Lexbase Afrique-OHADA n°69 du 14 septembre 2023 : Arbitrage
[Panorama] Panorama de la jurisprudence de la Cour commune de justice et d’arbitrage en droit de l’arbitrage : années 2021 et 2022

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Le 14-09-2023

[Panorama] Panorama de la jurisprudence de la Cour commune de justice et d’arbitrage en droit de l’arbitrage : années 2021 et 2022 - par Djofang Darly-Aymar, Avocat au barreau du Cameroun, Arbitre référencé au Centre de Médiation et d’Arbitrage du GICAM (CMAG), Arbitre référencé à la Cour d’Arbitrage du Togo (CATO)

par Djofang Darly-Aymar, Avocat au barreau du Cameroun, Arbitre référencé au Centre de Médiation et d’Arbitrage du GICAM (CMAG), Arbitre référencé à la Cour d’Arbitrage du Togo (CATO)

L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires a été créée afin d’instaurer la sécurité juridique et judiciaire au sein de ses États membres. Dans cette perspective, le Traité OHADA a accordé une place cardinale à l’arbitrage « comme instrument de règlement des différends contractuels ». Pour permettre à l’organisation de réaliser ses missions, plusieurs institutions ont été mises en place parmi lesquelles la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA).

La CCJA se positionne ainsi dans l’espace OHADA comme la juridiction chargée d’assurer l’harmonisation du droit uniforme, notamment le droit de l’arbitrage dans sa double fonction de juridiction de contrôle de la régularité des sentences arbitrales rendues sous l’égide de son Centre d’arbitrage, et de juridiction de contrôle des décisions de justice rendues par les juridictions nationales compétentes pour statuer sur le recours en annulation des sentences arbitrales internes [1].

Compte tenu de cette réalité, une doctrine autorisée s’interrogeait, à juste titre, sur la capacité de la CCJA à assumer ses missions arbitrale et juridictionnelle en toute indépendance [2]. À l’épreuve des faits, la question, bien que pertinente, ne devrait plus se poser car au fil du temps, la CCJA élabore une jurisprudence relativement abondante en matière d’arbitrage [3], mais tout aussi riche d’éléments pédagogiques, même si l’on peut déplorer quelques errements. Du premier arrêt appliquant l’AUA à nos jours, la CCJA a continuellement rendu des décisions qui permettent aujourd’hui de parler d’une jurisprudence OHADA en matière d’arbitrage [4].

L’objet de la présente étude est de faire un compte rendu de la jurisprudence OHADA en matière d’arbitrage, notamment en présentant et en analysant les arrêts rendus par la CCJA statuant en matière d’arbitrage au cours des années 2021 et 2022. Le choix de cette période s’explique par le fait que la jurisprudence des années précédentes a déjà fait l’objet d’une large diffusion à travers, soit des articles de doctrine [5], soit des notes de jurisprudence publiées dans certaines revues locales [6]. Par ailleurs, les deux années choisies marquent le début d’une tâche que nous nous assignons : rendre régulièrement compte de la jurisprudence de la CCJA en matière d’arbitrage en vue de contribuer non seulement à la diffusion de l’activité prétorienne de cette prestigieuse juridiction [7], mais surtout au rayonnement de l’arbitrage dans l’espace OHADA comme instrument de sécurité judiciaire.

Sauf erreur ou omission de notre part, dans la période de janvier 2021 à décembre 2022, la CCJA a rendu une quinzaine d’arrêts en matière d’arbitrage, soit une dizaine d’arrêts au cours de l’année 2021 et cinq (5) arrêts pour l’année 2022. Il s’agit des arrêts rendus aussi bien lorsqu’elle statue sur le recours en annulation contre les sentences arbitrales rendues sous l’égide de son Centre d’arbitrage, que lorsqu’elle intervient comme juridiction de cassation des décisions rendues par les juridictions nationales compétentes des États Parties pour connaître du recours en annulation des sentences arbitrales rendues dans un arbitrage ad hoc ou sous l’égide d’une institution arbitrale nationale. Les problèmes juridiques posés sont tous aussi variés que pertinents.

À l’analyse, certains arrêts règlent la question relative à l’effet négatif de la convention d’arbitrage qui postule l’incompétence des juridictions étatiques lorsque, par une clause compromissoire, les parties ont décidé de faire trancher leur litige par la voie de l’arbitrage. Par deux (2) arrêts, dont l’un rendu en 2021 [8] et l’autre rendu en 2022 [9], la CCJA a jugé qu’ « en présence d’une convention d’arbitrage, la juridiction étatique doit se déclarer incompétente lorsque l’une des parties en fait la demande, ceci d’autant plus qu’il appartient au Tribunal arbitral d’apprécier l’existence, la validité et la portée de la convention d’arbitrage ; qu’il en résulte que l’appréciation de la portée de cette convention s’entend nécessairement aussi de l’appréciation de l’exception tirée de la clause arbitrale en cas de prolongation tacite du contrat ».

Il faut néanmoins signaler que, dans une autre affaire qu’elle a connue en 2021, la CCJA devait statuer sur la question de savoir si la clause compromissoire rend incompétent le juge judiciaire même pour connaître des mesures conservatoires et provisoires. La Cour répond par la négative, en jugeant que « selon l’alinéa 4 de l’article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage l’existence d’une convention d’arbitrage ne fait pas obstacle à ce qu’à la demande d’une partie, une juridiction étatique, en cas d’urgence reconnue et motivée, ordonne des mesures provisoires ou conservatoires dès lors que ces mesures n’impliquent pas un examen du différend au fond pour lequel seul le tribunal arbitral est compétent, qu’en désignant un administrateur provisoire, la décision déférée ne viole en rien le texte visé par le moyen » [10]

Au cours de l’année 2021, la Cour a connu de deux affaires qui posaient le problème de l’application de l’Acte uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage. L’une posait le problème de l’application de l’AUA du 23 novembre 2017 aux procédures d’arbitrage commencées avant son entrée en vigueur, tandis que l’autre posait le problème de l’application de l’AUA à la procédure d’exéquatur d’une sentence arbitrale étrangère. S’agissant de l’application dans le temps de l’AUA du 23 novembre 2017, la CCJA décide que ce texte n’est pas applicable aux procédures arbitrales commencées avant son entrée en vigueur [11]. Qu’ainsi, le mécanisme de saisine directe de la CCJA d’un recours en annulation de sentence arbitrale rendue dans un État partie, en cas de défaillance de la juridiction nationale compétente, instauré par l’article 27 de l’AUA adopté le 23 novembre 2017, n’est applicable qu’aux procédures arbitrales entamées après son entrée en vigueur.

En ce qui concerne l’application de l’AUA à la procédure d’exéquatur d’une sentence arbitrale rendue à l’étranger sous l’égide d’un Centre d’arbitrage étranger, la CCJA a jugé que « la sentence dont l’exéquatur est sollicité à Dakar au Sénégal a été rendue à Londres en Angleterre sous l’égide de la GAFTA ; que ces deux États sont tous membres de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères de New York du 10 juin 1958 dont l’article 3 prévoit que chacun des États contractants reconnaitra l’autorité d’une sentence arbitrale et accordera l’exécution de cette sentence conformément aux règles de procédures suivies dans le territoire où la sentence est invoquée… ; qu’il ressort des dispositions combinées de cet article et de celles de l’article 34 susvisé de l’Acte uniforme précité que cet Acte uniforme n’est pas applicable au Sénégal à la sentence arbitrale rendue en Angleterre » [12].

Les solutions juridiques retenues par la Cour dans les arrêts qui précèdent n’appellent de notre part aucun commentaire particulier car elles sont conformes au droit positif en vigueur et sont pour l’ensemble des questions régulièrement soumises à la CCJA en matière d’arbitrage [13]. C’est pourquoi, il nous a semblé utile de les évacuer préalablement pour nous consacrer à l’appréciation de la dizaine d’arrêts qui posent des problématiques plus pertinentes. À la lecture de ces arrêts, trois motifs de nullité sont fréquemment invoqué à l’appui du recours en annulation contre la sentence arbitrale : l’irrégularité de la constitution du Tribunal arbitral, la violation de l’ordre public international et le non-respect par le Tribunal arbitral de sa mission. Il faut relever que trois arrêts se prononcent clairement sur le mécanisme de saisine directe de la CCJA d’un recours en annulation de la sentence arbitrale rendue dans l’État partie en cas de défaillance de la juridiction nationale compétente. En synthétisant, la présente étude pourrait être axée autour de deux points saillants : les moyens d’annulation régulièrement invoqués par les parties (I) et le mécanisme de saisine directe de la CCJA du recours en annulation en cas de défaillance de la juridiction nationale compétente (II).

I. Les motifs d’annulation invoqués à l’appui du recours en annulation

Dans le système d’arbitrage OHADA, le recours en annulation est la voie de recours ordinaire contre la sentence arbitrale [14]. Il est institué par l’article 25 de l’AUA qui énonce que « la sentence arbitrale n’est pas susceptible d’opposition, d’appel, ni de pourvoi en cassation. Elle peut faire l’objet d’un recours en annulation qui doit être porté devant la juridiction compétente dans l’État partie… ». Dans le Règlement d’arbitrage de la CCJA, c’est l’article 29 qui consacre le recours en annulation en prenant le soin d’énumérer les motifs d’annulation qui sont identiques à ceux énumérés par l’article 26 de l’AUA. Dans l’ensemble, le recours en annulation n’est recevable que :

- si le tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée ;

- si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné ;

- si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée ;

- si le principe du contradictoire n’a pas été respecté ;

- si la sentence arbitrale est contraire à l’ordre public international ;

- si la sentence arbitrale est dépourvue de toute motivation.

La lecture des arrêts recensés pour la période considérée laisse entrevoir que trois (3) motifs d’annulation ont été invoqués à l’appui du recours en annulation par les parties. Il s’agit notamment de l’irrégularité de constitution du Tribunal arbitral, de la contrariété de la sentence arbitrale à l’ordre public international et du non-respect par le Tribunal arbitral de sa mission.

A. Sur la constitution irrégulière du Tribunal arbitral

Un tribunal arbitral est essentiellement éphémère. Il est constitué spécialement pour un litige déterminé et les règles régissant l’arbitrage exigent que la constitution du Tribunal arbitral reflète l’expression de la volonté des parties. Dans son activité juridictionnelle au cours de la période considérée, la CCJA a rendu quatre (4) arrêts dans lesquels le motif d’annulation soutenu par la partie saisissante est l’irrégularité de constitution du Tribunal arbitral. Parmi ces arrêts, trois (3) sont relatifs au recours en annulation contre les sentences arbitrales rendues sous l’égide des institutions d’arbitrage de l’espace OHADA, tandis qu’un seul émane d’un arbitrage ad hoc. Il s’agit de : l’arrêt 063/2021 du 8 avril 2021 (N° Lexbase : A3340434) ; l’arrêt n° 214/2021 du 23 décembre 2021 (N° Lexbase : A62687NH) ; l’arrêt n° 104/2022 du 23 juin 2022 (N° Lexbase : A03768RD) ; l’arrêt n° 199/2022 du 29 décembre 2022 (N° Lexbase : A82899NC).

Dans l’arrêt n° 063/2021 rendu le 8 avril 2021, de l’affaire opposant Monsieur Marc Orphanides à Monsieur Alkarim Alnoor Jamal, l’annulation de la sentence arbitrale rendue le 22 décembre 2017 dans le cadre d’un arbitrage ad hoc, est sollicitée pour l’irrégularité de la constitution du Tribunal arbitral. En effet, la partie perdante dans la procédure arbitrale fait grief à la sentence arbitrale d’avoir été rendue par un Tribunal arbitral composé d’un arbitre unique désigné par la juridiction étatique au lieu de laisser la possibilité aux parties d’en désigner trois. L’argument prospère devant la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe qui annule dans toutes ses dispositions la sentence arbitrale entreprise. L’arrêt d’appel est déféré devant la CCJA qui, examinant ce motif tiré de l’irrégularité de la constitution du Tribunal arbitral, le juge mal fondé : « attendu que s’agissant de la désignation d’un arbitre unique, elle ne saurait être reprochée à la demanderesse, en l’absence d’une volonté contraire des parties, dès lors qu’il fallait faire face à l’inertie de la défenderesse ; que c’est à bon droit qu’a été prise l’ordonnance du 4 novembre 2016 désignant Maître Laurent Okitonembo comme arbitre unique pour connaître du litige ; qu’il ne saurait être davantage reproché au juge d’appui d’avoir rapporté une ordonnance tendant à désigner un second arbitre, alors même que la procédure d’arbitrage était déjà mise en œuvre depuis son ordonnance de désignation de l’arbitre unique ».

Dans cette affaire, il est également reproché à la sentence arbitrale entreprise la violation de l’article 7 de l’AUA, en ce que l’arbitre a statué en dépit de sa récusation par l’une des parties. Rappelant les dispositions de l’article 7 de l’AUA qui énoncent qu’ « en cas de litige, et si les parties n’ont pas réglé la procédure de récusation, le juge compétent dans l’État partie statue sur la récusation. Sa décision n’est susceptible d’aucun recours », la CCJA tire les conséquences en jugeant qu’ « au-delà de ce que l’arbitre contesté a été désigné par le juge d’appui, il ne ressort des éléments du dossier aucune procédure régulière de récusation dudit arbitre devant la juridiction compétente ; que des simples correspondances adressées au conseil de la partie demanderesse par celui de la partie défenderesse ne sauraient être considérées comme constitutives d’une procédure de récusation régulière, ce d’autant qu’au reçu desdites correspondances, l’arbitre désigné a sursis à statuer sur le fond de la procédure, en attendant éventuellement une décision du juge qui serait régulièrement saisi ».

Pour prévenir tout risque de dépendance ou de partialité du tribunal arbitral avant que la sentence ne soit rendue, les parties peuvent récuser l’arbitre [15] suivant une procédure prévue à cet effet par l’AUA ou le Règlement d’arbitrage de la CCJA. Dans le cadre d’un arbitrage ad hoc, la partie demanderesse saisit le juge d’appui par une requête aux fins de récusation, tandis que dans l’arbitrage institutionnel, la demande aux fins de récusation est introduite par envoi au Secrétariat Général du Centre d’arbitrage d’une déclaration précisant les faits et circonstances sur lesquels est fondée cette demande [16]. La récusation ne saurait donc résulter de simples correspondances adressées au conseil de la partie adverse par le conseil de la partie qui remet en cause l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre, ou encore se réduire à de simples réserves que les conseils émettent sur la désignation d’un arbitre [17].

Le même problème s’est également posé dans l’arrêt n° 104/ 2022 rendu le 23 juin 2022 [18]. Un litige survient entre les deux parties au sujet de la résiliation d’un contrat de service portant sur la fourniture de travaux de génie civil et de service de soutien à la mine souterraine. En vertu de la convention d’arbitrage insérée dans le contrat, les parties font un arbitrage sous l’égide du Centre d’arbitrage de la CCJA et le tribunal arbitral rend une sentence arbitrale partielle le 24 juillet 2019.

L’entreprise Mukonki Mulimi introduit un recours en annulation de la sentence arbitrale devant la CCJA. Elle reproche à la sentence d’avoir été rendue par un tribunal arbitral irrégulièrement constitué, en ce que ce tribunal a statué nonobstant la récusation de l’arbitre Caprasse fait par son conseil par mail adressé au Secrétaire général du Centre d’arbitrage. Examinant les éléments du dossier, la CCJA constate que non seulement le conseil de EMM Sarlu reconnait dans un échange mail avec le Secrétaire Général du Centre que le mail adressé à celui-ci relativement à la récusation de l’arbitre n’est jamais parvenu au secrétaire du Centre, mais aussi et surtout que EMM ne parvient pas à l’édifier sur sa saisine par requête aux fins de récusation dans la forme légale. La CCJA en tire donc les conséquences en jugeant  qu’ « ainsi, EMM qui, ni avant ni après la nomination ou la confirmation de Monsieur Caprasse en qualité d’arbitre, n’a introduit aucune demande de récusation et qui de surcroit a signé le procès-verbal constatant l’objet de l’arbitrage et fixant le déroulement de la procédure d’arbitrage prévu à l’article 15 du Règlement d’arbitrage, est mal venue maintenant à invoquer l’irrégularité de la composition du tribunal arbitral, ceci d’autant plus qu’elle ne justifie pas en quoi le fait pour l’arbitre d’avoir, par le passé, été désigné en cette qualité dans une cause impliquant l’actionnaire de son adversaire, est de nature à entamer l’indépendance et l’impartialité dudit arbitre ; qu’il y a lieu de rejeter ce motif d’annulation de la sentence ».

L’affaire Etablissements ENACAM contre Société Générale Cameroun et Centre de Médiation et d’arbitrage du Groupement Inter-patronal du Cameroun (GICAM), objet de l’arrêt n° 214/2021 rendu le 23 décembre 2021 a donné l’occasion à la CCJA de réitérer le rôle primordial de la volonté des parties dans la constitution du tribunal arbitral.

Les faits sont des plus simples. Les parties sont liées par une clause compromissoire qui prévoit un arbitrage sous l’égide du Centre de Médiation et d’arbitrage du GICAM (CMAG) et prévoit que le tribunal arbitral sera composé d’un arbitre unique. Le litige survient, et une demande d’arbitrage est introduite par la Société Générale Cameroun contre l’Etablissement ENACAM. Les parties ne s’entendent pas sur l’arbitre unique à désigner pour régler leur différend. Conformément aux dispositions de l’article 9.1 du Règlement d’arbitrage du CMAG, le Centre doit se substituer aux parties pour désigner l’arbitre unique. Au lieu de procéder à cette désignation, le Centre constitue plutôt un tribunal arbitral collégial composé de trois (3) arbitres qui statuent et rendent une sentence arbitrale le 19 mai 2020. Etablissement ENACAM saisit la Cour d’appel du Littoral d’un recours en annulation pour le motif de constitution irrégulière du tribunal arbitral. La Cour d’appel traîne à statuer dans le délai légal de trois mois imparti. Le recours est porté devant la CCJA qui annule la sentence arbitrale pour constitution irrégulière du tribunal arbitral dans une motivation assez pertinente : « dès lors que les parties sont convenues que le différend sera tranché par un arbitre unique, comme c’est le cas en l’espèce, le Centre ne peut recourir, comme il l’a fait, aux dispositions de l’article 9.3 du Règlement susvisé, lesquelles ne s’appliquent que lorsque les parties n’ont pas elles-mêmes fixé d’un commun accord le nombre des arbitres pour trancher leur différend ; que de par les dispositions de l’article 9.1 du Règlement d’arbitrage du GICAM susvisé, en cas de non désignation consensuelle de l’arbitre unique par les parties, la seule faculté reconnue au Centre est de nommer lui-même ledit arbitre… ; que c’est donc en violation des dispositions des articles 5 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et 9.1 du Règlement d’arbitrage du GICAM que le Centre a imposé un collège d’arbitres nonobstant l’accord des parties de voir leur litige tranché par un arbitre unique ; qu’en le faisant, il a irrégulièrement constitué le tribunal arbitral ».

Cet arrêt rappelle le principe qui veut que la constitution du tribunal arbitral se fasse selon les modalités convenues entre les parties. L’article 6 de l’AUA prévoit les modalités de désignation des arbitres qui ne s’appliquent qu’en l’absence d’accord des parties. Il y a ici mise en œuvre de la liberté contractuelle dont le consentement à l’arbitrage [19] est le corollaire. Cette liberté s’exerce pleinement dans le domaine de l’arbitrage ad hoc où les parties ont, en principe, toute la latitude pour façonner les modes de désignation des arbitres. Dans l’arbitrage institutionnel, c’est le règlement d’arbitrage, choisi par les parties, qui va régler la question. Ce n’est qu’en l’absence de modalités issues de la convention d’arbitrage que les textes prévoient les règles, par essence supplétives de volonté. Et même l’application subsidiaire du règlement d’arbitrage doit se faire dans le strict respect de la volonté des parties. Ainsi, lorsque les parties conviennent, dans la convention d’arbitrage, que leur différend sera tranché par un tribunal arbitral composé d’un arbitre unique, l’intervention subsidiaire du juge d’appui ou du centre d’arbitrage doit se limiter à désigner cet arbitre unique à défaut d’accord consensuel des parties, et non d’instituer un tribunal arbitral collégial. La volonté des parties est sacrée en arbitrage.

Dans l’affaire précitée, la clause compromissoire stipulait que le tribunal arbitral sera constitué d’un arbitre unique. Le rôle du CMAG devait tout simplement consister à désigner cet arbitre unique en lieu et place des deux parties qui ne parvenaient à s’accorder sur ce sujet. Malheureusement, le CMAG a procédé autrement en instituant un tribunal arbitral collégial. Ce qui a motivé l’annulation de la sentence arbitrale rendue par ce tribunal. Cette situation interpelle sur la responsabilité de l’institution d’arbitrage lorsque l’annulation de la sentence arbitrale est fondée sur un fait qui lui est imputable.

Il est évident que la régularité de la composition du tribunal arbitral, au sens des articles 26 de l’AUA et 29 du Règlement d’arbitrage de la CCJA doit s’apprécier non seulement au regard de la procédure de sa constitution, qui doit se conformer aux dispositions de l’AUA et du Règlement d’arbitrage de la CCJA, mais aussi des critères d’impartialité et d’indépendance du ou des arbitres qui le composent, l’inobservation de ces critères pouvant entraîner l’annulation de la sentence arbitrale.

C’est le cas dans l’affaire ayant opposé la Société Fontaine à Bière (FAB) à la Société Anonyme des Brasseries du Cameroun (SABC), objet de l’arrêt n° 199/2022 rendu le 29 décembre 2022 par la CCJA statuant en Assemblée plénière. Il en ressort qu’un litige est survenu entre les parties relativement à l’exécution d’un contrat d’approvisionnement qui contient une clause compromissoire stipulant un arbitrage sous l’égide du Centre de Médiation et d’arbitrage du GICAM. Aux fins de règlement de ce différend, la SABC introduit une demande d’arbitrage. La Fontaine à Bière refuse de participer à l’arbitrage aux motifs que l’étape préalable de conciliation prévue dans la clause de règlement de différend n’a pas été observée. Malgré le défaut de la société Fontaine à Bière, un tribunal arbitral collégial est constitué par le Centre et une sentence arbitrale est rendue le 21 juillet 2021. La société Fontaine à Bière qui n’a pas participé à la procédure d’arbitrage, mais qui est condamnée au paiement de sommes d’argent, introduit un recours en annulation devant la Cour d’appel du Littoral qui ne statue pas dans le délai de trois mois imparti. Le recours est porté devant la CCJA qui annule la sentence arbitrale pour constitution irrégulière du tribunal arbitral au motif que l’un des arbitres a fait une déclaration d’indépendance et d’impartialité insuffisante qu’il n’a complété que neuf (9) mois après sa prise de fonction d’arbitre et quatre (4) jours après la clôture définitive des débats et la mise en délibéré du dossier.

La motivation de la Cour mérite d’être reprise avant tout débats sur sa pertinence : « qu’en l’espèce, il ressort des pièces de la procédure que l’arbitre Ebe-Evina a été désigné d’office par le Centre d’arbitrage GICAM, le 8 septembre 2020, à la suite du refus de la société FAB qui s’est abstenue, dès le départ, de participer à cet arbitrage sous l’égide du GICAM, en raison du non-respect des étapes préalables de négociation et de conciliation prévues par la clause compromissoire ; que cet arbitre a fait sa déclaration d’indépendance et d’impartialité le 11 septembre 2020, en omettant de révéler ses précédents liens de collaboration avec le Directeur Général de la SABC, partie demanderesse, et par ailleurs 2nd vice-président du GICAM, avec qui il avait siégé au Conseil Exécutif du GICAM et coanimé, en septembre 2018, une table ronde sur le climat des affaires au Cameroun ; que l’article 14 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage ne peut être opposé au demandeur de l’annulation de la sentence que si ces faits reprochés à l’arbitre étaient portés à sa connaissance dès le début de la procédure arbitrale, conformément à l’article 7, alinéa 4 dudit Acte uniforme, repris par l’article 10.1 du Règlement d’arbitrage du Centre du GICAM, qui énonce que tout arbitre pressenti informe les parties de toute circonstance de nature à créer dans leur esprit un doute légitime sur son indépendance et son impartialité et ne peut accepter sa mission qu’avec leur accord unanime et écrit ; qu’or, en l’occurrence, c’est en date du 11 juin 2021, soit neuf (9) mois après sa prise de fonction d’arbitre et quatre (4) jours après la clôture définitive des débats et la mise en délibéré du dossier intervenues le 7 juin 2021, que l’arbitre Ebe-Evina a, dans une « déclaration complémentaire » laconique, reconnu avoir occupé la fonction de Président de la « Commission Amélioration Environnement des Affaires » du GICAM, ce en violation des articles 7 de l’Acte uniforme et 10.1 du Règlement du Centre d’arbitrage suscités ; que, dans ces circonstances, qu’il s’ensuit qu’un tribunal arbitral, sur lequel subsiste un doute légitime sur l’indépendance et l’impartialité de son membre, est irrégulièrement constitué ; qu’il échet, par conséquent, d’annuler la sentence arbitrale rendue le 21 juillet 2021 par ledit tribunal ».

Le raisonnement de la CCJA dans cette affaire est suffisamment exhaustif, mais discutable. Il est reproché à l’arbitre Ebe-Evina d’avoir fait une déclaration d’indépendance et d’impartialité incomplète à l’origine de la procédure arbitrale qu’il n’a complété qu’à l’issue de ladite procédure en faisant des révélations laconiques qui font subsister un doute légitime sur son indépendance et son impartialité. Certes, l’arbitre est tenu d’un devoir d’indépendance et d’impartialité donc le moyen préventif de contrôle réside dans l’obligation de révélation qui lui impose de « révéler toute circonstance de nature à affecter son jugement et à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable sur ses qualités d’impartialité et d’indépendance ». Mais la question centrale est dans tous les cas la suivante : que révéler ? Jusqu’où aller dans la révélation des faits ? Aucune disposition de l’AUA et encore moins du Règlement d’arbitrage de la CCJA ne répond à ces interrogations. Néanmoins, la jurisprudence française en matière d’arbitrage en donne une esquisse de réponse en posant les critères d’application de cette obligation de révélation. Selon cette jurisprudence, « l’obligation de révélation qui pèse sur l’arbitre doit s’apprécier au regard de la notoriété de la situation critiquée, de son lien avec le litige et de son incidence sur le jugement de l’arbitre » [20]. Il se dégage deux critères principaux : l’absence de notoriété de la situation critiquée et son incidence « raisonnablement prévisible » sur le jugement de l’arbitre. Ces critères permettent de guider utilement la détermination de l’étendue des faits à révéler. Il est acquis qu’un arbitre n’a pas l’obligation de révéler un fait de notoriété publique, même si la notoriété d’un fait est susceptible de donner lieu à débat. Néanmoins, c’est par rapport à une notoriété normale ou acceptable que le critère doit s’apprécier. Il convient de vérifier que le fait non révélé était ou devait être notoirement connu d’une personne normalement informée. Dans le cas d’espèce, les faits pour l’arbitre Ebe-Evina d’être membre du Conseil Exécutif du GICAM et Président de la Commission « Amélioration Environnement des Affaires » du même GICAM nous semblent d’une notoriété évidente de sorte que leur non révélation ou leur révélation dans une déclaration complémentaire même tardive ne saurait justifier l’annulation de la sentence arbitrale pour constitution irrégulière du Tribunal arbitral. En effet, le GICAM est un regroupement patronal dont l’organigramme et les activités sont publiés en permanence sur son site internet accessible à tout public. La liste des membres du Conseil Exécutif du GICAM est publiée sur le site internet de cette institution de sorte que toute personne y a accès. L’accessibilité à ces informations leur confère le statut d’informations notoires dont la découverte est tributaire de la simple curiosité des parties à l’arbitrage. L’arbitre Ebe-Evina avait-il impérativement l’obligation de révéler ces faits notoires ? À notre avis, pas vraiment.

Par ailleurs, une lacune dans la révélation de l’arbitre n’entraîne pas l’annulation automatique de la sentence. La jurisprudence française adhère à cette solution à travers une formule on ne peut plus claire : « Il convient de rappeler que la non-révélation par l’arbitre d’informations ne suffit pas à constituer un défaut d’indépendance ou d’impartialité. Encore faut-il que ces éléments soient de nature à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable quant à l’impartialité et à l’indépendance de l’arbitre, l’appréciation devant être faite sur des bases objectives et en tenant compte des spécificités de l’espèce » [21]. Ainsi, la sentence n’est annulée qu’à condition que le fait révélé soit de nature à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable quant à l’impartialité et à l’indépendance de l’arbitre. Dans notre espèce, en quoi le fait de savoir que l’arbitre Ebe-Evina a été membre du Conseil exécutif du GICAM dont le Directeur Général de la SABC est vice-président, peut-il être de nature à provoquer un doute raisonnable quant à l’impartialité et l’indépendance de cet arbitre ? Il faut bien remarquer que l’affaire opposait la Société Anonyme des Brasseries du Cameroun à la société FAB et non Monsieur le Directeur Général de la SABC à la société FAB. Le reproche que l’on peut formuler à l’endroit de cet arbitre, c’est de s’être abstenu de révéler ces faits lors de sa déclaration préliminaire d’indépendance et d’impartialité, pour n’en faire cas qu’à la clôture de l’instance arbitrale. C’est certainement la tardiveté de la révélation que la CCJA sanctionne, étant donné que les faits relevés par cet arbitre étaient bien connus de lui et n’ont pas surgi en cours d’arbitrage pour justifier la déclaration complémentaire.    

La Cour aurait dû parfaire sa démarche en s’interrogeant préalablement sur la nature véritable des faits révélés postérieurement par cet arbitre par référence à leur notoriété ou pas, avant de tirer les conséquences de leur révélation tardive. Néanmoins, il faut reconnaître que la Cour n’aurait examiné l’affaire sous cet angle que si elle y avait été invitée par les Conseils de la SABC dans leur mémoire en réponse et en duplique. Ceux-ci ont plutôt opté d’axer leur défense sur l’article 14 de l’AUA qui dispose que « la partie qui, en connaissance de cause, s’abstient d’invoquer sans délai une irrégularité et poursuit l’arbitrage, est réputée avoir renoncé à s’en prévaloir ». Cet argument pouvait difficilement emporter la conviction de la Haute juridiction pour la simple raison que la FAB n’ayant pas participé à la procédure arbitrale, elle ne peut être considérée comme avoir renoncé à se prévaloir d’un vice qui entache la procédure. Cependant, il reste tout de même gênant qu’un plaideur s’abstienne de participer à la procédure d’arbitrage mais vient par la suite solliciter l’annulation de la sentence sur le fondement d’un motif dont le moyen qui le caractérise aurait pu être soulevé, examiné et vidé dans le cadre du processus de constitution du tribunal arbitral. Avec la sentence arbitrale annulée, les parties se retrouvent au statu quo ante. Quid des dépenses engagées (frais d’arbitrage, honoraires de conseils et autres) dans le cadre de la précédente procédure d’arbitrage ? La violation de l’ordre public international est également toujours invoquée par les parties à l’appui du recours en annulation.

B. Sur la contrariété à l’ordre public international

La doctrine fait remarquer que les annulations de sentences arbitrales prononcées effectivement pour contrariété à l’ordre public international sont rares [22]. Cette observation fondée sur l’environnement juridique français vaut également dans l’espace OHADA. Une lecture attentive des arrêts rendus par la CCJA statuant en matière d’arbitrage permet de relever que la violation de l’ordre public international est fréquemment, voire toujours invoquée par les plaideurs au soutien de leur recours en annulation. Seulement, le motif ne prospère toujours pas même si l’on peut noter quelques arrêts qui ont prononcé l’annulation de la sentence arbitrale pour violation de l’ordre public international.

Pour la période considérée, il a été recensé cinq recours en annulation de sentence arbitrale à l’occasion desquels était arguée une contrariété de la sentence à l’ordre public international. Seul un recours a prospéré et la sentence est annulée pour contrariété à l’ordre public international. Il s’agit de l’affaire opposant la Société Béninoise d’Énergie Électrique (SBEE) SA et l’État du Bénin à la Société Innovent Bénin SA, objet de l’arrêt n° 105/2022 du 23 juin 2022 (N° Lexbase : A03758RC).

D’après les faits, l’État du Bénin a concédé à la société Innovent un marché de construction et d’exploitation de centrales photovoltaïques et thermiques. Pour la mise en œuvre de ce marché, la société Béninoise d’Énergie Électrique, dite SBEE va conclure un contrat d’achat d’énergie avec la société Innovent SA. Ces contrats seront soumis à la validation de l’Autorité de Régulation de l’Électricité (ARE) qui émettra un avis portant refus d’approbation du marché concédé par l’État du Bénin à la société Innovent SA pour irrégularité de la procédure de passation de ces contrats. L’ARE conditionnait alors son avis favorable à la satisfaction de certaines exigences propres aux procédures de passations des marchés publics, notamment la prise en compte de la réglementation sectorielle et des directives de l’UEMOA en matière de marché public.

Les négociations entre les parties ayant échoué, la société Innovent saisit le Centre d’arbitrage de la CCJA d’une demande d’arbitrage. La SBEE et l’État du Bénin soulèvent, in limine litis l’incompétence du tribunal arbitral mis en place pour deux raisons. D’une part, pour inexistence et expiration de la convention d’arbitrage et, d’autre part, pour nullité de la demande d’arbitrage tenant elle-même à la nullité des marchés objet du différend qui les oppose. Le tribunal arbitral a rendu le 5 mars 2021 une sentence partielle qui rejette toutes les exceptions d’incompétence et de nullité de la procédure soulevées par SBEE et l’État. Le recours en annulation contre la sentence partielle est introduit devant la CCJA avec pour moyen d’annulation : la contrariété de la sentence arbitrale à l’ordre public international. La Cour examine la cause et juge préalablement « que si l’article 21 du Règlement d’arbitrage de la CCJA enferme les parties dans des délais pour soulever une exception d’incompétence, il ajoute qu’à tout moment de l’instance, le Tribunal arbitral peut examiner d’office sa compétence pour des motifs d’ordre public et statuer sur l’exception d’incompétence soit par sentence préalable, soit dans une sentence définitive ou partielle après débats au fond, sujettes au recours en annulation ; que cette disposition postule que les exceptions d’incompétence fondées sur les moyens tirés de l’ordre public sont examinées toutes affaires cessantes, notamment en ce qu’ils convoquent des lois impératives et d’examen immédiat, sous réserve de la faculté du Tribunal arbitral de joindre expressément lesdits moyens au fond ».

Ensuite, la Cour se livre à une définition de la notion d’ordre public international en ces termes : « on recourt à la notion d’ordre public international pour désigner l’ensemble des règles reconnues par la Communauté des nations comme participant de la protection des intérêts supérieurs des États ; qu’il est commun aux pays reconnus par ladite Communauté de protéger leurs marchés par des règles impératives qui établissent alors un ordre public » et tire les conséquences de la méconnaissance par les arbitres de l’ordre public dans le cas d’espèce, en jugeant qu’ « en la cause, le Tribunal arbitral a, de fait, retenu sa compétence tout en ordonnant un sursis à statuer sur des moyens évoqués au soutien de son incompétence et tirés de la violation des règles dont l’impérativité commande un régime spécifique de traitement ; que la convention des marchés publics et le contrat subséquent n’ayant jamais rempli les conditions légales requises, ils étaient sous le coup de la déchéance ; qu’en retenant sa compétence dans ces conditions, le Tribunal arbitral a violé l’ordre public international, en ce qu’il a donné effet à une clause compromissoire inexistante au regard du droit interne du Bénin et des Directives de l’UEMOA en matière de marchés publics et de délégation de services publics ».

En plus, la Cour apporte des précisions utiles sur la nature et la portée du contrôle qu’elle exerce sur les sentences arbitrales en ces termes : « que la CCJA ne contrôle pas si le droit a été bien dit ni la solution de droit retenue ; qu’elle a mission de s’assurer que la sentence dont l’annulation est demandée est conforme à l’ordre public international ; qu’aussi, sans apprécier ni la pertinence ni l’opportunité de la sentence déférée, la Cour ne peut-elle que constater l’inaptitude de cette décision à intégrer l’ordre juridique interne de la République du Bénin ; que la seule exigence de la sentence partielle attaquée, comme acte de justice, contrarie les règles qui fixent les conditions de passation des marchés publics en matière d’énergie au Bénin, État partie au Traité de l’OHADA ; que le Tribunal arbitral n’a pas tenu compte, comme cela lui était expressément demandé par les requérants, du droit interne béninois et du droit communautaire UEMOA ; que les règles de police découlant de tout ce dispositif juridique, au demeurant conforme aux règles du commerce international, étant contraignante et s’imposant à tous, plutôt que d’en différer la mise en œuvre, le Tribunal arbitral devait immédiatement les appliquer ; qu’en procédant autrement, il a fait encourir à sa sentence partielle le grief allégué au moyen et celle-ci doit, en conséquence, être annulée ».

Enfin, la Cour termine son raisonnement en indiquant que « le juge de l’annulation se réfère à son propre ordre juridique, en ce que son appréciation se fait selon les règles impératives de son for ; qu’il existe en la cause un ordre public communautaire et toute sentence contraire à celui-ci ne serait pas exécutée ; qu’en particulier, la CCJA ne saurait, dans l’exercice de son pouvoir d’annulation des sentences arbitrales, accueillir l’argument d’un moyen précoce, alors que celui-ci poursuit le respect de l’ordre public qu’un juge, saisi du règlement contentieux d’un différend, n’est nullement autorisé, même provisoirement, à mettre en veille, en l’absence d’une disposition légale spécialement établie à cette fin, l’ordre public se caractérisant par la permanence de sa vigueur ».

L’affaire Société Béninoise d’Énergie Électrique (SBEE) et État du Bénin contre Société Innovent a le mérite d’apporter les éléments qui contribuent à donner un contenu à la notion d’ordre public international dans l’espace OHADA, avec comme valeur ajoutée qu’elle vient enrichir la jurisprudence de la CCJA sur la définition de cette notion [23]. Mais, il faut admettre que le motif de contrariété à l’ordre public international n’a pas reçu le même accueil dans les autres affaires rendues au cours de la même période.

Dans l’affaire Nemale Holding SAS et Monsieur Constant Nemale contre République de Guinée équatoriale, objet de l’arrêt n° 039/2021 rendu le 8 avril 2021 (N° Lexbase : A332343H), le recours en annulation était fondé sur la violation de l’ordre public international, en ce que le tribunal arbitral a tranché la demande d’intervention forcée formulée par les requérants en rendant l’ordonnance de procédure n° 5 du 11 décembre 2019 jugeant irrecevable ladite demande d’intervention forcée. Qu’en procédant ainsi, le tribunal arbitral a privé les demandeurs de leur droit au recours en annulation consacré par l’article 29.1 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, l’ordonnance de procédure étant une décision inattaquable.

Pour répondre à ce grief, la CCJA commence par relever que les parties à la présente procédure sont liées par un pacte d’actionnaire qui comporte une clause compromissoire qui ne lie que ses signataires et, le cas échéant, ceux qui y adhèrent. Qu’ainsi, la société Afrimedia International qui n’est pas partie au pacte d’actionnaire et par voie de conséquence à la convention d’arbitrage, ne saurait par demande d’intervention forcée, être attraite dans une procédure d’arbitrage déclenchée entre les véritables parties à ladite convention. Et la Cour conclut qu’ « en rendant l’ordonnance de procédure n° 5 en date du 11 décembre 2019, le Tribunal arbitral n’a nullement fait encourir à la sentence attaquée le grief de violation à l’ordre public international ».

L’enseignement juridique que l’on tire de cet arrêt est double. D’une part, la CCJA admet que le tribunal arbitral peut examiner et trancher une demande d’intervention forcée par une simple ordonnance de procédure sans avoir forcément besoin de rendre une sentence arbitrale partielle, lorsque d’après la convention d’arbitrage, la demande d’intervention vise une personne qui n’est pas liée par celle-ci. L’ordonnance se limitant tout simplement à déclarer la demande d’intervention irrecevable. Par ailleurs, la Cour précise que : « les ordonnances de procédure ont pour seul objet de résoudre les questions relatives au déroulement de l’instance ; que la société Afrimedia International n’a jamais formellement intégré l’instance arbitrale » puisqu’elle n’est pas partie à la convention d’arbitrage sur le fondement duquel Constant Nemale a initié la procédure d’arbitrage contre la République de Guinée Équatoriale.

D’autre part, l’arrêt précise qu’au sens des dispositions de l’article 8-1.1 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, l’intervenant, volontaire ou forcé, doit, ab initio ou par adhésion explicite ou implicite, être partie à la convention d’arbitrage justifiant l’instance arbitrale engagée. Ce qui en l’espèce, n’est pas le cas pour la société Afrimedia International.

Le motif tiré de la contrariété à l’ordre public international n’a davantage pas prospéré dans l’affaire Société Africaine de Construction Congo SA contre Société Parkland objet de l’arrêt n° 001/2021 du 14 janvier 2021 (N° Lexbase : A336443Y). Dans cette cause, sous le couvert de la violation de l’ordre public international, le recourant reprochait à la sentence arbitrale une contradiction et une insuffisance de motivation. La Cour rejette le moyen en précisant que, « le recours en annulation de sentence visé à l’article 29.2 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, qui prévoit parmi les causes d’annulation la contrariété à l’ordre public international, permet à la Cour de contrôler, non le bien-fondé ou non de la solution juridique retenue par la sentence, mais l’aptitude de celle-ci à s’insérer dans l’ordre juridique des États parties ; que telle que ci-dessus exposée, la première branche du premier motif d’annulation, prétendument tiré de la contrariété avec l’ordre public international, convie plutôt à une appréciation de la pertinence des motifs de la sentence entreprise, laquelle n’est pas du ressort de la Cour de céans statuant comme juge de l’annulation… ».

C’est le même raisonnement que la Cour a adopté dans son arrêt n° 111/2021 rendu le 3 juin 2021 (N° Lexbase : A985977B) dans l’affaire opposant Njounkwe Martin à ORAGROUP. Il était reproché à la sentence d’avoir violé l’ordre public international en ce que non seulement le tribunal arbitral n’a pas tenu compte de la pathologie de la clause arbitrale, mais encore, a ordonné la réparation des préjudices qui ne sont ni certains, ni directs, ni personnels. La Cour répond en ces termes : « attendu d’une part que la réparation de préjudices économique et moral dits incertains et hypothétiques d’une personne morale ne relève en rien de la violation de l’ordre public international ; que, d’autre part, c’est après une démonstration juridique au vu des éléments en sa possession que le Tribunal arbitral a alloué à la partie demanderesse des sommes en réparation des préjudices subis ; que, par ailleurs, en l’état de sa formulation, le motif invoqué tend à amener la Cour à examiner la motivation retenue par les arbitres au soutien de leur sentence, toute chose qui ne relève pas du contrôle de la CCJA en matière d’annulation… ».

La CCJA s’est également prononcé sur la pertinence du motif de violation de l’ordre public international dans l’affaire Entreprise Mukonki Mulimi Sarlu (EMM Sarlu) contre Société Kamoto Copper Company par arrêt n° 104/2022 rendu le 23 juin 2022 (N° Lexbase : A03768RD). Il était reproché au tribunal arbitral d’avoir refusé de faire application des principes généraux de droit alors que le droit applicable au litige est le droit Congolais. La Cour relève que le motif est mal fondé et le rejette, aucune contrariété à l’ordre public international n’étant caractérisée.

Certains arrêts rendus au cours des années 2021 et 2022 ont également posé le problème du non-respect par le tribunal arbitral de sa mission.

C. Sur le non-respect par le tribunal arbitral de sa mission

Les arbitres ne sont juges que par la volonté des parties et dans la limite de celle-ci. Si le tribunal arbitral ne respecte pas sa mission ou l’outrepasse, sa sentence encourt l’annulation. Le motif repose sur une violation de la volonté privée des parties. Sur la période considérée, la CCJA a connu de cinq affaires dans lesquelles le motif de non-respect par l’arbitre de sa mission est invoqué par les parties au soutien du recours en annulation. Dans trois affaires, le motif est invoqué de façon superficielle et confondu avec le défaut de motivation. Il s’agit des affaires : Société Nemale Holding SAS et Monsieur Constant Nemale contre République de Guinée Équatoriale [24] ; Monsieur Marc Orphanides contre Monsieur Alkarim Alnoor Jamal [25] et Njounkwe Martin contre ORAGROUP SA [26].

En revanche, c’est dans l’affaire Société Africaine de Construction au CONGO contre Société Parkland SA [27] et l’affaire Entreprise Mukonki Mulimi Sarlu (EMM Sarlu) contre Société Kamoto Copper Company que la CCJA se prononce effectivement sur le motif tiré du non-respect par le tribunal arbitral de sa mission.

Dans la première affaire citée, il est reproché à la sentence arbitrale le non-respect par l’arbitre de sa mission, en ce que celui-ci avait été investi par les parties litigantes du pouvoir de trancher leur différend en droit, ce qu’il n’aurait pas fait. La CCJA rejette le moyen en jugeant : « mais attendu qu’en reprochant à la sentence arbitrale le non-respect par l’arbitre de sa mission, en ce qu’investi par les parties litigantes du pouvoir de trancher leur différend en droit, ce dernier aurait failli à cette mission en adoptant des motifs limités et contradictoire, la requérante, qui ne saurait reprocher à un arbitre statuant en équité une contradiction ou une insuffisance de motifs, admet implicitement que celui-ci n’a pas jugé en amiable composition mais plutôt en droit, conformément à la mission qui lui avait été confiée, que ce moyen n’est donc pas fondé et doit être rejeté ». La position de la Cour est justifiée et se comprend aisément. L’on ne peut reproché au tribunal arbitral de n’avoir pas respecté sa mission par ce qu’il n’aurait pas statué en droit comme convenu alors qu’il ressort bien des termes de la sentence que le tribunal n’a pas statué en amiable composition, mais effectivement en application de la règle de droit.

Une doctrine autorisée fait remarquer que le grief du non-respect de la mission de l’arbitre est une forme de motif « fourre-tout », apte à accueillir divers moyens au soutien de la demande d’annulation [28]. C’est pourquoi la jurisprudence s’évertue à en faire une interprétation restrictive. La révision au fond étant prohibée, il n’est donc pas possible de contester, sous l’invocation du non-respect de sa mission par le tribunal arbitral, ce qui a été jugé au fond. Ainsi, il est vain de contester la régularité de la sentence arbitrale en soutenant que le tribunal n’a pas respecté la mission qui lui a été confiée en ce que, ledit tribunal n’a pas, conformément à l’ordonnance de procédure n° 1, jugé opportun d’examiner les preuves qu’elle a présentées et s’est limité à dire qu’elle n’a jamais apporté les preuves de ses allégations et, d’autre part, que le tribunal arbitral est sorti de la mission qui lui a été assignée en s’étalant longuement et inutilement sur une demande en dédommagement initiée par la partie adverse. C’est ce que la CCJA a décidé dans la seconde affaire citée, non sans apporter des précisions utiles sur le cadre légal de la mission du tribunal arbitral, en ces termes : « Mais attendu, d’une part, que la mission du tribunal arbitral est délimitée par l’objet du litige ; que celui-ci est déterminé par les prétentions et demandes respectives des parties telles qu’exposées dans le procès-verbal  constatant l’objet de l’arbitrage et fixant le déroulement de la procédure prévue à l’article 15 du Règlement de procédure et, d’autre part, que le non-respect par le tribunal arbitral de sa mission ne peut avoir pour objet la révision au fond de la sentence ; qu’il permet seulement à la Cour de céans de vérifier si les arbitres se sont ou non conformés à leur mission, sur les points où leur décision est critiquée sans avoir à apprécier le bien-fondé de ladite décision ». Cette décision mérite d’être bien accueillie parce qu’elle a le mérite de déterminer le contenu de la notion de non-respect de sa mission par le tribunal arbitral.

L’activité de la CCJA en matière d’arbitrage, sur la période considérée, a également consisté à peaufiner le régime juridique de l’obligation de juger dans un certain délai désormais imparti aux juridictions nationales compétentes lorsqu’elles sont saisies du recours en annulation de la sentence arbitrale. La Haute cour s’est substituée aux juridictions nationales pour statuer sur le recours. C’est le mécanisme de saisine directe de la CCJA du recours en annulation en cas de défaillance de la juridiction nationale compétente.

II. Le mécanisme de saisine directe de la CCJA du recours en annulation

Le 23 novembre 2017, le Conseil des Ministres de l’OHADA, réuni à Conakry a adopté un nouvel Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, lequel abroge celui du 11 mars 1999. Ce nouveau texte, qui s’est inspiré de la loi-type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international [29] dans certaines de ses dispositions introduit des innovations majeures sur certaines dispositions. L’article 27 par exemple comporte une véritable innovation visant à conforter la célérité de l’arbitrage dans la gestion juridictionnelle du recours en annulation devant les juridictions nationales compétentes.

En effet, ce nouvel article 27 de l’AUA dispose que : « Le recours en annulation est recevable dès le prononcé de la sentence. Il cesse de l’être s’il n’a pas été exercé dans le mois de la signification de la sentence munie de l’exéquatur ».

La juridiction compétente statue dans les trois (3) mois de sa saisine. Lorsque ladite juridiction n’a pas statué dans ce délai, elle est dessaisie et le recours peut être porté devant la Cour commune de justice et d’arbitrage dans les quinze (15) jours suivants. Celle-ci doit statuer dans un délai maximum de six (6) mois à compter de sa saisine. Dans ce cas, les délais prévus par le Règlement de procédure de la Cour commune de justice et d’arbitrage sont réduits de moitié.

Tel que libellé, l’article précité constitue une véritable révolution dans le domaine de l’arbitrage OHADA, en ce qu’il instaure un mécanisme de saisine directe de la Cour commune de justice et d’arbitrage du recours en arbitrage suite au dessaisissement de la juridiction nationale compétente du fait de l’expiration du délai imparti pour juger.

Sur la période considérée, la CCJA a rendu trois (3) arrêts importants qui consolident le mécanisme de sa saisine directe du recours en annulation (A) de même qu’ils apportent des précisions juridiques utiles sur le sort de la décision rendue par la juridiction nationale compétente après l’expiration du délai imparti pour juger (B).

A. La consolidation de la saisine directe de la CCJA du recours en annulation suite au dessaisissement de la juridiction nationale compétente

Dans l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage qui constitue le droit commun de l’arbitrage dans l’espace OHADA, la sentence arbitrale peut faire l’objet d’un recours en annulation qui doit être porté devant la juridiction compétente dans l’État partie. Sans indiquer spécifiquement la juridiction compétente de l’État partie, l’AUA impartit néanmoins à cette juridiction un délai légal impératif de trois (3) pour statuer, c’est-à-dire pour juger du recours en annulation et rendre une décision. Passé ce délai, la partie demanderesse peut alors porter son recours devant la Cour commune de justice et d’arbitrage dans les 15 jours à compter de l’expiration du délai de trois (3) mois imparti.

Au crépuscule de l’année 2021, la CCJA a rendu le tout premier arrêt qui fait application des dispositions de l’article 27 de l’AUA adopté le 23 novembre 2017 et pose ainsi les bases du mécanisme de saisine directe institué. Il s’agit de l’arrêt n° 214/2021 du 23 décembre 2021 rendu dans l’affaire opposant Etablissement ENACAM à la Société Générale Cameroun (SGC) et le Centre de Médiation et d’Arbitrage du Groupement Inter-patronal du Cameroun (CMAG) (N° Lexbase : A62687NH). Dans cette cause, l’Etablissement ENACAM forme un recours en annulation devant la Cour d’appel du Littoral contre une sentence arbitrale rendue par un tribunal arbitral sous l’égide du CMAG. Trois (3) mois après sa saisine, la sour d’appel n’a pas rendu de décision dans l’affaire. C’est alors que le demandeur à l’annulation va porter son recours en annulation devant la CCJA dans le délai de quinze (15) jours imparti. Devant la CCJA, la SGC et le GICAM soulèvent l’exception d’irrecevabilité. La Haute cour passe outre et décide : « il ressort des pièces du dossier de la procédure que par assignation en date du 16 février 2021, les Ets ENACAM ont assigné la Société Générale Cameroun et le GICAM devant la Cour d’appel du Littoral d’un recours en annulation de la sentence rendue le 19 mai 2020 par le Tribunal arbitral composé de trois arbitres sous l’égide du GICAM ; que cette assignation a été déposée et reçue au greffe de ladite cour le 18 février 2021, enregistrée sous le n° 625, consacrant ainsi sa saisine ; que la Cour d’appel, n’ayant pas statué dans le délai de trois mois à compter de cette dernière date conformément à l’article 27 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, les Ets ENACAM ont introduit le 21 mai 2021, le présent recours en annulation ; que ledit recours ayant été introduit dans les conditions prévues par la loi, il y a lieu de le déclarer recevable ».

Commentant les dispositions de l’AUA, la doctrine indiquait déjà que l’article 27 de cet Acte uniforme instaure un dessaisissement de plein droit qui n’a pas besoin d’être constaté par un acte juridictionnel formel [30]. Il n’est pas exagéré de considérer que cette doctrine était très avancée sur la compréhension de cette disposition, puisqu’à la seconde occasion qu’elle a eu, la CCJA n’a pas manqué de faire cette précision, consacrant ainsi définitivement ce mécanisme de saisine directe suite au dessaisissement de la juridiction compétente dans l’État partie.

C’est l’affaire Société Fontaine à Bière (FAB) contre Société Anonyme des Brasseries du Cameroun (SABC) objet de l’arrêt n° 199/2022 rendu le 29 décembre 2022 (N° Lexbase : A82899NC) qui donne l’opportunité à la CCJA de se prononcer pour la seconde fois sur l’application stricte des délais édictés par l’article 27 de l’AUA, en précisant son régime juridique et sa portée.

Les faits sont presque identiques à ceux de la première affaire. Un Tribunal arbitral constitué sous l’égide du GICAM rend une sentence arbitrale dans une affaire opposant les parties précitées. La FAB introduit un recours en annulation contre cette sentence devant la Cour d’appel du Littoral qui laisse passer le délai de trois (3) mois sans rendre de décision. La FAB porte alors le recours en annulation devant la Cour commune de justice et d’arbitrage. Son adversaire, la SABC soulève l’irrecevabilité du recours en annulation devant la CCJA pour trois raisons. Elle estime tout d’abord que devant la Cour d’appel du Littoral, la FAB n’a pas exprimé un quelconque dessaisissement ; ensuite, parce qu’entretemps la Cour d’appel a finalement rendu une décision qui a autorité de la chose jugée ; et enfin, parce que FAB ne dit pas en quoi le dépassement du délai de trois (3) mois lui a causé préjudice.

La CCJA y répond avec précision : « Mais attendu qu’il résulte de l’article 27 susvisé que la juridiction compétente, saisie d’un recours en annulation de sentence arbitrale, statue dans les trois (3) mois de sa saisine. Lorsque ladite juridiction n’a pas statué dans ce délai, elle est dessaisie et le recours peut être porté devant la Cour commune de justice et d’arbitrage dans les quinze jours suivants ; que les dispositions péremptoires de ce texte ne laissent aucune place, pour leur application, à la démonstration d’un quelconque préjudice subi par une partie ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel du Littoral, saisie du recours en annulation le 17 septembre 2021, n’avait pas rendu sa décision à la date limite du 17 décembre 2021, conformément aux exigences de la loi susmentionnée ; qu’en conséquence, elle est dessaisie au profit de la Cour de céans, et il y a lieu de déclarer nuls et non avenus tous les actes relatifs à ce dossier prononcées par ladite Cour d’appel, après son dessaisissement ».

Le raisonnement de la CCJA est des plus explicites et ne laisse place à aucune discussion car bien conforme à l’esprit et à la lettre du texte. L’arrêt mentionne que pour l’application de l’article 27 de l’AUA, le demandeur qui porte son recours en annulation devant la CCJA n’a pas besoin de démontrer un quelconque préjudice qu’il aurait subi du fait du dépassement par la juridiction compétente dans l’État partie du délai de trois imparti pour juger. La Cour fait œuvre utile et comble la carence du législateur en se prononçant sur la valeur juridique des actes juridictionnels qui peuvent émaner de la juridiction compétente dans l’État partie après son dessaisissement. C’est la problématique du sort des décisions qui interviennent après la saisine directe de la Cour commune de justice et d’arbitrage.  

B. La valeur juridique des décisions émanant de la juridiction compétente dans l’État partie après dessaisissement

Il n’est pas exagéré d’affirmer que la rédaction de l’article 27 de l’AUA comporte quelques imprécisions qui peuvent rendre son application malaisée. Il s’agit du silence gardé quant au sort des décisions de justice qui sont rendues par la juridiction compétente dans l’État partie après son dessaisissement et la saisine immédiate de la Cour commune de justice et d’arbitrage. L’hypothèse n’est pas d’école. Il pourra bien arriver que la juridiction nationale compétente rende finalement une décision de justice après l’expiration du délai de trois (3) mois imparti pour statuer, alors même que le recours en annulation est déjà porté devant la CCJA.

Le législateur OHADA n’a pas expressément réglé cette question. Et pourtant, elle s’est posée dans l’affaire Société Fontaine à Bière contre la Société Anonyme des Brasserie du Cameroun. Alors que le recours en annulation avait déjà été porté devant la CCJA, la Cour d’appel du Littoral a rendu un arrêt qui déboute la FAB de son recours en annulation. C’est ce qui justifie que la SABC ait invoqué l’autorité de la chose jugée pour s’opposer à la recevabilité du recours en annulation porté devant la Cour commune de justice et d’arbitrage. Mais la Haute cour va saisir l’occasion pour se prononcer sur le sort de cette décision en jugeant qu’ « il y a lieu de déclarer nuls et non avenus tous les actes relatifs à ce dossier prononcés par ladite Cour d’appel, après son dessaisissement ». Ainsi, du fait de son dessaisissement d’office après le dépassement du délai de trois (3) mois imparti pour statuer, la juridiction compétente de l’État partie doit s’abstenir de rendre toute décision de justice. Mais la question reste celle de savoir comment procéder dans la pratique. L’on pourrait penser au sursis à statuer et au renvoi de la cause au rôle général jusqu’à l’intervention de l’arrêt de la CCJA qui justifiera la remise au rôle de l’affaire pour constater par décision formelle qu’en raison de l’arrêt de la CCJA, la juridiction compétente de l’État partie ne peut plus statuer. L’on pourrait également penser que la juridiction compétente de l’État partie rende une décision dans laquelle elle constate formellement son dessaisissement d’office et l’impossibilité de statuer désormais dans l’affaire.

La solution retenue par la CCJA dans ces affaires invite les juridictions compétentes dans les États parties à une plus grande vigilance quant au respect strict des délais de procédure édictés dans l’AUA, notamment le délais de trois (3) mois qui leur est imparti pour statuer sur les recours en annulation contre les sentences arbitrales.

Cependant, il n’y a pas que les juridictions nationales qui doivent veiller au respect desdits délais. Cela s’impose également aux parties qui courent le risque de voir leur recours en annulation être jugé irrecevable lorsque ledit recours est introduit devant la CCJA plusieurs jours, voire plusieurs mois après l’expiration du délai de trois (3) mois légalement imparti à la juridiction compétente dans l’État partie pour statuer.

C’est bien de cela qu’il a été question dans l’affaire État du Niger contre Garba Nadéré, Alhassane Ismaël Abdourahmane et autres, objet de l’arrêt n° 183/2022 rendu le 24 novembre 2022 (N° Lexbase : A31249H8). Une sentence arbitrale est rendue dans un différend opposant les parties précitées. L’État du Niger saisit le Président de la Cour d’appel de Niamey d’un recours en annulation contre cette sentence. Le Président juge le recours irrecevable pour forclusion par arrêt n° 001/2021 du 21 avril 2021. L’État du Niger forme un pourvoi contre cet arrêt devant la CCJA, qui l’examinant, se prononce d’office sur la validité de l’arrêt déféré en application de l’article 27, alinéa 2 de l’AUA, et juge qu’ « il ressort des éléments du dossier que le 20 avril 2020 puis le 16 juin 2020, l’Etat du Niger a saisi la Cour d’appel de Niamey d’un recours en annulation contre la sentence arbitrale rendue le 16 mars 2020 ; qu’en application des dispositions de l’article 27, alinéa 2 sus-visé, la juridiction saisie avait 3 mois pour se prononcer sous peine de dessaisissement et devait rendre sa décision au plus tard le 17 septembre 2020 ; qu’au-delà de cette date, elle se trouvait dessaisie de l’affaire et ne pouvait plus rendre aucune décision ; qu’il y a lieu de déclarer non avenu, l’arrêt n° 001.2021 rendu le 21 avril 2021 par la Cour d’appel de Niamey ».

La Cour va plus loin dans son raisonnement et rappelle à l’État du Niger que faute pour lui d’avoir fait diligence dans le délai de quinze jours imparti, notamment en portant le recours en annulation devant la Cour commune de justice et d’arbitrage dès l’expiration des trois (3) mois, son pourvoi ne peut être reçu. L’attendu mérite d’être cité : « que d’autre part, en application des mêmes dispositions ci-dessus relevées, l’État du Niger avait un délai de 15 jours à partir du dessaisissement de la Cour d’appel pour saisir la Cour de céans d’un recours en annulation de ladite sentence ; qu’en ayant pas agi dans ce délai, il y a lieu de déclarer son pourvoi irrecevable comme exercé contre une décision non avenue ».

L’enseignement qui se dégage de cet arrêt est que le pourvoi en cassation n’est point ouvert au justiciable qui ne porte pas son recours en annulation devant la CCJA dans le délai de quinze jours à compter du dessaisissement de la juridiction compétente de l’État du fait du dépassement du délai légal de trois (3) mois imparti pour juger. Et la raison est fort simple : la décision rendue par la juridiction compétente de l’État partie nonobstant son dessaisissement d’office est nulle et non avenue. Le mérite de cette jurisprudence est qu’elle apporte des réponses concrètes aux questions et difficultés pratiques qu’aurait posées l’application de l’article 27 de l’AUA. L’on ne peut que rendre hommage à la CCJA qui assume véritablement son rôle de garante de l’application et de l’interprétation uniforme du droit OHADA.

Néanmoins, l’arrêt donne un goût d’inachevé. L’on aurait espéré que la CCJA aille plus loin dans sa motivation et fixe les parties sur le sort de la sentence arbitrale querellée. En effet, une doctrine [31] bien avisée se demandait ce qui se passerait si le demandeur au recours en annulation omettait de saisir la CCJA dans les quinze jours. Son premier recours en annulation (formé dans les délais) deviendrait-il caduc de sorte que le demandeur en nullité se retrouverait définitivement forclos et la sentence définitive ? L’arrêt État du Niger contre Garba Nadéré aurait apporté une réponse à cette interrogation si la Haute cour avait saisi l’opportunité pour fixer les parties sur le sort de la sentence arbitrale querellée lorsque le demandeur ne porte pas son recours en annulation à Abidjan dans les quinze jours de l’expiration du délai de trois mois imparti. L’on ne peut qu’espérer que la cour se prononce sur cette question à la prochaine occasion.

Au regard de la solution dégagée dans ces trois arrêts, l’on peut dire que globalement, la CCJA s’affirme comme étant le meilleur allié de l’arbitrage en affinant le régime juridique du mécanisme de saisine directe introduit dans l’article 27 de l’AUA par la réforme de 23 novembre 2027. Néanmoins, la cour n’est pas exempte de tout reproche, notamment au sujet de l’application stricte des dispositions de l’article 27 de l’AUA par elle-même. En effet, lorsque la cour est saisie suite au dessaisissement de la juridiction compétente de l’État partie, l’article 27 de l’AUA, en son dernier paragraphe, lui impartit également un délai pour juger en disposant que « celle-ci doit statuer dans un délai maximum de six (6) mois à compter de sa saisine », et pour permettre à la CCJA de statuer avec célérité le législateur a abrégé les délais d’instruction, en énonçant dans la dernière phrase de l’article 27 de l’AUA que « dans ce cas, les délais prévus par le Règlement de procédure de la Cour commune de justice et d’arbitrage sont réduits de moitié ».

Une lecture attentive des trois arrêts laisse entrevoir que la CCJA les a rendus en violation de l’exigence légale selon laquelle elle doit statuer dans un délai maximum de six (6) mois. Dans l’affaire Etablissement ENACAM contre Société Générale Cameroun et GICAM, l’arrêt de la cour est rendu sept (7) mois après sa saisine. Si l’on peut tolérer un retard d’un (1) mois, force est de constater que dans l’affaire Société Fontaine à Bière contre Société Anonyme des Brasseries du C, l’arrêt rendu est intervenu douze (12) mois après la saisine de la cour. Le record de tardiveté est atteint avec l’affaire État du Niger contre Garba Nadéré et autres où l’arrêt de la CCJA est rendu dix-sept (17) mois après la saisine de la Haute juridiction. C’est dire que le délai moyen minimum au terme duquel la cour statue est de sept mois, au lieu de six (6) mois maximum comme prévu par le texte de l’AUA. Il s’agit tout de même d’une lenteur que la cour doit vite corriger pour être non seulement en conformité avec les dispositions impératives de l’AUA, mais aussi pour conférer à ses arrêts une autorité au-dessus de tout soupçon, car il est difficile d’accepter qu’une juridiction suprême reproche aux juridictions inférieures la violation d’une loi qu’elle-même ne respecte pas convenablement. Les délais édictés par l’article 27 de l’AUA sont prévus pour renforcer la célérité dans l’arbitrage OHADA [32]. Si ces délais s’imposent strictement aux juridictions compétentes dans les États parties ainsi que cela ressort des arrêts de la CCJA, ces délais doivent également s’imposer à la Haute juridiction qui doit y veiller afin de rester cohérente avec ses propres décisions.

Par ailleurs, l’application des dispositions de l’article 27 de l’AUA suscite une autre question, celle du bénéfice des délais de distance lorsque l’une des parties réside en dehors du siège de la Cour commune de justice et d’arbitrage. Rappelons sur ce point que la CCJA a pris la décision n° 002/99 du 4 février 1999, augmentant les délais de procédure en raison de la distance. Aux termes de cette décision : « sauf si les parties ont leur résidence habituelle en Côte d’Ivoire, les délais de procédure sont augmentés en raison de la distance comme suit : en Afrique centrale de 21 jours ; en Afrique de l’Ouest de 14 jours ; en République fédérale islamique des Comores et autres pays de 30 jours ». La question n’est pas sans intérêt. Un plaideur qui a omis de porter son recours en annulation devant la CCJA dans les quinze jours à compter du dessaisissement d’office de la juridiction compétente de l’État partie, pourra se prévaloir du bénéfice des délais de distance ci-dessus pour soutenir la recevabilité de son recours devant la Haute juridiction.

En attendant que la CCJA se prononce formellement sur ce point, nous pensons que les délais de distance édictés par la décision n° 002/99 ne concernent que les recours en cassation formés contre les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions nationales des États parties conformément aux articles 14 et 15 du Traité OHADA. Ces délais ne sauraient s’appliquer au recours en annulation porté devant la CCJA suite au dessaisissement des juridictions nationales pour dépassement du délai imparti pour statuer. L’invocation du bénéfice des délais de distance sera donc inopérante, à moins que la CCJA ne décide du contraire dans une décision qu’elle devra donc savamment motiver pour convaincre la communauté arbitragiste de l’espace OHADA.

En conclusion, il y a lieu de saluer le travail de la Cour commune de justice et d’arbitrage au cours des années 2021 et 2022. Si sur le plan quantitatif, l’on peut regretter que son activité au cours de ces deux années n’ait pas été très prolifique en matière d’arbitrage, l’on peut tout au moins se réjouir de cette activité sur le plan qualitatif en raison de la pertinence des solutions juridiques données aux affaires qui lui sont soumises, même si l’on ne peut manquer de relever quelques décisions discutables. Aucune œuvre humaine n’étant parfaite, mais perfectible, l’on peut tout simplement souhaiter que l’activité prétorienne de la cour soit plus féconde au cours de l’année 2023 avec des solutions juridiques encore plus pertinentes pour le rayonnement de l’arbitrage OHADA.

 

[1] A. Feneon, Le recours en annulation après la réforme du droit OHADA du 23 novembre 2017, Penant, 2018, n° 904, p. 315-344.

[2] A. Ngwanza, L’arbitrage OHADA à la croisée des chemins, in A. Ngwanza (dir), Vingt ans d’arbitrage OHADA : bilan et perspectives, Actes du Colloque des 17 et 18 octobre 2019 organisé par la Conférence des Barreaux de l’Espace OHADA et Jus AFRICA, p. 3-18 ; C. A. Ondo Mve, Les vingt ans d’indépendance juridictionnelle de la CCJA, in A. Ngwanza (dir), 20 Ans de jurisprudence CCJA, Acte du colloque organisé du 23 au 25 mars 2022 à Yaoundé par la Conférence des Barreaux de l’Espace OHADA et Jus AFRICA, éd. 2022, p. 33-47.

[3] A. Ngwanza, L’essor de l’arbitrage international en Afrique sub-saharienne : les apports de la CCJA, Revue de l’ERSUMA, n° 3, pp. 30-79.

[4] A. Ngwanza, Lueurs et leurres de la jurisprudence CCJA, in A. Ngwanza (dir), 20 Ans de jurisprudence CCJA, Acte du colloque organisé du 23 au 25 mars 2022 à Yaoundé par la Conférence des Barreaux de l’Espace OHADA et Jus AFRICA, éd. 2022, p. 15-31.

[5] M. Akakpo, La protection de la convention d’arbitrage, in A. Ngwanza (dir), Vingt ans d’arbitrage OHADA : bilan et perspectives, Actes du Colloque des 17 et 18 octobre 2019 organisé par la Conférence des Barreaux de l’Espace OHADA et Jus AFRICA, p. 35-51 ; Abbé Yao, Les États membres de l’OHADA dans l’arbitrage CCJA, in A. Ngwanza (dir), Vingt ans d’arbitrage OHADA : bilan et perspectives, Actes du Colloque des 17 et 18 octobre 2019 organisé par la Conférence des Barreaux de l’Espace OHADA et Jus AFRICA, p. 103-124 ; Jalal El Ahdab, L’efficacité des sentences arbitrales, in A. Ngwanza (dir), Vingt ans d’arbitrage OHADA : bilan et perspectives, Actes du Colloque des 17 et 18 octobre 2019 organisé par la Conférence des Barreaux de l’Espace OHADA et Jus AFRICA, p. 67-77 ; A. Ngwanza, La double compétence de la CCJA à l’épreuve de la pratique, in A. Ngwanza (dir), Vingt ans d’arbitrage OHADA : bilan et perspectives, Actes du Colloque des 17 et 18 octobre 2019 organisé par la Conférence des Barreaux de l’Espace OHADA et Jus AFRICA, p. 81-101 ; D. N’Doningar, Le juge arbitragiste de l’espace OHADA, in A. Ngwanza (dir), Vingt ans d’arbitrage OHADA : bilan et perspectives, Actes du Colloque des 17 et 18 octobre 2019 organisé par la Conférence des Barreaux de l’Espace OHADA et Jus AFRICA, p. 359-374.

[6] P. Leboulanger, Note sous CCJA, n° …../2002 du 10 janvier 2002, aff. Compagnie des Transports de Man (CTM) c/ Compagnie d’Assurance Colina SA, Revue Camerounaise de l’arbitrage, octobre-novembre-décembre 2002, n° 19, p. 10-19 ; A. Feneon, Note sous CCJA, n° 010/2003 du 19 juin 2003, aff. Époux Delpech c/ SOTACI, Revue Camerounaise de l’arbitrage, janvier-février-mars 2005, n° 28, p. 17-25 ; G. Kenfack Douajni, Note sous CCJA, n° 028/2007 du 19 juillet 2007, aff. Société NESTLE SAHEL c/ Société Commerciale d’Importation Azar et Salame dite SCIMAS et n° 029/2007 du 19 juillet 2007, aff. Société Ivoirienne de Raffinage dite SIR SA c/ Bona Shipholding LTD et autres, Revue Camerounaise de l’arbitrage, juillet-août-septembre 2007, n° 38, p. 9-19 ; G. Kenfack Douajni, note sous CCJA, n° 23/2004 du 17 juin 2004, Parti Démocratique de Côte d’Ivoire dite PDCI-RDA c/ Société J & A International Compagnie Sarl, Revue Camerounaise de l’arbitrage, avril-mai-juin 2008, n° 41, p. 23-25 ; G. Kenfack Douajni, Note sous CCJA, n° 43/2008 du 17 juillet 2008, aff. Dam Sarr c/ Mutuelle d’Assurance des Taxis Compteurs d’Abidjan dite MATCA ; n° 044/2008 du 17 juillet 2008, aff. Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles dite SARCI Sarl c/ Atlantique Télécom SA et Telecel Benin SA ; n° 045/2008 du 17 juillet 2008, aff. Société Nationale pour la Promotion Agricole dite SONAPRA c/ Société des Huileries du Benin dite SHB, Revue Camerounaise de l’arbitrage, juillet-août-septembre 2008, n° 42, p. 9-30 ; S. Bebohi Ebongo, Note sous CCJA, n° 031/2009 du 30 avril 2009, aff. Kiendrebreogo Rayi Jean c/ Banque Internationale du Burkina dite BIH, Revue Camerounaise de l’arbitrage, juillet-août-septembre 2009, n° 46, p. 18-26 ; G. Kenfack Douajni, Note sous arrêt n° 041/2010 du 10 juin 2010 et n° 003/2011 du 31 janvier 2011, aff. Atlantique Telecom c/ PLANOR AFRIQUE SA et TELECEL FASO SA ; S. Bebohi Ebongo, Note sous arrêt n° 020/2013 du 18 avril 2013, aff. Société Inter-Africaine de Distribution dite IAD c/ Compagnie Malienne pour le Développement des Textiles dite CMDT et Groupement des Syndicats de Producteurs de Coton et viviers du Mali dite GSCVM, Revue Camerounaise de l’arbitrage, juillet-août-septembre 2013, n° 62, p. 3-12 ; Ph. Zangue, Note sous arrêt n° 039/2014 du 17 avril 2014, État du Mali c/ Société CFAO, Revue Camerounaise de l’arbitrage, avril-mai-juin 2014, n° 65, p. 9-16 ; Ph. Zangue, Note sous arrêt n° 098/2014 du 30 octobre 2014, aff. SCP Pyramidion c/ Agence des Travaux d’Infrastructures du Mali dite AGETIER-MALI ; n° 099/2014 du 30 octobre 2014, aff. SGEFCO c/ CELTEL Congo, Revue Camerounaise de l’arbitrage, octobre-novembre-décembre 2014, n° 67, p. 15-27 ; Ph. Zangue, Note sous arrêt n° 018/2015 du 2 avril 2015, Société United Bank (UBA) c/ Société Beneficial Life Insurance (BLI), Revue Camerounaise de l’arbitrage, juillet-août-septembre 2015, n° 70, p. 9-16 ; S. Bebohi et Ph. Zangue, Note sous arrêt n° 103/2015 du 15 octobre 2015, aff. Société Benin Control SA c/ État du Benin ; n° 104/2015 du 15 octobre 2015, aff. État du Benin c/ Société Commune de Participation et Patrice Talon, Revue Camerounaise de l’arbitrage, octobre-novembre-décembre 2015, n° 71, p. 8-18 ; Ph. Zangue, Note sous CCJA, n° 069/2015 du 29 avril 2015, aff. La Société Bougainvilliers, La société Immobilière Thiam Banda, devenue société d’investissement Thiam Banda SA, Les Héritiers c/ Monsieur Paul Mochet, Revue Camerounaise de l’arbitrage, janvier-février-mars 2016, n° 71, p. 19-27 ; CCJA, n° 097/2015 du 23 juillet 2015, SODIMA devenue SANIA-Cie SA c/ Dramera Mamadou, Revue Camerounaise de l’arbitrage, avril-mai-juin 2016, n° 73, p. 14-18 ; Ph. Zangue, Note sous CCJA, n° 044/2016 du 18 mars 2016, aff. Ph. Gnankou Goth c/ Fonds d’Entretien Routier et Société ECOBANK CÔTE D’IVOIRE, Revue Camerounaise de l’arbitrage, octobre-novembre-décembre 2016, n° 75, p. 10-17 ; Ph. Zangue, Note sous arrêt n° 034/2017 du 9 mars 2017, aff. Société Libya Oil TCHAD c/ Société GAMMA Sarl, Revue Camerounaise de l’arbitrage, octobre-novembre-décembre 2017, n° 79, p. 11-13, n° 037/2017 du 9 mars 2017, aff. A. Kouassi Yao c/ Société Armajaro CÔTE D’IVOIRE, Revue Camerounaise de l’arbitrage, octobre-novembre-décembre 2017, n° 79, p. 14-19 ; Ph. Zangue, Note sous CCJA, n°……/2018 du 12 avril 2018, aff. État du Niger et la SELARL GRAMOND-KERVERSAU c/ Société Africard Co Limited, Revue Camerounaise de l’arbitrage, juillet-août-septembre 2018, n° 82, p. 21-27 ; Ph. Zangue, Note sous CCJA, arrêt n° 096/2018 du 26 avril 2018, Entreprise TECHNIFER GC c/ Société INJELEC Sarl, Revue Camerounaise de l’arbitrage, janvier-février-mars 2019, n° 84, p. 13-21 ; Ph. Zangue, Note sous CCJA, n° 249/2019 du 7 novembre 2019, aff. Banque de Développement des Comores (BDC) c/ Société Négoce International de Commerce (NICOM), Revue Camerounaise de l’arbitrage, juillet-août-septembre 2019, n° 86, p. 12-16 ; Awa Adjidja, Note sous CCJA, n° 012/2019 du 24 janvier 2019, aff. Société Générale BURKINA-FASO c/ Nare Guibrina, Revue Camerounaise de l’arbitrage, octobre-novembre-décembre 2019, n° 87, p. 16-25 ; Ph. Zangue et Awa Adjidja, Note sous CCJA, n° 284/2019 du 28 novembre 2019, n° 293/2019 du 28 novembre 2019, n° 277/2019 du 28 novembre 2019, Revue Camerounaise de l’arbitrage, janvier-février-mars 2020, n° 88, p. 13-26 ; Awa Adjidja, Note sous CCJA, n° 253/2019 du 7 novembre 2019, aff. Société VODACOM International Limited c/ Société Congolese Wireless Network Sarl, Revue Camerounaise de l’arbitrage, avril-mai-juin 2020, n° 89, p. 11-16 ;

- Voir également : F. Anoukaha et R. Mafo Diffo, RJ Arbitrage et autres modes alternatifs de règlement des litiges - Cour commune de justice et d’arbitrage (2002-2008), JURIDIS Périodique, octobre-novembre-décembre 2017, n° 112, pp. 126-133.

- Voir aussi : F. Anoukaha et R. Mafo Diffo, RJ Arbitrage et autres modes alternatifs de règlement des litiges- Cour commune de justice et d’arbitrage, JURIDIS Périodique, juillet-août-septembre 2021, n° 127, pp. 67-73.

[7] J. Mbosso, La jurisprudence et la diffusion du droit, facteurs de réussite de l’OHADA au service des justices nationales, Revue Camerounaise de l’arbitrage, octobre-novembre-décembre 2005, n° 31, p. 3-9.

[8] CCJA, n° 173/2021 du 28 novembre 2021, aff. Ch. Loemba c/ Etablissement Carnaval Casino, A. Chelala Liliane, Chelala Daoud, L. Chelala Daoud, J. Chelala et Chelala épouse Sharhrbabaki, inédit.

[9] CCJA, n° 002/2022 du 20 janvier 2022, aff. Société Brasserie BB Lome SA (dite BB Lome) c/ Société CTC-ADDRA ‘All Deal Driving Real Negoce Arrangement’ dite CTC-ADDRA, inédit.

[10] CCJA, n° 097/2021 du 27 mai 2021, aff. AFRICARAIL SA, Monsieur M. Bosio c/ État du Bénin, État du BURKINA FASO, État du Niger, État du Togo, inédit. Pour une étude doctrinale sur la question dans l’espace OHADA, voir F. X. Mbono, L’intervention du juge étatique dans la procédure arbitrale, in A. Ngwanza (dir), Vingt ans d’arbitrage OHADA : bilan et perspectives, Actes du Colloque des 17 et 18 octobre 2019 organisé par la Conférence des Barreaux de l’Espace OHADA et Jus AFRICA, p. 53-65 ; voir également : M. W. Bühler et A. S. Gidion, Le défi de la complémentarité entre le juge et l’arbitre dans l’espace OHADA, Penant, n° 904, p. 275-295.

[11] CCJA, n° 110/2021 du 3 juin 2021, aff. Société ORABANK CÔTE d’IVOIRE c/ Société ECOGIF Distribution Sarl et Société Expertis SA, inédit.

[12] CCJA, n° 135/2021 du 24 juin 2021, aff. ASCOT Commodities c/ Monsieur Bocar Samba Diew, inédit.

[13] Sur le terrain de l’incompétence des juridictions étatiques en présence d’une convention d’arbitrage, la CCJA avait déjà fait ses preuves en se montrant favor arbitri, notamment par ses premiers arrêts : CCJA, 24 février 2005, n° 12, société de manufacture de CÔTE d’IVOIRE dite MACACI c/ May Jean Pierre, Recueil de Jurisprudence de la CCJA, janvier-juin 2005, n° 5, vol. 2, p. 27 ; CCJA, n° 020/2008 du 24 avril 2008, Sow Yérim Abib c/ Ibrahim Souleymane Aka et Koffi Sahouot Cédric, AJ, n° 63, p. 147, note F. Komoin ; CCJA, n° 043/2008 du 17 juillet 2008, Dam Sarr c/ Mutuelle d’Assurance des Taxis Compteurs d’Abidjan dite MATCA, inédit.

[14] A. Feneon, Le recours en annulation après la réforme du droit OHADA du 23 novembre 2017, Penant, n° 904, op. cit

[15] La récusation est l’expression par une partie, selon la procédure prévue à cet effet, du refus pour un motif légitime de voir un juge composer le tribunal appelé à statuer sur une affaire. La procédure de la récusation s’impose dans l’arbitrage. Comme l’énonce la Cour d’appel de Paris, « les arbitres étant les juges du litige qui leur est déféré, l’indépendance d’esprit indispensable à l’exercice d’un pouvoir juridictionnel, quelle qu’en soit la source, est l’une des qualités essentielles des arbitres, les soumettant aux mêmes causes de récusation que les membres des juridictions étatiques », CA Paris, 8 mai 1970, D., 1970, p. 635, note J. Robert, cité par E. Loquin, Arbitrage, L’arbitre, JCl. Procédure civile, LexisNexis, 2013, fasc., 1015.

[16] Article 4.2, Paragraphe 1 du Règlement d’arbitrage de la Cour commune de justice et d’arbitrage. D’après le 3e Paragraphe de cet article, c’est la Cour qui statue sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande de récusation après que le Secrétaire Général a mis l’arbitre concerné, les parties et les autres membres du tribunal arbitral s’il y en a, en mesure de présenter leurs observations par écrit dans un délai approprié.

[17] C’est le problème qui s’est posé dans l’affaire International Business Corporation c/ SNH et personnel SNH (Paris, 25 février 2020, International Business Corporation, n° 16/22740). L’intérêt de l’arrêt porte sur la récusationou plutôt l’absence de récusation – d’un des arbitres. Le 28 août 2012, la SNH et son personnel ont désigné comme arbitre un « fonctionnaire camerounais au service de l’État du Cameroun ». Or, la SNH est « un démembrement extrêmement puissant » de l’État du Cameroun. En conséquence, les demandeurs ont écrit au secrétariat général de la CCJA pour s’opposer à la désignation de l’arbitre. Par la suite, le secrétariat général de la CCJA a informé l’arbitre de sa désignation par les défendeurs au recours ainsi que de l’opposition des demandeurs au recours à sa confirmation. Il a invité l’arbitre, conformément à l’article 4.1 du Règlement d’arbitrage, à notifier à la Cour son acceptation et lui faire connaître, le cas échéant, les faits ou circonstances susceptibles de mettre en cause son indépendance dans l’esprit des parties. L’arbitre a transmis à la CCJA sa déclaration d’acceptation et d’indépendance et il a été confirmé dans ses fonctions. À la suite de cette confirmation, les demandeurs n’ont pas formé de demande en récusation. La sanction de la Cour d’appel de Paris est immédiate. Conformément à une jurisprudence désormais bien établie, l’absence de demande de récusation caractérise une renonciation, au sens de l’article 1466 du Code de procédure civile. À défaut de réaction, la partie est irrecevable à se prévaloir du grief devant le juge du recours.

[18] Aff. Entreprise Mukonki Mulimi Sarlu c/ Société Kamoto Copper Company SA.

[19] C. Panou, Le consentement à l’arbitrage. Étude méthodologique du droit international privé de l’arbitrage, IRIS éditions, 2011, 341 p.

[20] Paris, 18 mai 2013, n° 11/17672, D., 2013, 2936, obs. T. Clay ; JCP, 2013, Doctr., 1391, obs. J. Ortscheidt ; 1er  avril 2014, n° 12/15479 ; 14 octobre 2014, n° 13/13459, D., 2014, 2541, obs. T. Clay ; Newsletter du CMAP, novembre 2014, p. 10, obs. L. Jandard ; Cah. arb., 2014, 795, note D. Cohen ; Rev. arb., 2015, 151, note M. Henry ; 18 décembre 2018, n° 16/26009, Dalloz actualité, 29 janvier 2019, obs. J. Jourdan-Marques ; Gaz. Pal., 2019, n° 11, p. 41, obs. D. Bensaude.

[21] CA Paris, 12 janvier 1996, Rev. arb., 1996, p. 428, note Ph. Fouchard, cité par E. Loquin, Arbitrage, L’arbitre, JCl. Procédure civile, LexisNexis, 2013, fasc., 1015.

[22] J.-B. Racine, Droit de l’arbitrage, Thémis, PUF, 2016, 1e éd., p. 602.

[23] Dans l’affaire Société Planor Afrique contre Société Atlantique Telecom SA, (n° 031/2011 du 31 janvier 2011), la CCJA estime que « l’autorité de la chose jugée, principe fondamental de la justice en ce qu’il assure la sécurité juridique d’une situation acquise, participant de l’ordre public international au sens 29.2 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, s’oppose à ce que l’arbitre statue dans la même cause opposant les mêmes parties ». CCJA réitère sa position dans l’arrêt n° 68/2020 du 27 février 2020, aff. État du Bénin c/ Société Générale de Surveillance, inédit.

[24] Arrêt n °39/2021 du 8 avril 2021, inédit.

[25] Arrêt n° 063/2021 du 8 avril 2021, inédit.

[26] Arrêt n° 111/2021 du 3 juin 2021.

[27] Arrêt n° 001/2021 du 14 janvier 2021.

[28] J.-B. Racine, Droit de l’arbitrage, Thémis, PUF, 2016, 1e éd., p. 588.

[29] G. Kenfack Douajni, Le nouvel Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage dans le cadre du Traité OHADA, Revue Camerounaise de l’Arbitrage, mai 2018, n° spécial, p. 14.

[30] N. Aka, A. Feneon et J.-M. Tchakoua, Le nouveau droit de l’arbitrage et de la médiation en Afrique (OHADA), Commentaire de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, du Règlement d’arbitrage de la CCJA et de l’Acte uniforme relatif à la médiation, 23 novembre 2017, LGDJ-Lextenso, 2018, p. 140.

[31] O. Cuperlier, La célérité dans l’arbitrage OHADA, in A. Ngwanza (dir), Vingt ans d’arbitrage OHADA : bilan et perspectives, Actes du Colloque des 17 et 18 octobre 2019 organisé par la Conférence des Barreaux de l’Espace OHADA et Jus AFRICA, p. 267.

[32] O. Cuperlier, La célérité dans l’arbitrage OHADA, op. cit.

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