procédure d’exécution ne serait pertinent que dans l’hypothèse où la mesure d’exécution est réalisée en application des dispositions nationales. En réalité seule cette hypothèse permet d’exclure la compétence exclusive du juge des urgences établie par l’article 49 de l’AUPSRVE.
Une autre hypothèse de compétence des juridictions suprêmes nationales est celle dans laquelle le sursis à exécution est prononcé antérieurement à toute mesure d’exécution. Néanmoins, cette hypothèse ne concerne pas l’application des dispositions de l’acte uniforme sur les procédures de recouvrement, encore moins celle de l’article 16 du Traité. En effet, l’applicabilité même de l’article 16 du traité suppose la saisine de la CCJA. Or, la compétence de la juridiction communautaire exclut celle des juridictions nationales de cassation dans la procédure principale. Les arrêts rapportés ainsi que la jurisprudence dans laquelle ils s’inscrivent écartent la compétence « résiduelle » de ces juridictions en matière d’exécution.
En définitive, la dernière phrase de l’article 16, alinéa premier du Traité n’aurait donc vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse d’une procédure d’exécution réalisée exclusivement en application du droit national, cette hypothèse restant excessivement marginale. Dès lors, les Cours nationales de cassation n’auront pratiquement jamais l’occasion d’exercer leur compétence en matière d’exécution provisoire en application de cette disposition du Traité.
[1] V. en application de l’article 32 de l’AUPSVRE, CCJA, 1re ch., 12 mars 2020, n° 076/2020 N° Lexbase : A83383LE
[2] CCJA, 2e ch., 27 février 2014, n° 017/2014 N° Lexbase : A7028WQD
[3] V. dans le même sens, CCJA, 2e ch., 25 juin 2020, n° 211/2020 N° Lexbase : A856333K
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